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HARVARD COLLEGE LIBRARY
BOUGHT FROM THE INCOME OF THE FUND
BEQUEATHED BV
PETER PAUL FRANCIS DEGRAND
U 787-1855)
OF BOSTON
FOR FRENCK WORKS AND PERJODIÇALS ON THÉ EXACT SCIENCES
AND ON CHEMISTRV, ASTROSOMY AND OTHEtt SCIENCES
APPUEÛ TO THE ARTS AND TO NAVIGATION
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J
y
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1
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ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES- LETTRES ET ARTS DE LYON
MÉMOIRES
DE LA CLASSE DES LETTRES
c
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MÉMOIRES
L'ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS
DE LYON
CLASSE DES LETTRES
VOLUME VINGT ET UNIEME
PARIS
J.-B. BAILLIÊRE, libraire, rue Hautefeuille
LYON
Ch. PALUD, libraire, rue de la Bourse
i885
1 BEÏCaiiUfSl'ALT j
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LSoc 1636.17
HARVARD COLLEQE UBRARIT
DE6RAN0FUN0
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ACADÉMIE
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES^ET ARTS
DE LYON
État de rAcadémie au l*' janvier 1885
MEMBRES ASSOCIÉS.
MM. Jayr, ancien préfet du Rhône, à Ceyzériat (Ain) (1842).
La Comtesse d'Aleskewitch (1842).
Réveil (Edouard), ancien maire de Lyon (1848).
Chevreul, de l'Institut, à Paris (i852).
DuMONT, de r Institut, à Paris (1862).
B0NNASSIEUX, de rinstitut, à Paris (1869).
Meissonier, de Tlnstitut, à Paris (1873).
Le Commandeur De Rossi, à Rome (1876).
Pasteur, de l'Institut, à Paris (1877).
Bertrand (Joseph), de l'Institut, à Paris (i883).
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BUREAU POUR LES ANNÉES 1884 et i885.
GUne dM Sdeicei. M«4«ttni«tArti.
Présidents MM.Marmy ciDelocre, Mollière.
Secrétaires généraux. . Bonnel, Heinrich.
Secrétaires adjoints . . Allégret, E. Guimet.
Trésorier H. Morin-Pons.
Archiviste Saint-Lager.
CLASSE DES SCIENCES.
|0 MEMBRES TITULAIRES ÉMÉRITES.
MM. Tisserand, à Mâcon (1876).
Michel (Jules), à Paris (1878).
Falsan, à Collonges-sur-Saône (1884).
!• MEMBRES TITULAIRES.
Mathématiques, Mécanique et Astronomie,
Physique et Chimie.
(Neuf Membres.)
MM. Glénard(i857).
Loir (1862).
Aynard(i865).
Lafon (1873).
BoNNEL (1874).
Delocre(i876).
André (1878).
Allégret (1879).
Valson (1882).
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SECTION II*.
Sciences naturellesy Zoologie, Botanique, Minéralogie
et Oéologie, Économie rurale.
(Neuf Membrea.)
MM. Jordan (Al.) (i85o).
Berthaud(i873).
Chauveau(i876).
Lortet(i876).
Marmy(i878).
Chantre (1879).
Locard(i879).
Saint-Lager (1881).
Delore(i884).
SECTION ÎII*.
Sciences médicales.
(SixMmbrw.)
MM. Bouchacourt(i863).
Teissier (i863).
Desgranges (1864).
Berne (1869).
Ollier(i876).
Rollet(i876).
3* MEMBRES CORRESPONDANTS.
MM. De Montmeyan, à Aîx (1840).
Itier, directeur des douanes, à Marseille (1843).
Cara, directeur du Musée d'histoire naturelle, à Ca«
gliari(i843).
Bresson, à Paris (1844}.
NoiROT, médecin, à Dijon (1846).
Payan, médecin, à Aix (Bouches-du-Rhône) (1 847).
ScHioEDTE, conservateur du Musée d'histoire naturelle,
à Copenhague ( 1 849) .
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MM. Richard Owen^ à Londres (i852).
Larrey, membre dePAcadémie de médecine, à Paris(i852).
DoHRN, président de la Société entomologique, à Stet-
tin (i852).
Girard de Cailleux, inspecteur général des établissements
d'aliénés, à Paris (i852).
Bouquet, membre de l'Institut, à Paris (i85*2).
Renard, à Moscou (i853).
Girardin, à Rouen (1854).
De Beust, directeur général des mines de Saxe (i855).
Leconte (John), de l'Académie de Philadelphie (i855).
A. DE Candolle, à Genève (i856).
Jordan (Alexandre), ingénieur en chef en retraite, à Paris
(i856).
Marschall (le comte), zoologiste, à Vienne (1857).
Rondot (Natalis), à Paris (1859).
Dareste (Camille), à Paris (1859).
Damour, membre de la Société géologique, à Paris (1860).
Perrey (Alexis), professeur honoraire, à Lorient (1862).
NoGUÈs, à Paris (1862).
Perier, ancien médecin en chef des Invalides (1864).
Serpieri, à Urbino (1866).
QuESNOY, médecin-principal en chef, à Versailles (1867).
Frenet, à Périgueux (1867).
Arcelin, à Saint-Sorlin (1871).
Macario, médecin, à Nice (1872).
Perey, médecin à Nantes (1874).
Coppi, géologue, à Modène (1878).
Collet, professeur à la Faculté des sciences de Gre-
noble ([878).
Chambrun de Rosemont, géologue, à Nice (1879).
Max Simon, médecin en chef de l'hospice de Bron (1880).
DucROST (l'abbé), curé à Solutré (1881).
DucLAUx, professeur à la Sorbonne, à Paris (1882).
MiLLiÈRE, à Cannes (1882).
De Tribollet, à Neuchâtel (Suisse) (1882).
Campardon, docteur en médecine, à Paris (i883).
GuBiAN, inspecteur des Eaux thermales à Lamotte-les-
Bains (i883).
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CLASSE DES BELLES-LETTRES ET ARTS.
|0 MEMBRES TITULAIRES ÉMÉRITES.
MM. Valentin-Smith, à Trévoux (1864).
BouiLUER, de r Institut, à Paris (1864).
De Boissieu, à Lyon (1870).
Onofrio, à Paris (1875).
Gaillard (Léopold de), à Paris (1876).
SouLTRAiT (le vicomte de), à Besançon (1876).
De Lagrevol, à Paris (1878).
20 MEMBRES TITULAIRES.
SECTION r*.
Uttérature, Éloquence, Poésie, Philologie.
(Sept Membres.)
MM. Heinrich (1869).
Hignard(i87o).
Ferraz (187 i).
L. Roux (1875).
Soulary (1879).
R. DE Cazenove (i883).
H. Beaune(i884).
SECTION II*.
Histoire et antiquités.
(Six Membree.) •
MM. H. MoRiN-PoNS (1861).
Pariset(i873).
GUIGUE (1877).
Perret de la Menue (1878).
Belot(i882).
Vachez(i883).
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SECTION m*.
PhiloBophiey Morale, JurispradencOy Économie politique.
(Neuf Membres.)
MM. A. MoLLièRE(i862).
GUINAND (1870).
P. Rougier(i872).
A. Dumont(i873).
Caillemer (1876).
Valantin (1878).
E. Charvériat (1879).
Berlioux (1881).
Perrin(i883).
section IV*.
Peinture, Soulpture, Architecture, Gravure, Musique.
(Six Membres.)
MM. Fabisch (1857).
Reignier(i862).
Danguin (i865).
E. Guimet(i867).
Bresson (187 i).
Neyrat(i874).
30 MEMBRES CORRESPONDANTS.
MM. jAGER(rabbé)(i835).
Knemlin, à Fribourg (1839).
Canonge (Jules), à Nîmes (1840).
Rossignol, archiviste (1841).
Levol (Florimond), à Paris (1842).
Lafarelle, ancien député, à Nîmes (1842).
Desportes (Auguste), à Paris (1845).
Remacle, ancien magistrat, à Arles (1846).
De Puymaigre, à Thionville (1846).
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MM. Chaix, président de Chambre honoraire, à Riez (Basses-
Alpes) (1848).
Baux, archiviste, à Bourg (1849).
Du Boys (Albert), à Grenoble (i85o).
Bertinaria, à Turin (i85i).
MiGNARD, à Dijon (i852).
Duc DE Caraman, à Paris (i852).
Barrault-Roullon, à Paris (1854).
M"« Sasserno (Sophie), à Nice (i855).
Grandperret (Th.), à Paris (i856).
Bacci de la Mirandole, à Modène (1857).
Regnault(A.), ancien archiviste au Conseil d'État (i858).
Chaverondier (Aug.), archiviste, à Saint- Etienne (1860).
Desserteaux, conseiller à la Cour de Besançon (1862).
Le Duc (Philibert), inspecteur des forêts, à Belley (1862).
De Meaux (le vicomte) (i863).
Cannât de Chizy (Marcel) (1864).
De Flaux (i865).
Le Prince Vlangali (i865).
Negri (le commandeur Christophe), à Turin (i865).
Carra de Vaulx (1866).
Revoil, architecte, à Nîmes (1866).
De Gerando (le baron) (1869).
Chantelauze (Régis de) (1876).
Baguenault de Puchesse (1876).
Flouest, à Paris (1877).
José da Cunha, homme de lettres, à Bombay (1877).
Robert, professeur à la Faculté des lettres de Rennes (i 877).
Lucas (Charles), architecte, à Paris (1881).
Labatie (Gabriel), à Talissieu (Ain) (1881).
Malo (Léon), à Pyrimont (Ain) (1882).
RosTAiNG (Léon), à Vidalon-les-Annonay (i883).
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ETAT AU 1" JANVIER 1885
DES
PRIX mmm m vmmm
DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS
DE LYON
Fondation baron Lombard de BufHères. — Cette fon-
dation, qui date de Tannée 1882, a été créée par M. Lombard
de BuflSères, ancien avocat à la Cour d'appel de Lyon et
ancien Conseiller de Préfecture, en vue d'honorer et perpé-
tuer la mémoire de son père, M. le baron Jean-Jacques-Louis
Lombard de BuflSères, ancien député de T Isère. Elle consiste
en un revenu annuel de 6,000 fr. environ, qui doit être em-
ployé de façon à développer dans Tenfance le respect et
l'observation de ses devoirs envers Dieu^ envers soi-même et
envers le prochain^ et à encourager tout ce qui pourrait ten-
dre à faciliter et accroître ce développement.
L'Académie décernera, en i885, les revenus de cette fonda-
tion, sous forme de récompenses et médailles, à « ceux qui
se dévouent à r éducation de la jeunesse ».
Prix Christin et de Ruolz. — Cette fondation date de
1756. Elle est due à Christin, secrétaire perpétuel de l'Académie,
et à ses héritiers De Ruolz. Le prix Christin consiste en une ou
plusieurs médailles de la valeur de 3oo fr. chacune, que l'Aca-
démie décerne, à des époques indéterminées, au meilleur tra-
vail qui lui est offert sur une question choisie par elle dans les
mathématiques, la physique ou les arts.
Le jugement sur le concours est rendu par une Commission
composée de cinq membres, nommée tous les quatre ans par
l'Académie.
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L'Académie a mis au concours, en 1884, le sujet suivant :
« Étude historique sur les Sculpteurs lyonnais et leurs
œuvres depuis Vannée iSoo jusqu'à nos jours. »
Le prix décerné sera une médaille d'or de la valeur de
900 fr. Les mémoires ne seront pas signés; ils porteront
en tête une épigraphe, et seront accompagnés d'un pli séparé
et cacheté, renfermant la même épigraphe, avec le nom et
l'adresse de l'auteur.
Tout envoi, pour ce concours, devra être parvenu à l'Aca-
démie avant leSi mars 1886, terme de rigueur.
Prix Lebrun. — Ce prix, fondé en 1804 par le prince
Lebrun , associé honoraire de l'Académie , consiste en une
médaille valant 3oo fr. — Il est distribué annuellement aux
inventeurs de procédés utiles au perfectionnement des manu-
factures lyonnaises. Une Commission permanente de cinq
membres, désignée tous les quatre ans par l'Académie, est
spécialement chargée de recueillir et de vérifier les découvertes
qui intéressent l'industrie en général, et celle de la soie en
particulier.
Les concurrents ne sont assujettis à aucune condition d'âge,
ni d'origine. Les inventions qui sont présentées après le
3 1 mars de chaque année sont mises au concours de l'année
suivante.
Prix Ampère. — Le prix Ampère a été fondé, en 1866, par
M. et M™' Cheuvreux, légataires universels de J.-J. Ampère.
Ce prix est d'une somme annuelle de 1,800 fr. Il est décerné,
tous les trois ans et pour trois années consécutives, à un jeune
homme sans fortune, né à Lyon ou dans le département du
Rhône, ayant donné des preuves d'aptitude pour les lettres, les
sciences ou les beaux-arts, et il doit lui servir à perfectionner
ses études ou à poursuivre le cours de ses travaux. Les candi-
dats doivent avoir 17 ans au moins et 23 ans au plus.
Le concours pour le prix Ampère est annoncé six mois à
l'avance par les journaux du département et jugé par une Com-
mission spéciale de six membres, dont le tiers est renouvelé
chaque année. En aucun cas le prix ne peut être divisé.
Le dernier titulaire du prix Ampère l'ayant obtenu en
juillet i883, le concours est ouvert dès à présent pour Tan-
née 1886.
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Prix Dupasqufer. — Ce prix a été fondé, en 1873, par feu
Louis Dupasquier, membre titulaire de l'Académie. Il consiste
en une somme de 5oo fr. accordée annuellement et à tour de
rôle à un architecte, un peintre, un sculpteur, un graveur lyon-
naid.
La Commission permanente chargée de juger le concours
est composée de sept membres nommés tous les quatre ans par
l'Académie. Les œuvres doivent être soumises à l'examen de
la Commission avant le 3o juin de chaque année.
Les candidats doivent ne pas avoir dépassé 28 ans, sauf les
architectes, pour lesquels la limite d'âge est reculée à 35 ans.
En i885, ce sera le tour de la gravure.
Prix Herpln. — La fondation de ce prix est due à la libé-
ralité de feu le docteur Herpin, membre correspondant de
l'Académie. Ce prix, qui est entré dans les attributions de
l'Académie en 1878, consiste en une somme de 1,200 fr. qui
sera donnée, tous les quatre ans, aux auteurs de recherches ou
de travaux scientifiques, particulièrement physico-chimiques,
propres à développer ou à perfectionner l'une des branches de
l'industrie lyonnaise.
La Commission d'examen est composée de cinq membres,
désignés pour quatre ans par l'Académie.
Les candidats doivent être Français.
Les titres à l'appui de toute candidature, pour le prochain
concours, devront être adressés à l'Académie avant le
3i mars 1886, terme de rigueur.
Prix généraux. — Indépendamment des fondations qui
précèdent, l'Académie reçoit, à toute époque, communication
des découvertes scientifiques, des travaux d'érudition et des ou-
vrages de l'esprit. S'il y a lieu, elle accorde volontiers, à titre
d'encouragement, aux auteurs ou inventeurs, une somme pro-
portionnée à l'importance de leur communication.
L'Académie choisit aussi, chaque année, un ou plusieurs
sujets se rapportant aux sciences, belles-lettres ou arts, qu'elle
met au concours et qu'elle annonce dans l'une de ses séances
publiques de juillet ou décembre, en même temps que les règles
et conditions de ce concours. La somme affectée au concours
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est variable. L'Académie en détermine le chiffre elle-même,
d'après Tintérêt qu'elle attache à la question et suivant les
ressources dont elle dispose. Le jugement est prononcé sur le
rapport d'une Commission spéciale de cinq membres, renou-
velée tous les ans.
L'Académie n'a pas ouvert ce concours en i885.
N.B. — Pour tout ce qui concerne les prix de rAcadémie des scien-
ces, belles-lettres et arts, s'adresser au Secre'tariat général, Lyon, place
des Terreaux (Palais Saint- Pierre).
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L'ABBÉ NICAISE
ET SA CORRESPONDANCE
Au mois de novembre 1880, peu de jours après la mort de
notre regretté confrère M. Mulsant, M. le Préfet du Rhône,
alors Administrateur de la ville de Lyon, nous fit Thonneur
de nous charger, en qualité de Président du Comité d'inspec-
tion des Bibliothèques municipales, d'assister, avec les mem-
bres de la famille de M. Mulsant, à un inventaire sommaire des
documents, livres et papiers, existant dans le cabinet du con-
servateur de la grande Bibliothèque, dite du Lycée.
Pendant le cours de cette opération, nous trouvâmes, dans
un carton, qui depuis longtemps n'avait pas été ouvert, un
volume in-4% très simplement relié, sur lequel M. Monfalcon
avait écrit : Lettres de Leibniti et de divers savants.
Ces lettres, sauf une exception, étaient toutes adressées à
Tabbé Claude Nicaise, chanoine très connu de la Sainte-Cha-
pelle de Dijon, et elles avaient été réunies, au XVIII* siècle,
par un autre Bourguignon, plus illustre encore, le Président
Bouhier. C'est Bouhier qui a dressé, propria manu^ la table
des pièces que contient le volume, et qui, en 1737, l'a classé,
sous la cote C, 140, parmi les manuscrits de sa riche Biblio-
thèque.
D'après une note de M. Péricaud, ancien conservateur de
la Bibliothèque, ce volume, numéroté 690 bis^ avait été
donné à la Bibliothèque de Lyon, le 28 octobre i835. — Le
nom du donateur n'était pas indiqué ; mais nous le trou-
Aeadimit de Lyon, classe des Lettrés. l
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2 L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
vâmes bientôt dans un catalogue inédit des manuscrits de la
Bibliothèque de Lyon, par M. Monfalcon : « Le manuscrit
690 bis a été donné à la Bibliothèque de la ville de Lyon
par M. Prunelle, ancien maire de cette ville, le 28 octo-
bre i835 .»
Dès que Torigine du volume était si bien établie, il n'y
avait plus qu'à appliquer les conclusions d'un mémoire rédigé,
en 1879, sur la demande de l'Administration municipale, à
l'occasion d'une revendication par l'État de sept manuscrits de
la Bibliothèque du Palais-des-Arts (i). Ces conclusions, adop-
tées par le Conseil municipal, sur un rapport de M. Edouard
Aynard, dans les séances du 6 janvier et du 24 juin 1880,
furent, en effet, reproduites dans un rapport de M. Edouard
Vacheron, et, le i5 mars 188 1, le Conseil déclara, que, spon-
tanément et sans attendre une nouvelle revendication, il of-
frait à la Bibliothèque nationale le manuscrit par nous re-
trouvé.
A côté de l'histoire Libri, que tout le monde connaît main-
tenant, grâce au retentissement qu'eut la poursuite suivie de
la condamnation du trop fameux bibliophile, grâce aussi aux
révélations qu'ont amenées récemment les enquêtes sur la
formation delà Bibliothèque de lord Ashburnham, acquéreur
de Tune des collections réunies par Libri, il y a d'autres his-
toires, moins connues, que, de temps à autre, on est obligé
d'exposer, pour justifier des décisions, à première vue, en con-
tradiction avec cette maxime fameuse que, lorsqu'il s'agit de
meubles, le possesseur de bonne foi est à l'abri de toute action.
Le 2 août 1801, Chardon de la Rochette fut délégué par
Chaptal, alors ministre de l'intérieur, pour choisir, dans les
dépôts littéraires des départements, les manuscrits précieux,
les éditions du XV* siècle, les livres rares et ceux qui sont
(i) E. Caillemer, Les manuscrits Bouhier, Nicaise et PeiresCy de la
Bibliothèque du Palais-des-Arts \ Lyon, 1880, in-80,48 pages.
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l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 3
enrichis de notes desavants. Cétaitune lourde tâche, et, pour
en faciliter Taccomplissement, le Ministre ne tarda pas à
donner, comme auxiliaire, à Chardon de la Rochette, le doc-
teur Prunelle.
En 1804, les commissaires se rendirent à Troyes^ où était
déposée la Bibliothèque de la grande abbaye de Clairvaux,
devenue propriété nationale. Or, peu d'années avant la Révo-
lution, cette Bibliothèque s'était enrichie d'une collection
formée patiemment, du XVP au XVIIP siècle, par les re-
présentants de la famille Bouhier, et notamment par Jean
Bouhier, Président à mortier au Parlement de Bourgogne,
magistrat austère, jurisconsulte éminent, philologue, poète,
historien, que, malgré ses règlements sur la résidence, l'Aca-
démie française donna pour successeur à Malézieu et pour
prédécesseur à Voltaire. Au milieu de cette collection, les
commissaires n'avaient que l'embarras du choix. Chardon de
la Rochette mit en réserve 244 volumes imprimés, 147 ma-
nuscrits, 25 cartons et une liasse ; Prunelle, 2,575 ouvrages
imprimés et 328 manuscrits I Le récépissé donné au bibliothé-
caire de la Bibliothèque centrale du département de l'Aube
en fait foi.
Malheureusement tous les articles ainsi dhoisis n'allèrent
pas directement de Troyes à la Bibliothèque nationale. On
en eut bientôt la preuve.
A la mort de Chardon de la Rochette, en 18 14, on trouva
chez lui vingt manuscrits ayant appartenu à la Bibliothèque
de Troyes. Van Praet, l'un des conservateurs de la Biblio-
thèque nationale, les réclama, et les héritiers de Chardon de
la Rochette furent obligés de les restituer.
En i83i. Prunelle, alors maire de Lyon, remit sponta-
nément à la Bibliothèque nationale deux manuscrits, portant
les n* 48 et 58 de la décharge donnée au Bibliothécaire de
Troyes par Chardon de la Rochette ; il déposa, en même
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4 l'abbé nicaise et sa correspondance.
temps, treize cartons, contenant la correspondance inédite
du Président Bouhier, et cinq volumes de lettres adressées à
l'abbé Nicaise.
Longtemps après, en 1 856, dans la bibliothèque de Parison,
ami intime des deux commissaires, l'un et l'autre décédés,
on trouva toute une série de pièces, venant du Président
Bouhier et dont quelques-unes étaient nominativement dé-
signées sur le récépissé de 1804. La Bibliothèque nationale
les revendiqua et elles lui furent remises.
N'étaît-il pas dès lors évident que les commissaires ne s'é-
taient pas consciencieusement acquittés de leur mission ? Des
pièces, détachées de la Bibliothèque centrale du départe-
ment de l'Aube, pour augmenter le fonds de la Bibliothèque
nationale, étaient restées entre leurs mains, et ils en avaient
disposé.
La Bibliothèque nationale trouva une occasion favorable à
la reconnaissance judiciaire de ses droits et elle la mit à profit.
En 1874, la librairie Bachelin-Deflorenne annonça la future
adjudication d'un beau manuscrit de Gratien. En lisant la
description de ce volume, les administrateurs de la Biblio-
thèque nationale, qui ne perdent jamais de vue le récépissé
donné à Troyes en 1804, reconnurent un manuscrit de la
Bibliothèque de Bouhier, correspondant au n** i5 de la mise
en réserve faite par Chardon delà Rochette. Ils introduisirent
aussitôt une action en revendication, et, malgré toutes les
résistances du libraire, qui argumentait de l'article 2279 du
Code civil, ils obtinrent gain de cause.
Le jugement rendu par le Tribunal de la Seine, le 22 dé-
cembre 1875, déclare nettement que, à dater de la mise en
réserve à Troyes, par les commissaires, et du dépôt, entre les
mains du bibliothécaire de Troyes, du reçu descriptif, les
ouvrages indiqués dans le reçu sont entrés dans le domaine
de la Bibliothèque nationale. Une conservation abusive, un
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l'abbé NIC aise et sa correspondance. 5
emprunt indéfiniment prolongé ou un détournement, n*ont
pu altérer le caractère de la propriété ainsi constituée, ni y
porter atteinte, puisque les manuscrits qui appartiennent à
rÉtat, et qu'il a réunis dans l'intérêt général, sont inaliénables
et imprescriptibles comme dépendant du domaine public.
C'est en s' appuyant sur ce jugement que M. le Ministre
de l'Instruction publique vint dire à la ville de Lyon, en 1 879 :
ce La Bibliothèque du Palais-des-Arts détient sept manuscrits,
qui lui ont été légués par le docteur Prunelle, et qui provien-
nent de la mission qui lui avait été confiée ainsi qu'à Char-
don de la Rochette. L'un d'eux, le n® 691, est certainement
celui qui figure sous le n® 142 du catalogue de prise en
charge remis par Prunelle au bibliothécaire de Troyes. Un
autre, le n® 4, est facilement reconnaissable sous le n® 55 de
la mise en réserve signée par Chardon de la Rochette. Ces
manuscrits appartiennent donc à l'État. Prunelle les a indû-
ment conservés; ni lui, ni ses héritiers n'ont pu les donner va-
lablement à la ville de Lyon. Le droit de propriété de l'État
est intact et je les revendique pour la Bibliothèque nationale.»
La ville de Lyon, par l'organe de ses représentants, s'in-
clina devant cette réclamation, et, sur l'ordre de M. le Préfet
du Rhône, le 9 septembre 1880, nous avons remis les sept
manuscrits entre les mains de M. le Directeur de la Biblio-
thèque nationale.
La même argumentation était applicable au volume trouvé
dans le cabinet de M. Mulsant et contenant des lettres à l'abbé
Nicaise. Devait-on attendre une nouvelle revendication? Ne
valait-il pas mieux reconnaître immédiatement les droits de
l'État (i) ?
Le Conseil municipal opta pour ce dernier parti.
(i) E. Caillemer, Manuscrits de la Bibliothèque deLvotty provenant des
collections de l'abbé Nicaise et du Président Bouhier; Lyon, 1881, in-8'>
27 pages.
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Ô LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
C'est alors que plusieurs membres de TAcadémie deman-
dèrent que les lettres des correspondants de Tabbé Nicaise
fussent imprimées, et TAcadémie, adoptant leur proposition,
nous confia le rôle, pour lequel nous étions peu préparé,
d'éditeur de cette correspondance.
Lorsque Tabbé Claude Nicaise mourut, au mois d'octo-
bre 1 701, un mauvais plaisant, qui pourrait être son excellent
ami Bernard de La Monnoye, mit en circulation une épitaphe
burlesque, dans laquelle, toute part faite à l'exagération, le
principal mérite de l'abbé est dessiné en relief (i) :
Ci-gît l'illustre abbé Nicaise,
Qui, la plume en main, dans sa chaise,
Mettait, lui seul, en mouvement
Toscan, Français, Belge, Allemand,
Non par discordes mutuelles.
Mais par lettres continuelles,
La plupart d'érudition,
A gens de réputation.
De tous côtés, à son adresse.
Avis, journaux, venaient sans cesse,
Gazettes, livres frais éclos.
Soit en paquets, soit en ballots.
Lui, toujours en nouvelles riche,
De sa part n'en étoit pas chiche.
Fallait-il écrire au bureau
Sur un phénomène nouveau ?
Annoncer l'heureuse trouvaille
D'un manuscrit, d'une médaille ?
S'ériger en solliciteur
De louanges pour un auteur ?
(i) Cette épitaphe est extraite des Nouvelles de la République des Let-
tres^ avril 1702, p. 472.
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LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 7
D'Arnauld mort avertir la Trappe ?
Féliciter un nouveau pape ?
L'habile et fidèle écrivain
N'avait pas la goutte à la main ;
C'était le facteur du Parnasse.
Or gît-il, et cette disgrâce
Fait perdre aux Huet, aux Noris,
Aux Toinard, Cuper et Leibniz,
A Basnage le journaliste,
A Bayle le vocabuliste,
Aux commentateurs Grsevius,
Kuhnius, Perizonius,
Mainte curieuse riposte...
Mais nul n'y perd tant que la poste !
En deux mots latins assez énergiques, Tiliustre évêque
d'Avranches, dont le nom vient d'être cité dans i'épigramme,
Daniel Huet, a formulé la même idée : « Nicasius epistolas
corradebat undique et extundebat ex omnibus, quorum aliquod
esset nomen in literis (i). »
Ce sont ces relations épistolaires avec la plupart des savants
de l'Europe qui ont préservé de l'oubli le nom de Tabbé
Nicaise. La simplicité de sa vie, la pureté de ses mœurs, son
culte pour les belles-lettres (2), quelques opuscules laborieuse-
ment composés, tout cela eût été insuffisant pour perpétuer
son souvenir. Mais, lié avec presque tous les hommes émi-
nents de la fin du XVIV siècle, utile à tous par la tâche qu'il
s'était imposée de donner aux uns des nouvelles des autres,
toujours prêt à encourager et à faciliter les travaux des érudits,
il arriva au but qu'il avait en vue ; « Se voir couché dans les
(i) Lettres de Gisbert Cuper ^ p. 57a.
(2) Huet écrivait à Cuper le 4 février 1702 (Lettres de Cuper ^ p, 571) :
« Puto te accepisse Nicasium Divionensem, virum optimum et non illite-
ratum, excessisse e vivis, magno amicorum dolore. Insigne fuit in eolite-
rariîE rei promovendse studium, mores antiqui, amore digna simplicitas
atque candor. »
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8 l'abbé nicaise et sa correspondance.
livres des savants avec éloge ; car c'est une belle chose que
d'être loué par ceux qui méritent de Têtre : Laudari a lau-
datis ! »
Né à Dijon en i623, Claude Nicaise fit, dans sa ville natale,
de bonnes études, qu'il compléta à Paris, où il obtint le
diplôme de maître es arts (i). Il étudia ensuite la théologie
dans le collège de Navarre et entra dans les ordres. Il était
sous-diacre, lorsque, vers i655, il se décida à aller à Rome,
avec un de ses amis, ancien secrétaire de M. de Longueville
dans l'ambassade de Munster. Grâce à l'influence de cet ami
qui voyageait pour les affaires de la maison de Longueville, il
fut présenté à divers savants.
Sur les conseils du P. Mariano Socini, parent du pape et
supérieur des prêtres de l'Oratoire de l'Église Neuve, Nicaise
prit à Rome le diaconat et se fit ordonner prêtre. L'examen
qu'il dut subir avant son ordination, en présence du cardinal
Ginetti, ne paraît pas avoir été bien sérieux ; on ne lui demanda
même pas de prouver qu'il savait un peu de latin de bréviaire.
Comme il était parent d'un général d'ordre, franc-comtois
d'origine, dom Coquelin, on l'exempta des formalités habi-
tuelles : a Basta, dit le cardinal Ginetti, que leisia parente del
Padre générale ! » L'ordination eut lieu le 24 février, en même
temps que celle de onze autres diacres. Chacun des douze or
dinands était censé représenter l'un des douze apôtres, et le
pauvre abbé Nicaise reçut, pour sa part, la place de Judas !
Les faits que Nicaise observa en Italie méritent à peine
d'être mentionnés. Il fut, nous dit-il, témoin d'une visite faite
à Saint-Pierre par Christine, reine de Suède, et, grâce à
(i) Presque tous les détails qui suivent sont extraits d'une autobiogra-
phie que Nicaise avait adressée à Tabbé Carrel, et qui parut, en octo-
bre 1703, dans les Nouvelles de la République des Lettres, p. 3C3 à 406.
Cette autobiographie, communiquée par Le Clerc à l'éditeur des Nou-
velles, est consignée dans deux lettres, datées, la première d'Is-sur-Tille,
22 septembre 1700, la seconde de Dijon, 3o janvier 1701.
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L ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. 9
Benedetto Mellini, bibliothécaire de cette princesse, il eut
rhonneur de pénétrer dans le palais des Riari, qu'elle
habitait sur le Janicule. Ce fut chez elle qu'il connut le
franc-comtois Henri-Thomas ChiflBet, qu'elle s'était attaché
en qualité de chapelain et qui est estimé des érudits pour
une dissertation de Othonibus œreis.
Vers la même époque, il assista à la canonisation de l'illustre
évêque de Genève, François de Sales (i), et, à l'en croire, il
fit même <c une figure assez considérable » dans cette fête.
<t M'I'Évêque d'Évreux, qui sollicitoit à Rome la canonisation
de ce saint Évêque, de la part du Clergé de France, m'invita, de
sa grâce, à vouloir me trouver à cette cérémonie avec trois ou
quatre abbés français, qu'il destinoit à porter les dons qu'on a
coutume de porter à l'offerte, comme le pain, le vin, les
colombes, les tourterelles. Les colombes vinrent à mon par-
tage. J'y en portois deux blanches dans un panier d'argent,
après M"" le Cardinal Brancache, que j'offris à Sa Sainteté et
dont elle fit un présent à la Reine de Suède. »
Nicaise fut témoin des ravages de la terrible peste qui
sévissait alors en Italie, peste que, suivant lui, les Espagnols
auraient volontairement importée dans le royaume de Naples,
pour empêcher une révolte imminente!.. Il nous apprend
comment quelques officiers pontificaux faisaient respecter les
quarantaines, et nous expose certaines conséquences, qu'il
qualifie de plaisantes, de l'infraction des règlements sanitaires.
En voici un échantillon : Un auditeur, reconnu coupable
d'avoir spéculé sur l'abréviation des délais, fut décapité en
état fort galant, c'est-à-dire en bas de soie verte, en culotte de
velours cramoisi, en chemise de toile de Hollande, bien
poudré, et ayant dans ses poches un petit livre intitulé Delicie
(i) Nicaise pourrait bien avoir ici fait une confusion entre ses deux
voyages en Italie, saint François de Sales ayant été canonisé le
19 avril i665.
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10 l'abbé nicaise et sa correspondance.
del Contagio^ sur lequel il inscrivait les sommes par lui
reçues... Spectacle vraiment bien plaisant que celui de l'exé-
cution d'un Jeune homme !
Nicaise visita Naples, avec des Anglais fort amateurs de
l'Antiquité, et le Latium, avec des Français qui ne leur res-
semblaient guère. A Naples, en bon musicien, il crut devoir
examiner attentivement certaine maison, « assez surprenante
à son égard », ayant pour enseigne : « Qui si castrano i putti
per la musica. » A Palestrina, où il connut le cardinal Antoine
Barberini,le grand-vicaire. Monseigneur Bonini, « lui fit boire
du vin grec sur l'autel de la Fortune... » Lors de sa visite
classique à Tusculum (Frascati) et à Tibur (Tivoli), il faillit
être assassiné par des bandits.
Après un assez long séjour à Rome, il revint en France, par
la voie de Venise, en compagnie du commandeur des Vieux,
ancien ambassadeur de notre pays près la cour de Rome.
Tous ces souvenirs de voyage ont, comme nous l'avons
dit, peu d'intérêt pour nous.
Quelques années plus tard, Nicaise éprouva le besoin de
visiter de nouveau l'Italie. Ce second voyage se place vers la
fin du pontificat d'Alexandre VII, c'est-à-dire vers i665
et 1666 (i).
Ce fut pendant ces deux séjours en Italie que Nicaise entra
en relations avec les savants et les artistes les plus renommés
de l'époque. Parmi ceux qui lui accordèrent la faveur de l'in-
timité, nous citerons les cardinaux Antoine et François Bar-
berini; — le cardinal Bona; — le cardinal Albani, qui est
devenu pape sous le nom de Clément XI ; — le futur cardinal
Gualter de Sluse, alors secrétaire des Brefs de Sa Sainteté ; —
Monseigneur Barbarigo, évêque de Pergame,puis de Padoue,
cardinal, qui faillit devenir pape ; ce fut lui qui, sur les ins-
(i) Il quitta Rome en même temps que Tabbé de Rancé. Or le départ
de Tabbé de Rancé eut lieu le 25 mars 1666.
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L'ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. II
tances de Nicaise (i), fit accorder à Charles Patin le titre de
professeur de médecine à Padoue ; — Ézéchiel Spanheim ;
— Isaac de La Peyrère, auteur des Prœadamitœ ; — le futur
cardinal Michel-Ange Ricci ; — François Hallier, docteur en
Sorbonne, évêque de Toul, puis de Cavaillon ; — le casuiste
Antonino Diana ; — Tancien évêque de Vaison, Jean-Marie
Suarez ; — les bibliophiles Léo AUatius et Luc Holstenius, etc.;
Dans le monde des artistes, Nicolas Poussin, Pierre de Cor-
tone, Salvator Rosa, Carlo Maratti, Pietro Santi-Bartoli,
Bellori, le cavalier Bernin, etc., etc. ;
Parmi les musiciens, Jean-Jacques Carissimi, maître de
chapelle à Saint-Apollinaire ; — le bolonais Domenico Pele-
grini, qui donna à Nicaise des leçons de théorbe ; — Antonio-
Maria Abbatini, maître de chapelle à Sainte-Marie-Majeure ;
— Horatio Beacarli, maître de la musique de Saint-Pierre ;
— Domenico Rodemonte, etc., etc.
En revenant de ce second voyage en Italie, retour qui eut
lieu par Florence et par Gênes, Nicaise se lia étroitement avec
Tabbé de Rancé, son compagnon de route jusqu'à Florence.
Vingt ans plus tard, vers i685, Nicaise se rendit à Paris
pour solliciter à l'occasion d'un procès qu'il avait devant le
Grand-Conseil (2). Il y resta sept ans, et il y serait resté plus
longtemps encore, si l'état de sa santé le lui eût permis, tant il
était heureux de vivre au milieu des savants.
Parmi les personnes qu'il fréquenta assidûment, il cite par-
ticulièrement Nicole, « l'excellent M. Nicole, auprès duquel il
apprenait toujours beaucoup de choses »; Baillet, <c qui est un
répertoire vivant », Huet, Racine, Dodart, Bourdelot, etc., etc.
En même temps, il entretenait une correspondance suivie
(i) Nicaise nous dit qu'il fut sollicité par le lyonnais Spon de s'inté-
resser à Charles Patin.
(2) Les lettres de Nicaise et celles qui lui sont adressées, montrent qu'il
a plusieurs fois séjourné à Paris, notamment en 1681 et 1682.
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12 l'abbé nicaise et sa correspondance.
avec tous les érudits de TEurope. On trouvera plus loin (i)
une liste de ses correspondants, liste sur laquelle nous avons
inscrit plus de cent-vingt noms.
Si longue que soit Ténumération faite par Nicaise, dans ses
lettres, dans son autobiographie et dans son Discours sur les
Sirènes^ des personnes qu'il voyait habituellement à Paris,
cette énumération est incomplète et il convient d'y ajouter un
nom que Tabbé a passé sous silence, celui d'une religieuse
carmélite bien connue, soeur Louise de la Miséricorde (2).
(i) Voir, à la fin de ce volume, les pages 265 et suivantes.
(2) Vers la fin de 1687, La Monnoye s'était exercé à traduire en vers
français la Glose de sainte Thérèse. Sa traduction achevée, il l'envoya à
Tabbé Nicaise en le priant de la montrer à l'illustre pénitente. L'abbé
s'acquitta dé ce mandat ; les vers ne déplurent pas, ils furent même si bien
accueillis que Nicaise engagea La Monnoye à les publier en les dédiant à
sœur Louise.
La Monnoye suivit ce conseil et rédigea aussitôt une dédicace. — Nous
avons retrouvé, dans la correspondance de l'abbé Nicaise (i), cette pièce,
écrite à la hâte, s'il faut en croire Fauteur, et avec de justes appréhen-
sions que l'hommage ne fût pas accepté (2). En voici la reproduction :
a Madame,
« Vous me trouverez bien hardi de toute manière, et d'avoir osé en-
treprendre cette traduction, et d'avoir osé vous la dédier. Ce sont
deux téméritez néantmoins qu'il est aisé de justifier l'une par l'autre.
On m'avouera, en effet, que, pour savoir si j'ai fidèlement représenté
les pensées de sainte Térêse, je ne pouvois mieux m'adresser qu'à vous,
Madame, qui représentez parfaitement ses vertus et qui estes animée
de son esprit. Je puis dire aussi que, sans l'extrême envie de mettre cette
version en état de n'estre pas toutàfait indigne de vous estre offerte, je ne
me serois jamais senti capable d'en surmonter les difficultez. Une sem-
blable vue aiant manqué au fameux M. Arnauld d'Andilly, on ne doit
point s'étonner qu'avec toutes ses forces il n'ait pas eu le courage qu'elle
m'a inspiré, malgré toute ma foiblesse. Vous savez. Madame, que cet
habile traducteur, desespérant de pouvoir copier les manières vives et
sublimes de la pièce Espagnole, n'a pas même voulu les traduire en prose.
Il ne me faloit pas un moindre secours que celui que j'ai dit pour me
(i) Volume 9359, cote 184.
(2) Lettre de La Monnoye à Nicaise, Dijon, 5 janvier 1688 (vol. 93 5q,
cote 1 59) : « Vos réponses m'ont fait connoître que les vers n'ont pas déplu
et vous m'avez même inspiré de les dédier à la dame dont je viens de par-
ler. La dédicace fut aussitôt preste, bien qu'avec de justes appréhensions
de ma part qu'elle ne fust point acceptée...»
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l'abbé nicaise et sa correspondance. i3
De fréquentes indispositions obligèrent Nicaise à quitter
Paris et à retourner dans son pays ; il s'efforça d'égayer sa
solitude en multipliant ses relations épistolaires.
Les dernières années de sa vie se passèrent à Dijon et à
Villey-sur-Tille (i), où il mourut le 20 octobre 1701.
Tout en avouant une grande inclination pour les belles-
lettres, Nicaise, s'il faut l'en croire, ne désirait pas s'ériger en
auteur et faire inscrire son nom sur un livre. Il n'était pas,
nous dit-il, assez ambitieux pour vouloir paraître ce qu'il
rassurer contre les raisons que j'avois de me défier de moi-même. Souffrez,
Madame, puisque c'est la seule idée de votre mérite qui m'a soutenu dans
cette occasion, que je vous présente un ouvrage à la production duquel
vous avez eu tant de part, et que je vous en témoigne ici ma reconnois-
sance en prenant la liberté de me dire publiquement, mais avec tout le
respect possible,
« Madame,
a Votre trés-humble et trés-obéissant serviteur. »
Cette dédicace ne fut pas agréée par Louise de la Vallière. Mais, en refu-
sant rhommage de La Monnoye, elle sut ménager toutes les susceptibi-
lités du poète. La Monnoye le reconnaît lui-même :
« Peu de personnes, Monsieur, sauroient accepter d'aussi bonne grâce
que Madame de la Vallière sait refuser. J'aurois grand tort de me plain-
dre que ma dédicace n'ait pas été reçue ; on la rejette, il est vrai, mais
c'est comme Platon a fait Homère, en la couronnant de fleurs. Je
regarde cela comme une suite du bonheur qui est attaché à ma traduc-
tion de la Glose de sainte Térèse... (i) »
Quel que fût ce bonheur, le poète avoua bientôt qu'il n'y attachait pas
beaucoup de prix ; il abandonna sans regrets les œuvres mystiques pour
revenir aux Noéls et aux Contes.
(i) Villey-sur-Tille est un village situé à trente kilomètres au nord de
Dijon. D'après le Dictionnaire géographique de la France^ on y voit en-
core, dans un lieu autrefois consacré à Apollon et à Minerve, une Cha-
pelle dédiée à saint Hermès et à saint Augustin. C'est la Chapelle que
Nicaise fit restaurer et décora de statues et d'inscriptions. Voir sa lettre ^
Santeul, dans les Mémoires de l'Académie de Dijon^ 1880, p. 10 à 18.
(i) Lettre de Dijon, 22 janvier 1688; volume 9359, cote 188.
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14 l'abbé NIC aise et sa correspondance.
n'était pas. « Je sais mon peu de talent et quam sit mihi curta
supellex... Je ne me suis pas pris à l'étude de la manière
qu'il faut s'y prendre pour devenir savant. Je ne sais pas par-
faitement la langue grecque ; ... je n'ai point mis le nez dans
les poètes, ni dans aucun auteur ou historien de cette langue.
J'ai même peu donné dans les Latins. Je n'ai fait qu'efiGieurer
par-ci par-là les matières, plutôt par divertissement et par cu-
riosité que de dessein prémédité... »
Ce qui paraît certain, c'est qu'il avait dépassé la soixan-
tième année lorsqu'il se décida à publier un opuscule. Il nous
dit lui-même comment il fut amené à cette résolution. Pen-
dant qu'il plaidait à Paris devant le Grand-Conseil, le 12 dé-
cembre 1687, un de ses amis, Pierre Petit, docteur en méde-
cine et homme de lettres, mourut (i), laissant un grand nom-
bre d'ouvrages manuscrits. « Je fus invité, dit Nicaise, par
tout ce qu'il y a de savants et de curieux dans Paris, à obte-
nir de la veuve qu'elle me fît voir ces manuscrits pour en
faire un catalogue et le donner au public. » Nicaise ne put ré-
sister aux instances de tant d'honnêtes gens. En témoignage
de reconnaissance, il ajouta au catalogue un petit ouvrage,
intitulé Elogium et Tumulus Petiti^ qu'il dédia à Graevius,
leur ami commun.
Toutes les recherches que nous avons faites pour trouver
cet Elogium et Tumulus ont été infructueuses. Nous en
donnons seulement le titre d'après un compte rendu analyti-
que publié dans V Histoire des ouvrages des savans {2) : « Elo-
(i) « M. Petit, dit Nicaise, est inhumé dans Saint-Étienne-du-Mont,
vis-à-vis de M. Descartes, qui est dans l'église voisine de Sainte-Gene-
viève, qui n'est séparée que par un mur entre deux. Ce grand adversaire
de Descartes ne pouvait être mieux placé qu'à l'opposite de ce philoso-
phe. »
. (2) Mai 1689, p. 193 à 2o3. Dans ce compte rendu, Basnage de Beau-
val dit que Pierre Petit est mort le 6 décembre 1688; Moréri écrit le
i3 décembre 1687; la Biographie générale et le Dictionnaire historique
de la France^ que nous avons suivis, disent le 1 2 décembre 1 687.
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l'abbé nicaise et sa correspondance. i5
ffium et Tumiilus eximii viri Pétri Petiti, Doctoris Mer
dici^ ad darissimum Grœpium^ sive Claudii Nicasii Epistola
de obttu... Pétri Petiti^ philosophi et Doctoris Medici; Tra-
jecti ad Rhenum, ex officina Rudolphi a Zill^ 1688 et i68j,
in-8**. — Les lettres de Graevius, que nous éditons plus loin,
contiennent beaucoup d'allusions à cet opuscule.
Le second ouvrage que Nicaise donna au public est « Tex-
plication d'un ancien tombeau ou monument de marbre,
trouvé en Guienne, chargé d'une quantité de simboles fort cu-
rieux, avec une inscription latine au milieu ». Ce monument
<c fut envoyé à M. l'abbé de Dangeau par Monseigneur l'ar-
chevêque d'Auch, pour le faire voir à ces Messieurs qui s'as-
semblent chez lui dans la place Roiale (i), et en avoir leur
sentiment. J'avais, dit Nicaise, l'honneur de m'y trouver;
on me donna l'emploi d'y travailler, et je ne pus m'en defifen-
dre, quoy qu'il y eut des gens beaucoup plus capables que
moi de le faire. » La dissertation parut en 1689 ; elle se trouve
à la Bibliothèque nationale , département des manuscrits ,
fonds français, n^ iSoyo, et a pour titre : Explication d'uîi
ancien monument trouvé en Guienne dans le diocèse d'Ausch ;
A Paris, chez Daniel Hortemels, rue Saint-Jacques, au Me-
cenas, MDCLXXXIX ; in-4% 46 pages, sans compter l'épître
et la préface. — « Un certain aumônier du Roi, peu initié aux
antiquités, voulut trouver à redire à quelques endroits de cet
ouvrage, par une lettre qu'il adressoit à Monseigneur l'arche-
vêque d'Auch, que ce prélat m'envoia. J'y fis réponse sur le
champ et je l'adressai à cet archevêque pour le divertir. Je
n'ai point voulu la faire imprimer pour épargner la réputa-
tion de cet aumônier. »
Le troisième ouvrage de Nicaise est « une dissertation la-
tine sur une médaille de l'empereur Adrien , qui porte au
(i) Voir sur les assemblées qui avaient lieu, tous les mardis, chez
l'abbé de Dangeau, les Sirènes de Nicaise, p. 12.
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i6 l'abbé nicaise et sa correspondance.
revers cet empereur , Sabine , sa femme, et Antinous, son
favori, représentés sous les figures d'Osiris, d'Isis et d'Har-
pocrate, élevées sur les ailes d'un aigle, comme déifiées ». —
Nous avons, dans notre bibliothèque particulière, un exem-
plaire de ce livre, publié à Lyon, en 1690(1). En voici le titre :
De Nummo Pantheo Hadriani imperatoris, ad Ilh^^ Span-
hemium Dissertation in qua^ prœter nonnulla de Consecra^
tionibus veterum illarumque origine^ peculiaris quœdam ins-
iituitur comparatio inter Hadrianum et Alexandrum M. mul-
taque illis communia demonstrantur ; Lugduni, apud Anis-
sonios, Joan. Posuel, et Cl. Rigaud; M.DC.XC; Cum privile-
gio Régis; in-4** de 73 pages, outre la dédicace et la préface;
il y a un appendice de 7 pages et deux tables.
L'année suivante, en 1691, parut la dissertation sur Les
Sirènes ou Discours sur leur forme et figure; A Monseigneur
le Chancelier; A Paris ^ chei Jean Anisson, Directeur de V Im-
primerie royale^ rue Saint- Jacques ^ à la Fleur de Lys de FlO'
rence ; M.DC.XCI; Avec privilège du Roy; In-4* de 78 pages,
outre un avertissement et une table. Nous en avons un
exemplaire dans notre bibliothèque personnelle (2).
Les ouvrages de Nicaise dont il nous reste à parler (3)
ont-ils été imprimés ? Nous ne le croyons pas. Ils étaient
encore inédits en 1700, année qui précéda la mort de leur
auteur, et il est peu vraisemblable que, au milieu de ses
souffrances, le pauvre abbé ait eu le loisir de les faire impri-
mer. — Voici leurs titres :
(1) Ce volume se trouve également à la Bibliothèque nationale, Impri-
més, J. 1208 (4).
(2) La bibliothèque du Palais-des-Arts en avait un exemplaire prove-
nant de la bibliothèque de Bouhier ; elle Ta remis à la Bibliothèque na-
tionale en même temps que les manuscrits dont nous avons parlé plus
haut. Cet exemplaire fait maintenant partie du Département des manus-
crits, tonds latin, nouvelles acquisitions, n» 291,
(3) Nous renvoyons à Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bourgogne,
1745, t. II, p. 109 a III, pour quelques articles sans importance.
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L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XVII
1" Discours sur la musique des anciens, dédié au chanoine
Ouvrard ;
2® Dissertât io de Minerpa Arnalya, una cum Mercurio^
illius ZYMBÛMÛ (i). Cette dissertation est relative à une « ins-
cription ancienne, des plus belles et des plus singulières qui
soient en France, et qui s'y conserve dans une chapelle du
Tusculum où Nicaise passait la meilleure partie de sa vie ».
Elle devait être dédiée au cardinal Noris. — Nous la connais-
sons par une copie que le président Bouhier en avait fait faire
sur le manuscrit original, ex autographe, copie qui était
naguère à Lyon et qui est maintenant dans la Bibliothèque
nationale, département des manuscrits, fonds latin, nouvelles
acquisitions, n* 291. Seulement, au lieu d'être dédiée au cardi-
nal Noris, elle est adressée Eruditissimo Antiquario Jacobo
Sponio. Cette dissertation fut donc composée avant la mort
de Spon, c'est-à-dire au plus tard en i685 ; après la mort de
cet ami, Nicaise modifia la dédicace et substitua au nom du
grand archéologue lyonnais le nom du cardinal Noris;
3** Dissertatio de Mercurio Cissonio^ ad illustrissimum et
eruditum J.-B. Boisât^ Sancti Vincentii Vesontini Abbatem
dignissimum. Une copie de cette dissertation, faite pour le
président Bouhier, est annexée à la précédente, volume 291,
pages 70 et suivantes ;
5" Dissertation et explication française^ tirée de l'italien de
M. Bellori, des deux plus beaux et plus agréables tableaux de
Raphaël d Urbin, peints au Vatican, V Échoie d'Athènes et le
Parnasse; dédiée au Cardinal Albani, secrétaire des brefs de
Sa Sainteté ;
4** Dissertatio in Inscriptionem antiquam sive Aureliani^
sipe Tererentii [sic)^ Dipione olim extantem apudDom, Petrum
(i) La lettre de Nicaise à Santeul, que M. Henri Beaune a publiée
dans les Mémoires de V Académie de Dijon^ troisième série, t. VI, 1880,
p. 10 à 18, se rapporte également à cette inscription.
Académie dt Lfon, cloue des Lettres, l'
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XVIII L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
du May, senatorem. Une copie de cette dissertation se trouve
réunie aux dissertations sur Minerve et sur Mercure, p. 41
et suivantes.
Un savant bourguignon, M. Henri Beaune, donnait
naguère à Nicaise les qualifications de « connaisseur délicat,
d*érudit sagace, d'écrivain élégant, presque habile à l'égal de
quelques-uns de ses correspondants et de ses modèles (i) ».
Ce jugement si favorable est-il exempt de cette partialité dont
les compatriotes d'un auteur subissent trop souvent l'in-
fluence ? Sans aller jusqu'à contredire M. Beaune lorsqu'il
affirme que les œuvres de Nicaise peuvent encore être con-
sultées avec fruit par nos archéologues, nous serions bien
surpris si les lecteurs des dissertations de Nicaise ne trou-
vaient pas son style prétentieux et peu châtié, s'ils n'étaient
pas péniblement impressionnés par le désordre des idées et
par l'absence de méthode.
Avec une modestie peut-être plus apparente que réelle,
Nicaise a lui-même sollicité l'indulgence de ses contemporains
pour les défauts de son style et de sa diction, pour ses digres-
sions trop fréquentes et trop diffuses. Il suffit de parcourir
rapidement Tune de ses dissertations pour se convaincre qu'il
s'accusait justement. Rencontrant, à propos des sirènes, un
texte dans lequel saint Jérôme a rapproché les sirènes des
joueuses de flûte ou de lyre, Nicaise nous fera aussitôt remar-
quer que les joueuses de flûte ou de lyre sont fort en usage
sur les théâtres de Naples. Par une série de transitions natu-
relles, l'auteur nous décrira le principal théâtre de Naples,
puis il fera l'éloge de la ville tout entière, et, comme Giotto a
peint un tableau satirique de cette ville et de son gouverne-
ment, il nous parlera de Giotto. Cet artiste est, dit-on, l'au-
teur de la mosaïque de Saint-Pierre, la Nave del San-Petro ; il
(i) Mémoires de l'Académie de Dijon y troisième série, t. VI, 1880, p. 3.
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L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XIX
convient donc de parler des mosaïques, puis d'examiner si
la Nave est bien l'œuvre de Giotto, etc., etc.. Le chant des
sirènes est renommé; l'occasion est favorable pour nous entre-
nir de Timothée, des Noctes solitariœ de Persona, de la
Musurgia du Père Kircher, de V Histoire de la Musique du
chanoine Ouvrard, des manuscrits de Peiresc possédés par
l'intendant Bégon, des manuscrits du cardinal Bona..., tout
en reconnaissant que ni dans ces livres, ni dans ces manus-
crits, il n'est question des sirènes. Nicaise a exprimé quelque
part la crainte que son œuvre ne soit comparée au babil d'une
pie. L'expression est triviale, mais elle résume assez bien le
sentiment que nous avons éprouvé (i).
Le meilleur titre de l'abbé Nicaise à l'estime de la postérité
est dans les immenses relations épistolaires qu'il entretint
avec presque tous les hommes connus de son temps. On
peut dire qu'il remplit à lui seul, dans le monde lettré de la fin
du XVI P siècle, le rôle d'intermédiaire que remplissent
aujourd'hui les journaux et les revues. Il s'acquitta de cette
tâche avec un zèle admirable, auquel la plupart de ses con-
temporains ont rendu hommage. Avec Daniel Huet, nous
lui appliquerons les vers que Virgile a consacrés à la mé-
moire du trompette Misène (2) : « Id videtur prœcipue
(i) Un ami de Nicaise, qui était bon juge, a exprimé une opinion très
voisine de la nôtre. Le 21 janvier 1703, Daniel Huet écrivait à Gisbert
Cuper : « Scriptum est ad me Divione, ante menses aliquot, esse illic qui
literariam Nicasii supellectilem recognoscat, et quidquid dignum visum
erit luce publica, recolligat et editioni paret. Sane praeter epistolas, quas
corradebat undique et extundebat ex omnibus quorum aliquod esset no-
men in literis, perpauca illic extare puto, quibus carere multum intersit
rei literariae... » Lettres de Gisbert Cuper, p. 572.
(2) Enéide, VI, i65.
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XX LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
habuisse propositum iEre ciere viros Martemque accendere
cantu, non arma ipse tractare (i) ».
On ne doit pas croire toutefois que ce rôle de <c facteur du
Parnasse » soit complètement exempt d'incidents fâcheux.
Pour devenir l'intermédiaire des savants, la bonne volonté,
qui animait à un si haut degré Nicaise, ne suffisait pas.
Il fallait que les savants l'acceptassent pour confident de toutes
leurs bonnes nouvelles littéraires ou scientifiques, de celles au
moins qu'ils désiraient faire arriver à leurs confrères en éru-
dition.
Nicaise fut obligé de solliciter humblement ces confi-
dences. Il écrivit aux savants de l'Europe tout entière pour
les prier de vouloir bien lui communiquer leurs découvertes.
Beaucoup, et ce ne sont pas les moins illustrés, se déclarèrent
fort honorés d'être ainsi mis à contribution par l'abbé. Mais
d'autres, moins abordables ou plus défiants, accueillaient sans
enthousiasme les requêtes et éconduisaient, plus ou moins
galamment, le solliciteur. Écoutons cette réponse, spirituelle
et moqueuse, d'un compatriote de Nicaise, qui évidemment
ne se souciait pas d'être son correspondant habituel, et qui le
fut pourtant bientôt, entraîné par le mouvement général.
« A Paris, ce 3o octobre 1669.
« Monsieur,
« La charité que Je vous dois est de vous avertir que vous
perdriez trop dans le commerce que vous m'offrez. Ce serait
toujours a vous de fournir, comme a moy de recevoir. Quelque
avantage qui m'en revînt, je ferois conscience de m'en pré-
valoir et je ne crois pas qu'il y ayt d'Escobar qui pût me per-
mettre de vous tromper ainsi de plus de la moitié de prix. Ce
(i) Lettre de Huet à Cuper, datée de Paris, 21 février ijoS, et impri-
mée dans le recueil des Lettres de critique écrites par Cuper ^ ï?^^, p. 572.
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L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXI
n'est pas que je craignisse de vous ruiner. Vous avez un fonds
trop inépuisable de nouvelles et de curiositez ; mais, outre que
je ne suis pas assez bien rente pour estre votre correspondant,
c'est que je me vois engagé pour quelque temps dans certaines
affaires pressantes, qui me feroient perdre le goust des meil-
leures choses. Quand le torrent sera passé, je prendray la
liberté de vous renouveller mes respects et de vous prier de
croire que je seray toujours,
ce Monsieur,
« Votre très humble et très obéissant
serviteur,
« De la Monnoye (i). »
L'abbé insistait-il et obtenait-il gain de cause, le corres-
pondant lui faisait payer cher son succès. Au lieu de lui
adresser ces lettres pleines d'une érudition dont Nicaise espé-
rait être bientôt le généreux distributeur, l'émule de La Fon-
taine, l'auteur des Noëls bourguignons, lui offrait la primeur
de contes bien libres, au fond et en la forme, si libres que
nous n'oserions vraiment pas les reproduire ici, même en
essayant de dissimuler leurs hardiesses sous une de ces
langues, qui, dit-on, bravent l'honnêteté.
Blessé dans sa pudeur, le pauvre abbé se plaignait timi-
dement. Ah ! répondait le facétieux conteur, vous dites que
mes contes font scandale ! Eh bien ! <c faites voler mon Grifon
devant les yeux des Ménages, des Toinards, des Graevius, des
Bayles, des Auzouts. Vous verrez que cet oiseau, tout terrible
qu'il paroit, ne leur plaira peut estre pas moins que le moi-
neau de Catulle. Je m'assure même qu'il ne deplairoit pas à
nos Dames, si La Fontaine prenoit soin de lui faire le bec (2) ».
(i) Lettre conservée dans le volume 9359, cote 180.
(2) Lettre de La Monnoye, du 4 octobre 1687 (Fr., 9359, 166-167).
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XXII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
Traduction libre, c'étaient les mots alors consacrés, Tabbé
n'est qu'un pédant, un collet-monté, un vertugadin !
Nicaise, nous l'avons vu, aimait à
S^ériger en solliciteur
De louanges pour un auteur.
Lorsqu'un de ses fidèles correspondants payait tribut à la
mort, vite il s'occupait de lui élever un Tumulus^ en donnant
à ce mot un sens immatériel et exclusivement poétique, et il
demandait aux poètes des épigrammes. On le servait à souhait,
avec cette réserve, toutefois, que les vers envoyés n'étaient pas
seulement épigrammes à la façon des anciens. Que de mo-
queries, que de traits piquants les pauvres défunts doivent à
son intercession !
S'agit-il de Jean de Santeul, La Monnoye l'accable de vers
grecs, de vers latins, de vers italiens, qui tous expriment la
même idée :
Santeul, qui loua tant les eaux,
Ne but rien moins que de Teau claire,
Et fît des cantiques fort beaux
Pour des saints qu'il n'imita guère (i).
S'agit-il du père Rapin, on écrit à Nicaise : « Bien que
je ne connoisse le P. Rapin que par sa prose françoise, et
que je n'aie jamais lu le moindre vers latin de sa façon, je ne
laisse pas, sur sa réputation, de le croire un grand poète. Je
me reserve à en juger plus sûrement lorsque la lecture m'aura
mieux informé de son mérite. Cependant, Monsieur, comme
les éloges poétiques ne tirent pas à conséquence, je ne fais
nulle difficulté de vous envoler ces petits brins de fleurs, que
vous jetterez, s'il vous plait, de ma part sur son tombeau :
(i) Lettre de La Monnoye (Fr., 9359, i58). — Nous avons publié les
vers grecs; voir plus loin, p. 287.
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L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXIII
ElysioSf oh ! quid lucos^ Rapine^ petisti ?
Felicis ne legas ut nova serta loci ?
Fallu te incautum spes credula ; non tôt amœnos
Elysius flores, quot tuus, hortus habet.
<c Moi, qui, grâce au Seigneur, ne tiens rang sur le Parnasse
latin que de faiseur d'épigrammes et de petits contes, je me
crois suffisamment quitte envers le défunt par la contribution
à laquelle je viens de me taxer (i). »
Parfois la plaisanterie devient si forte, la méchanceté si ac-
centuée, que Nicaise se fâche. Jean-Baptiste Lantin, respec-
table conseiller du Parlement de Dijon, qui demandait à la
poésie, aux mathématiques, à l'histoire naturelle, une distrac-
tion à ses préoccupations judiciaires, et qui mérita de devenir
légataire des manuscrits du grand Saumaise, J.-B. Lantin
venait de mourir, et Nicaise voulait perpétuer sa mémoire ;
on trouvera plus loin (2) un exemple des éloges qu'il recueillit
et une allusion à son juste mécontentement.
Nicaise lui-même, malgré sa bonhomie, malgré cette amore
digna simplicitas, cette candor^ dont parle Daniel Huet,
n'échappait pas aux épigrammes personnelles.
Un jour, il avait fait remarquer, en passant, qu'un livre
récemment publié par un savant français ne lui avait pas été
envoyé ex dono. — Est-il possible. Grands Dieux ! que tous
les auteurs n'envoient pas leurs livres à l'abbé Nicaise ? « En
qualité d'homme d'affaires de tous M" les Beaux esprits, vous
estes en possession de prétendre d'eux ce tribut. Je ne doute
pas que vous ne soyez bien surpris de vous voir ainsi frustré
de votre droit. Quoi ! pendant que l'Alemagne, Tltalie, la
Hollande et peut-estre l'Angleterre, s'acquittent envers vous
(i) Lettre de La Monnoye, du 8 novembre 1687 (Fr., qSSq, lyS). —
Nous avons cité quelques lignes de cette lettre ; voir plus loin, p. 187 et
i38.
(2) Page 25o, note i.
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XXIV L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
de cet hommage, il se trouvera des François assez injustes pour
vous le refuser ! En vérité ! cela est dur, et il devroît leur
estre défendu tout au moins de faire mettre au bas du privi-
lège que les exemplaires ont été fournis... (i). »
Si amusante que puisse être parfois cette revue des malices
expédiées, presque sur son invitation, au pauvre abbé
Nicaise, nous ne la prolongerons pas indéfiniment; nous n'en
citerons plus qu'un seul exemple, qui prouvera, nous le
croyons, d'une manière péremptoire, la foi robuste que cer-
tains correspondants avaient dans la candeur de leur ami.
Nicaise avait fait hommage de l'un de ses livres à Bernard
de La Monnoye. Le destinataire lui en accuse réception et
ajoute : « Après avoir trouvé le savant Monsieur Nicaise dans
un écrit françois tout nouveau, je viens de trouver Nicasi
docttssime dans un écrit latin fait il y a près de deux cens ans.
C'est, Monsieur, dans une epitre d'Érasme Nicasio Sacellano
Cameracensi, datée de l'an 1499. Il n'est pas impossible que
vous ne tiriez votre origine de cette famille, qui, étant de
Cambrai, étoit par conséquent sujette des Ducs de Bourgo-
gne. En tout cas, vous voiez que ce n'est pas d'aujourd'hui
que Messieurs les Abbez Nicaises sont en possession d'estre
traitez de doctes. Il y a un autre fameux Nicaise, dit de Voer-
da (2), qui vivoit à peu près du même temps, et sujet aussi
des mêmes Ducs, grand jurisconsulte et grand théologien, à
qui, chose remarquable ! bien qu'il eust perdu la vue des l'âge
de trois ans, le pape ne laissa pas de permettre de se faire
prestre, si bien, Moiïsîeur, que voila trois savans Abbez de
votre nom. Je mettrois volontiers dans cette liste Nicasius
EUebodius Casletanus, dont nous avons une belle traduction
latine du traité de Nemesius icepl (pjaswç ôvepwxou, qu'il a dédiée
(i) Lettre de La Monnoye, du 28 février 1688 (Fr., gSSg, 160).
(2) Voir Stintzing, Geschichte der populœren Literatur^ 1867, p. 182
à i85.
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LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXV
par une épitre grecque fort élégante au cardinal Perrenot.
Mais, comme, pour la rareté du fait, il faudroit qu'il eust été
d'Église, et que je ne suis pas sûr qu'il en ait été, en attendant
qu'on puisse lui déterrer la qualité d'abbé, je suis réduit a ne
pouvoir l'appeler que le docte Nicaise. Enseignez-moi, s'il
vous plait, les autres illustres de ce nom, afin que je puisse
travailler aune Diatribe de Nicasiis^ pareille à celles qu'Allatius
nous a données des Pselles, des Georges, des Philons et des
Siméons... Meis verbis clarissimum Bayleum salutabis accu^
rate et tuo more^ hoc est, diligentissime, grattas âges. Ce sont
les termes dont se sert Érasme dans sa lettre à l'abbé Nicaise
de Cambrai, qui ne les a jamais sans doute si bien méritez que
Monsieur l'Abbé Nicaise de Dijon (i). »
D'autres correspondants tenaient à l'abbé Nicaise un lan-
gage bien différent de celui que nous venons de citer, et peut-
être ne lui était-il pas beaucoup plus agréable.
Voici une très belle lettre que lui adressa, le 22 janvier lôgS,
Jacques de La Cour, le futur successeur de l'abbé de Rancé
dans la direction de la Trappe :
« Je ne sçay. Monsieur, quelles avantures sont arrivées à
vos Sirènes, ni ou elles se sont allé promener depuis que vous
leur avez donné mission pour venir surgir à nos côtes. Mais
ce n'est que d'hyer qu'elles y ont paru et qu'elles sont venues
nous dire de vos nouvelles. Elles se louent fort de vous,
Monsieur, et elles ne se peuvent taire des obligations qu'elles
vous ont d'avoir autant de soin de les embellir, de les parer
et de les produire dans le monde. Et moy je vous remercie de
ce que vous avez bien voulu me donner l'honneur de leur
connoissance. Votre lettre du 24 septembre a fait plus de dili-
gence, car elle est arrivée en son tems, et, en remettant de
jour en jour a vous rendre mes actions de grâces pour les
(1) Lettré de La Monnoye, volume 9359, cote 179.
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XXVI L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
éclaircissements que vous m'y donniez, je me trouve insensi-
blement arrivé à une nouvelle année, que je vous souhaitte.
Monsieur, très heureuse et très sainte. Et il faut qu'elle soit
sainte pour estre heureuse. Et, pour estre sainte, elle doit estre
employée d'une manière utile au salut, et qui puisse servir à
glorifier Dieu. Permettez-moy, Monsieur, de ne vous point
flatter sur ce chapitre et de vous dire franchement ce que je
pense. Il y a deux hommes dans M. TAbbé Nicaise. L'un est
rhonneste homme, l'autre l'homme chrétien. On ne peut estre
plus content que je le suis du premier. On ne peut rien ajou-
ter à son honnesté {sic). C'est un homme qui se connoist en
toutes les belles choses et qui aime tout bien. C'est un ami
franc, ouvert, obligeant, et qui embrasse chaudement toutes
les occasions d'obliger ses amis. Enfin il est savant, il est poli,
il possède toutes les belles-lettres et il en écrit tout à fait bien.
Mais, de cet autre homme qui songeait si fort à la retraitte
il y a quelque tems, entre nous, je n'en suis pas trop content,
parceque je croy que Dieu n'en est pas content lui même.
Ses infirmitez cependant l'avertissent qu'il est mortel et son
âge lui fait assez entendre que la mort vient à grands pas,
que nous la verrons à notre porte lorsque nous y penserons
le moins, qu'il faudra rendre compte de tout à celui qui nous
a tout donné et qu'il ne faudra pas paroitre devant lui les
mains vuides. Mais quoy ? des inscriptions, des médailles,
des sirènes, la vie d'un reprouvé (i) et les plus belles observa-
tions sur ces sortes d'antiquailles seront-elles dignes d'estre
offertes à Dieu ? Est-ce quelque chose qui soit propre à nous
le rendre propice ? Je m'en rapporte à ce que vous pensez
vous même quand vous l'envisagez des yeux de la foy. Toutes
(i) Nicaise avait été chargé par TAssemblée, qui se réunissait le jeudi
chez le président Bignon, d'écrire la vie de T Empereur Commode, pour
donner plus d'éclat et de relief à la vie de Marc-Aurèle que Bignon se pro-
posait de publier (Voir Les Sirènes ^ p. i3).
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LABBE NICAISE ET SA. CORRESPONDANCE. XXVII
Ces belles choses que les savans admirent tant sont des
sirènes qui vous séduisent par la douceur trompeuse de leur
voix. Ce sont ces chants tendres et languissans par lesquels
les Ulysses, c'est-à-dire les voyageurs tels que nous sommes
tous en ce monde, se laissent attirer , et ces promesses de
grandes connaissances que les hommes curieux préfèrent à
l* amour de la patrie céleste et aux douceurs qui les y atten^
dent (i). Je prie Dieu, Monsieur, qu'en vous détachant de la
modulation mineure, il vous donne de Tamour et de Tattrait
pour la modulation majeure et qu'il vous frappe de la sainte
passion des choses vraiment sublimes^ des choses célestes,
des biens invisibles, de cette science lumineuse qui nous
fait connoistre Jesus-Christ... (2). »
Dans une autre lettre du 27 février 1694, le même corres-
pondant revient à la charge : « Sérieusement, Monsieur, si
un homme ne songe, à soixante ou soixante dix ans, à se
défaire de ces occupations vaines et inutiles, semblables à la
science des syrenes et à l'explication d'un morceau de mar-
bre, s'il ne se sépare de ces sortes de commerce qui ne sont
bons qu'à nous faire perdre le tems que Dieu nous donne
encore pour penser à l'éternité, il y a beaucoup à craindre...
Au nom de Dieu, songez à vous sauver. »
C'est encore Jacques de La Cour, qui, le samedi saint de
l'année 1695, en réponse aux tristes confidences de l'abbé Ni-
caise sur les infirmités qui désolent sa vieillesse, lui adresse
sans ménagement, cette charitable consolation :
<c Quand on voit un chrestien âgé de 60 à 70 ans se prépa-
rer à aller paroitre devant Dieu et travailler de Jour en jour à
réveiller sa foy, à se purifier des taches et de la poussière qui
(i) Dans cette phrase et dans la suivante, Jacques de La Cour emploie
les expressions mêmes dont Tabbé Nicaise s'était servi dans son discours
sur Les Sirènes; voir p. 42.
(2) Volume 9363, cote i55.
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XXVIII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
s'amassent, durant le cours d'une assez longue vie, par beau-
coup de recherches inutiles et d'attachement aux créatures,
quand, dis-je, un chrestien dans ces circonstances est visité de
Dieu par une maladie douloureuse, longue et accompagnée de
plusieurs incommoditez,... je ne puis m'empecher de dire que
cette souffrance est bien placée, qu'elle vient à souhait par
rapport au ciel et qu'il y a lieu d'en louer la miséricorde du
souverain médecin, qui se sert du corps pour sauver Tàme,
comme le diable s'en sert pour la perdre. »
Nous avons de beaucoup dépassé la mesure que nous
avions d'abord assignée à cette introduction, et cependant
nous ne résistons pas au désir d'extraire quelques phrases de
la correspondance de Nicaise avec un illustre Lyonnais,
Jacob Spon (i).
Cette correspondance a commencé le i*' janvier 1678 par
la lettre suivante de l'abbé Nicaise (2), que nous reproduisons
fidèlement, pour donner un spécimen du style et de l'ortho-
graphe de l'abbé.
(i) Voir le jugement porté sur les lettres de Spon à Nicaise par M. Ed-
mond Le Blant, Inscriptions chrétiennes de la Gaule, t. I, p. 177 et
suiv.
(2) La Bibliothèque de Lyon a acheté, en 1845, lors de la vente des
livres ayant appartenu à Hyacinthe Baron, doyen de l'ancienne Faculté
de médecine de Paris, plusieurs centaines de lettres autographes adres-
sées, par desérudits du XVII« siècle, à Charles Spon et à son fils Jacob
Spon. Dans la collection des lettres à Jacob se trouvent quarante-trois
lettres de Tabbé Nicaise ; celle que nous publions est cotée bj dans le
volume 0,864, !•"" M. Monfalcon y a joint des copies des soixante-huit
lettres de Spon à Nicaise, conservées à Paris (Bibliothèque nationale,
fonds français, n» 9360). Ces copies ont été faites, à Lyon, sur les origi-
naux, dont le déplacement avait été autorisé par arrêté ministériel du
17 août 1857.
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l'aBBE NICAISE et sa correspondance. XXIX
A Monsieur
Monsieur Spon, docteur
en médecine,
Lion.
Dijon, le !•' de janvier 1678.
Monsieur,
Vous régalez le public avec tant de profusion en grec, et en
latin, que bien que je n'aye pas l'honneur d'estre connu de
vous, je me sents néanmoins oblige en mon particulier de
vous en remercier en francois, autant. Monsieur, par ma pro-
pre inclination, que par l'invitation que m'en faict monsieur
D'Areste, nostre bon amy, qui me vient d'envoyer vos trois
excellents volumes. Je n'attends pas. Monsieur, de lés avoir
lus, pourm'acquitter de ce devoir; je suis assez scrupuleux
pour craindre que l'année ne s'advancâ trop pour ne pas
vous en féliciter dans son commencement. Je craindrois aussi
en mesme temps d'encoUrir l'indignation des Dieux et des
hommes mesme inconnus, que vous nous faîctes connoitre
avec tant d'érudition (i). En vérité. Monsieur, Lion vous doibt
tout au moins un autel, ou tous les amateurs de l'antiquité
grecque et latine fassent tous les ans vostre panegirique a qui
mieux mieux, sens que ceux qui n'y auront pas si bien réussi
que les autres soint condamnés d'estre foiiettéz, ou d'estre
iettéz dans le Rhosne, comme autrefois devant ce célèbre
autel que vous scavez dont parle le poète satyrique Je
laisse, Monsieur, a Monsieur d'Areste de suppléer au reste de
mes civilités et de vous témoigner combien j'ay d'estime pour
(1) Spon avait récemment publié le petit livre ayant pour titre : Igno*
torum aique obscurorum quorumdam Deorum Arœ ; Lyon, 1676.
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XXX L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
VOUS et que je suis, Monsieur, avec tout le respect que je
doibs,
Vostre très humble et très obéissant
serviteur, Nicaise, chanoine de la
S** Chapelle de
Dijon.
Spon ne tarda pas à répondre à Nicaise; sa réponse est du
5 janvier 1678, et, au bout de quelques mois, il fut l'un des
meilleurs clients de Tabbé.
Les lettres de Spon, pleines de détails sur les inscriptions
trouvées à Lyon et dans les environs, sont précieuses pour les
archéologues ; elles intéressent aussi les historiens lyonnais
à bien des titres ; les deux fragments qui suivent permet-
tront d'en juger.
Le i3 mai 1678, Spon écrit à Nicaise : ce Je receus, avec
vostre dernière lettre, le livre de vostre docteur dont vous
m'avez fait présent (i). Je l'appellerois volontiers, comme
Rabelais, Chimœra bombinans in vaciio et comedens secundas
intentiones, car je ne say ce qu'il veut dire et je ne say com-
ment il a pu si bien réussir à ne rien dire qui vaille. Nous
avons autrefois chassé de notre Collège Lazare Meysson-
nier pour avoir fait des livres de cette nature, qui pourtant
valoient bien mieux, et que quelques esprits aussi obscurs
que lui admirent....» (2).
Le 14 août 1682, Spon entretient Nicaise des bonnes dis-
(i) Nicaise à Spon, Dijon, le 3 mai 1678 : « Je vous regale, Monsieur,
d'un livre d'un de nos médecins de cette ville, qui s*est advisé a Taage
de 8 1 ans de faire le philosophe et de faire des vers. La figure qui est
au frontispice vous fera rire ; j'en regalê dimanche dernier, qui fût le
jour qu'il parût, quelques mess*^ de l'Académie de Paris de nos amis
pour les divertir... »
(2) Fonds français, 9360, cote 1 15. — Lazare Meyssonnier, né à Mâcon
en 1602, mort à Lyon en 1672, a laissé de nombreux ouvrages, notam-
ment une Histoire de r Université de Lyon.
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l'abbé NICAISE et sa correspondance. XXXI
positions de rarchevêque Camille de Neuville-Villeroi et du
nouvel intendant, André Le Fèvre d'Ormesson, relativement
aux protestants : « Pour nous autres qui demeurons à Lyon,
nous n'avons pas à nous plaindre. M. L'Archevesque est un
homme qui aime la justice, et on dit qu'entendant dernière-
ment de la bouche d'un gentilhomme catholique les violences
qu'on avoit fait en Poitou à ceux de nostre Religion, il dit
qu'il empescheroit bien qu'on n'en fist autant dans son gouver-
nement. Nous avons aussi sujet d'espérer que Monsieur L'In-
tendant, estant un homme intègre, ne permettra pas qu'on
nous inquiète contre les intentions du Roy. Le premier jour
qu'il a pris possession au Presidial, qui fut il y a quatre
jours, il jugea une affaire d'un légat de cent francs à nos
pauvres, qu'un homme de la Religion mourant avoit fait, la
veuve, qui est catholique, le refusant. Les voix se trouvè-
rent partagées ; celle de M. L'Intendant nous donna gain de
cause » (i).
Dans cette correspondance, Jacob Spon fait de son carac-
tère une peinture bien séduisante:
Le Père de La Chaize, qui avait prodigué à Spon les témoi-
gnages d'estime et d'amitié, souhaitait qu'il abandonnât la
religion protestante et se fît catholique ; il exhortait Nicaise à
tenter cette conversion et s'efforçait d'y arriver par plus d'un
moyen persuasif. — Le 5 avril 1680, Spon écrit à Nicaise :
« Une Abbaye de vingt mille livres me tenteroit autant
que les colifichets qu'Ulysse presentoit autrefois à Achille.
Par la grâce de Dieu, tous les biens du monde ne me tou-
chent point, et je ne crois point que cent millions de rente
vaillent le privilège d'un ame en repos » (2).
(1) 9360, cote 146.
(2) Vol. 9360, cote i36. — Cette lettre du 5 avril i68o est précisément
celle dont la mise en vente a été annoncée, en i883, sous le n» 199 (et
non pas 189) du catalogue cité plus loin, p. 171, note 4. — Comme, en
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XXXIl l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
De ce privilège, il jouissait depuis longtemps. Dès le 9 sep-
tembre 1678, il déclarait n'avoir ni « chagrin ni tristesse ; car,
Dieu mercy ! j'ay mon ame dans une telle assiete qu'il
ne me 'Semble pas seulement possible qu'il m'en puisse ve-
nir... » (i).
L'hémoptysie dont il fut bientôt atteint ne troubla pas sa
quiétude. « Si je ne considerois que ma santé, écrit-il le
14 octobre i683, je ne devrois que me divertir; mais il faut
mourir le harnois sur le dos et s'aquitter avec honneur de
la profession que nous exerçons. C'est un point de religion,
aussi bien que celuy d'assister les pauvres et se garder de la
souillure du monde... » (2).
Bien loin de se désoler, il bénit en quelque sorte sa ma-
ladie : <c Vous estes bien bon de me plaindre de ma légère in-
disposition. Je remercie Dieu très souvent de ce que je suis
un des plus heureux hommes du monde, sans passion, sans
ambition, et sans crainte de la mort, quoyque ma toux et
mon crachement de sang me disent à l'oreille : Hœret lateri
lethalis arundo (3). C'est encore là un de mes bonheurs. Si
j'avoîs esté d'une constitution robuste, j'aurois abusé de ma
santé et peut estre fait pire que les autres. Mais, me voyant
tout autre, je me tiens ad omnia paratus, et je remercie au-
tant Dieu de la maladie que de la santé. Jugés donc si je suis
à plaindre... (4). » — « Je m'accoutume au crachement de
sang, qui vient peut estre de ce que j'en ay trop... (5) ». —
« Je suis fort résolu de ne regarder cela que comme une in-
octobre 1884, nous Tavons vue à la place qu'elle doit occuper dans le
volume 9360, il faut se résigner à dire que l'auteur du catalogue a pris .
pour un autographe un des fac-similé exécutés pour orner la nouvelle
édition de la Recherche des antiquités de la ville de Lyon.
(i) Vol. 9390, cote 114.
(2) Vol. 936^ cote 1 54.
(3) Virgile, Enéide, iv, 73.
(4) II novembre i683; vol. 9360, cote i55.
(5) 1.6 décembre i683 ; vol. 9360, cote 159.
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l'abbé NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXXIII
commodité que la nature s'est rendue nécessaire, et comme
on regarde un cautère, qui, de soy mesme, est un petit ul-
cère incommode, mais qui entretient le reste du corps en
santé... (i). »
La mort de son père, décédé à Lyon, le 21 février 1684,
à trois heures de l'après-midi, n'ébranla pas sa fermeté (2).
Pour rémouvoir, il fallut le spectacle des persécutions qui
atteignaient ses coreligionnaires. Après avoir annoncé à Ni-
caîse, 1/2 25 août i685, que son frère venait de mourir, il
ajouta : « Nos malheurs généraux nous ont rendu les maux
particuliers moins sensibles. Je croys qu'à la fin nous nousre-
jouyrons de la mort de nos parens au lieu de nous en afli-
ger (3). »
Quatre mois plus tard, jour pour jour, le 25 décembre i685,
chassé de son pays par la révocation de Tédit de Nantes, il
s'éteignit tristement à Vevey, dans sa trente -neuvième
année.
Toutes les pièces que nous publions ne sont pas inédites.
Les lettres de Gisbert Cuper ont été publiées, dès 1755, par
un de ses neveux, qui avait eu communication des originaux
appartenant au Président Bouhier. Les lettres de Leibniz, im-
primées en i836 dans la Revue des deux Bourgognes^ ont été
maintes fois rééditées dans les Fragments de philosophie mo-
derne de Victor Cousin. Un érudit lyonnais, qui les croyait
inédites, F.-Z. CoUombet, les a fait réimprimer, en i85o, avec
quelques lettres de Galilée. Mais une publication nouvelle
a encore son utilité.
Lorsque de Beyer publia, en 1755, les lettres de son oncle, il
(1) 13 septembre 1684; vol. gSôo, cote i65.
(2) Vol. 9360, cote 160.
(3) Vol. 9360, cote 170.
Académie d* Lyon^ classe des Lettres. l**
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XXXIV l'abbé nicaise et sa correspondance.
en modifia souvent le texte pour le rendre conforme aux exi-
gences de notre grammaire. Cuper avouait pourtant, sans
fausse honte, que <r son jargon de françois ne passoit pas
d'égal avec le stile de Balzac et de Voiture ». N'était-il pas
bon de lui rendre sa naïveté primitive ?
Quant aux lettres de Leibniz, non seulement elles ont été
publiées sur des copies défectueuses, mais encore elles ont
été bien mal traitées par leurs premiers éditeurs. Nous n'en
citerons qu'un exemple. En lôgS, Leibniz envoya à Nicaise
un distique sur l'Électrice de Brandebourg, Sophie-Charlotte,
dont le père venait d'obtenir l'Électorat de Hanovre. S'adres-
sant à la princesse, le poète lui dit :
Eleci >ri5 eras conjuXy nunc filia fada es^
Vous étiez déjà fe jme d'Électeur, vous voilà maintenant fille d'Élec-
teur;
Sera^precor^fias ut soror atque parens^
Dieu veuille que vous soyez bien tard sœur et mère d'Électeur!
C'est-à-dire : Que Dieu accorde de longs jours , à vous
d'abord, à votre père et à votre mari ! Car vous ne serez sœur
d'Électeur que lorsque votre frère Georges-Louis succédera
à votre père; vous ne serez mère d'Électeur que lorsque
votre fils Frédéric-Guillaume succédera à votre mari ! — Au
lieu de Sera, precor^ ficis...^ Cousin a fait imprimer Sara,
precor, fias...^ et ce n'est pas un lapsus, car une note nous
rappelle que <c Sara était à la fois la sœur et l'épouse
d'Abraham ». — N'en déplaise au grave philosophe, Abra-
ham et Sara n'ont rien à faire ici.
Collombet est, en général, plus exact. Il lui arrivera ce-
pendant, là où Leibniz parle de l'évêque de Salisbury, l'his-
torien anglais Gilbert Burnet, d'écrire l'évêque de Stras-
bourg, Guillaume de Furstenberg (i),ce qui est très différent.
(i) Collombet, Lettres inédites de Leibnij^ p. 57.
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L ABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
XXXV
De plus, Touvrage n'a été tiré qu'à cent vingt-cinq exem-
plaires ; il est devenu fort rare, si rare qu'on ne le trouve plus
dans les bibliothèques publiques de Lyon, et que le chanoine
Christophe, auteur d'une biographie de Collombet, ne le men-
tionne pas dans l'énumération des œuvres de son ami ; nous
n'avons réussi à nous le procurer qu'après de longues recher-
ches. On peut dire du livre de Collombet qu'il est une curio-
sioté bibliographique ; il n'est pas accessible à la majorité des
lecteurs.
Ce qui distinguera notre édition des éditions précédentes,
c'est que, pour nous conformer au désir exprimé par l'Aca-
démie, nous avons en quelque sorte photographié les lettres
adressées à l'abbé Nicaise, ne nous permettant pas de chan-
ger le texte, même pour rendre à un nom propre sa forme
ordinaire, imprimant Joubert, Chabassut, Bénage, là où il faut
lire Jobert, Cabassut, Basnage, nous bornant à avertir le lec-
teur, soit dans les notes, soit dans la table (i). Notre volume
(i) Les deux phrases qui suivent
existent entre notre édition et les
copie très défectueuse :
Texte de notre édition.
P. 32 : Nous avons quelquefois
cherché le merveilleux et l'extraor-
dinaire où il n'y en a point. Par
exemple, lorsqu'il est dit que la
femme de Loth, regardant derrière
elle^fut changée en statue de sel, il
fait voir, suivant la manière de
parler figurée des Orientaux^ que
cela ne veut dire autre chose, sinon
que la femme de Lothy estant re-
tournée pour sauver quelque chose
de l'incendie, fut couverte du feu
et de bitume.
P. 40 : Georges, prince d'Anhalt.. .
a dit bien de bonnes choses. M. Ve-
jeliuSy à cette occasion, remarque
bien des choses à la louange de l'É-
glise de France.
montrent assez quelles différences
éditions anciennes, faites sur une
Texte de Védition Cousin.
Nous avons quelquefois cherché
le merveilleux et l'extraordinaire ;
par exemple, lorsqu'il dit que la
femme de Loth, estant retournée
pour sauver quelque chose de l'in-
cendie, fut couverte de feu et de
bitume.
Georges, prince d'Anhalt... a dit
bien de bonnes choses à la louange
de l'Église de France.
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XXXVI L*ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
n'a, en effet, d'autre mérite que de pouvoir remplacer, sur les
tablettes de nos bibliothèques, notre ancien manuscrit 690 bis^
et ce mérite lui ferait défaut s'il n'était pas une reproduction
aussi fidèle que possible des textes originaux (i).
Aux soixante et onze lettres, que le Président Bouhier
avait réunies en 1737, nous avons joint trois lettres, égale-
ment adressées à l'abbé Nicaise par un savant religieux de
(1) D'après la table que le Président Bouhier a lui-même dressée et
insérée, en lySy, au commencement de son manuscrit C, 140, ce volume
contenait des « Lettres de diverses personnes à M' l'abbé Nicaise, scavoir :
I de M*" Suarès, évêque de Vaison,
I de Lelio Colista,
I de M^* de Mazaugues,
I du Prieur Michel,
I du P. Bonjour,
I de M*- Galland,
I de M' Nicolas de Besançon,
I de M' de Saumaise le fils,
I de M' Kuhnius,
4 d'une personne inconnue, et datées de Rome,
1 de George Hickès à Hans Sloane,
14 de M' Graevius,
14 de M' de Leibniz,
4 de TAbbé de Gondi,
2 de Jaques Perizonius,
2 de J. de Witt,
1 de M*" Basnage de Beauval,
2 du P. Antoine Pagi,
5 de M*" Ézéchiel Spanheim,
2 de M' Pierre Bayle,
8 de M' Bégon, intendant de Rochefort,
7 de M' Gisbert Cuper. »
Mais, lorsque le Recueil a été donné à la bibliothèque de Lyon, le
28 octobre i835, M. Péricauda eu soin de constater et de mentionner sur
la couverture qu'il ne renfermait plus toutes les lettres indiquées dans la
table. « Il n'y en a que 12 et non 14 de Leibniz, une et non 2 de Bayle,
cinq et non huit de Bégon. » — M. Péricaud aurait pu ajouter que,
comme compensation, il y a seize et non pas seulement quatorze lettres
de Graevius.
Depuis 1 83 5, le volume n'a subi aucune mutilation; il répond exacte-
ment à la description de M. Péricaud.
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L*ABBÉ NICAISE ET SA CORRESPONDANCE. XXXVII
Tordre des Augustins, Henri Norîs, le futur cardinal Noris.
Les originaux de ces trois lettres étaient, en 1880, mêlés à
des pièces de tout genre et de toute origine (i), dans le carton
poudreux où gisait le recueil formé par Bouhier. — Il est
très possible que les lettres de Noris ne viennent pas de la
bibliothèque du Président Bouhier et qu'elles n'aient pas été
prises par les commissaires du Ministère de Tlntérieur dans
la bibliothèque centrale du département de l'Aube. Bouhier
en avait fait exécuter une copie, qu'il avait classée parmi ses
manuscrits sous la cote D, 129; copie naguère conservée
dans la bibliothèque du Palais-des-Arts, et que nous avons,
en vertu d'une délibération du Conseil municipal du 24 juin
1880, déposée entre les mains de M. le Directeur de la Biblio-
thèque nationale. Si les originaux avaient appartenu à Bouhier,
quelle eût été pour lui l'utilité de cette copie ? — Mais, comme
la mission de Chardon de La Rochette et de Prunelle n'a pas
été limitée à la bibliothèque de Troyes, comme ces deux sa-
vants sont allés dans beaucoup d'autres villes, notamment à
Dijon (2), et qu'ils ont, de leur propre aveu, recueilli beau-
(1) Aucune de ces pièces n'était inventoriée. Indépendamment de celles
qui sont énumérées dans notre Rapport de 1881, pages 11 à 20, nous
avons remarqué des lettres de Louis-Joseph de Chateauneuf de Roche-
bonne, de Perrichon, du Père Tournemine, etc., etc., et un grand nombre
de lettres administratives, écrites, pendant la Restauration, pour indiquer
aux représentants du Gouvernement la direction qu'il convenait de don-
ner à l'opinion publique.
(2) Dans une lettre du 25 septembre 1879, relative à la revendication
des Lettres à Nicaise que possédait alors la bibliothèque du Palais-des-Arts
(Voir notre Rapport de 1880, p. 44 et suiv.), M. Léopold Delisle écrivait:
« Les Lettres à Nicaise viennent de Dijon, où les deux commissaires du
Ministre de l'Intérieur allèrent en 1804 remplir la même mission qu'à
Troyes. Dans la bibliothèque de Dijon, les commissaires choisirent, entre
autres manuscrits, la collection des lettres adressées à l'abbé Nicaise. Le
3i octobre 1804, ils en remirent k la Bibliothèque nationale une masse
assez considérable.... Prunelle a gardé par devers lui un choix de ces let-
tres, absolument comme il avait détenu une partie des papiers de Bouhier. »
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XXXVIII LABBE NICAISE ET SA CORRESPONDANCE.
coup de lettres adressées à Tabbé Nicaise, il y a toujours lieu
de croire que les trois lettres de Norîs proviennent de leur
mission et ont été retenues par Prunelle (i). — Quelle qu'en
soit d'ailleurs l'origine, le Conseil municipal et l'Académie
de Lyon les ayant assimilées aux pièces venant de la biblio-
thèque de Bouhier, nous avons dû leur faire une place dans
notre publication.
Nous avons, enfin, pour faciliter la détermination de l'auteur
inconnu des quatre lettres datées de Rome, publié deux autres
lettres que cet auteur a écrites à Nicaise et que nous avons
trouvées àParis dans le manuscrit français 9362.
Transcrire fidèlement, afin de remettre à l'imprimeur des
apographa presque exempts de fautes, comparer les épreu-
ves, non pas aux copies, mais aux originaux, et réitérer jus-
qu'à cinq ou six fois cette comparaison, voilà quelle a été
notre tâche (2). Tâche ingrate, en vérité I et que nous avions
songé à rendre plus attrayante, en y adjoignant la rédaction
d'un commentaire perpétuel, analogue à celui dans lequel
Victor Cousin a encadré les lettres de Leibniz. Il a fallu,
pour ménager les finances de l'Académie, renoncer à ce
projet et nous borner à quelques annotations très succinctes.
Ainsi limité et exempt de difficultés sérieuses, le mandat
(i) Dans son Histoire monumentale de la ville de Lyon^ r866, t. IV,
p. 104, M. Monfalcon, après avoir rappelé les accusations qui furent for-
mulées contre Prunelle en 1819, et qui motivèrent sa destitution des
fonctions de bibliothécaire de la Faculté de Médecine de Montpellier,
ajoute : « Prunelle était un parfait honnête homme, très loyal, très
désintéressé, mais c'était un bibliophile, et on sait à quelles capitulations
de conscience la passion conduit les collectionneurs d L'anecdote rap-
portée en note, et que M. Monfalcon dit avoir apprise de Prunelle lui-
même, montre combien l'ancien maire de Lyon était passionné pour les
livres.
(2) M. Léopold Delisle a bien voulu nous faciliter la correction des
épreuves en nous autorisant à différer l'exécution de la délibération du
1 5 mars 1881 ; les Lettres à Nicaise n'ont été déposées entre ses mains que
le 6 mai 1884.
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XXXIX l'abbé nicaise et sa correspondance.
que rAcadémie nous a donné le 24 mai 1881, aurait pu être
rapidement exécuté. Mais, d'une part, nos devoirs profes-
sionnels, aggravés par deux longues absences pendant les-
quelles notre temps a dû être consacré tout entier au jugement
de concours pour l'agrégation des Facultés de Droit; d'autre
part, l'obligation, pour notre imprimeur, de donner toujours
la préférence aux mémoires ayant un caractère d'actualité et
aux œuvres plus importantes, ttlltsqueleCartulaire Lyonnais
de M. Guigue, ont retardé de près de quatre ans l'achèvement
de ce volume.
Si tardif que soit le paiement de la dette que l'Académie
nous a imposée, nous espérons que nos confrères voudront
bien l'accepter avec leur indulgence habituelle. Nous leur
demandons, et nous demandons en même temps à tous les
érudits que notre publication peut intéresser, de ne pas être
trop sévères pour les fautes que nous avons commises.
Lyon, le i««'mars i885.
E. Caillemer.
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LETTRES
ADRESSÉES A L'ABBÉ NICAISE
PAR DIVERS SAVANTS
S I.
LETTRES DU PÈRE NORIS
Henri Norit, ni à Vérone le a g août i6Sl, mort à Rome te 23 février 1^04'
Religieux de tordre des Augustins, Norit fut tuece$iivement profeueur de philosophie à VUni"
persité de Piee^ conservateur de la bibliothèque du Vatican et cardinal.
I
Air W^ Sig'^ Sig-. Prôn. mio Col"^^
il Sig. Abbate Claudio Nicasio.
Parigi.
Ill"»' Domine Prône Col"%
Quod diutius responsum distuli, non pigritias fuit, sed quod
juvenis, qui iter Parisios suscepturus erat, ultra mensem illud
procrastinavit.
Accepi epistolam Willelmi Loidi (i), quem Angli episcopum
dicunt; quo tamen titulo eundem nequeo appellare, sacris
legibus Vaticani vetantibus, quibus, vel officii gratia, refra-
gari non licet. Lœtor virum eruditissimum adhuc superstitem
(i) William Lloyd, évèque de Saint-Asaph, né le i8 août lôay à
Tilshurst, mort le 3o août 1717 a Hartlebury.
Académie de Lyon, classe de» Lettres. 2
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l8 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
esse, ac tibi, Vir 111°*% gratias ago quod ejusdem epistolam ad
me transmiseris.
Hanc tamen lœtitiam tuae literae etiam atque etiam turbant,
dum significas te in diuturniori lite, adversae partis potentia
prœvalente, inferiores partes tulisse, totaqwe causa excidisse.
Scimus Aristotelem divitias sive commoda rei privatae in
summi boni parte inferiorî posuisse. Verum quod Apostoli
verbis pro solatio tua in epistola uteris, intelligo te non Peri-
pateticum, sed Christianum Philosophum agere, caque tantum
bona aestimare quae intra te sunt ; cetera autem quae extrinse-
cus adveniunt ac variis fortunae casibus subsunt, parvi facere,
imo etiam despicere. Non quod amisisti, sed quam possides,
eruditio, comitas, ac ad benefaciendum alacritas, te famae inse-
ruerunt, tuumqwe nomen domi forisque cum laude personant.
Itaque, fama intégra, decurtata tibi supellex est, aut agrorum
portio, unaqwe simul diminutae curae familiares; unde promp-
tior animus, minusque terrenis hisce distractus, ad sublimiora
penetranda, felicius asque ac validius assurgat.
Ipse librum de annis et epochis Syromacedonum absolvi, in
quo duarum ac triginta urbium Syriae epochas expono. Stérile
opus ac siccum nummis illustro, quos ex insignioribus Museis
mihi comparavi. In frontispicio libri erit tabula geographica
Syriae cum urbibus quarum Aéras laudo, cum figura Temporis
desuper volitante, addito disticho :
« Oppida dejeci, Syriosque a culmine muros ;
« At Victor Syrio vinctus in aère trahor. »
Primo autumno typis volumen committetur ; num Floren-
tiœ an Bononiae, nondum deliberavi (i).
(i) L'ouvrage auquel Noris fait allusion fut imprimé en 1689, à Flo-
rence, sous ce titre : Annus et Epochce Syromacedonum, in vetustis urbium
Syriœ nummis, prœsertim mediceis, expositce, — Le distique du frontis-
pice diffère notablement de celui que Noris annonçait à Nicaise :
H Oppida dejeci STriae, sed in JERE resur^nt ;
« Cogor et in KUMMIS aerea yincla pati. »
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LETTRES DE NORIS. I9
Vale, vir summe, meque tuos inter clientes serva.
Florentiae, Kal. Juliis 1687.
Ill»« V. D.
Hutnillimus et addictiss. servus,
F. Henricus Noris August.
II
Air ni"''' Sig'' Sig. Prôn. ColT''
Il Sig. Abbate Claudio Nicasio.
Parigi.
ni'»*' Dne Prône Col"»*.
Recentissîmam abs te epistolam, eamque veterrimam accepi
ab 111"** Witzîo ; siquidem illa cum delatore per universam Ita-
liam peregrinata antea fuerat ad usque divîsam procelloso freto
Trinacriam. Juvenis enim Antiquitatis cultor eximius, Poly-
phemi antrum, Latomias Syracusanas, iEtnamqtte mugientem
curiosissime perlustravit. Idem postea dîuturniores Neapoli ac
Romae moras fecit, ubî veterum monumenta tu m stylo exarata,
tum etiam scalpro incisa sibi plurima comparavit, suamqwe in
Bataviam transmisit. Plurimum autem tibi debeo qui nobilis-
simi ac splendissimi C^ic) juvenis gratiam mihi conciliasti.
Acceperam antea aliam abs te epistolam, cum epigrammate
meo volumini praefigendo, additis etiam carminibus celeber-
rimi vatis Monetae conterranei tui (i), quae tamen in scrînio
Deux ans plus tard, en 1691, Noris présenta au public le même ouvrage,
en changeant le titre, en intercalant trois feuilles supplémentaires
(p. 473 à 496) et en ajoutant deux dissertations De paschali Latinorum
cyclo annorum LXXXIV, ac Ravennate annorum XCV,
La Bibliothèque de Lyon possède l'ouvrage de Noris sous ces deux
formes.
(i) Bernard de La Monnoye, poète, né à Dijon le 1 5 juin 1641, membre
de l'Académie française en 171 3, mort à Paris le i5 octobre 1728. Dans le
manuscrit n» 9359 du fonds français, la Bibliothèque nationale conserve
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20 LETTRES A L ABBE NIC AISE.
inter secretîores schaedas occlusi, ne iterum mihi ruborem
intenderent. Nae ipse proletarius scrîptor cum divinissimo vate
eodemqwe historico Moyse comparandus veniam? Vulgo aiunt
comparationes odiosas esse ; at illa mihi etiam foret pericu-
losa ; neque enim Fidei censores ejus epigrammatis editionem
permitterent. Magnus ille poeta numquam majora finxit.
Itaque aliud epigramma V. C. Moneta minoribus tibiis ac te-
nuiorî avena mihi concinat; nam licet ipsum magna dicere
deceat, me tamen tam grandia audire nefas existimo (i).
Jam vero quid agit eruditissimus Toinardus tuus (2), qui ab
anno meus esse desiit ? Num ab archetypis pluteis ad nuptiales
thalamos transiluit, a Pallade ad Venerem transfuga, vel, ut
mitius loquar, explorator ? Num post matris obitum, familiam
fulciturus, a libris ad liberos desiderium transtulit, post Hero-
diadum genealogiam doctissimis ornatam scriptis, Toinardia-
dum gentem factis aucturus ? Bono quidem meo fato factum
est, ut ejusdem pientissima mater superstes fuerit quousqwe
numismatum descriptiones mihi pernecessarias ab amicis,
quos plurimos isthic habet, coUegisset, ac ad me transmisisset ;
nam secus meum illud volumen abortum passum esset.
Quod vero numismatum mentionem feci, tuam operam etiam
atque etiam rogo, ut unius regii numismatis notitiam habeam
a doctissimo Morellio (3), sive a V. C. Rainssantio (4), sive
trente-quatre lettres de La Monnoye à Nicaise (cotes i58à 1 65, 167 à
178, 178 bis^ 179 à 182, 184 à 192). Le poète bourguignon soumettait au
jugement de l'abbé les contes les plus grivois, et manifestait ensuite quel-
que surprise de ce que Tabbé ne les trouvait pas admirables. Voir no-
tamment deux lettres du 16 novembre 1686 et du 20 novembre 1687.
(i) La Monnoye composa, en effet, une nouvelle épigramme, et Noris
la fit imprimer avec celles de Nicaise et de Vaillant.
(2) Nicolas Toinard, archéologue, né à Orléans le 5 mars 1629, mort
à Paris le 5 Janvier 1706.
(3) Sur André Morell, voir la lettre suivante.
(4) Pierre Rainssant, conservateur du cabinet royal des médailles, né à
Reims vers 1640, mort à Versailles le 7 juin 1689.
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LETTRES DE NORIS. 21
quopiam alio, qui commode nummum ipsum inspicere possit
et quidem oculis, ut cum Plauto loquar, emissititiis CsicJ.
Legî in erudito opère lo. Harduini (i) inter nummos Ephe-
siorum unum pagina extrema i6o inscriptum : e®. aixmokai
AOTioAA ANeTHATû, quem ille, subintellecto verbo »i«««v,
interpretatur : ^mocli Aviolœ Proconsuli Ephesii posuere.
Est Neronis nummus in regio Cimeliarchio. NuUus dubito
quin in priores vocesE®. aixmokah errores irrepserint. Nam,
sub prioribus Caesaribus, viri consulares Asiam proconsules
sortiebantur. Id verp temporis, consules e vetustis Romano-
rum familiis creabantur. Hinc fictitium puto ^moclem^ neu-
tiquam Romani nominis virum, Asiae proconsulem. Porro ex
Aviolœ cognomine auguror illum fuisse qui in Fastis anno
postremo imperatoris Claudii dicitur Manius Acilius Aviola^
cujus meminere Suetonius cap. 45. de vita Claudii, Tacitus lib.
12, ac Seneca in Claudii ludo (2). Hinc suspicor eo in nummo
legendum m an. a ri a m, etc., qui post consulatum, suo anno
Asiam sortitus, administravit.
Heri nuncium accepimus deditae Christianis Albae regalis
urbis munitissimae (3). Ita, intra semestre spatium, duae
urbes citra sanguinem, cogente famé, deditionem fecere,
Agria (4) et Alba regia, quam alteram Dux Mercurii, Gallorum
Ducum fortissimus, a. xpi 1601. difficili obsidione antea expu-
gnaverat.
(i) Jean Hardouin, savant jésuite, né à Quimper en 1646, mort le
3 septembre 1729. Ses paradoxes sont fameux et la correspondance que
nous publions y contient beaucoup d*allusions.
(2) Voir Pauly, Real-Encyclopadie, t. I«', 2« édit., p. 1 1 1 .
(3) Stuhlweissembourg, ville de Hongrie, dont les Turcs s'étaient empa-
rés en 1 543, et que Philippe- Emmanuel de Lorraine, duc de Mercceur,
général de Tarmée de l'empereur d'Allemagne Rodolphe II, reprit
en 160 1. Elle retomba au pouvoir des Turcs, et leur lesta soumise jus
qu'en 1688, date de notre lettre.
(4) Erlau, autre ville de Hongrie.
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22 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
Vale, virorum optime, mtque tui nominis observantissimum
ama.
Illustrîssimum Spanhemium, ejusdemqwe genîi viros clarîs-
simos Morellium ac Vaillantium a me plurima salute imperti.
Florentiae, die 28 maii 1688.
Ill~«Dom.V.
Addictiss"» servus
F. Henricus Noris Aug^.
III
Au Monsieur
Monsieur Abbé Claude Nicaise,
à Paris.
111'°'' Dne Patrone Col"%
Accepi typos numismatum Gabalensium, ac prœcipue mihi
placuit Dronianus (i) Commodi cum Epocha tac, in quo cum
Cotnmodus bene barbatus appareat, palam coUigitnus eam Epo-
cham non esse Pompeianam deductam ab anno Urbis
Romae 691, quo Pompeius in Syria fuit; alias annus ille
TAC, 233, concurreret cum anno Urbis 924, quo anno Commo-
dus imberbis puer annum vitœ decimum agebat. Barba qui-
dem homines indicat senescentes; at eo in nummo Gabalen-
sium Epocham juniorem ostendit. Nam uti Gabala M. P. XII
tantum Laodicea distabant, ita eodem anno Urbis Romae 707
novam cum Laodicenis Epocham innexere, qua de re fusius in
libro de Epochis disputavi, ubi adverti Laodicenos annum pri-
mum novae iErae ab autumno A. U. 706 coUegîsse. Hinc in
laudato Gabalensi nummo annus ta G, 233, cœpit ab autumno
A. U. 938, sexto imperii Commodi a morte M. Aurelii patris.
(i) L*abbé Dron, numismate distingué, mort à Paris en 1703.
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LETTRES DE NORIS. 23
In typo alterius nummi legitur anterius ANta-... et retrorsus
cum Jove sedente, etc., tabaieûn, et subtus eng, ut sit annus
255. At Antoninus Caracalla îbi imberbis obsignatur. Hinc,se-
cus ac in altero Commodi, genae nuUa barba asperatae nummum
juniorem produnt; unde média nota numeralis non est N,
sed M, videlicet EMC, 145 (i), qui iniit ab autumno A. U. gSo.
Hœc poteris tuo commodo de eo Commodi nummo viro spec-
tatiss^ humaniss^ ac candidissimo Dronio significare.
Intérim totus rubore sufFundor, cum utraqwe manu tôt mihi
dona transmittis, ut eisdem paene obruar; siquidem et deside-
ratissimos nummorum typos mihi procurasti, ac tua quoque
mittis volumina, quae magna arte ac industria, modo anceps,
modo piscator contexuisti, ut dubium facias sisne hamo vel
visco felicior (2). Non enim puto te retia adhibuisse ne viles
quoque aviculas, minutosqwe pisces captares. Verum non mul-
tiplicas praedam, sed minuis, dum captas aves in pisces sta-
tim convertis. Scribis pudere te adeo siccum mihi convivium
prseparare. At profecto ad hancce tuam mensam neutiquam,
licet invitatus, accedam ; etenim vereor, ne tuas inter dapes
maie cœnatus, vacuo inde ventre discessurus essem, coactus
tuo in convivio esuriales ferias longiori coUo trahere. Nam
cum initio statim apparatus, oculis prius quam dentibus, appo-
sitas aves devorarem, tu ea, quam jactas, arte, avibus in pisces
jussis commutari, a carnis privio in Jejunii diem me conjiceres,
(i Nous n'avoiis pas voulu modifier le texte, mais il y a évidemment un
lapsus calatni; Noris voulait écrire 245.
(2) Pour comprendre ce qui suit, il faut se rappeler que Nicaise publia,
en 169 1, un mémoire 5wr les Sirènes ou Discours sur leur /orme et figure.
Dans ce mémoire, Nicaise soutenait que les sirènes étaient autrefois des
oiseaux, et qu'elles devinrent des divinités marines à la suite d'un acte de
désespoir motivé par leur défsiite dans un assaut de chant avec les Muses.
A partir de ce moment elles reçurent quelques-uns des organes du pois-
son. Les sirènes sont donc en partie oiseaux, en partie poissons. De là, la
plaisanterie de Noris : L'abbé Nicaise est tout à la fois chasseur et pêcheur.
Offre-t-il à ses convives un oiseau ou un poisson ?
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24 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE.
ac, palato jam excitato, insidias strueres, ludumque faceres.
Sed ne ad pisces quidem manus eztenderem, timens ne ante-
quam illos cultro divîderem, in aves iterum et quîdem pluma-
tas conversi, procul a mensa volitantes, me horrore tantum ac
stupore pascerent. Amo mensas opiparas, non quae solum sint
miraculo. Sed jam satis lusi. Tu vota nuncupa, ne aves piscesque
abs te capti, a Balearibus etiampiratis capîantur, qui toto pelago
praedas agunt. Cum transmissa exemplaria pervenerint, omnia
juxta descriptum symbolum distribuam. Adhuc tamen libros
Ciceronis de Officiîs cum notis Graevianis expecto. Quod de epis-
tola Mediobarbi (i) scribis, ambiguum est. Ego tuam ad illum
epistolam mîsi; idem suam ipsius epistolam, qua tuae respon-
debat, ad me transmîsit, quam tibi destinavi. Semel autem in
quadam tua epistola nuUas a Mediobarbo te literas accepisse
significabas.
Abbas Fabrettus (2) a novo Pontifice successorem accepit
Abbatem Fabronum, patricium Pistoriensem. Si nomina atten-
das, majus est Fabronum Fabretto, et inter utrumque médius
esset Pater Faber Jesuita, qui me vatiniano odio prosequeba-
tur; cum tamen viri 111"* Fabretus et Fabronus sint mihi amicis-
simi. Qui tamen nomine major est Fabronus, minor est aetate
annorum 3o quam Fabretus, quod unum hic alteri invidet.
Profecto in ore omnium est novi Pontîficis in ministris eli-
gendis prudentia. Nam qui hactenus electi sunt, totius populi
testimonio optimi prasdicantur, cum tamen Innocentius XII,
prius Bononiœ legatus, dein episcopus Faventiae, ac denique
aarchiep* Neapolitanus diutius Roma abfuerit, ut mirum sit
tantam eidem inesse virorum in Urbe degentium notitiam,
qua optimos a bonis etiam discemit. Est ille plane Melchise-
(i) François Mezzabarba, numismate, né à Pavie en 1645, mort à
Milan le 3i mars 1697.
(a) Raphaël Fabretti, illustre archéologue, né à Urbin en 16x8, mort à
Rome le 7 janvier 1700.
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LETTRES DE NORÎS. 25
dek, rex Salem, sine pâtre, sine matre, sine genealogia (i)
superstite, in quam Ecclesiasticœ ditionis thesauri effundantur.
Natus est Neapoli die i3 martii anno Christi vulgari i6i5, in
familia quœ Mondruini principatum possidebat, cujus ipse
unicus remansit; quamvis ex alio stîpite ex eodem trunco des-
cendente, floreant nunc Pignatelli principes Montis Leonis in
Calabria, quo in loco.nos monasterium habemus. Innocen-
tius XI nihil nepoti Odescalco donavit, quod esset a censu
Ecclesiae. Verum Nepos sua pecunia in agro Latino princi-
patum émit, ac Roma, quamvis non ditavit, vidit tamen Pon-
tificis nepotem principem. At in praesentia Urbs nec nepotem,
nec pronepotem, nec consobrinum, nec uUos prorsus affines
Pontificis videt. Unus solus ibi est Pignatellus. In gentis nobi-
lissimae stemmate très ollae, Italis pignatte^ unde familiae
nomen, visuntur. Scribunt Pontificem in monetis sub triplici
corona oilam inverso ore pendentem scalpendam jussisse cum
épigraphe : Nihil pro me, sive tresollas cum : Nihil pro nobis.
Postquam Mars Gallicus, ita Louoium repentina morte
subiatum Itali vocabant (2), ex Orbe egressus est, speramus
V. G. Morellium (3) ex Bastitana arce egressurum, in qua
diutius praesidiarium vir Helveticus egit ; non quod fuerit prae-
sidio arcis, qui ibi in custodia detinebatur, sed quod mihi aliis-
que nummariœ eruditionis studiosis ibidem quoque prœsidio
fuit; cujus cum libertatem intellexero, grandiori sono Horatia-
num versum canam :
« O et praesidium et dulce decus meum 1 »
(i) Noris emprunte ces mots à Tépître de saint Paul aux Hébreux,
ch. VII, V. 1.3.
(2) LouYois était mort subitement le 16 juillet 1691.
(3) André Morell, numismate, né à Berne le 9 juin 1646, mort à Arn-
stadt le 1 1 avril 1703. Il avait été enfermé dans la Bastille sur Tordre de
LouTois, à la suite de doléances très-vives, motivées par le retard que Ton
mettait à payer les honoraires qui lui étaient dus pour le classement des
médailles du cabinet de Paris.
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26
Viros prœstantissimos Oudinetum (i), Dronium ac Vaillan-
tium (2) salutes velim.
111"'* Dn** Commendatori del René plurimas gratias debeo,
qui vestras ad me epistolas deferendas curât.
Vale, vireximie.
Florentifie, die i3 Augusti 1691.
Addictiss. servus
F. Henricus NoRis Aug"».
§ 2.
LETTRES DE LEIBNIZ
Godefroi'Guillaume Leibni\y nia Leipzig le 3 juillet 1646 , mort à Hanovre le 14 novembre 1716.
IV
A Morts. rAbbé Nicaise.
Hanover 9/19 janvier 1693.
Monsieur,
Vous avés fait trop d'honneur à mes bagatelles de les mons-
trer à Mons. d'Auranches (3) et moy-même je leur en ay trop
fait, en les addressant à vous.
Quelque personne qui m'est inconnue a répondu à ce que
(i) Marc- Antoine Oudinet, numismate, né à Reims en 1643, mort dans
la même ville le 12 janvier 1712. — Voir, dans le manuscrit français
n® 9360, trois lettres de ce savant à Nicaise ; elles sont cotées 67, 69 et 70.
(2) Jean- Foy Vaillant, numismate, né à Beauvais le 24 mai i632, mort
à Paris le 23. octobre 1706.
(3) Pierre-Daniel Huet, membre de l'Académie française, abbé d'Au-
nay (Calvados), évêque de Soissons, puis d'Avranches, né à Caen le 8 fé-
vrier i63o, mort à Paris le 25 janvier 1721.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 27
j'avois allégué pour prouver que Tessence du corps ne consiste
pas entièrement dans retendue, et j'y ay répliqué dernièrement.
Mons. le président Cousin (i) ayant eu la bonté d'insérer ma
réplique dans son janvier présent, cela servira de réponse en
même temps à des objeaions d'une personne de considération
qu'on m'avoit envoyées.
J'avois fait quelques remarques sur la première et seconde
partie des principes de M. des Cartes, qui comprennent la par-
tie générale de sa philosophie (2), et je les ay envoyées en Hol-
lande, pour estre vues avant l'impression, par des habiles gens
tant cartésiens qu'autres, afin de profiter de leur avis. La dis-
tance des lieux et difficulté des temp s m'a empêché de les en-
voyer en France, où j'aurois voulu sur tout les sousmettre au
jugement incomparable de Mons . d'Auranches, à qui je vous
supplie de rendre témoignage de ma vénération, et des grâces
très humbles de ma part, de la bonté qu'il a eue de se souvenir
de moy.
Mons. de Spanheim (3) a receu vostre lettre il y a long temps,
comme il m'a marqué dans sa réponse. Je luy avois offert de
vous envoyer celle qu'il m'adresseroit pour vous ; mais il vous
aura peut estre écrit par une autre voye. Il juge aussi que le
R. P. Hardouin s'est fort mépris dans son explication de la
médaille de Césarée. Cependant, il y a une chose à l'égard de
laquelle il n'est pas d'accord avec Mons. Vaillant, c'est tou-
chant l'explication d'M, que M. Vaillant explique M«y«A>î, et
M. Spanhem aimeroit mieux d'expliquer par ^firpémXiç, Il croit
qu'effectivement cette Césarée a esté la métropole de la Pales-
(i) Louis Cousin, président à la Cour des Monnaies, membre de T Aca-
démie française, né à Paris le 12 août 1627, mort le 26 février 1707.
(2) Leibniz fait sans doute allusion à ses Animadversiones ad Cariesii
principia^ dont le manuscrit a été retrouvé de nos jours dans la Biblio-
thèque de Hanovre.
(3) On trouvera plus loin une notice sur Ezéchiel de Spanheim et cinq
lettres adressées à l'abbé Nicaise par ce savant archéologue.
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28 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
tîne payenne sous Néron et auparavant, quoyqwe cela ne se
trouve marqué premièrement que dans des médailles greques
sous Elagable. Car souvent cette qualité inconnue d'ailleurs se
trouve par les médailles. Il croit que M«y«ii, n'est pas un épithète
convenable n'y d'usage qu'à l'égard des villes qui Ta voient
comme en nom propre ; que la qualité de Colonia prima n'est
pas contraire à celle de Métropole comme M. Vaillant le paroist
croire, puisque Nicomédie et autres villes prenoient en même
temps la qualité de métropole et de w/>«t7ï.
Comment ? Mons. d' Auranches a encore légué sa bibliothèqi/e
aux jésuites? C'est un océan où je voy que bien des rivières se
rendent. S'ils avoient tous jours des Frontons le Duc (i), des
Sirmonds (2), et des Henschenius (3), il n'en seroit que mieux.
Mais il arrive quelques fois qu'il y a des gens entestés de la
solipsité (4) et nourris dans des maximes opposées à la fran-
chise, et alors, ils gardent les trésors, comme le dragon les
pommes des Hespérides.
Quant à Mons. Ménage (5), c'estoit un bon mot que celuy
d'un amy qui vous mandoit que les jésuites avoient le privilège
de recevoir des restributions. Cependant, quelque bon que soit
ce mot, il a esté injustement appliqué à Monsieur Ménage, dont
(i) Fronton du Duc, savant jésuite, né à Bordeaux en i558, mort à
Paris le 25 septembre 1624.
(2) Jacques Sirmond, savant jésuite, né à Riom le 12 octobre iSSg,
mort à Paris le 7 octobre i65i .
(3) Godefroy Henschenius, jésuite, Tun des premiers rédacteurs des
Acta Sanciorum^ né à Venrai le 21 janvier i6oi, mort à Anvers en 1681.
(4) Allusion à un pamphlet, qui parut à Venise, en 1645, sous ce titre :
Lucii CorneL Europœi monarchia Solipsorum, Voir Inchofer Scotti, La
Monarchie des Solipses^ publiée par de Cuvillers, Paris, 1874, in-8«.
(5) Ménage venait de mourir à Paris, le 23 juillet 1692. — Son livre sur
les Origines de la langue française^ auquel Leibniz va faire allusion, a
été publié en i65o. La nouvelle édition souhaitée par Leibniz parut
en 1694. — Huit lettres de Ménage à Nicaise se trouvent à la Bibliothèque
nationale dans le manuscrit français n» 9359; elles sont cotées 193 à 194,
197 à 200, 202-203.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 29
rérudition et Tesprit n'estoit point emprunté. C'estoit sans
doute un homme d^une érudition profonde, et quoyqu'il ait sou-
vent manqué dans les Origines^ faute de sçavoir les langues du
Nord, il y a dit pourtant bien des choses excellentes, et j'en
attends la nouvelle édition avec impatience. Car je ne méprise
rien, pas même les découvertes de grammaire.
Il n'y a point de doute que si une préface ou quelque autre
chose manque à cet ouvrage posthume, Mons. d'Auvranches
le pourroît suppléer admirablement. Mais il n'y a point d'ap-
parence que ses affaires présentes lui permettent d'y songer ;
luy, dis-je, qui pourroit faire tant d'autres choses encor incom-
parablement plus importantes.
Mons. Bernard (i), dispensé maintenant de la profession, a
repris en main son Josephe.
Mons. Dodwell (2) a donné Lectiones Oxonienses^ ou Ton dit
qu'il y a des choses très belles ; que d'autres ont passé chez les
anciens sans les remarquer.
Mons. Marcus Meibomius (3), qui a publié veteres musicos^
nous promet depuis long temps une nouvelle édition du nou-
veau Testament.
Il seroit à souhaitter que Mons. Toinard nous voulut donner
ses Harmonies et les joindre à ses remarques sur les Hérodia-
des. Vous obligerés le public. Monsieur, si vous le pressés pour
cela.
Je voy par le livre de M. Pellisson (4) que M. l'Abbé Boisot (5)
(i) Bernard, auteur de Commentaires très prolixes sur Josèphe, dont le
premier volume seulement a été publié à Oxford en 1700.
(2) Henri Dodwell, professeur à Oxford, né à Dublin en 1641, mort
en 1711.
(3) Marc Meibom, philologue, né vers i63o dans le Sleswig, mort à
Utrecht en 17 10.
(4) Paul Pellisson, avocat, conseiller d'État et historiographe du Roi,
né à Béziers le 3o octobre 1624, mort à Paris le 7 février 1693.
(5) L'abbé Jean- Baptiste Boisot, né à Besançon en i638, mort le 4 dé-
cembre 1694. — Le manuscrit français 9361 contient dix-sept lettres de
Boisot à Nicaise ; elles sont cotées 25 à 35, et 37 à 42.
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3o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
a d'excellens mémoires venus du feu cardinal de Granvelle. Il
seroit à souhaitter qu'on en peut obtenir quelque catalogue
en abrégé.
Je suis avec zèle,
Monsieur,
Vostre très humble et
très obéissant serviteur
Leibniz.
P. S. Je vous supplie, Monsieur, de témoigner dans l'occa-
sion à Mons. Lantin (i) que je Thonnore infiniment.
A Mons. VAbbé Nicaise.
Hanover, ce i5/25 de may 1693 (2).
Voicy, Monsieur, une lettre de Mons. de Spanhem que j'ay
attendue depuis plus d'un mois, suivant la promesse qu'il m'en
avoit faite, mais dont l'exécution avoit esté différée par ses dis-
tractions. Il témoigne d'estre estrangement surpris de la har-
diesse avec laquelle le R. P. Hardouin semble révoquer en
doute les ouvrages de Josephe. Quand il estoit icy, il me mar-
quoit bien des choses qu'il trouvoit encor à dire à la dernière
lettre de ce Père, quoique il ne soit pas pour cela d'accord en
tout point avec M. Vaillant. Mais je ne doute point qu'il ne
vous en dise quelque chose luy même.
Tout le monde est convaincu maintenant de la fourberie de
(i) J.-B. Lantin, conseiller au Parlement de Bourgogne, poète, mathé-
mathicien, naturaliste, etc. Le fils du grand Saumaise lui légua, conjoin-
tement avec Philibert de la Mare, les manuscrits laissés par son illustre
père. Voir Léopold Delisle, Le Cabinet des Manuscrits^ t. !•% p. 36 1 et
suiv.
(2) La majeure partie de cette lettre a été publiée par Péricaud, Varié-
tés historiques^ Lyon, i836-i837, p. 14-17.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 3l
Jaques Aymar, depuis la déclaration que M. le Prince en a fait
faire dans le journal des sçavans (i). Mais, sans cela, j'en ay
tousjours esté persuadé. Nous avons des semblables devins à
baguette dans le pays de nos mines, qui se mêlent de découvrir
les veines sousterraines des métaux par leurs baguettes sympa-
thétiques. La plus part des auteurs en parlent comme d'une
chose seure ; mais nous avons reconnu par plusieurs expériences
que tout cela n'est rien ; et quand on leur bandoit les yeux, leur
baguette ne marquoit pas les veines connues, quoyqwe fort gran-
des. Je m'étonne fort que Messieurs les Cartésiens, ou au moins
quelques uns entre eux, ont donné la dedans. Car, qu'a-t-il de
commun entre leur philosophie et ces prétendues sympathies.
Ils deuvroient s'asseurer du fait, avant que d'en chercher la
raison.
Je n'ay encor lu que l'abrégé de la vie de des Cartes, fait par
M. Baillet (2), l'ouvrage entier n'estant pas encor venu à nous.
On ne doit pas blâmer le soin de M. Baillet d'embellir la
matière, et de tout tourner à l'avantage de son héros. Cependant
j'y ay fait plusieurs remarques ou je crois que le fait en est un
peu autrement, que M. Baillet ne l'a trouvé dans les lettres de
Mons. des Cartes, aux quelles on ne se doit point fier au préju-
dice d'un tiers ; car M. des Cartes avait la coustume de défi-
gurer d'une estrange façon ceux qui lui faisoient ombrage.
(i) Jacques Aimar-Ternay, paysan dauphinois, né à Saint- Véran (Isère),
le 8 septembre 1662. On trouve, dans le Journal des Sçavans^ ^^9^y P- >6
et suiv., un récit détaillé, fait par un médecin de Lyon, des services ren-
dus par cet homme-prodige aux magistrats chargés de l'instruction d'une
grave affaire criminelle. (Cf. J.-B. Monfalcon, Histoire monumentale de
Lyon^ t. II, p. 190, note 2). Mais, à Paris, Aimar fût moins heureux, et
le Journal des Sçavans^ 1693, p. 189, publia une courte notice de ses
insuccès. Cest ce dernier article qui est visé par Leibniz.
(2) Adrien Baillet, érudit, né à la Neuville, près Beauvais, le 1 3 juin 1649,
mort le 21 janvier 1706. Plusieurs des lettres qu'il écrivit à Nicaise nous
ont été conservées (Bibliothèque nationale, manuscrits français, n« 936 1,
cotes 92 à 98).
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32 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
J'attends avec impatience ce que le R. P. Pezron (i) nous
donnera sur les prophéties. Et je croy fort probable ce qu'il doit
avoir avancé de l'irruption des Scythes dans la Palestine. Héro-
dote et autres Grecs parlent des irruptions des Scythes, des
Cimmériens, des Trêves et autres peuples septentrionaux, dans
l'Asie mineure et dans la Syrie, ou apparemment la Palestine
n'aura pas esté épargnée.
Il y a un homme fort sçavant dans la langue ébraiqi/e, qui
s'attache à faire voir, par des explications fondées sur la pro-
priété de la langue, que nous n'avons pas tousjours le véritable
sens de l'Écriture, et que nous avons quelqi/e fois cherché le
merveilleux et l'extraordinaire où il n'y en a point. Par exemple,
lors qu'il est dit que la femme de Loth, regardant derrière elle,
fut changée en statue de sel, il fait voir, suivant la manière de
parler figurée des Orientaux, que cela ne veut dire autre chose
sinon que la femme de Lot, estant retournée pour sauver
quelqwe chose de l'incendie, fut couverte du feu et de bitume.
Car cÈiç signifie non-seulement sel, mais encore bitume ; et
l'hébreu n'est pas moins équivoqwe, ou peut estre plus. Ainsi,
estant couverte de ces matières, on peut dire qu'elle estoit deve-
nue comme une statue de bitume (2). Il dit aussi des choses
curieuses de columna ignis et nubis (3), et de pinnaculo tem^
pli (4), de maledictione Canaan (5), et de quantité de passages
semblables.
(i) Paul Pezron, cistercien, né à Hennebon (Morbihan) en 1639, °^ort
à Chessy le 10 octobre 1706. On trouve quelques-unes de ses lettres à
Nicaise dans le manuscrit français 9360, cote io5, et dans le 936 1, cotes
43 à 47 et 5o.
(2) « La même explication a été donnée par un savant lyonnais, M. de
Nolhac, dans ses Appendices aux Études sur le texte d'Isaïe^ Lyon, i833,
p. 12-1 5. » (Note de l'édition Péricaud.)
(3) Exodus, XIV, 24.
(4) Evangelium secundum Matthœuniy IV, 5.
(5) GenesiSy IX, 25.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 33
Il sera bon de conforter le R. P. Noris à ne point aban-
donner Rome ; car, dans le poste où il est, il peut obliger les
sçavans et rendre service au public, tant par les ouvrages qu^il
pourra faire, encor plus enrichis qu'auparavant de ce qu*il
pourra tirer des trésors du Vatican ; que par les communications
dont il peut favoriser les autres. Il seroit bon d'avoir, par son
moyen, le catalogue des Ms. de la Reine Christine, qui ont esté
mis dans le Vatican.
Je crois tousjours que M. TAbbé de la Trappe, aussi bien que
le R. P. dom Mabillon ont raison tous deux, et plus qu'ils ne
pensent, et qu'ainsi ils pourront finir leur dispute quand ils
voudront (i).
Je croyois d'avoir satisfait à la demande de M. l'abbé Bau-
drand (2). Les églises cathédrales de la Haute-Saxe ont esté ou
sont : Meissen, Mersbourg, Naumbourg, Brandebourg, Havel-
berg. Gamin; de la Basse-Saxe: Brème, Magdebourg, Hil-
desheim, Halberstat, Lubec, Suerin, et Razebourg. Tous ces
éveschés sont entre les mains des protestans, excepté Hildes-
heim. Et Brème, Magdebourg, Halberstat et Gamin, Schwerin
(i) L*abbé de Rancé avait publié, en i683, un ouvrage sur La sainteté
des devoirs de l'Etat monastique. Mabillon lui répondit, en 1691, par un
Traité des études monastiques. Une réplique assez vive du réformateur de
la Trappe fut suivie d'un nouvel ouvrage de Mabillon : Reflexions sur la
réponse de M. l'abbé de la Trappe au Traité des études monastiques.
Leibniz, dans une lettre antérieure du 5 juin 1692, avait développé la
pensée qu'il résume ici : « J'estime que M. l'abbé de la Trappe et le révé-
rend père dom Mabillon ont raison tous deux de les exhorter (les moines)
tant à la solide dévotion qu'à la véritable science. » (V. Cousin, Frag-
ments de philosophie moderne^ 3« édit.,p. 217.) Mais ses préférences étaient
au fond pour dom Mabillon, et il en donne les motifs dans plusieurs passa-
ges de sa correspondance.
(2) L'abbé Baudrand (Michel-Antoine), prieur de Rouvres et de Neuf-
Marché, géographe, né à Paris le 28 juillet i633, mort dans la même
ville, le 29 mai 1700. — Leibniz avait en effet déjà répondu à la demande
de Baudrand. Voir la lettre du 5 juin 1692, éditée par M. Cousin, Frag-
ments philosophiques^ 3« édition, p. 217.
Académie de Lyon, classe des Lettres. 3
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34 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
et Razebourg ne portent plus le nom d'éveschés, estant devenus
des principautés séculières. Mais les chanoines des églises
cathédrales ne laissent pas de subsister. Pour Meissen, Mers-
bourg et Naumbourg, aussi bien que Lubec, ils ont encor des
éveques ou administrateurs. Brandebourg et Havelberg ne
sont plus rien que des villes. Je ne sçay pas s'il y a encor des
chanoines. Je ne parle pas d'Osnabruc, Padeborne, Munster,
Verde, Minden, car ils sont du cercle de Westphalie. Minden
est entièrement sécularisé et devenu principauté,' appartenant à
rélecteur de Brandebourg, comme Magdebourg, Halberstat et
Gamin. Et Verde est aussi une principauté qui appartient à la
Suède comme Brème. Les ducs de Meclenbourg s'appellent
princes de Suerin et Racebourg. Je parle encor moins du reste
des évêchés du cercle de Westphalie, comme de Liège,
Utrecht et Cambray. J'ay oublié de dire qu'Osnabruc est encor
.un évêché, dont l'évêqwe est maintenant électeur de Bronsvic.
Il y a des protestans aussi bien que des catholiques parmy les
chanoines des églises cathédrales d'Osnabruc, Minde et Lubec ;
et dans la dernière le nombre des protestans prévaut.
Je viens de publier un tome de mon recueil intitulé Codex
juris gtntium diplomaticus. Il y a des actes publics de toute
sorte, la plus part non imprimés encor. Ce premier tome finit
à Tan 1 5oo, ou environ ; le second tome sera pour le siècle supé-
rieur; le troisième pour le nostre, si Dieu me donne la grâce
de l'achever.
J'ay vu le catalogue des traités que M. Léonard donne au
public ; mais j'en ay plusieurs de la France même qu'il n'a pas.
Comme je ne prends que des pièces choisies de toute part, sans
m' attacher ny aux traités ny à quelqwe nation particulière, mon
ouvrage ne fera point de tort à Mons. Léonard, ny le sien au
mien, comme je m'imagine. Je vous dis cecy, Monsieur, tant
pour implorer vostre faveur et celle de vos amis, si quelque
chose de curieux se présente sans prendre trop de peine à le
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LETTRES DE LEIBNIZ. 35
chercher, que pour vous supplier à réitérer vos instances auprès
de M. le Prieur Boissot, qui a tant de trésors dont seront rem-
plis les papiers du feu cardinal de Granvelle. Je ne luy demande
que quelques petites miettes qui ne luy feront point de tort et
qui me serviront.
J'adresse celle-cy toute ouverte à Mons. Toinard, espérant
que ce sera avec vostre permission, pour ne pas écrire deux fois
les mêmes choses.
Dans une des pièces de mon recueil. Je trouve un traité
entre la France et la Castille où le Roy de France promet
d'assister le Castillan contra Regem Bellimarini. J'ay remar-
qué dans quelques chroniques Ms. que c'estoit un Roy des
Maures et, comme je croy, d' Afrique. Mais je tiens que M. Bau-
drand nous en pourroit dire d'avantage.
Je m'étonne que les nouveaux supplémens de Pétrone ont pu
trouver des approbateurs. Qui est ce M. Nodotius qui les a
publiés î II devroit nous indiquer ce seigneur d'Allemagne qui
luy a donné le premier avis de son Pétrone (i). Des sçavans
hommes ont remarqué autres fois qu'il y avoit dans Sarisbe-
riensis des lambeaux d'un Pétrone plus entier que lenostre (2).
Mais je n'ay pas envie de les y chercher.
Mons. Bernard a repris son Josephe. Il sera surpris quand
(1) Un officier français, nommé Dupin, au service de l'Empereur d'Al-
lemagne, prétendit avoir trouvé à Belgrade, en 1688, des fragments iné-
dits de Pétrone, contenus dans un manuscrit de cet auteur, remontant
au XI« siècle. Il en ce'da une copie à un autre officier, nommé François
Nodot, qui, dès 1690, les communiqua à François Charpentier, membre
de l'Académie française et de l'Académie des inscriptions. Nodot les publia
en 1693. Aujourd'hui tout le monde paraît d'accord pour déclarer apo-
cryphe la trouvaille de Dupin. Voir Théodore Pétrequin, Revue du Lyon-
naiSy t. II, i835, p. 427 et suiv.
(2) Jean Petit de Salisbury (Johannes Sarisberiensis), évêque de Char-
tres, né vers 1 120, mort le 25 octobre 1 180, a cité, dans son Polycraticus^
plusieurs passages de Pétrone qui ne se trouvent plus dans nos manus-
crits. On en conclut qu'il possédait, soit le texte intégral de Pétrone, soit
au moins un texte plus complet que le nôtre.
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36 LETTRES A l'aBBK NICAISE.
il apprendra la prétension du P. Hardouin qui fait le procès à
son auteur, mais je m'imagine qu'il n'en sera guères allarmé.
M. Oudin, autres fois le P. Oudin (i),est maintenant à Ham-
bourg ; si tous les prosélytes des protestans estoient semblables
à luy, vous auriés sujet de les regretter.
Voicy un distiqwe sur TÉlectrice de Brandebourg :
Electoris eras conjux, nunc fiiia facta es;
Sera, precor, fias ut soror atque parens (2).
Je suis avec zèle,
Monsieur,
Vostre très humble et très obéissant serviteur,
Leibniz.
P. S. Je vous supplie, Mons., de faire mes très humbles
recommendations à Mons. VévQque d'Auranche, si l'occasion
s'en présente.
Pour moins charger le paquet, je me suis ravisé, et j'ay
envoyé par avance la lettre de Mons. de Spanheim.
(i) Casimir Oudin, (qu'il ne faut pas confondre avec le jésuite François
Oudin 1673-1752), né à Méziéres le 14 février i638, prémontré, puis cal-
viniste, sous-bibliothécaire de T Université de Leyde, mort à Leyde en sep-
tembre 1717.
(2) L'électrice de Brandebourg, à laquelle ce distique fut adressé, était
Sophie-Charlotte, de la maison des ducs de Brunswick- Lunebourg, née
en 1668, mariée en 1684 à Frédéric III, électeur de Brandebourg, plus
tard premier roi de Prusse, et décédée à Hanovre le i«' février 1705. — Son
père, Ernest-Auguste (1629- 1698) obtint de TEmpereur, le 19 décem-
bre 1692, rinvestiture de la dignité électorale de Hanovre. Le poète pou-
vait donc écrire en 1693 : « Electoris eras conjux, nunc filia facta es ».
— Le vœu exprimé dans le second vers ne fut pas exaucé. Dès 1698,
Sophie-Charlotte Electoris soror erat^ puisque son frère, Georges- Louis,
succéda alors à son père dans Télectorat de Hanovre, et elle mourut, en
1705, sans être Electoris parens^ car son fils Frédéric-Guillaume I*' ne
devint roi de Prusse et électeur de Brandebourg qu'en 171 3.
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LETTRES DE LEIBNIZ. Sy
VI
Hanover, ce 29 septembre/9 d'octobre 1693.
Je n'ay point manqué, Monsieur, d*envoyer vostre lettre
à M. de Spanheim, et, comme elle est belle et instructive,
c'est-à-dire comme elle vient de vous, je vous remercie très
humblement de m'en avoir voulu accorder la lecture.
Ce Mons. Bourdelot, qui m'a favorisé à vostre recom-
mendation, auprès de M. le Chancelier et de Messieurs les
conseillers d'Estat, au sujet de mon Code diplomatique, est-ce
un parent de l'illustre Bourdelot (i), si fameux par l'estime
de la Reine de Suède et du public, ou quelque autre habile
homme du même nom, qui marche sur les traces du pre-
mier? Quel qu'il puisse estre, je luy ay bien de l'obliga-
tion, et vous supplie. Monsieur, de le luy témoigner dans
l'occasion.
Vous m'avés réjoui aussi en me faisant espérer du se-
cours du costé de Mons. l'abbé Boisot. C'est un grand tré-
sor que le sien, et des petites libéralités à l'égard de celuy
qui les fera, seront très grandes pour moy. Ce qui n'est
presqwe point regardé d'un grand, peut faire la fortune d'un
pauvre.
Mons. de Spanhem désireroit toutes les pièces du procès
entre les Pères Noris, Hardouin, Messieurs Toinard et
Vaillant, aussi bien que les dernières pièces du P. Har-
douin. Il n'a pas même l'appendix De Epochis Syromacedo-^
num^ qui a donné occasion à la contestation de la médaille
(i) « Médecin de la reine Christine, mort le 9 février i685. Il s'agit
probablement, dans la lettre de Leibniz, de son neveu, médecin de la
duchesse de Bourgogne, mort en 1708. » (Note de l'édition Cousin). —
On trouve, à la Bibliothèque nationale, dans le manuscrit n<» 9360 du
fonds français, vingt-quatre lettres de Bourdelot à Nicaise. Elles sont
cotées de 77 à 80 et de 82 à loi.
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38 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
de Césarée. J'ay écrit à Paris pour cela, mais on doute qu'il
soit aisé d'y réussir.
Mons. Baillet est asseurément un très sçavant homme. Je
m'imagine que ce qu'il aura dit des honneurs dûs à la
Ste Vierge sera raisonnable, et qu'il se sera souvenu qu'il y
a incomparablement moins de mal a ne penser à elle que
peu, qu'à luy attribuer ce que Dieu s'est réservé (i). Le meil-
leur est de se renfermer là-dessus dans les bornes de la
primitive Eglise, lors que le luxe et le typhe du siècle n'y
régnoient pas encor, et n'avoient point encor donné atteinte
à la simplicité apostolique. Le cardinal Bellarmin réduit
tout le pouvoir des saints à une simple intercession; cela
estant, on ne deuvroit dire que cela, sans se servir des ter-
mes qui donnent plus à penser qu'ils ne deuvroient.
Je m'étonne que vos Sirènes ne sont pas encor arrivées
en Hollande. On les aura arrestées, pour les punir de leur
charmes qui arrestent les gens. Si je puis servir dans le
commerce litéraire, je vous supplie. Monsieur, de me donner
des ordres. Mons. Brosseau, notre Résident, m'envoye des
lettres de temps en temps, et quelques fois il trouve occa-
sion pour des petits paquets.
Si l'occasion se présente, faites mes baisemains. Monsieur,
à l'illustre M. Lantin.
Le discours Dejide veterum instrumentorum^ s'il a esté fait
par un habile homme, sera de conséquence.
Un sçavant théologien protestant a revu le textre hé-
breu avec ses points et accens, avec le plus grand soin du
monde. Si quelque libraire en vouloit faire la dépense, il
souhaitteroit de le faire graver plus tost qu'imprimer, la
gravure pouvant estre plus correcte.
(i) Adrien Baillet allait publier un traite De la Dévotion à la Sainte
Vierge et du culte qui lui est dû, Paris, 1694, in- 12.
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LETTRES DE LEIBNIZ. Sg
Comme la guerre avec les Turcs nous a apporté quantité
de beaux MS. de TAlcofan, plusieurs sçavans hommes s'at-
tachent a le nous donner, au moins par parties ; nous en
verront le succès.
Vous scavés sans doute, Monsieur, que M. Cuperus a
receu de TAsie des belles inscriptions greques (i).
Pour les livres de M. Junius De pictura vetenim^ qui pa-
roistront bientost très augmentés, et où il y aura une seconde
partie qui traitera de antiquorum artificum operibus (2), il
me semble que vous avés contribué à cette édition.
J'espère que Tillustre évêqwe d'Auranches continuera a
enrichir le public. Il le peut sans aucun préjudice de sa
charge, et sans faire tort à l'Eglise ; car il entend merveil-
leusement le secret de faire servir l'érudition profane à la
sacrée. Après Grotius (3) et Bochart (4), il y a peu des gens
qui rayent bien sçu, et je ne sçay s'il y en a aujourd'hui qui
le sçachent comme luy.
Vejelius, sçavant théologien protestant, a donné un dis-
cours sçavant à l'égard de Georges, prince d'Anhalt, qui est
(i) On trouvera plus loin une courte notice sur Gisbert Cuper, et sept
lettres adressées par ce savant à Nicaise.
(2) François du Jon, né à Heidelberg en iSSg, mort à Windsor le
19 novembre 1677. Son livre intitulé De Pictura Veterum libri /re5 parut
à Amsterdam en 1637, in-4<» de 3 18 pages. La seconde édition dont parle
Leibniz fut publiée à Rotterdam, en 1694, par les soins de Graevius. Elle
est « tôt in locis emendata et tam multis accessionibus aucta, ut plane
nova possit videri ». In-folio de 296 pages. Elle est accompagnée d'un
Catalogus architectorum, mechanicorum^ sed prœcipue pictorum, statua-
riorum^ cœlatorum^ tornatorum^ aliorumque artificum; in-folio de
236 pages, sans compter les tables.
(3) Hugo Grotius, l'illustre auteur du traité De jure beîli et pacis, né à
Delft le 10 avril i583, mort à Rostock le 28 août 1645.
(4) Samuel Bochart, théologien protestant et orientaliste, né à Rouen le
3o mai 1599, mort à Caen le 16 mai 1667. Il fut frappé d'apoplexie pen-
dant une séance de l'Académie de Caen, au cours d'une dispute qui s'était
engagée entre lui et Daniel Huet à propos de quelqu es médailles espa-
gnoles.
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40 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE.
un de ceux qui ont le plus contribué à la Réforme d'Alle-
magne. Ce prince estoit cadet et chanoine, d'une vie sans
reproche et d'une érudition peu commune, et a dit bien des
bonnes choses. M. Vejelius, à cette occasion, remarque bien
des choses à la louange de l'Eglise de France, dont les théo-
logiens luy paroissent plus portés à aimer la vérité et à la
produire que quelques autres qui ont l'esprit et les mains
plus liées. Un théologien de Hambourg a même donné quel-
que discours de la France discrète en matière de religion.
J'espère, comme Dijon nous donne la vie de M. de Sau-
maise (i), qu'il nous donnera aussi les prétieùx restes de
ce grand homme.
On m'a mandé que M. Lantin a fait des découvertes sur
les nombres; et Je ne doute point qu'il n'ait plusieurs médi-
tations de conséquence qu'il faut conserver.
Mons. Hugens (2), en m'envoyant quelque chose pour estre
inséré dans les Actes de Leipzig, me fait l'honneur de dire
dans sa lettre, et même dans ce mémoire qui doit estre im-
primé, qu'il a commencé à gouster mon nouveau calcul (3) et
reconnoist même que sans luy on auroit bien de la peine à
arriver à certaines recherches profondes : Absque eo, inquit,
vix est ut ad ista admitteremur. C'est en user avec beaucoup
de sincérité et de modestie, sur tout pour un mathématicien
(i) Philibert de la Mare, conseiller au Parlement de Bourgogne, né à
Dijon le i3 décembre 161 5, mort dans la môme ville, légataire avec Jean-
Baptiste Lantin des manuscrits du grand Saumaise, avait composé une
vie de cet illustre savant. Son fils Philippe de la Mare devait la publier ;
mais nous croyons qu'elle est restée manuscrite. Elle se trouve à la Bi-
bliothèque nationale dans le fonds Bouhier, n» 85 (voir Léopold Delisle,
Le Cabinet des Manuscrits^ 1. 1**»*, p. 36 1 et suivantes). Il sera maintes fois
question de cette Vie de Saumaise dans les lettres de Graevius.
(2) Christian Huygens van Zuylichem, Hugenius^ géomètre, astronome
et physicien, né à La Haye le 14 avril 1629, mort le 8 juillet 1695.
(3) Le calcul infinitésimal.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 4I
qui est allé si avant luy même, et qui est un des plus grands
dont nous ayions mémoire.
Je suis avec zélé,
Monsieur,
Vostre très humble
et très obéissant serviteur
Leibniz.
P. S. — Nostre illustre M. Huet avoit autres fois un
MS. astrologique de Vettius Valens ; je trouve que Camera-
rius (i) en a publié quelques fragmens à Nurenberg, i532,
sous le titre à'Âstrologica.
J'avois coustume de dire à mes amis : Sanitas sanitatum
et omnia sanitas^ sans avoir sçeu que M. Ménage s'en ser-
voit aussi, comme J'ay appris par les Menagiana. Cela me
donne occasion, Monsieur, de m'informer de vostre santé,
qui sera bonne, comme j'espère et souhaitte.
VII
Hanover, ce i/ii octobre 1694.
Je n'ay point manqué. Monsieur, d'envoyer vostre lettre
à Mons. de Spanhem. Si je reçois quelque chose de luy
pour vous, je ne manqueray pas de le vous envoyer.
Si vous parlés un jour au P. Noris du calendrier grégo-
rien et de ceux qui ont crû qu'il y falloit retoucher, non
pas pour le réformer, mais pour l'expliquer, n'allés point
luy dire que je prétends de donner quelque chose là-dessus,
comme il semble que vous l'avés pris (2). Cela est nullement
(i) Joachim Liebhard, qui prit le nom de Kammer-Meister ou Came--
rarius, né à Bambergle 12 avril i5oo, mort à Leipzig le 17 avril 1574.
(2) Dans une lettre du 2/12 juillet 1694, Leibniz avait écrit à Nicaise :
« Puisque le R. P. Noris a tant estudié la chronologie et les époques, je
voudrois qu'il pensât à une chose dont je vous parleray à Toreille. Je
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4^ LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
mon dessein, et, n'estant pas de vostre parti, j'aurois fort
mauvaise grâce de m'y ingérer. Mais je vous ay mandé seu-
lement que, dans Rome même , on a crû que cela se pou-
voit et que François Lèvera en a fait imprimer un livre à
Rome. D'où il s'ensuit que la chose se pourroit faire sans
donner aucune atteinte à l'autorité du Pape, et pourroit
cstre ménagée en sorte, avec l'entremise des puissances,
qu'encor des protestans s'en pourroient accommoder.
Si on pouvoit avoir ce que M.Ouvrard (i) a fait imprimer
autres fois sur ce sujet, j'en serois bien aise. Je m'étonne
que feu M. le cardinal Slusio a rebuté d'abord la pensée
de M. Ouvrard. Il faut qu'il ne se soit point souvenu de
Lèvera. J'ay parlé à feu M. Ouvrard, quand j'estois à Paris.
Il faudroit tâcher de conserver ses trauvaux sur la musique.
Je suis bien fâché aussi de la perte de M. l'Abbé Ber-
thet (2), qui avoit asseurément d'excellentes choses sur la
musiqwe. Si vous avés quelque ami auprès de M. le cardinal
de Bouillon, la chose vaut bien la peine qu'on s'informe
où ses écrits sont devenus.
m'imagine que, si le Pape, à raison de quelque correction ou au moins de
quelque supplément ou explication du calendrier grégorien (puisque, en
effet, il y a de quoi, suivant Lèvera, qui en a écrit dans Rome même),
retouchoit à cette matière et prenoit bien ses mesures auprès de T Empe-
reur et avec quelques princes de TEmpire, il y auroit moyen de le faire
recevoir ainsi dans l'Empire. Je vous prie de consulter là-dessus le R. P.
Noris, en lui faisant mes recommandations ; mais il faudroit aller pian-
piano. » (V. Cousin, Fragments philosophiques^ S» édition, t. II, p. 25 1.)
Nicaise avait, sans doute, conclu de ce passage, que Leibniz songeait à
proposer une correction ou une explication.
(i) L'abbé René Ouvrard, maître de la Sainte-Chapelle de Paris, né à
Chinon le 16 juin 1624, mort à Tours le 19 juillet 1694. Il avait publié,
en 1682, un Calendarium novum perpetuum et irrevocabile, — Dans le
manuscrit français n» 9860, la Bibliothèque nationale possède cinquante-
sept lettres de ce savant à Nicaise, plus une notice biographique et une
note qui le concernent : ces pièces sont cotées de i à 59.
(2) Jean Berthet, né à Tarascon en 1622, mort à Oulx (Piémont),
en 1692.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 43
Ne peut-on pas sçavoir des particularités de la mort de
M. Arnaud (i), et si la grande collection des œuvres de
plusieurs auteurs de son parti paroistra encor.
Il me semble que M. Lantin , outre son Histoire des
plaisirs, veut encor nous donner quelques pensées impor-
tantes sur les nombres (2); il en a sur toute sorte de ma-
tières. Je vous supplie de luy faire mes baisemains dans
l'occasion, aussi bien qu'à Mons. TAbbé Boisot, à qui j'ay
bien de l'obligation des libéralités qu'il offre de me faire (3).
Je n'ay aucune des trois pièces dont il parle. Ainsi je seray
ravi de les obtenir. La voye la plus seure seroit peut estre
de les envoyer à Bâle (qui n'est pas fort loin de la Franche-
Comté) à Mons. Bernoulli (4), professeur de Mathématiques
qui est de mes amis. Car M. Bernoulli me feroit bien la
faveur d'envoyer ce paquet à Leipzig avec les marchands de
Bâle ou de Suisse qui vont à la foire de Leipzig.
Puisque vous demandés à Mons. Spanheim des nouvelles
(i) Antoine Arnauld, le grand Arnauld, né à Paris le 6 février 161 2,
venait de mourir à Bruxelles le 6 août 1 694. « Tout le monde a ouï parler,
dit Papillon, de la lettre que M. de la Trappe (l'abbé de Rancé) écrivit
(à Nicaise) sur la mort de M. Arnauld qui a fait tant de bruit » (JB/Wio-
thèque des auteurs de Bourgogne y 1745, t. II, p. 109). Papillon cite, en
outre, une lettre de Nicaise à M. Bourdelot, médecin du Roi, sur la mort
de M. Arnauld : « Cette petite pièce, qui a fait beaucoup de bruit, se
trouve dans plusieurs recueils de lettres écrites sur la mort de M. Arnauld. »
(Eod, Loc.^ p. III.)
(2) Jean-Baptiste Lantin (voir plus haut, p. 3o), né à Dijon le 9 no-
vembre 1620, mort le 4 mars 1695, a écrit un Traité de la joye et de la
douleur; il a traduit du grec en latin et annoté le De numeris de Pappus
d'Alexandrie. Mais nous ne croyons pas que ces œuvres aient été publiées,
(Papillon, Loc, cit.^ I, p. 384.)
(3) L'abbé J.-B. Boisot avait écrit à Nicaise le 8 décembre 1693 :
« Mons. de Leibniz vous parle trop magnifiquement de mon pauvre petit
trésor. Je fouilleray dedans l'un de ces jours et je verray ce qui pourra
estre de sa convenance... » (Bibliothèque nationale, manuscrits français,
n» 9361, cote 32 ; voir aussi une lettre du 14 septembre 1694, Eod. loc.^
cote 41).
(4) Jacques Bernoulli, né à Bâle le 25 décembre r654, mort dans la
même ville le 16 août 1705.
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44- LETTRES A L ABBE NICAISE.
de Mons. Morel, Je vous en donneray par avance. Mons. le
comte de Schwarzbourg (vous sçavés que ces comtes vont
presque du pair avec les princes de l'Empire), qui est un des
plus curieux seigneurs de l'Allemagne et qui a amassé un
cabinet très considérable, Ta attiré à luy, pour avoir le soin
de ce cabinet. Il m'a écrit luy-même d'Arnstat, qui est le lieu
de la résidence de ce seigneur, de sorte que si vous demandés
quelque chose de luy, ou voulés lui mander quelque chose,
vous n'avés qu'à me l'adresser. Il pense plus que jamais à
son grand dessein de donner une collection des médailles
antiques (i) et il a plus de 25,ooo ectypes. On m'a dit qu'il
fera imprimer en Allemagne une traduction de la science des
médailles du P. Joubert avec des remarques qui serviront à
l'éclaircir.
Je m'étonne qu'on fait tant de bruit en France sur la
comédie (2), et qu'une profession que le souverain autorise
par des gages donnés publiquement, fait exclure des sacre-
mens ceux qui en sont. N'est-ce pas que tout le monde joue
sa comédie ? Voicy des vers que j'ay vus sur cette querelle :
Sévères directeurs des hommes,
Sçavés vous qu'au siècle où nous sommes
Un Molière édifie autant que vos leçons ?
Le vicieux bien raillé n'est pas sans pénitence.
Il faut pour réformer la France
La comédie ou les dragons.
(i) André Morell (voir plus haut, p. 25) publia à Leipzig, en 1693, un
Spécimen universœ rei nummariœ antiquœ^ petit in-8«. Ce ne fut que
quarante ans plus tard que Sigebert Havercamp édita le Thésaurus Mo-
rellianus^ sive familiarum romanarum numismata omnia, Amsterdam,
1734, 2 vol. in-f», dont un de texte et un de planches.
(2) Le P. François Caffaro, religieux théatin, venait de publier une
lettre en faveur de la Comédie, sous ce titre : « Lettre d'un théologien
illustre, pour savoir si la comédie peut estre permise ou doit cstre abso-
lument défendue », in- 12, sans lieu ni date. Les rigoristes s'alarmèrent.
Bossuet lui-même répondit en faisant imprimer ses Maximes et réflexions
sur la Comédie^ Paris, 1694, in- 12. Le Père Caffaro fut obligé de désa-
vouer son œuvre dans une Lettre à Monseigneur l'archevêque de Paris»
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LETTRES DE LEIBNIZ. 45
La modération de M. TAbbé de la Trappe à Tégard de ses
adversaires est très louable.
Qui est ce Mons. de Court (i) dont vous parlés dans votre
lettre à M. Spanhem ?
Vous dites un très bon mot sur la mort de M. Arnaud,
que personne n'y perd plus que ceux quiycroyent gagner.
J*y perds aussi, car Je luy voulois envoyer à examiner la
'suite de mes pensées philosophico-théologiques , comme
j'avpis fait, il y a quelques années, quand nous avons échangé
plusieurs lettres là-dessus, où des matières d'importance
sont éclaircies.
Outre la suite de mon code diplomatique, je pense à
publier un Recueil de quelques Historiens medti œpi non
imprimés, où je joindray un Ditmarus (2) plus entier et plus
correct que celuy que nous avons, où manquent des feuilles
entières et quantité d'endroits de conséquence. Il y aura
aussi une ancienne chronique de Trêves et une de Brème,
plus ancienne que celle de Woltherus, et une chroniq/ze d'un
certain Martinus Minorita (3), et une Continuatio chrojiici
Slavorum Helmoldi{^^ et d'autres pièces de cette nature, mais
qui sont principalement pour l'Histoire d'Allemagne.
Je suis ravi d'apprendre par vostre lettre que vous jouisses
(1) Charles Caton de Court, né à Pont-de-Vaux (Ain) en 1654, venait
de mourir le 6 août 1694.
(2) Ditmar, ThietmaruSy évêque de Mersebourg et chroniqueur, né le
2 3 juillet 976, mort le i" décembre 1019. Leibniz publia en 1707 l'édi-
tion dont il parle à Nicaise. — Le Thietmari Chronicon^ plusieurs fois
édité, se trouve dans les Monumenia Germaniœ historica^ Scriptores^ t. III,
p. 723 à 871.
(3) Martin d'Alnwick, Martinus Minorita^ né dans le Northumberland,
chroniqueur de la fin du XIII« siècle, mort à Newcastle en i336.
(4) Helmold, prêtre à Bosau (LUbeck), chroniqueur du XII« siècle. Ses
Chronica Slavorum furent continuées par Arnold, abbé de Saint-Jean de
LUbeck, mort en 1212. L'œuvre des deux historiens a été réimprimée
dans les Monumenta Germaniœ historica^ ScriptoreSj t. XXI, p. i à 25o.
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4^ LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
du beau séjour d*un lieu délicieux à la campagne (i); je vous
y souhaitte une parfaite santé, et suis avec zèle,
Monsieur,
Votre très humble
et très obéissant serviteur,
Leibniz.
VIII
Hanover, ce 14/24 septembre 1696.
Vous aurés receu la mienne avec Ty jointe pour M. le
président Boisot pendant que la vostre m'est venue ; je n'ay
pas manqué. Monsieur, d'envoyer à Mons. Morel ce que
vous luy avés destiné. Il m'a parlé à son retour de Hollande,
il y a long temps.
Les libraires qui réimpriment le recueil de Léonard m'ont
donné avis de leur dessein, et m'ont demandé communica-
tion de telles pièces. Mais ils m'ont fait sçavoir en même
temps qu'ils vouloient prendre les traités contenus dans
mon Code diplomatique pour les disperser par leur ouvrage.
Je leur ay témoigné que je ne l'approuvois pas. Mais que
je consentirois qu'ils fissent de mon ouvrage (avec ce que
je leur donnerois encor) un tome à part, pour ne point
déranger ny mettre en capilotade ou dans la foule, parmy
toute sorte de pièces, ce que j'avois choisi exprès pour le
tirer hors du pair, en quoy j'avois eu l'approbation des
habiles gens. Que de cette manière aussi mon ouvrage sub-
sisteroit en son entier et pourroit estre continué, au lieu
que, si j'accordois ce qu'ils demandoient, j'abandonnerois
(1) Villey-sur-Tille, à trente kilomètres de Dijon, était la résidence
favorite de Nicaise. On rencontre dans les œuvres du savant abbé de fré-
quentes allusions aux antiquités de cette commune et, notamment, à la
chapelle Saint-Hermès.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 47
mon dessein commencé, contre la promesse faite au public
et renouvellée auprès des princes et ministres qui m'ont
encor favorisé depuis peu. Mais, comme il semble qu'ils
s'opiniastrent à rencontre et qu'ils ont plus d'égard à quel-
que gain, qu'à la manière d'agir la plus conforme à l'hon-
nesteté, il faut les laisser faire, et ma continuation suivra
en son temps ; car je seray obligé d'attendre maintenant
que leur recueil ait paru, afin qu'ils ne me puissent point
piller d'abord. Ce n'est que fort tard que j'ay appris que
M. Christyn (i) s'en mêle, mais Je m'imagine qu'il n'aura
point de part à ces procédures irrégulières. Cependant je
vous laisse juger. Monsieur, si ces gens méritent trop qu'on
les favorise, et j'espère que vous aurés la bonté de me con-
server préférablement les libéralités de Mons. le président
Boisot et d'autres amis, mais sur tout la vostre. Je trouve
plaisant qu'ils n'ont pas même les concordats de France,
que j'ay avec des remarques manuscrites considérables.
J'espère que le Phèdre de feu M. Gudius (2) paroistra bien
tost, avec des fables de cet auteur qui n'ont jamais encor
esté publiées ; et j'ay oui dire que M. Graevius adjoutera la
vie de M. Gudius, son ancien ami.
Je ne m'étonne point si M. l'Abbé Faydit (3) a irrité cra-
brones en attaquant toute la théologie scholastiqwe. Chris-
tophorus à Capite fontium avoit fait un livre autresfois de
necessaria theologiœ scholasticœ emendatione. Mais ce n'estoit
que sur une matière particulière.
Cet Abbé Cordemoy qui a écrit contre les Sociniens depuis
(i) Jean-Baptiste Christyn, jurisconsulte, né à Bruxelles vers i635,
mort en 1707.
(2) Marquard Gudius, né à Rensbourg (Holstein) le i«' février i635,
mort le 26 novembre 1689.
(3) Pierre Faydit, de Riom, mort en 1709. Il fut enfermé à Saint- Lazare
en 1696, à la suite de la publication de son Traité sur la Trinité.
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48 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
peu, est ce le même que celuy qui a écrit du discernement
du corps et de Tame. Si cela eSt, je m'étonne qu'il ne con-
tinue point son Histoire de France (i).
Mons. Placcius continue de travailler à une nouvelle édi-
tion de son ouvrage de Anonymis et pseudonymis (2); il a eu
depuis peu un manuscrit de feu Mons. Colomiés de Scripto-
ribus dubiis (3), dont il profitera en citant Tauteur.
Un sçavant Abbé italien, professeur de mathématiques à
Padoue, qui donne fort dans ma nouvelle hypothèse philo-
sophique, donnera un ouvrage sur S. Augustin, de Quan-
titate animœ^ qu'il dédie au cardinal Noris. Voicy des vers
sur ce cardinal qu'un ami protestant a fait il y a long temps et
auxquels mon distique (pwrpwra Norisium tandem venerabilis
ornât ^ ornaturque ipso purpura Norisio) que j'avois fait en
vous écrivant, a donné occasion ; aussi l'a-t-il enchâssé dans
ses vers. Il m'a défendu de le nommer.
Je ne sçay si je vous ay prié de tâcher d'apprendre par
la faveur de Mons. d'Auranches (pour lequel je répète mes
témoignages de vénération) si on ne pourroit trouver à Coû-
tance des papiers regardans les négotiations d'un Évêqwe de
(i) Louis Géraud de Cordemoy, né à Paris le 7 décembre i65i, mort
dans la mcme ville le 7 février 1722, auteur d'un Traité contre les Soci^
niens ou la conduite qu'a tenue V Eglise dans les trois premiers siècles en
parlant de la Trinité et de l'Incarnation du VerbCy Paris, 1696, in- 12,
est le fils de Géraud de Cordemoy, membre de l'Académie française,
mort le 8 octobre 1684, auteur de six Discours sur le discernement du
corps et de l'dme, 1666, in- 12, et d'une Histoire de France en deux vo-
lumes in-f», Paris, 1685-1689.
(2) Vincent Placcius, né, à Hambourg le 4 février 1642, mort dans la
même ville le 6 avril 1699, publia, en 1674, un ouvrage sous ce titre : De
scriptis et scriptoribus anonymis et pseudonymis syntagma^ in-40. — La
deuxième édition, ayant pour titre Theatrum anonymorum et pseudony-
morum^ ne parut qu'après sa mort, à Hambourg, en 1 708, et forme deux
volumes in-folio.
(3) Paul Colomiés, né à la Rochelle le 2 décembre i638, mort à Lon-
dres le 1 3 janvier 1692.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 49
Coûstance, qui fut un des légats du Concile de Baie aux
Bohémiens (i).
Je n'ay pas encor veu le pourtrait de feu M. de Court (2).
(i) L'évêque dont parle Leibniz est Philibert de Montjeu, qui occupa
le siège de Coutances du 10 mai 1424 au 20 juin 1439. Ce prélat eut
une part très-active dans les travaux du Concile de Bâle, et il devint pre-
mier président de l'Assemblée. Aussi, lorsque le Concile envoya une
ambassade aux peuples de la Bohême et de la Moravie pour essayer de
mettre un terme à l'hérésie de Jean Huss, Philibert de Montjeu eut la
direction de cette ambassade. A partir de cette époque, on ne le revit plus
dans son diocèse. Il chargea Tévêque de Bayeux de faire les ordinations,
institua des vicaires pour gouverner à sa place et se consacra exclusive-
ment aux Bohémiens et aux Moraves. C'est au milieu d'eux qu'il mou-
rut, à Prague, le 20 juin 1439. Il ne faut donc pas être surpris si les
archives de l'évêché de Coutances ne contiennent aucune pièce relative
aux négociations de Philibert de Montjeu. (Voir Lecanu, Histoire des
Évéques de Coutances^ 1839, p. 241-248.) — Huet ne se fit pas d'illusions;
mais, bien qu'il fût certain qu'il ne trouverait rien à Coutances, il donna
à Leibniz et à Nicaise un témoignage de bonne volonté. Le 28 février 1697,
il écrivit à Nicaise : « Notre assemblée provinciale est indiquée à Gaillon
pour le 18 du mois prochain. Je me servirai de cette occasion pour savoir
de Mgr. de Coutances s'il a dans le Chartrier de son évêché quelques
actes de son prédécesseur qui fut député vers les Bohémiens par le Con-
cile de Bâle. Je puis cependant vous dire par avance et presque vous
assurer qu'il ne s'y trouvera rien de ces actes et que ce n'est point là
qu'il les faut chercher. Les Chartriers des églises ne contiennent que les
titres qui concernent les droits de ces mêmes églises et non ceux qui
regardent les personnes des évêques. Ce serait dans la famille de celui qui
fut député par le Concile qu'il faudrait chercher les actes de cette légation,
ou parmi les actes du Concile même....» — Le 1" octobre suivant, Huet
informa son ami que, a quelques recherches qu'on ait pu faire dans les
archives de Coutances, on n'a rien trouvé de cette députation vers les
Bohémiens. » V. Cousin, Loc, cit,^ p. 277 et 298. — Le 21 mars 1697,
Nicaise exprimait à Huet l'espérance de trouver ce que M. Leibniz de-
mande « dans les archives de notre chambre des comptes, où sont les
actes originaux du Concile de Basle. Je n'ai pu encore y aller. M. le Doyen
de la chambre, qui est fort de mes amis, m'a promis de me donner tout
ce qui se trouvera de cet évêque. » — Philibert de Montjeu, qu'iEneas
Sylvius appelle integrce probitatis famœque pater, était, d'après l'abbé
Lecanu, « natif de Lyon ». Voir, sur ce prélat, Héfélé, Histoire des Con~
cileSy t. XI, passim,
(2) L'abbé Genest publia en 1696 un Portrait de M, de Court, Ce
M. de Court est le Charles de Court dont nous avons parlé plus haut,
p. 45, note I.
Acéuiimiê de Lyon, clata det Ltttre*. 4
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5o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
M. Morel m*a dit des merveilles de cet excellent homme, et
me Ta fait regretter extrêmement.
Je suis avec zèle,
Monsieur,
Vostre très humble et
très obéissant serviteur,
Leibniz.
IX
Hanover, ce 20/ 3o février 1697 (i).
Voicy, Monsieur, une lettre de Monsieur de Spanheim. Il
n'oublie pas ses amis, quoyqwe ses occupations et ses ou-
vrages Tempêchent d'estre promt à leur répondre. Mes occu-
pations et mes travaux sont infiniment au dessous des siens,
et je ne laisse pas d'estre accablé quelques fois par la mul-
titude et par la diversité des choses ; sans cela, j'aurois déjà
répondu à vostre dernière. J'espère qu'une mienne vous
aura esté rendue cependant, que j'avois écrite avant la ré-
ception de la vostre, et je m'y rapporte.
Je vous suis infiniment obligé. Monsieur, de la commu-
nication des extraits des lettres de l'illustre Mons. VÉvèque
d'Auranches. Puisqu'il a la bonté d'agréer les observations
que j'ay faites sur des Cartes et particulièrement touchant
les auteurs dont il a profité, je les mettray par écrit un de
ces jours.
Quoyque je veuille bien croire que cet auteur a esté sin-
cère dans la profession de sa religion, néantmoins les prin-
cipes qu'il a posés renferment des conséquences estranges,
auxquelles on ne prend pas assez garde. Après avoir dé-
(i) Cette lettre n'est pas autographe; Leibniz s'est borné à quelques
corrections, à la salutation et à la signature.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 5l
tourné les philosophes de la recherche des causes finales, ou,
ce qui est la même chose, de la considération de la sagesse
divine dans Tordre des choses, qui à mon avis doit estre le
plus grand but de la philosophie, il en fait entrevoir la rai-
son dans un endroit de ses principes, où, voulant s'excuser
de ce qu'il semble avoir attribué arbitrairement à la matière
certaines figures et certains mouvemens, il dit qu'il a eu
droit de le faire, parce que la matière prend successivement
toutes les formes possibles, et qu'ainsi il a falu qu'elle soit
enfin venu à celles qu'il a supposées. Mais, si ce qu'il dit
est vray, si tout possible doit arriver, et s'il n'y a point de
fiction, quelqwe absurde et indigne qu'elle soit, qui n'arrive
en quelque temps ou en quelque lieu de l'univers, il s'en-
suit qu'il n'y a ny choix ny providence, que ce qui n'arrive
point est impossible, et que ce qui arrive est nécessaire,
justement comme Hobbes et Spinosa le disent en termes
plus clairs. Aussi peut-on dire que Spinosa n'a fait que cul-
tiver certaines semences de la philosophie de M. des Cartes.
De sorte que je crois qu'il importe effectivement pour la
religion et pour la piété, que cette philosophie soit chastiée
par le retranchement des erreurs qui sont mêlées avec la
vérité (i).
Mons. l'Abbé Foucher (2) est-il mort ou vivant? Il n'a rien
dit sur ma repliqwe dans le journal. Lorsqu'il a écrit contre
mes nouvelles pensées philosophiques, il a cru que ce n'es-
toient que des hypothèses; mais, en y méditant, il trouvera
qu'elles sont demonstrées.
(i) Ces deux paragraphes de la lettre de Leibniz sont visés par Huet
dans sa lettre du 19 avril 1697 à Nicaise : a J'attendrai avec impatience la
promesse que me fait M. Leibniz d'une liste des pilleries de M. Descartes.
Ce qu'il vous a écrit des dangereuses conséquences de ses principes contre
la religion est très-solidement pensé. » Bibliothèque nationale, fonds fran-
çais, n» 9359, cote 65.
(3) L'abbé Simon Foucher, chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon,
né à Dijon le i»** mars 1644, mort à Paris le 27 avril 1696
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52 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
Les manuscrits orientaux de feu M. Golius (i) ont esté ven-
dus à Tencant en Hollande; c'est pitié que cette belle col-
lection a esté dissipée. Ceux de feu M. Hinckelman (2), qui
a publié l'arabe de TAlcoran, sont encor à vendre, et il y a
des bonnes choses. Je suis bien aise que Mons. d'Auranches
trouve son édition de TAlcoran assez correcte. On m'asseure
que le pape Innocent XI a empêché l'édition du bon père
Maracci (3), quoyqwe il fût son confesseur, parce qu'il regardoit
ses remarques comme une espèce d'apologie de l'Alcoran,
en ce qu'elles faisoient voir que les commentateurs lui don-
noient très souvent un sens raisonnable. Les Arabes ont eu
des philosophes dont les sentimens sur la divinité ont esté
aussi élevés que pourroient estre ceux des plus sublimes
philosophes chrestiens. Cela se peut connoistre par l'excel-
lent livre du philosophe autodidacte, que M. Pokok (4) a
publié de l'arabe.
A propos du concile de Bâle (dont peut estre des mé-
(i) Jacques Golius, orientaliste, né à La Haye en 1596, mort à Leyde
le 28 septembre 1667. Ses livres furent vendus à Leyde en 1696. (Voir
Léopold Delisle, Le cabinet des manuscrits^ I, p. 3oo.)
(2) Abraham Hinckelmann, orientaliste, né à Dœbeln le 2 mai i 652
mort à Hambourg le 11 février 1695. Son Alcoranus fut publié à Ham-
bourg en 1694, in-40.
(3) Louis Marracci, orientaliste, né à Lucques en 161 2, mort à Rome
le 5 février 1700. Son édition du Coran, très-estimée encore de nos jours,
ne parut qu'en 1698 sous ce titre : Alcorani textus universuSy ex correc-
tioribus Arabum exemplaribus descriptus ac ex arabico idiomate in lati-
num translatus^ Padoue, 2 vol. in-f«. — Huet écrivit à Nicaise qui lui
avait communiqué la lettre de Leibniz : « Je suis bien fâché que Tédition
de TAlcoran du P. Maracci ait été sufflaminée ; celle de Hambourg, quoi-
que correcte (voir la note précédente), est si sale qu'on ne peut pas s'en
contenter. » Lettre du 19 avril 1697, Bibliothèque nationale, fonds fran-
çais, n» 9359, cote 65.
(4) Edward Pocock, orientaliste anglais, né à Oxford en 1647. Il publia,
avec Taide de son père, en 1671, un traité philosophique sous ce titre:
Philosophus autodidactus, sive epistola Abn laafar Ebn Tophail de Hai
Ebn Yokdhanty Oxford, in-40.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 53
moires se trouveront dans le diocèse de Constance, si
M. d'Auranches a la bonté de les faire chercher), je vous
diray, Monsieur, une nouvelle curieuse, c'est que des mé-
moires de certains prélats qui ont assisté au concile de
Trente ont été découverts et seront publiés fidèlement sur
des originaux (i).
Mons. Meierus de Brème, qui travaille au glossaire saxo-
nique sur mes exhortations, a esté ravi de l'approbation de
M. d'Auranches. Nous ne négligerons pas Tislandois, et nous
avons eu une espèce de dictionaire du vieux scandinavien
qui servira beaucoup. Les remarques sur les endroits du
Litus saxonicum qui sentent le saxon, seroient très utiles, et
il est à souhaitter qu'elles ne soyent point oubliées ni per-
dues (2).
Je souhaiteroîs d'apprendre le jugement de Mons. l'Évê-
que d'Auranches de ma conjecture sur l'étymologie des
Germains dont je vous ay parlé autres fois. C'est que je crois
que les Herminones, partie des peuples teutoniques chez
Pline et Tacite, ont donné le nom à toute la nation ; com-
me encor aujourd'huy vous appelles les Teutons Allemands,
quoyqwe cela n'appartienne proprement qu'aux Suèves et
Helvétiens. Il est assez ordinaire que l'aspiration s'affoiblit et
se fortifie, et, lorsqu'elle est renforcée, le H passe en G, et
le contraire arrive quand le G se change en H. Ainsi de Wi-
seraha, comme parlent les anciens monumens, les Romains
ont fait Visurgis ; d'Illeraha ils ont fait Ilargus ; au lieu de
Gammarus, nous disons Hummer [cancer scilicet marinus)^
(i) Ce sont les « lettres que le fiscal Vargas (depuis ambassadeur de
Philippe II à Rome) et quelques théologiens espagnols ont écrites de
Trente ». Voir, plus bas, la lettre XIII.
(2) Huet a consacré un chapitre tout entier de son livre sur les origines
de la ville de Caen et des lieux cir convoi sins^ Rouen, 1702, in-80, à l'ori-
gine des noms de plusieurs lieux de Normandie, tirés de la langue Sa-
xonne. C'est le chapitre XXI, p. 433 à 465.
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54 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE,
et les Espagnols changent Germanos en Hermanos. Vous
scavés, Monsieur, que Hlodoveus ou Lodovicus est la même
chose que Clodoveus^ et que Childeric ne diffère point de
Hilderic. Or Childeric se prononçoit en franc ou téotisqi/e à
peu près comme Ghilderic. Ainsi les aspirations téotisques
en Wiseraha, Ilaraha, Herminons ou Hermens, etc., estant
fortes, les Romains et autres les ont marquées par le G, plus
tost que par un simple H. Au reste Tacite dit exprès que le
nom d'un peuple allemand à esté donné à toute nation (i).
Vous faites très bien, Monsieur, de ramasser les pourtraits
de M. d'Auranches, de M. de Spanheim et d'autres person-
nes illustres, s'il y en a encor de cette force. Mais de penser
au mien, quand il s'agit de ces hommes excellens, c'est leur
faire tort. S'il n'a pas esté gravé, ce n'est pas par une vanité
semblable à celle de Caton, qui vouloit qu'on demandât pour-
quoy il n'avoit point eu de statue; mais c'est parce que j'ai
crû que personne s'aviseroit de songer à ce qui me regarde.
Je n'ay pas encore vu le pourtrait de M. de Court; il n'y a
que le détail que j'estime dans ces sortes d'ouvrages, pour en
tirer quelque chose d'instructif. Vos mémoires y auroient esté
bien nécessaires.
Des libraires de Hollande, pillant mon premier tome di-
plomatique sans aucun égard aux propositions raisonnables
que j'ay faites, ils m'ont empêché par là de leur donner la
suite. Ce sont des gens intéressés et opiniastres, qu'il faut
abandoner à leur caprices. Pour moy, je leur ay déclaré que je
(i) Voici la réponse de Huet, Paris, 19 avril 1697: «L'origine que
propose M. Leibniz du nom latin des Allemands, Germant^ me semble
fort bonne et me sembleroit encore meilleure, s'il la tiroit d'un peu plus
haut. Je crois que les noms des Herminons et des Germains viennent
d'Irmin, qui était le nom de Mercure chez les anciens Allemands, comme
les Teutons ont pris leur nom de Theut, qui étoit aussi Mercure... Donnez-
vous la peine de voir ce que J'ai écrit sur cela dans ma Démonstration
éyangélique. » Bibliothèque nationale, fonds français, n»9359, cote 65.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 55
n'y cherche point le moindre profit. Mais je ne voulois pas
que mes pièces choisies fussent noyées dans leur grand fa-
tras. Ainsi j'aurois esté bien aise qu'ils eussent Joint mon
ouvrage au leur; non pas comme ils ont dessein de faire,
en le mettant en pièces, pour le disperser dans le leur, mais
en le laissant tel qu'il est.
Faites moy la grâce, Monsieur, de faire des grands remer-
ciemens de ma part à Monsieur le président Boisot, que j'hon-
nore infiniment (i). Puisqu'il m'est si favorable, le meilleur
moyen d'en profiter seroit celuy que vous proposés, qui est
de me communiquer quelque liste des matières ou pièces
du trésor de feu Mons. son frère. Quand cette liste ne seroit
point complète, elle me serviroit tous jours imparfaite qu'elle
pourroit estre.
Je suis avec zèle.
Monsieur,
Vostre très humble et très obéissant
serviteur,
Leibniz.
X
Hanover, 28 may, v. st., 1697.
Monsieur,
Je viens de recevoir l'honneur de la vostre, avec celles que
vous écrives de nouveau à Messieurs de Spanheim et Morel,
(i) L*abbé Jean-Baptiste Boisot (voir plus haut, p. 29) avait, le 27 no-
vembre 1 694, légué ses manuscrits aux Bénédictins de Saint- Vincent de
Besançon, sous la condition qu'ils en feraient jouir le public. Le legs ne
fiit pas immédiatement exécuté ; car nos lettres nous montrent le prési-
dent Boisot, frère de l'abbé, disposant à sa guise des papiers de son frère.
Il y a plus; le 3 février 1699, il offrit à la Bibliothèque du Roy de les lui
vendre pour la somme de quinze mille livres. Cette proposition n'eut pas
de suites ; les manucrits sont restés à Besançon. (Voir Léopold Delisle,
Le cabinet des manuscrits^ t. I, p. 3oi.)
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56 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE,
que j'auray soin de faire rendre. Cependant vous aurés receu
la mienne avec celle que j'ay écrite à M. le président Boisot
et que j'ay pris la liberté de vous recommander.
Je crois aisément que le bon cardinal Sfondrati n'estoit pas
assez méditatif pour soudre Nodum prœdestinationîs [\). K
mon avis ce nœud est autant que résolu ; et, si les hommes
se donnent la gêne là dessus, c'est qu'ils manquent de
bonnes définitions et que, par conséquent, ils ne remarquent
point en quoy consiste la véritable différence entre le néces-
saire et le contingent. Je voudrois qu'il fut aussi aisé de
délivrer les hommes de la fièvre maligne ou de quelqi/e
autre grande maladie, qu'il est aisé de les délivrer des diflS-
cultés qu'ils se forgent sur la prédestination.
Monsieur Pinsson, advocat en Parlement, vostre ami, est-
ce celuy qui a écrit si sçavamment sur plusieurs matières de
droit (2) ? Je souhaiterois sa correspondance, que vous me
faites espérer. Monsieur, si je pouvois espérer de luy com-
muniquer vice versa quelque chose qui luy puisse agréer.
Peut estre que, s'il n'a pas du loisir luy-même, il trouvera
quelque curieux de loisir.
Je suis bien aise que le Roy a fait cesser la dispute qui
s'estoit élevée entre deux illustres prélats. Il s'est élevé en
Angleterre une dispute assez semblable sur l'amour de
Dieu, s'il doit estre désintéressé, entre M. Sherlock (3) et
M. Norris (4), le dernier voulant que ce ne soit pas un amour
(i) Celestino Sfondrati, né à Milan le 11 janvier 1644, mort à Rome le
4 septembre 1696, auteur d'un ouvrage ayant pour titre : Nodus prœdes-
tinationis dissolutus, Rome, 1696, in-40. Ce livre donna lieu à d'activés
correspondances entre plusieurs évêques français et la cour de Rome.
(2) Il ne peut pas être question de Tauteur du Manuale juris pontificii
et de beaucoup de dissertations remarquables, François Pinsson, mort à
Paris le 10 octobre 1691. Voir Schulte, Geschichte^ III, i, p. 611 et suiv.
(3) William Sherlock, théologien anglais, né à South wark en 1641,
mort à Hampsteadle 19 juin 1707.
(4) John Norris, théologien anglais, né à CoUingborne-Kingston en
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LETTRES DE LEIBNIZ. Sj
de désir, mais de bienveillance. On adjoute qu'une jeune
damoiselle angloise de 20 ans a admirablement bien écrit là
dessus dans des lettres adressées à M. Norris (i). Il est rai-
sonnable que les dames jugent des matières d'amour; car il
en faut former iine notion qui convienne encor à Tamour des
créatures raisonnables, et, selon la définition que j'ay donnée
dans la préface du Codex juris gentium, on a de Tamour
quand on est disposé à trouver du plaisir dans la félicité
d'autruy. Cela suffit pour faire cesser la dispute.
Mons. le chevalier Temple (2) ayant préféré les anciens aux
modernes dans ses œuvres mêlées et ayant allégué deux
pièces comme des chefs-d'œuvre de l'antiquité, sçavoir les
fables d'Ésope et les lettres du tyran Phalaris ; Mons. Bent-
ley (très sçavant homme fort connu par d'autres ouvrages (3)
et dont nous aurons bien tost les notes sur Callimachus avec
celles de Mons. de Spanheim et de Mons. Grœvius) va faire
une dissertation, à la prière de quelque ami, pour prouver
que les fables que nous avons n'ont pas esté mises par écrit
par Ésope, et que les lettres de Phalaris sont supposées ou
feintes, et ont esté faites a Grœculo quodam. C'est de quoy
je n'ay jamais douté. Quand les œuvres mêlées de Mons. Tem-
ple avoient paru, les libraires de Londres furent estonnés de
voir que quantité de personnes de l'un et de l'autre sexe
cherchoient les lettres de Phalaris, ce qui en produisit une
nouvelle édition.
1657, mort à Bemerton en 171 1, auteur de The picture oflove unveiled^
Londres, 1682, in- 12.
(i) Miss Marie Astell, née à Newcastle en 1668, morte à Chelsea le
II mai 1731, avait publié, en 1695, Letters concerning the love of God^
Londres, in-S*.
(2) Sir William Temple, né à Londres en 1628, mort à Moor-Park
le 27 janvier 1699.
(3) Richard Bentley, philologue anglais, né à Oulton en 1662, mort
en 1742.
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58 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
Le R. P. dom Mabillon ayant copié du monastère de
S. Amand des Pays Bas des vieux vers teutoniques faits à la
louange d'un Roy Louys pour avoir vaincu les Normans,
Tan 883, Mons. Schilter les a publiés à Strasbourg avec
une explication et des notes (i). Cela me donne occasion de
revenir au glossaire saxon de mon ami et de supplier
Mons. d*Auranches par votre intercession de luy faire com-
muniquer quelqwe petit échantillon des restes de la langue
saxonne in litore saxonico. Un échantillon suflSt ; car il est à
souhaitter qu'il publie le reste luy-même dans les antiquités
de Caen.
Je suis ravi non seulement qu'il approuve ma conjecture
sur l'étymologie de Germant^ mais encore qu'en montant
plus haut, il donne justement dans mon sens. Car j'ay déjà
écrit à deux ou trois amis, il y a quelques années, que je
crois non seulement que les Germains viennent des Hermi-
nons ou Hermins, mais encore que ces peuples ont appa-
ramment leur nom d'un ancien prince ou héros nommé
Irmin^ ce qui est la même chose qu'Arminius ou Herman ;
l'Arminius contemporain d'Auguste ayant le même nom
avec le plus ancien Irmin. Et aux noms propres allégués
par Mons. d'Auranches, j'adjoute le célèbre Irminsul, men-
tionné dans l'Histoire de Charlemagne; c'est à dire la
colonne de l'idole Irmin; car sul ou seul est colonne en
allemand. Cette colonne (mais sans l'idole) se monstre encor
dans l'église cathédrale de Hildesheim. Meibomius en fit
autres fois un livre exprès. On dit que la figure de l'idole
(i) Jean Schilter, professeur à l'Université de Strasbourg, né à Pegau
(Misnie) le 29 août i632, mort à Strasbourg le 14 mai 1705, publia, en
1696, un Epinikion rhytmo teutonico acclamatum Ludovico régi A. C
883, versione latina et observationibus historicis illustratum^ in-4«.
Voir la notice consacrée à ce savant par M. Charles Giraud, dans la Re*
vue de législatiotiy 1845, t. XXIII, p. 5i5 et suiv.
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LETTRES DE LEIBNIZ. Sg
rcprésentoit un Dieu de guerre, et en effet heer est armée^
ou chez les anciens Teutons Hari, d'où vient Hariban,
c'est-à-dire, comme je crois, clameur de Haro^ car ban est
l'appel (citatio)^ ce qui ne veut dire autre chose que la con-
vocation ou proclamation générale pour se trouver à l'armée,
dont vostre arrière ban a esté fait par corruption. Or Heer
(dis-je) est l'armée ou Hari ; 'aphs, Mars, «^eAr, arma, werre^
guerre. Ariman^ dans les vieux titres, homme de guerre, aut
de génère militari. Cela n'empêche point le rapport d'Irmin
à Hermès (Mercure) que nostre illustre prélat a remarqué.
Seulement il y a lieu de croire que, chez les Germains, Mars
et Mercure estoient confondus, ces peuples n'estimant que
les armes. Comme encor Wodan ou Odin des Saxons répond
sans doute le plus à Mercure, cependant c'estoit encor un
grand guerrier, quoyqwe crû magicien en même temps. Lors-
que Mons. Eggeling à Brème publia son étymologie des
Germains tirée a Germanis fratribus^ dans une dissertation
exprès, je lui envoya la mienne des Herminons et de l'an-
cien héros Irmin^ dont ma lettre parloit fort au long. Je la
communiquay aussi à un ami qui fait un journal en langue
allemande. J'adjouteray encor ce que je remarquay dès lors,
que ce prince Irmin ou Hermin paroist estre marqué par
Tacite comme fils de Man et petit-fils de Tuiston, puisqu'il
dit assez clairement que les Ingevons, Herminons et Iste-
vons ont eu leur noms des noms des trois fils de Mannus.
Il semble que les Hermunduri ont gardé particulièrement
ce nom et que peut estre la termination duri ne sera autre
chose qu'une corruption à'Hermœnner^ comme Allemand au
lieu d'AUeman, et comme winnen, gewinnen, uberwinden,
winden, ban et band (bann, banni, bandito, ital.), etc., sont
la même chose.
Je crois de vous avoir écrit un mot de mon étymologie, il
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6o LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE.
y a quelques années, lorsque M. Eggelîng (i) produisit la
sienne, dont je fis mention ; mais je ne sçay si je suis venu
alors à vous particulariser mes opinions. Cependant je suis
le plus content du monde de voir non seulement qu'un
aussi grand homme que M. d'Auranches approuve mes sen-
timens, mais aussi qu'il est tombé de luy même sur ce que
j'avois pensé d'Herman ou Irmin. Peut estre que les rai-
sons que je viens d'alléguer l'y fortifieront encor d'avantage.
Je ne manqueray pas (quand j'auray quelque loisir) de
marquer quelques particularités sur ce que M. des Cartes
a pris des autres sans faire semblant de rien, pour servir
d'un petit supplément à ce que M. d'Auranches a déjà
remarqué.
Vous aurés la bonté, Monsieur, de luy marquer que ce
n'est pas moy, mais un ami nommé Meierus, qui travaille
au glossaire saxoniqwe à ma persuasion.
Je suis avec zèle.
Monsieur,
Votre très humble et
très obéissant serviteur,
Leibniz.
P. S. Je ne sçay si je n'abuse trop de vos bontés en vous
suppliant d'envoyer le papier cy-joint à Paris, mais sans
marquer qu'il vous vient de moy. Vous pouvés dire que
celuy qui l'a écrit est un ami de M. Spanheim, comme il
l'est effectivement. On l'a adressé à moy parce que j'ay des
connoissances avec Messieurs de l'Académie royale. Mais
j'ay mes raisons pour ne pas leur vouloir demander quelque
chose de cette nature. Ainsi, Monsieur, si quelqu'un de vos
amis (qui ne doit rien sçavoir de moy) vouloit avoir la bonté
(i) Jean-Henri Eggeling, né à Brème le i3 mai 1639, mort le i5 fé-
vrier 171 3.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 6l
de demander en vostre nom quelque éclaircissement de Mes-
sieurs Cassini et de la Hire, vous m'obligeriez particulière-
ment, et Mons. de Spanheim aussi.
Un sçavant homme, à Berlin, veut donner au public les
œuvres de J. Michel Brutus (i), sçavant italien du siècle passé,
qu'il a ramassés ; ce Brutus écrivoit purement en latin.
Monsieur Hartman (2), professeur à Konigsberg, dans la
Prusse, va publier un livre intitulé : Histoire des antiquités
apostoliques; le sujet est beau, et j'espère qu'il sera bien
traité.
J'ay encor une prière à vous faire. Un de mes amis, qui
fait des grandes recherches sur la langue slavonne, souhaitte
fort d'apprendre des particularités d'un livre intitulé : Adami
Bohorii horœ arcticœ de antiquâ linguâ carniolanâ (3). Je sçay
que ce livre est imprimé il y a long-temps ; mais je ne le
sçaurois déterrer. Je voudrois sçavoir si on le peut trouver
dans la Bibliothèque du Roy ou ailleurs.
Voyant que M. Fabretti vous écrit en ces termes : Quant
plurimas ex Etruscis inscriptionibus typis mandare neglexi^
ne damno meo aliorum ingénia torqueantur, etc.^ il me sem-
ble qu'il seroit à propos de le prier ou de les donner au public
ou de les vous communiquer pour en faire part aux curieux.
Car on pourroit trouver un jour des lumières là dessus, et
il est juste qu'on conserve ces anciens restes d'un peuple
fameux.
(i) Jean-Michel Bruti, né à Venise vers i5i5, mort en Transylvanie
en 1594.
(2) Philippe-Jacques Hartmann, né à Straisund le 26 mars 1648,
mort à Kœnigsberg le 28 mars 1707, publia à Berlin, en 1699, un com-
mentaire De rébus gestis Christianorum sub Apostolis^ in-4».
(3) Adamus Bohorizh, Arcticœ horulœ succisivœ de latino^arnoliana
litteratura, Witenberg, 1 584, in-8«. Voir Graesse, Trésor des livres ra-
reSy t. !•«•, 1859, p. 468.
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02 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE.
XI
Hanover, 4/14 may 1698.
Je vous suis très obligé, Monsieur, du soin que vous avés
pris tant pour m'avertir du traité de Mons. le président Boi-
sot, que pour le disposer à continuer de m'estre favorable,
comme vous Taviés disposé à Testre d'abord. La cause que
je n'avois point encor profité de ses premiers offres a esté
que, par je ne sçay quel accident, la liste qu'il m'avoit
envoyée s'estoit égajcét dans le tas immense de mes papiers.
L'espérance de la retrouver m'avoit fait différer d'avouer la
faute et de le supplier d'une nouvelle copie de ceste liste.
Mais, le temps pressant maintenant, je luy ay fait aveu de ce
malheur, disant que je ne sçay point si je dois oser le sup-
plier de pousser sa bonté jusqu'à me l'envoyer de nouveau.
J'adjoute que je me souvenois que la plus part des pièces
m'avoient paru dignes d'estre obtenues ; mais que je ne les
avois voulu demander qu'à condition de pouvoir faire moy-
même la dépense des copies, ou bien, en cas qu'on eût man-
qué des personnes propres à les faire, que j'aurois souhaitté
d'obtenir pour quelque temps ces deux tomes où ces pièces
se trouvent, et qu'on auroit pu prendre des mesures très seu-
res, maintenant que la paix est faite (i), pour les faire passer
à Bâle, et de là à Francfort ; et j'aurois voulu donner toutes
les asseurances nécessaires pour ne faire point douter d'une
exacte restitution. Mais que je ne sçavois présentement s'il
m'estoit encor permis de former ces sortes de souhaits et
d'en espérer quelque succès ; mais qu'en ce cas mon obliga-
tion en seroit plus grande et que le public en seroit d'autant
(i) Plusieurs traités de paix entre la France, d'une part, et, d'autre
part, la Hollande, l'Angleterre, l'Espagne et l'Empire avaient été signés à
Ryswick en 1697.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 63
plus redevable à Mons. le président et à la mémoire illustre
de feu Monsieur l'Abbé son frère, et enfin, que j'attendray sa
décision. J'ay jugé à propos et plus conforme à la civilité de
luy écrire ces choses moy-même ; mais je vous supplie, Mon-
sieur, de les appuyer.
L'erreur sur le pur amour paroist estre un mesentendu
qui, comme je vous ay déjà dit, Monsieur, vient peut estre
de ce qu'on ne s'est pas attaché à bien former les définitions
des termes. Aimer véritablement ou d'une manière désinté-
ressée n'est autre chose que d'estre porté à trouver du plaisir
dans les perfections ou dans la félicité de l'objet, et par con-
séquent à trouver de la douleur dans ce qui peut estre
contraire à ses perfections. Cet amour a proprement pour
objet des substances susceptibles de la félicité ; mais on en
trouve quelque image à l'égard des objets qui ont des perfec-
tions sans les sentir, comme seroit par exemple un beau
tableau. Celuy qui trouve du plaisir à le contempler, et qui
trouveroit de la douleur à le voir gasté, quand il appartien-
droit même à un autre, l'aimeroit pour ainsi dire d'un amour
désintéressé; ce que ne feroit pas celuy qui auroit seulement
en vue de gagner en le vendant, ou de s'attirer de l'applau-
dissement en le faisant voir, sans se soucier au reste qu'on
le gaste ou non, quand il ne sera plus à luy. Cela fait voir
qu'on ne sçauroit oster le plaisir et la practique à l'amour
sans le détruire, et que Mons. des Préaux a eu également
raison dans ses beaux vers, dont vous m'avés fait part, de
recommander l'importance de l'amour divin et d'empêcher
qu'on se forme un amour chimérique et sans effect. J'ay .
expliqué ma définition dans la préface de mon Codex diplo^
maticusjuris gentium^ publié avant la naissance de ces nou-
velles disputes, parce que j'en avois besoin pour donner la
définition de la Justice^ laquelle à mon avis n'est autre chose
que la charité réglée suivant la sagesse ; or la charité estant
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64 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
une bienveuillance universelle, et la bienveuillance estant
une habitude d'aimer, il estoit nécessaire de définir ce que
c'est qu'aimer. Et puisque aimer est avoir un sentiment qui
fait trouver du plaisir dans ce qui convient à la félicité de
l'objet aimé, et que la sagesse, qui fait la règle de la jus-
tice, n'est autre chose que la science de la félicité, je faisois
voir par cette analyse que la Félicité est le fondement de la
justice, et que ceux qui voudroient donner les véritables élé-
mens de la jurisprudence, que je ne trouve pas encor écrits
comme il faut, deuvroient commencer par l'établissement
de la science de la félicité, qui ne paroist pas encor bien
fixée non plus, quoyqwe les livres de morale soyent pleins
des discours de la béatitude et du souverain bien.
Comme le plaisir^ qui n'est autre chose que le sentiment
de quelque perfection, est un des principaux points de la
félicité^ laquelle consiste dans un estât durable de la posses-
sion de ce qu'il faut pour gouster du plaisir, il seroit à sou-
haitter que la science des plaisirs, que feu Monsieur Lantin
méditoit, eut esté achevée ; et il seroit bon au moins de
pouvoir obtenir l'œconomie de son projet; mais il seroit encor
mieux si on pouvoit obtenir ses recueils et ses réflexions
sur cette matière. Je l'ay souvent fait sommer autres fois
par feu M. l'Abbé Foucher; comme je faisois aussi la guerre
à feu Mons. Justel de ce qu'il laissoit mourir son beau dessein
des commodités de la vie.
S'il est à désirer que les excellens hommes prennent soin
de conserver leur pensées, il seroit encor plus à souhaiter
que le public y prist part pour faciliter leur desseins. Mais
id populus curât scilicet. Il est vray que, lorsque des grands
princes et leur Ministres tournent les pensées encor du
costé des sciences, comme on fait en France, on fait réussir
quantité de belles choses, qui sans cela auroient esté per-
dues pour le genre humain. Mais on ne sçauroit empêcher
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LETTRES DE LEIBNIZ. 65
qu'il n'échappe tousjours quelque chose, d'autant que le
public n'en est pas tousjours assez informé.
Entre nous, je vous laisse juger. Monsieur, si ce que je
viens de vous écrire ne pourroist estre envoyé à Mons. l'Abbé
Bourdelot, pour estre communiqué à Mons. le président
Cousin; mais il seroit bon que cela ne se fit que comme de
vous. Il sufiSroit de ne mettre mon nom que par des ini-
tielles, comme par exemple : Extrait de la lettre de M. D. L.
à Mons. l'Abbé Nicaise, touchant l'Amour désintéressé et
les fondemens de la justice (i).
Si M. Bayle est réconcilié avec M. Jurieu, j'en suis
bien aise ; il pourra travailler désormais avec plus de liberté
aux choses utiles (2).
J'ay envoyé la lettre du R. P. Bonjour (3) à Mons. Ludolfi (4),
mais je la trouve trop courte. Il pourroit bien luy écrire dores-
navant en François et plus amplement ; des sçavans hommes
ne se doivent point écrire des lettres vuides. Et je voudrois
qu'il se fût expliqué un peu sur les difficultés que Mons.
Ludolfi trouvoit dans son système, et qu'il luy eût fait quel-
que détail de son dessein, pour mieux profiter de son juge-
ment. Car, quelque habile que soit le P. Bonjour, il est jeune,
et cela veut dire que le jugement d'un excellent homme
(i) Nicaise écrivit, de Dijon, à Huet, le 26 juin 1698 : a Je vous en-
voie un extrait de Tamour désintéressé et des fondements de la Justice de
M. Leibniz. Cette question est de mode maintenant, et il aurait désiré
qu'on la mit dans le Journal des Sçavans sous les lettres initiales de son
nom et du mien. Mais, comme le Roi ne veut pas qu'on parle de ces
matières, il n'est pas à propos d'en entretenir le public. » Voir Cousin,
Fragments philosophiqueSy 3« édition, II, p. 322.
(2) Pierre Bayle, né à Foix le 18 novembre 1647, mort à Rotterdam
le 28 décembre 1706, eut pour ennemi implacable Pierre Jurieu, né à
Merle 24 décembre 1637, mort à Rotterdam le 11 janvier 171 3.
(3) Guillaume Bonjour, religieux augustin, né à Toulouse en 1670,
mort en Chine en 1714.
(4) Job Leuiholf, orientaliste, né à Erfurt le i5 juin 1624, mort à
Francfort le 8 avril 1704.
Acattémiê Je Lyon, etatte tteê Lettres. 3
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66 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
avancé en âge luy sera tousjours utile. A quelle langue croit-
il que l'ancienne Egyptienne se rapporte le plus ?
Mons. TEvêqwe de Salisbury (i) m'a fait tenir enfin le livre
traduit de Espagnol par un Théologien de son diocèse. Ce
sont des lettres que le Fiscal Vargas (depuis ambassadeur de
Philippe II à Rome) et quelques Théologiens Espagnols ont
écrites de Trente, où le Concile et les Légats du pape ne
sont pas fort avantageusement représentés. Cette version est
angloise, mais il en paroistra bien tost une françoise (2), et
même on fera imprimer aussi Toriginal espagnol. Ces lettres
justifient extrêmement ce que Fra Paolo a écrit, et font voir
que le cardinal Pallavicini ne Ta pas bien réfuté. Cela estant,
la France est fort à louer de n'avoir pas encor reconnu ce
Concile pour véritablement œcumeniqwe; et elle fera bien
sans doute de s'en garder encor doresnavant, pour ne point
faire préjudice à l'autorité même de l'Église et des Conciles,
en voulant qu'un Concile de contrebande passe pour bon.
Le R. P. Bouvet (3) m'a envoyé son livre qui contient le
pourtrait du Monarque de la Chine (4) et je luy ay envoyé
(1) Gilbert Bumet, historien, né à Edimbourg le i3 septembre 1643,
mort le 17 mai 171 5.
(2) « Le jurisconsulte Fr. Vargas, mort en 1 56o, avait un grand renom
d'érudition et d'intégrité. Ses Lettres et Mémoires touchant le Concile de
Trente ont été traduits en français et publiés à Amsterdam en 1700 et
1720, in-8. » Note de l'édition Cousin.
(3) Joachim Bouvet, jésuite, né au Mans, mort à Péking. La date de sa
naissance et cctlle de son décès sont mal déterminées ; on trouve pour sa
naissance le 18 juillet i656, le 18 juillet 1662, le 17 juillet i665; pour
son décès, le 29 juin 1730, le 29 juillet 1730 et le 28 juin 1732. Il fut,
avec les Pères de Fontenay, Tachard, Gerblllon, Lecomte et Visdelou,
envoyé en Chine par Louis XIV, pour étudier attentivement ce pays;
parti le 3 mars 168 5, il revint en France en 1697. Deux ans après, il
retourna en Chine, emmenant avec lui de nouveaux collaborateurs.
(4) L'ouvrage, auquel Leibniz fait allusion, fut publié sous ce titre : Por-
trait historique de l'Empereur de la Chine, présenté au Roy, par le
P, J, Bouvet,,, A Paris, chez Estienne Michallet, 1697, in-12, 264 pages.
L'empereur en question est Kang-hi. — Une réimpression, également en
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LETTRES DE LEIBNIZ. 67
des questions pour la Chine, auxquelles il m'a promis des
solutions.
r Je suis avec zèle,
Monsieur,
Vostre très humble et très
obéissant serviteur,
Leibniz.
Le jugement de M. d'Auranches sur ma réponse à M. Ré-
gis (i) me donne beaucoup de contentement; suflBcit talibus
placuisse. Les bons Cartésiens, tels qu'ils sont volgairement,
n'ont pas grand sujet de se vanter de leur grimoire. Les
vers de M. Boileau me plaisent tousjours beaucoup. Nous
avons aussi des reliques à Hanover, et d'aussi bonnes qu'il
264 pages in- 12, fut publiée en 1698, à Paris, chez Robert et Nicolas
Pépie. — En 1699, il y eut une nouvelle édition, à la Haye, in- 12,
171 pages. Cette même année 1699 vit paraître deux traductions, Tune
en latin : Icon regia monarchœ Sinarum nunc regnantis imprimée à la
suite des Novissima sinica de Leibniz, 2« édition, mais avec une pagina-
tion spéciale ; Tautre en anglais : The History of Cang-hi^ the présent
Emperor of China, London, F. Coggen, 1 1 1 pages; voir également l'ou-
vrage intitulé The présent condition of the moscovite Empire till theyear
i6gg, in two letters.,., with the life of the présent Emperor of China, by
father J. Bouvet^ by the author of The ancient und présent state of MoS'
covy, London, F. Coggen, 1699. — Une traduction en hollandais a été
publiée à Utrecht en 17 10.
Le I" novembre 1701, le P. Bouvet adressa à Leibniz, sur Futilité de
la recherche des anciennes croyances chinoises, une lettre qui fut insérée
dans le Journal de Trévoux en janvier 1704, n» XL
La Bibliothèque de Lyon possédait autrefois un manuscrit, mi-partie
chinois, mi-partie latin, contenant la Relatio brevis rerum quœ spectant
ad declarationem Sinarum Imperatoris Kang-hi, circa cœli, Confucii et
avorum cuîtum^ datam anno ijoo. Cette pièce était revêtue de la signa-
ture de plusieurs jésuites, notamment de Joachim Bouvet. Malheureu-
sement elle a disparu depuis la rédaction du catalogue de Delandine,
Manuscrits^ t. I»', n» 166. Cette disparition n'est pas récente; elle est an-
térieure à l'inventaire dressé par M. Monfalcon.
(i) Sylvain Régis, philosophe cartésien, né à la Salvetat de Blanque-
fort en i632, mort à Paris le 1 1 janvier 1707.
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68 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
y en ait en Europe. Dernièrement on en a fait imprimer un
catalogue. Quelques-unes en ont esté apportées du Levant,
il y a plus de 5 siècles. Il me semble qu'on prend à tâche,
à présent, de mortifier les jésuites en France. Chacun à son
tour. Mes vers à mad"** de Scudéri n'estoient point sur
Tamour désintéressé.
Pour mieux appuyer mes souhaits auprès de M. le prési-
dent Boisot, il est bon de le faire souvenir qu'on a publié
que feu M. son frère m'avoit communiqué des belles pièces,
et qu'il est à souhaitter que cela se vérifie au moins après sa
mort, tanquam ex ultima voluntate.
XII
A Mons. VAbbé Ntcaise.
Hanover, ce 24 juin 1698.
Monsieur,
Vous aurés reçeu ma dernière, à la quelle je me rapporte, et
vous diray cependant que j'ay publié ce printemps la chro-
nique d'Albericus Monachus Trium Fontium (i), citée si sou-
vent par Messieurs du Chêne, La Mire, Blondel, Chiflet, et
qui contient tant de belles notices généalogiques. Comme
j'en ay eu un vieux exemplaire manuscrit, en parchemin, assez
bon, et un autre moderne de la Bibliothèqwe de Wolfen-
butel, quoyqwe imparfait, j'en ay pu donner une édition pas-
sable; et j'espère que les curieux m'en sçauront quelqwe gré,
parce qu'autrement cet ouvrage seroit peut estre encor de-
meuré enseveli assez long temps.
Il y en avoit un exemplaire dans la Bibliothèque des
jésuites du collège de Clermont; mais il estoit aussi imparfait
(i) Les Chronica Albrici monachi Triumfontium^ imprimées par Leib-
nitz dans ses Accessiones historicœ^ ont été réimprimées dans les Monu-
menta Germaniœ historicay ScriptoreSy t. XXIII, p. 63i à gSo.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 69
que celuy de Wolfenbutel, à ce que le R. P. Hardouîn me
fit dire.
Ce qui m'engage, Monsieur, à vous écrire présentement
est la lettre de Monsieur Ludolphi, par laquelle il répond à
celle du R. P. Bonjour, que je vous envoyé icy jointe, vous
suppliant de le faire tenir.
On feroit fort bien de faire envoyer à Mons. Ludolphi
l'exemplaire iEthiopiqwe qu'il demande ; car il n'y a personne
qui en puisse faire un meilleur usage que luy; et j'ose joindre
mes prières aux siennes, ayant eu autres fois l'honneur de
faire la révérenee à l'éminentissime cardinal Casanata (i), et
l'ayant trouvé extrêmement porté à favoriser les connois-
sances utiles.
Nostre sçavant ami, Monsieur Morel, a fait une cheute en
revenant de la foire de Leipzig, qui l'empêche de se servir de
sa main pour écrire. On espère pourtant, à ce qu'il m'a fait
écrire, que ce sera sans suite.
Je suis, avec zèle.
Monsieur,
Vostre très humble
et très obéissant
serviteur,
Leibniz.
XIII
Hanover, ce 23 décembre, vieux stile, 1698 (2).
Monsieur,
Je ne sçay par quel malheur celle que vous avés eu la bonté
de m'envoyer de la part de Mons. le président Boissot n'est
(i) Jérôme Casanate, né à Naples le 3 juin 1620, mort à Rome le
3 mars 1700, bibliothécaire du Vatican.
(2) Cette lettre a été publiée en partie dans les Variétés historiques de
Pc'ricaud, Lyon, 1 836- 1837, p. 76-77.
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yO LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
pas ventie jusqu'à moy. Quand il me fera la grâce de m*en-
voyer ce catalogue qu'il me fait espérer, je vous supplie de le
bien recommander à Paris, afin que M. Brosseau le reçoive.
Je n'ay garde de décider dans la controverse qui est entre
M. de Meaux et Mons. de Cambray, n'ayant lu que peu de
pièces de ce procès. Cependant, je suis prévenu pour deux
choses. Tune est l'exactitude de M. de Meaux, l'autre est
l'innocence de M. de Cambray, et je les croiray jusqu'à ce
que je sois forcé par des bonnes preuves de croire que le
premier s'est trompé dans la doctrine, ou que le second a
manqué du costé de la bonne foy. Comme j'ay de la passion
pour la gloire de M. de Meaux, j'ay aussi ce panchant ordi-
naire à ceux qui sont d'un bon naturel, de souhaitter qu'on
épargne les malheureux autant qu'il est possible. C'est ce qui
fait que je n'aime point les satyres qui déchirent un homme
dont la méchanceté n'est pas bien avérée.
J'ay vu un dialogue intitulé : Les Adieux de Nicodème
soliciteur en Cour de Rome pourMad. Guyon et son compère
Bonnefoy, où les choses me paroissent outrées et traitées peu
délicatement. Selon les apparences, Mad. Guyon est une or-
gueilleuse visionnaire, et on ne doit point confondre sa cause
avec celle de M. Cambray, quoyque ce prélat ait esté trompé
par son air de spiritualité.
Je vous remercie fort , Monsieur, de la communication de
la lettre de vostre sçavant ami de Rome, où il ne marque pas
seulement les nouveaux livres de conséquence, mais en mar-
que aussi le but et en juge fort solidement. Le livre de la
poésie italienne de M. Crescimbeni (i) et celuy délie Masnade
de M. Fontanini (2) sont fort à mon gré.
(i) Giovanna- Mario Crescimbeni, néà Macerata le 9 octobre i663, mort
le 8 mars 1728, venait de publier à Rome VIstoria délia volgar poesia^
1698, in-4<».
(2) Juste Fontanini, ne' à Saint-Daniel (Frioul) le 3o octobre 1666, mort
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LETTRES DE LEIBNIZ. 7I
Mons. Hofmati (i) de Bâle n'est point content de l'édition de
Hollande de son dictionnaire et il en prépare une autre qui
sera apparemment préférable, non pas pour la beauté de
l'impression, mais par les choses.
M. Chapuzeau (2), qui demeure à Zell, travaille fort et ferme
au sien, où il redressera (suivant son projet) les fautes de
Moreri , retranchera les inutilités et les choses odieuses , et
suppléera une infinité de manquemens. Le père Coronelli (3)
promet aussi un tel dictionnaire en italien, qui sera apparem-
ment une traduction de Moreri retouché.
Il y a un professeur en théologie à Leipzig, nommé Mons.
Ittigius (4), sçavant dans l'Histoire ecclésiastique, qui a donné
un livre de Hœresibus œvi apostolici^ et qui vient de publier
des écrits de quelques pères apostoliques , comme Ignace,
Polycarpe, etc.
La version françoise des mémoires de Vargas touchant le
Concile de Trente paroist après l'Angloise. Je croy qu'on
n'a pas sujet de douter de la bonne foy des interprètes. Ces
à Rome le 17 avril 1736, auteur de nombreux ouvrages, dont Tun a pour
titre : Délia Masnade ed altri servi seconda Vuso dé Longobardi, Venise,
1698, in-4<».
(i) Jean-Jacques Hoffmann, né à Bâle en i635, mort dans la même
ville le 10 mai 1706, auteur d'un Lexicon universale historico-geogra"
phico^hronoiogicO'poeticO'philologicum, Bâle, 1667,2 vol. in-folio, réim-
primé à Leyde en 1698, 4 vol. in-40.
(2) « Genevois, précepteur de Guillaume III, roi d'Angleterre, puis gou-
verneur des pages du duc de Brunswick- Lunebourg. Son Dictionnaire
demeura en projet. » (Note de l'édition Cousin.)
(3) Marc- Vincent Coronelli, né à Venise vers i65o, mort dans la même
ville en décembre 17 18, commença la publication d'une Bibliotheca uni'
ver salis sacro-profanaj qui devait avoir quarante-cinq volumes in-folio.
Sept seulement ont été publiés.
(4) Thomas Ittig, né à Leipzig le 3i octobre 1643, mort dans la même
ville le 7 avril 17 10, auteur de très-nombreux ouvrages, parmi lesquels
figurent, en effet : \^ De Hœresiarchis œvi apostolici et apostolico pro-
ximi, Leipzig, 1690, in-4«; 2« Bibliotheca patrum apostolicorum grœcO'
latina^ Leipzig, 1699, 2 vol. in-S*.
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73 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
pièces jointes à d'autres pourroient servir de supplément à
rhistoire de Fra Paolo, et Mons. Amelot de la Houssaye (i) le
pourroit faire mieux que personne, comme M. d'Auvranches
juge avec raison, pourveu qu'il soit permis à M. Amelot de
dire ses sentimens avec la liberté qui y est nécessaire.
M. de Spanheim est infiniment ravi de voir M. d'Auran-
ches à Paris.
Je ne scay par quelle négligence des libraires il arrive que
ce que je donne au public ne passe point en France. Il fau-
dra que j'y mette ordre.
Je suis bien aise que le P. dom Pezron (2) travaille sur la
langue celtique et sur les origines des nations. Mon opinion
a tousjours esté que c'est par les langues qu'il faut con-
noistre les connexions des peuples. Je trouve que la langue
des Bretons ou Aremorique est moitié allemande et qu'ainsi
l'ancienne gauloise le devoit estre aussi. Mais j'ay perdu
mon latin en cherchant à quoy se rapporte la langue des
Basques.
J'ay ouï dire que M. de la Loubère (3) a la curiosité de vou-
loir approfondir cette langue. Je luy en ay parlé autres fois;
s'il en a le loisir, il y pourroit réussir, à cause de sa péné-
tration.
(i) Abraham-Nicolas Amelot de la Houssaye, né à Orléans en 1634,
mort à Paris le 8 décembre 1706, avait publié en i683, sous le pseudo-
nyme de sieur de La Mothe-Josseval, une traduction de VIstoria del conci-
lio Tridentino de Pietro Sarpi (Fra Paolo). Il était donc naturellement
indiqué pour une traduction des mémoires de Vargas.
(2) Dom Pezron (voir plus haut, p. 32) avait publié dans les Nouvelles
de la République des Lettres^ juin 1699, ^^^ lettre adressée à Nicaise,
dans laquelle il essayait de prouver que le bas-breton et le gallois sont
ridiome primitif des Gaulois.
(3) Simon de la Loubère, membre de l'Académie française (1693) et de
r Académie des inscriptions (1694), restaurateur de F Académie des Jeux
Floraux, né à Toulouse en mars 1642, mort à la Loubère (Hautes- Pyré-
nées) le 26 mars 1729.
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LETTRES DE LEIBNIZ. yS
Vous m'avés parlé un Jour, Monsieur, d'un sçavant qui
vouloit écrire de la critique des diplômes. Cest une matière
de conséquence et qui mérite d'estre éclaircie de plus en
plus.
Mons. de Spanheim vient aussi de m'envoyer une lettre
pour Monsieur Morel, que j'auray soin de lui faire tenir aussi.
Je m'étonne qu'on ne parle plus des lettres de Peiresk (i).
On a fait un livre en Angleterre contre une Armée sur
pied, ou militem perpetuum^ où, par l'histoire et par les rai-
son, on veut faire connoistre le danger. Mais je me suis mis
à rire, quand j'ay vu qu'il y a sur le titre qu'une telle ar-
mée sera cause du papisme, paganisme, mahométisme et
athéisme.
Un certain auteur ayant fait avec succès Esope aux eaux
de Tunbridge^ où le gouvernement est raillé avec assez
d'adresse, on a vu paroistre incontinent après une infinité
d'autres Esopes de peu de conséquence.
Je vous souhaitte toute sorte de bonheur pour l'année nou-
velle et beaucoup d'autres, et suis avec zèle.
Monsieur,
Vostre très humble
et très obéissant serviteur,
Leibniz.
P. S. — Je ne sçay si je vous ay mandé que M. Ludovici,
professeur à Haie, publiera des lettres non imprimées de
Languetus, vostre compatriote, avec sa vie faite par M. de la
Marre, et y joindra le pourtrait de l'auteur (2).
(i) Le 8 novembre 1880, M. Tamizey de Larroque a proposé au Comité
des travaux historiques la publication, dans la collection des documents
inédits, des Lettres françaises de Peiresc. Cette proposition, prise en
considération par le Comité, a été renvoyée à Texamen d'une Commission
de trois membres, MM. Marty-Laveaux, Ludovic Lalanne et Georges
Picot.
(2)]Voir la lettre suivante, p. 76 et suiv.
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74 LETTRES A L ABBE NIC AISE.
XIV
Hanover, ce i6 juin 1699 (i).
La Foudre du Vatican ayant grondé et Mons. TArchevêqwe
de Cambray ayant écouté la décision du Pape avec tout le
respect qu'il avoit promis (2), j'espère que doresnavant les ha-
biles gens de France s'amuseront moins à ces controverses
du quiétisme et du pur amour. La Bulle du Pape (ou Bref,
si vous voulés) paroist assez raisonnable. On ne sçauroit se
dépouiller de la considération de son bien. Mais, si Tintérest
est pris pour le bien utile opposé au bien honneste et agréa-
ble, on peut se dépouiller de ce qui est intéressé. Ainsi la
véritable pur amour opposé à Tamour intéressé, dans ce sens,
et tel que je l'ay défini autres fois, subsiste tousjours. C'est
lorsque le bien, bonheur, perfection d'autruy, fait nostre
plaisir et bonheur, et est par conséquent désiré par luy-même
et non pas par raison de quelque profit qu'il nous porte.
Mais laissons là cette matière, qui peut passer pour finie,
si les gens se mettent à la raison, et parlons d'autre chose.
Est-il vrayque Mons. l'Evêq^/e d'Auranche quitte son diocèse
et son évêché pour estre plus en repos à Paris (3)? Je n'en suis
point fâché, espérant que cela le fera vivre plus long temps
pour le bien public et pour l'honneur de la France.
(i) Cette lettre n'est pas autographe ; Leibniz a seulement corrigé quel-
ques mots, écrit la formule de salutation et signé.
(2) La condamnation des Maximes des Saints par la cour de Rome
est datée du 12 mars 1699. Sans attendre que les formalités légales préa-
lables à la publication du bref fussent remplies, Fénelon écrivit un man-
dement pour constater sa soumission.
(3) La nouvelle était vraie; Huet se démit de son évêché en avril 1699.
Il reçut comme dédommagement Tabbaye de Fontenay, sur les bords de
rOrne, à quelques kilomètres de sa ville natale ; mais, suivant son expres-
sion, il y fut inondé d'une pluie de procès, qui le dégoûta de son nou-
veau titre et il résolut de vivre complètement à Paris chez les Jésuites
de la rue Saint-Antoine. Voir plus haut, p. 28.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 7 5
Je VOUS remercie fort, Monsieur, de la copie de la lettre de
M. l'abbé de la Charmoye. Son dessein d'éclaircir Thistoire
fabuleuse, pour en tirer la vérité, est difficile, mais d'autant
plus grand et plus beau. Effectivement j'ay toujours crû que
la guerre des Titans, aussi bien que des Géans contre les
dieux, signifioit quelque irruption des peuples celtiques ou
scythiques dans la Grèce et Asie, dont les anciens Rois ont
esté pris depuis pour des dieux. Je me suis imaginé aussi
que Prométhée, (qui estoit du nombre des Titans), attaché
au mont Caucase, signifioit les Scythes tenus en bride par
des trouppes postées aux portes Caspiennes. Cependant il y
a tant de contradictions dans l'histoire fabuleuse et elle a
esté tellement gastée par les libertés, que les anciens y ont
déjà prises, qu'il sera difficile de la débrouiller passable-
ment.
Je trouve aussi bien difficile d'expliquer la connexion en-
tre les peuples et hommes dont Moïse fait mention et entre
ceux qui en sont aussi éloignés que les Celtes et Scythes;
cependant je ne voudrois pas décourager ce savant homme.
J'ay examiné autres fois la langue gauloise, telle qu'elle s'est
conservée encor chez le bas Bretons et dans le pays de
Galles, et je la trouve demy-teutoniqwe (j).
Cela m'a fourni plusieurs remarques singulières. Par
exemple Aber signifie la fin ou l'issue d'un fleuve, d'où
vient havre aujourd'huy, car les havres naturels se forment
le mieux par les embouchures des rivières. Mais la notion
de l'issue est plus générale, et il en reste des traces dans
l'Allemand abend qui signifie le soir, dans ebbe qui signifie
reflux ou retour, et dans aber qui signifie répétition. De
toutes les langues de l'Europe, il n'y a point qui m'embrasse
Csic) plus que la Biscayenne, et je voudrois sçavoir le senti-
(i) Leibniz revient sur un sujet, de'jà traité dans la lettre préce'dente.
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76 LETTRES A L*ABBE NICAISE.
ment de M. l'Abbé de la Charmoye là-dessus. Je souhaite-
rois aussi des éclaircissemens sur celle d'Irlande. Les lan-
gues sont le vray moyen pour juger de l'origine des Peuples.
Supposé l'Histoire Saincte, on doit juger que les Teutons et
Celtes- sont venu de la Scythie. La langue latine paroist
estre un mélange du Celtiqwe et du Grec ; et la greque même
a son fonds des Scythes et Celtes voisins; à quoy s'est joint
depuis ce qu'elle a pris des Phéniciens. L'appellation de
Celtes est commune aux Teutons et aux peuples compris
entre le Rhin et les Pyrénées. J'appelle celtiqwe en matière
d'étymologie ce que le latin a de commun avec le teutoni-
que. Mais j'appelle plus tost scythiqwe, ce que nous avons de
commun avec le grec ou avec le sarmate.
Mons. Morel a esté aux eaux chaudes de Tœpliz. Je ne sçay
s'il en est de retour, il en espéroit de l'amendement pour
estre entièrement remis de son accident paralytiqwe; je le
souhaitte de tout mon cœur.
Je n'ay pas vu la lettre que le R. P. Pagi vous avoit adres-
sée; mais j'en ay vu des extraits; j'y trouve des belles choses.
Sa remarque que chez Beda ordination signifie désignation,
convient avec une autre remarque que j'ay faite sur les di-
plômes d'un Empereur où il compte Annos ordinationis, c'est-
à-dire designationis ; c'est Henry IV, fameux par ses contes-
tations avec le Pape Grégoire VII. J'ay aussi épluché un peu
la chronologie des Papes, qui ont suivi de près Formosus,
et je crois l'avoir débrouillée. Les temps qui regardent la
mort de Berengarius I, de Robert, roy de France, Antago-
niste de Charles le Simple, et les choses arrivées pour lors
et un peu avant et après me paroissent des plus confuses.
Je voudrois bien sçavoir si le P. Pagi s'est appliqué aussi
à débrouiller les généalogies, ce qui n'est pas moins utile en
bien des rencontres que la rectification de la chronologie.
Les lettres de Hubertus Languetus viennent enfin de pa-
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LETTRES DE LEIBNIZ. 77
roistre par les soins de Mons. Ludovici (i), avec la taille douce
de ce célèbre Bourguignon et sa vie tirée de celles de feu
M. de la Mare (2).
N'aurons-nous pas bientost les lettres qu'on avoit écrites a
M. Peiresk (3) ?
Comment va la dispute entre le P. Alexandre Natalis (4)
et le P. Daniel (5) sur la morale et la probabilité ?
Je ne sçay si vous avés vu un livre latin intitulé Causa Ar-
naldina? On y resuscite des bonnes pièces du temps passé.
Que fait le cardinal Noris ?
Mons. Lyster, Médecin Anglois, excellent dans la connois-
sance de la nature, a donné en Anglois une petite relation
de son voyage de Paris avec le comte de Portland (6) ; on le
traduira en françois.
(i) Godefroi Ludwig, né à Baruth le 20 octobre 1670, mort à Cobourg
le 21 avril 1724.
(2) Hubert Languet, publiciste, né à Vitteaux (Bourgogne) en i5i8,
mort à Anvers le 3o septembre i58i, auteur du livre fameux Vindiciœ
contra tyrannos^ qu41 publia à Bâle Tannée même de sa mort. Le recueil
de lettres formé par Ludwig a pour titre : Arcana seculi decimi sexti :
Huberti Langueti epistolcp secretce adprincipem suum Augustum, Saxoniœ
ducem^ Halle, 1699.
(3) M. Tamizey de Larroque, correspondant de Tlnstitut, publie, de-
puis quelque temps, par fascicules, les lettres adressées à Peiresc et réa-
lise ainsi, après deux siècles, le vœu de Leibniz.
(4) Noël Alexandre, dominicain, né à Rouen le 19 janvier 1639, mort à
Paris le 21 août 1724. Il se signala par Tardeur avec laquelle il défendit
les doctrines gallicanes.
(5) Gabriel Daniel, jésuite, né à Rouen en 1649, mort à Paris le
23 juin 1728. Il est surtout connu pour V Histoire de France qu'il publia
en 171 3, 3 vol. in-folio. Mais il avait précédemment écrit les Entretiens
de Cléandre et d'Eudoxe sur les Lettres provinciales y 1694, qui avaient
eu un grand retentissement et avaient été vivement attaqués.
(6) Martin Lister, naturaliste anglais, né à Radcliffe (Buckingham) vers
i638, mort à Londres le 2 février 1712. Il accompagna John- William
Bentinck, comte de Portland, pendant son ambassade en France, et pu-
blia une relation de son voyage sous ce titre : Journey to Paris in the
year j6g8.
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78 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
M. Wotton (i),qui a écrit très bien en anglois sur les anciens
et les modernes, a produit un passage notable du fameux
Servetus (2), qui a esté brûlé à Genève, par lequel on voit que
cet homme a eu quelque lumière sur la circulation du sang ;
cela seul le devoit exemter du feu, s'il avoit eu à faire à des
gens raisonnables et entendus.
Un des excemplaires de mon Codex diplomaticus avoit esté
destiné à M. d'Auranches, si je m'en souviens bien ; mais je
n'ay presque point eu de nouvelles des excemplaires que j'a-
vois destinés et à luy et à d'autres ; je pense maintenant à
commencer l'impression du second tome, et cet illustre pré-
lat aura l'un et l'autre à la fois.
Je souhaite fort maintenant la liste que M. le président
Boisot a eu la bonté de me vouloir envoyer de nouveau pour
en tirer encor quelque chose avant l'impression de ce second
tome (3), afin que je puisse jouir de l'effect des espérances
que feu Mons. l'Abbé, son frère, avoit déjà données.
Je suis avec zèle.
Monsieur,
Vostre très humble et très
obéissant serviteur,
Leibniz.
(i) William Wotton, philologue anglais, né à Wrentham (SufFolk) le
i3 août 1666, mort à Buxted (Essex) le i3 février 1726, auteur de Reflec-
fions upon ancient and modem learning^ Londres, 1694, in-8«.
(2) Michel Servet, né à Villanueva (Aragon) en iSog, mort à Genève
le 27 octobre i553. Cest dans son grand ouvrage, publié à Vienne (Dau-
phiné) en i553 sous le titre de Christianismi Restitution que se trouve
exposée son opinion sur la circulation du sang. Voir Flourens, Histoire de
la découverte de la circulation du sang y Paris, 1854.
(3) Le Codex juris gentium diplomaticus devait, d'après le plan adopté
par Leibniz (voir plus haut, p. 34), se composer de trois volumes. Un
seul a paru en 1693, in-f« de 479 pages. Leibniz l'augmenta, en 1700,
d'une Mantissa codicis juris gentium diplomatici.
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LETTRES DE LEIBNIZ. 79
XV
Hanover, 6/i6aoust 1699.
Monsieur,
Vous me prenés pour un homme bien négligeant, si vous
me croyés capable d'égarer trois fois une chose que je n'ay
receu qu'une seule fois. Je ne sçay par quelle fatalité le paquet
que vous avés recommandé à Mons. Brosseau ne m'a pas
esté rendu. Il est seur au moins que je n'ay jamais vu ce
dernier mémoire que vostre bonté et la faveur de Mons. le
président Boisot me destinoient pour une seconde fois. J'en
ay écrit à Mons. Brosseau. Mais je n'espère point qu'il se
puisse souvenir à qui il l'a donné ou recommandé.
Je suis bien fâché de la mort du P. Pagi, mais consolé de
l'espérance que vous me donnés. Monsieur, que son ouvrage
paroistra (i). J'ay vu dernièrement dans les Nouvelles de la Ré-
publique des Lettres la lettre qu'il vous avoit écrite, comme
aussi celle de M. l'abbé de la Charmoye.
Les Généalogies des Maisons souveraines au moins sont
presque aussi importantes dans l'Histoire que la Chronologie,
parcequ'elles font connoistre les changemens des Estats qui
ont passé. d'une famille à l'autre et fondent souvent les droits
et prétensions des princes, au lieu que la chronologie portée
à la précision (l'Histoire sainte mise à part) ne sert guères
qu'à vérifier les dates des titres. Cependant j'ay bien travaillé
aussi sur celle du neuvième et dixième siècle, l'Histoire de
Bronsvic m'y ayant obligé, et je conviens en certaines choses
avec ce que le P. Pagi a observé.
(i) Le P. Antoine Pagi venait de mourir à Aix. Louvrage qu'il termina
peu de temps avant sa mort, et dont parle Leibniz, était consacré à rec-
tifier les erreurs chronologiques des Annales ecclesiastici de Baronius; il
fut publié par les soins du P. François Pagi, neveu de l'auteur.
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8o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
La réponse du P. Bonjour à Mons. Ludolfi m'a paru si
sèche et vuide de réalités que je ne voy pas qu'il ait fourni
à M. Ludolfi aucun sujet d'y répliquer. Ce n'est pas au moins
ma coutume d'écrire de telles lettres, et je ne perds pas
volontiers l'occasion d'apprendre quelque chose.
Si le P. Bonjour pouvoit soutenir le calcul vulgaire contre
les 70, ce seroit aux dépens de la religion. Car j'ay tousjours
jugé que M. l'abbé de la Charmoye avoit raison de croire
que la chronologie des Chinois (pour ne rien dire d'autres
argumens) nous oblige de reculer l'antiquité des temps. Feu
Monsieur d'Irois(i), théologien de M. le cardinal d'Estrées, qui
a fait un livre pour la Sainte Ecriture, me disoit à Rome que
si, par malheur ou par bonheur, il se trouvoit un jour, par
des histoires vérifiées de quelque peuple, que le monde est
plus ancien que les 70 mêmes ne semblent le dire, on pour-
roit pourtant tousjours soutenir la vérité de la religion,
parcequ'il n'est point dit que ceux que Moïse nomme ayent
esté engendrés les uns des autres immédiatement. Mais je
n'appréhende point que nous soyons réduits aune si fâcheuse
excuse et les 70 nous peuvent suffire.
Si le cardinal Noris gode il papato, io godo il cardinalato,
et m'imagine d'estre aussi heureux que qui que ce soit.
Je n'ay point eu des nouvelles de M. Morel depuis son
usage des bains, mais j'en demanderay et pour vous et pour
moy (2).
Mons. l'archevêqwe de Cambray s'est mieux tiré d'affaire
qu'il n'y estoit entré. Il en est sorti en habile homme et il y
(i) François Dirois, chanoine, né en 1620, mort à Avranches le 11 oc-
tobre 1 690, auteur de plusieurs ouvrages estimés, notamment d'un livre
publié à Paris, en i683, sous ce titre : Preuves et préjugés pour la reli^
gion chrétienne et catholique^ contre les fausses religions et l'athéisme^
in-4«.
(2) André Morell venait d'être frappé d'une attaque de paralysie ; voir
plus haut, p. 76.
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LETTRES DE LEIBNIZ. Si
estoit entré sans penser assez aux suites qu'elle pouvoit
avoir. Dieu soit loué au moins que les journaux parlent
enfin d*autre chose.
Sçavoir si on reprendra maintenant à Rome le procès
intenté par les prélats de France contre le livre du cardinal
Sfondrati (i).
Est-il vray que le procès s'est réveillé entre les jésuites
et les autres missionnaires de la Chine, touchant les
honneurs qu'on rend àConfutius(2)? Autantque j'ay compris
la chose, on fait un peu tort en cela à ces bons pères, et, puis-
qu'on dresse des statues aux morts quoyqw^ payens, on peut
bien honnorer aussi leur mémoire d'une autre manière, pour
veu qu'on n'en attende point de secours. Il me semble que les
néophytes des jésuites ne sont pas plus idolâtres en cela que
ce poète italien qui sacrifioit tous les ans aux mânes de
Catulle un exemplaire des épigrammes de Martial. Je vou-
drois que la morale practique de ces pères fut aussi innocente
en tout autre chose et qu'ils fussent tous d'aussi honnestes
gens que quelques uns entre eux que j'ay connus. Mais de
vouloir que toute une communauté soit sans défauts, c'est
trop demander, pourveu que les défauts n'y régnent point.
Il semble que leur autorité a receu quelque échec en France
et je le juge par ce que M. l'archevêqwe de Reims a fait (3).
Mais ils sont comme cet Antée de la fable qui se relève plus
fort.
(i) Voir plus haut, p. 56.
(2) M. Emile Guimet a lu à rAcadémie de Lyon, en 1881, un très-inté-
ressant mémoire sur les querelles que souleva entre les Jésuites et les
Dominicains Tessai fait par les Jésuites d'une conversion des Chinois au
moyen d'une assimilation des dogmes de la religion catholique et des
croyances chinoises.
(3) Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de Reims, né à Turin en
1642, mort le 22 février 17 10, fut un grand défenseur des doctrines galli-
canes et publia des lettres contre les Jésuites.
AcaJémU de L/on, clasie des Lettres. 6
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82 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
Ne scavés vous pas, Monsieur, qui sont maintenant les
arcboutans du parti de feu M. Arnaud? Il faut que ce soyent
des gens zélés et de mérite, qu'on doit estimer.
Je suis avec passion.
Monsieur,
Vostre très humble et très obéissant
serviteur,
Leibniz.
S 3.
LETTRE DU PRIEUR MICHEL
XVI
A Monsieur
Morts. Labbé Nicaise
chanoine de la 5'* Chappellc
à Dijon.
Rome, ce 8 novembre 1695.
Monsieur,
Vous havez quelque raison de vous plaindre du peu de
ponctualité que j'ay eu a respondre a vostre lettre; ce n'est
pas faute de bonne volonté, c'est pour navoir encore pu
retirer le livre de l'histoire des peintures du sig' Gio. Pie-
tro Bellori (i) pour vous lenvoyer, je veu dire des peintures
de Raphaël du Vatican (2). Tout le desordre provient du
libraire qui a voulu havoir tout le manuscrit ensemble et en
(i) Bellori (Giovanni- Pietro), antiquaire italien, né à Rome en 161 5,
mort en 1696.
(2) L'ouvrage dont parle Michel fut publié en 1695, à Rome, sous ce
titre : Descripone délie ijîugini dipinte da Raffaelo d'Urbino nelle camerc
del PaLmo Vaticano, in-folio.
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LETTRE DU PRIEUR MICHEL. 83
rimprimant il a tout confondu et posposé les matières, de
sorte qu'il faut recommancer de nouvau. Il sig' Gio. Pie-
tro Bellori a cause de sa caducité n'a pu y assister, et il
faut recommancer tout de nouvau. II m'a fait voir les
erreurs de ces pospositions ausquelles personne ne peut
remédier que luy. S'il avoit les moyens, l'impression iroit
plus viste , mais il faut qu'il aye recour a un amys qui luy
donne ce secour. Il ma tesmoigné avoir autant d'impatience
a vous envoyer son livre que vous a le recevoir. Il est digne
de compation a son aage n'ayant que l'esprist de sain; les
mains luy tremblent, les jambes grosses comme les cuisses,
et comme pétrifiées pour leur dureté. Voila un an et demy
qu'il ne sort plus de sa maison. Il a fini laugmentation de
son livre de la vie des peintres ausquels il a adjouté les vies
de l'Albano, du Guide, de Ludovico et Antonio Cataci , du
Guerchin, Andréa Sacchi , etc., et de Carlo Maratti, qu'il
suspend a faire imprimer jusqu'à ce qu'il en aye les
moiens (i). Si quelqu'un en France en vouloit faire la des-
pance, il donneroit son ouvrage, mais il faudroit faire rim-
primer tout louvrage a cause qu'il a fait ses notes de nou-
vau avec quelque addition a la vie des autres peintres, et
ses livres en vaudroient beaucoup mieux. Dieu nous con-
serve ce bon homme ! car il est bien usé et lantiquité fera
une grande perte a sa mort, ne sachant personne dans
Rome qui puisse dignement remplir sa place.
Le sig' Pietro Santi Bartoli (2) aura bientost finy de gra-
ver son livre des antiques monuments de Rome (3). Ce sera
(i) La première partie de Touvrage de Bellori, intitulé : Le Vite de'
Pittorif scultori et architetti, dédiée à J.-B. Colbert, avait été publiée à
Rome en 1672, in-4«, 462 pages. — La seconde partie, dont parle Michel,
a dû rester manuscrite.
(2) Bartoli (Pietro-Santi), graveur fameux, né à Bartola ou à Pérouse
vers i635, mort à Rome en 1700.
(3) Admiranda romanarum antiquitatum ac veteris scuîpturœ vestigia
a Petro Santi Bartoli delineata, cum notis J, P. Bellori, Rome, 1695.
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84 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
grand domage si le sig*" Bellori n'en finist pas les notes
qu'il a commancé, et qu'on peut dire estre lunique au
monde pour ces sortes de choses de l'antiquité.
Voila, Monsieur, tout ce que je vous puis dire au sujet
de vostrt commission dont je ne m'oublie et ne m'oublieray
point. Je me suis mesme offert de faire copier a mes frais
ses manuscrit pour vous les envoyer plustost (i). Il m'a dit
qu'il avoit affaire a un Cardinal qui estoit cause que cela ne
se pouvoit, mais que le premier livre il me le donneroit. Je
ne perdray pas un moment pour cela en ayant donné ma
parole au R. P. procureur gc^n^ral des Bénédictins qui m'en
a sollicité de vosire part, auquel j'envoye la présente pour
vous la faire tenir, vous priant de me croire plus ponctuel
à ladvenir que par le passé.
Mes compliments à M*" Lantin, s'il vous plait, et lasseurer
que je luy suis comme a vous
Mons*"
très humble très obeiss*
servi/ewr,
Le Prieur Michel (2).
(i) L'impatience avec laquelle Nicaise attendait le livre de Bellori est
facile à expliquer. Pendant ses deux séjours à Rome, Nicaise avait beau-
coup vécu avec les artistes; Pietro de Cortone, Salvator Rosa, Carlo
Maratti, le cavalier Bernin, etc., l'avaient admis dans leur intimité. Fier
de telles relations, le bon abbé se crut obligé d'avoir un peintre à son
service ; Carlo Vino copia pour lui plusieurs tableaux, notamment V École
d'Athènes de Raphaél. Plus tard, Nicaise, désireux de faire connaître au
public son petit musée, guettait une occasion favorable pour en parler.
L'ouvrage de Bellori allait la lui fournir. Aussi, dès que le livre parut,
Nicaise rédigea une Dissertation ou explication des deux plus beaux et
plus agréables tableaux de Raphaël d'Ûrbin^ peints au Vatican^ l* École
d* Athènes et le Parnasse. Cette dissertation a-t-elle été imprimée?
(2) Sur le revers de l'adresse, un ami de Nicaise s'est rappelé à son
souvenir : « F. E. C. salue avec respect Monsieur Labbé Nicaise. »
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LETTRES DE JEAN DE WITT. 85
S 4.
LETTRES DE JEAN DE WITT
/ei« de Witt^ fits de l'illustre et U fortuné grand pensionnaire de Hollande, naquit à Dordrecht le
27 mai 1662,
On rapporte que^ pendant qu'il était encore étudiant, il prononça^ dans une solennité aeadcmiquey
un discours De Libertatis commodis !
Ses études terminées^ il parcourut une grande partie de PEurope, nouant des relations avec beau»
coup desavants, et réunissant des masses de livres et d'autres objets précieux (i).
A son retour à Dordrecht ^ il fut nommé secrétaire de la ville. Il mourut en fjot.
Il avait épousé sa cousine germaine Wilhelmina de Witt^ fille du malheureux Cornélis de Witt^ et
en eut trois enfants : Wendela-Maria (i688-J70g^ ; Jean (i6g4'i'j5i); Cornélis (lÔgÔ-ijÔg).
Wilhelmina mourut peu de jours après son mari, e/, dans l'intérêt des enfants^ les collections formées
par Jean de Witt furent vendues aux enchères (s).
La Bibliothèque nationale possède un assej grand nombre de lettres autographes adressées par
Jean de Witt à Nicaise ; on les trouvera dans les volumes restitués par Prunelle en i83t*
Les deux lettres que nous publions combleront des lacunes de cette collection.
XVII
Dordrecht, le 29* aoust 1695.
Les grandes et solides raisons que i'ay eues de ne vous
point escrire jusques a présent, que vous devez coniecturer,
a cause que ie ne vous les sçaurois mander, ne m'empes-
chants plus de m' acquitter de mon devoir envers vous, mon
très cher Monsieur, ie reprens la plume en main, pour
m'entretenir avec un des hommes, que ie considère le plus,
a qui i'ay des obligations infinies, et qui m'ayme plus que
ie ne mérite. Le dernier excellent jt?re^ew/ de cette belle Agatè^
montée en tabacquiere^ que M*" Leers a son retour du voyage
de Paris, m'a mis entre mes mains de vostre part, m'est une
(1) ■ Cum versaretur adolescens in Academiis Bel|;icis, jam mignum numerum collefferat opti-
morum et «electisttmorum librorum. Fost, in profectione Gallica, Italica, Sicula et Melitensi,
ubi<}ue taberaas omnes librarias omnesque anffulos in quibus aliquid musicarum deliciarura latere
audierat excussit, nec uUi pepercit sumtui aclabori. ut non solum quidquid eximiorum librorum
in omni eruditionis génère poterat inveniri, sed et elegantiorum numismatum, lapidum et aliorum
prise! temporis monumentorum copiant conauireret secumque domum referret. » (Graeviut, Préface
du Catalogue de la bibliothèque de Jean de Witt.)
(3) Le catalogue de la Bibltotheea Wittiana annonce la vente de i,330 ouvrages in-folio^ 3*774 in*
quarto, 3,8o3 ia-octavo« 700 in-duodecimo. Il y a en outre lia manuscrits in-folio, 135 in-auarto,
36 in-8*, 16 in- 13. — Le catalogue des objets d'art remplit l36 pagis. — La vente eut fisu au
mots d'octobre 1701.
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85 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
nouvelle preuve de vostre tendresse pour moy; ie ne sçais
par qu'el endroit ie mérite tant de faveur auprès de vous, si
ce n'est pas Testime toute particulière, que i*ay pour vous,
et pour vos rares qualitez que tout le monde admire ; ie me
sentiray éternellement redevable a l'affection, avec la qu'elle
il vous a plu de m'obliger; si ie sçavois, comment ie pour-
rois en quelque manière recompenser tous les bienfaits dont
vous m'avez comblé, ie m'estimerois fort heureux; mais ne
pouvant rien imaginer, capable de cela, ie crains fort que ie
moureray vostre débiteur; mandés moy, s'il vous plaist,
mon cher amy, en quoy ie vous puis estre utile en ce pays,
ie tascheray de vous y servir avec tout le zèle et l'application
possible.
M. Leers m'a enfin promis qu'il envoyeroit en deux jours
(sans doute il l'aura desia fait) à M*" Anisson à Paris, pour
vous les addressér, deux exemplaires d^Junius de pictura pe-
terum en grand papier (i). Je vous supplie d'en envoyer un à
M. Bellori (2) de ma part et de conserver l'autre pour vous ;
peut estre que la vue de ce livre vous fera encor songer un
peu d'avantage à moy, que vous faites, quoy que ie suis
persuadé que vous le faites très souvent ; les marques que
vous m'en donnez en sont trop convaincantes.
Dans un des deux exemplaires de Junius dont ie vous fais
présent , vous trouverez le portrait de l'auteur, qui vous
manquoit; il m'escrit qu'il vous en a envoyé une couple;
quand vous les aurez, vous verrez. Monsieur, qu'iV^ ne sont
point de Van Dyck^ mais d'un certain peintre hoUandois,
nommé Van der Werff^ fort estimé, qui demeure actuel-
lement à Rotterdam (3) ; îe croy pourtant qu'il est fait après
(i) Voir plus haut page 39, note 2.
(2) Voir plus haut page 82, note i .
(3) Adrien Van der Werff, né à Kralinger-Ambacht (Hollande) le
21 janvier 1659, mort à Rotterdam le 21 novembre 1722.
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LETTRES DE JEAN DE WITT. 8/
celuy de Van Dyck , que îe me souviens d'avoir vu autrefois
dans la première édition latine ou traduction flamande de
cet auteur; ce portrait ne me paroit pas mauvais, et i'espère
qu'il sera de vostre goust.
le vous aurois envoyé en même temps le reste de mon
catalogue; mais a cause qu'il n'est pas encor tout a fait
achevé, y manquant quelques feuilles, et que M. Leers m'a
donné que fort tard avis qu'il avoit occasion de vous en-
voyer le Junius, i'ay différé à vous faire tenir ce qui vous
manque de mon catalogue iusques a ce que toutes les
feuilles seront imprimées, qui sera peut estre en peu de
temps; la vente des livres ne se tiendra pourtant qu'au
milieu de l'année qui viendra ; ie tascheray de vous envoyer
quelques catalogues à la première occasion ; vous les distri-
buerez alors (s'il vous plaist) a vos amis qui sont curieux
des livres; et en cas qu'ils trouvent la dedans quelque chose
qu'il leur plaist, ils pourront charger A/'' Leers de la commiS'
sion; ou bien le libraire dans cette ville, che^qui le catalogue
est imprimé^ et qui en aura le soin ; si ie ne craignois que ma
personne fut suspecte, a cause que les livres m'appartien-
nent, ie vous l'offrirois volontiers ; i'espère pourtant que îe
vous y pourray servir, et en quelque manière reconnoitre
les services que vous m'avez rendus en toutes les occasions;
car le soupçon, qu'on pourroit avoir de moy, ne peut avoir
lieu qu'en des personnes qui me sont tout à fait indifferens,
et qui ne me connoissent point ; mes amis, et principalement
ceuxs que ie considère presque autant que moy-mesme, entre
les quels vous estes le premier, en doivent estre exemts.
Quand ie relis le catalogue des livres imprimés de feu
M. le chancelier de Seguir, qu'on a vendu pendant mon sé-
jour a Paris (comme vous sçavez), ie me plains tousjours de
n'avoir pas profité d'avantage d'une si belle occasion; il y
avoit la dedans bien des belles çt rares choses ; mais h ma-
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88 LETTRES A L*ABBÉ NICAtSE.
nièrc de vendre les livres à Paris, qui est bien extraordinaire
et différente de la nostre, en est la cause ; on ne sçavoit
presque iamais ce qui se vendoit, et on estoit obligé d'y
rester des journées entières, quand on avoit envie de quel-
que livre ; icy on vend chaque livre séparément et on suit
tousjours le catalogue ; ie me souviens encor fort bien qu'on
vous trouvoit toujours a cette vente.
Mais, à propos du chancelier Segtiir^ Monsieur, quest de-
venu le catalogue de ces manuscrits^ qui est imprimé et que
ie conserve dans ma Bibliothèque ? Je vous suplie de me le
mander^ si vous le sçavez, car l'en suis fort curieux.
La Bibliothèque de feu M" Colbert est elle encor tousjours
en son entier et le sçavant et honneste M"" Balu\e en est-il
encor le Biblothéquaire ?
Je vous envoyé un vers que M' Francius (i) a fait sur ma
Bibliothèque, il est très beau, mais il en dit trop; peut estre
qu'il ne vous déplaira pas.
M. Leydecker, professeur à Utrecht (2), a fait imprimer
depuis peu la vie de Cornélius lansenius en latin ; c'est un
livre in 8**; il y a la dedans quelques bonnes choses, et entre
autres, Colloquium cum Jansenitis, qui anno i653 damnât i et
Roma Parisios redituri, Tigurum transiverunt, habitum a
D^ Henr. Hottingero\ si ie ne me trompe, ce livre sera fort
recherché en France.
Un autre professeur a Leyden nous a donné une Collection
des Lettres^ sur toute sorte de sujets, de Giphanius, Vulca-
nius, Tycho Brahe, Scriverius, Pontanus, Vossius, Sibran-
(i) Pierre Fransz, poète latin, né à Amsterdam le 19 août 1645, mort
dans la même ville le 19 août 1704.
(2) Melchior Leydecker, théologien, né le 11 mars 1642 a Middel-
bourg (Zélande), élève de Voetius et de Coccejus. Il fut nommé profes-
seur de théologie à Utrecht en 1678 et mourut dans cette ville le
6 janvier 1721 (Note de M. Van den Es).
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LETTRES DE JEAN DE WITT* 89
dus Siccama (i), Gronovius, Boxhornîus et autres ; maïs ce
qu'il y a de plus remarquable, c'est une très grande lettre^
fort remarquable, et qui n'a encor iamais esté imprimée
d'Andréas Alciatus^ contra vitam monasticam^ ad collegam
olim suum, qui transierat ad Franciscanos^ Bernardum Mat-
tium; tout est en latin et Tautheur, qui est Ant. Matthaeus (2),
a fait des notes sur certains passages des lettres, qui ne
valent pas grand chose (3) ; il a aussi fort mal fait, selon mon
sens, de nous avoir donné beaucoup de ces lettres impar-
faites, et seulement des extraits de celles des plus grands
hommes ; avec tout cela, ce livre est fort excellent, et on ne
s'en sçauroit passer, si ce n'estoit que pour la belle piese d'Al-
ciatus ; ie vous l'aurois envoyé avec le premier si M*" Leers
m'avoit averti plustost de l'occasion qu'il avoit de vous le
faire tenir par le moyen de M. Anisson; ce sera pour un
autrefois.
Adieu, tout à vous.
J. D. WiTT.
(i) Sibrandus Siccama, auteur d'une dissertation De centumvirali Judi^
ciOj recueillie par Graevius dans le tome II de son Thésaurus Antiquitatum
romanarum,
(2) Ântonius Matthaeus , jurisconsulte, né à Utrecht le 18 décem-
bre ]635, professeur extraordinaire dans sa ville natale en 1660, pro-
fesseur ordinaire en 1662, professeur à Leyde en 1673, mort dans cette
dernière ville le 25 août 1710.
(3) L'ouvrage a eu cependant plusieurs éditions ; voici le titre de Tédi*
tion de 1740 : « Andréas Alciati, jurisconsulti mediolanensis, tractatus
contra vitam monasticam, cui accedit Sylloge Epistolarum, nimirum
Ândr. Alciati, Pauli Merulae, Ger.-Io. Vossii, Obert. Giphanii, Bon. Vul-
canii, lo.-Is. Pontani, Joann. Meursii, Hug. Grotîi, Lœvin. Torrentii,
Jani Gruteri, Adolph. Vontii, M.-Z. Boxhornii, Joa.-Fr. Gronovii, Aub.
Miraei, Tychon-Brahe, Pétri Scriverii, Andr. Schotti, Constant. Huy-
gens, aliorumque virorum clarissimorum quae variam doctrinam conti-
nent, necnon vetera aliquot testamenta seculo XIII et initio sequentis
scripta, quae primus omnium in lucem protulit, adjectis passim notis,
Antonius Matthaeus, juris in illustri Academia Lugd. Bat. antecessor.
Hagse Comitum, apud Gerardum Bloch, MDCCKL. »
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90 LETTRES A L ABBÉ NICAISE.
XVIII
A Dordrecht, le 8 mey 1698,
Depuis que i'ay reçeu vostre dernière lettre du 20 mars,
mon très cher Monsieur , i'ay tout aussy tost escrit a
M*" Leers, le recommandant très sérieusement ce que vous
desiriez de luy ; et, peu de temps après, i'ay aussy eu occa-
sion de luy en parler; il m'a répondu qu'il avoit desia en-
voyé a Paris à M' Anisson la feuille qui manque a vostre
Junius et le portrait de cet auteur, tout comme vous l'avez
souhaité ; y adjoustant qu'il luy est impossible de vous en-
voyer encor de nouveau cette feuille, parce que cela rendroit
ces autres exemplaires défectueux ; ie ne vous sçaurois dire
au iuste a qui est la faute ; vous vous en informerez auprès
M' Anisson , s'il vous plaist, et en cas que vous n'ayez pas
encor reçeu ce qui vous manque de ce livre, vous me ferez
plaisir de m'en donner avis, ie tascheray de vous servir en
cette affaire autant que ie pouray.
Je vous suis beaucoup obligé de l'imprimé de la décou-
verte de la ville ancienne, qu'on prétend avoir trouvé en
Franche Comté ; ie l'ay lu avec bien du plaisir et attend la
réponse a cet ouvrage , dont vous me promettez beaucoup,
avec impatience ; s'il est trop grand pour me l'envoyer par
la poste, vous trouverez des autres moyens seurs, ou par
Genève, ou par Paris ; c'est dommage que nous sommes si
éloignés les uns des autres, et qu'il y a tant des diflScultez
de se communiquer les ouvrages d'esprit et de sçavoir, qui
se font ; il faut avoir patience, cher amy , et en attendant
chercher quelque voye, un peu plus courte et plus assurée,
que celle que nous avons par le moyen de M' Leers et de
M"" Anisson.
Je me souviens que vous m'avez autrefois averti de vous
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LETTRES DE JEAN DE WITT. 91
envoyer des pacquets par la route de Genève ; si vous y
estez bien trouvé, on s'en pouroit servir; i' attend vostre
response la dessus et a qui les adresser; qu'el dommage
que les couriers sont présentement plus chers que du temps
de feu M*" de Peiresc ! Alors, pour un gros livre in folio, on
ne paiait pas davantage a la poste que présentement pour
une seule lettre ; c'est un grand obstacle a l'avancement de
belles lettres, que l'avarice de princes a introduit ; il y a a
craindre que cela ne s'augmente de temps en temps.
M. Gronovius nous vient de donner le Manethon de sa
façon (i); ie ne l'ay pas encore vu ; on dit qu'il la dédié entre
autres à M' Magliabecchi, dont le nom est fort connu parmy
les sçavans.
Un certain jeune homme, nommé M. Burmannus (2), qui
est fait depuis peu professeur extraordinaire à Utrecht, a fait
imprimer les fables de Phaedrus, avec les notes de feu
M' Gudius, dont on fait grand cas ; on prétend même qu'il
y a quelques fables qui, iusques a présent, n'ont pas encore
parues ; ie n'ay vu ny l'un ny l'autre de ces deux livres ;
c'est aussy la raison pourquoy ie ne vous en peu pas dire
davantage ; nous en parlerons plus amplement un autrefois.
Nostre bon amy M. Grevius travaille actuellement a la vie
du Roy d'Angleterre d'à présent, dont il est l'historiographe;
on luy donne pour cela une pension de mille florins de
nostre monnoye par an ; il a desia achevé l'enfance de ce
prince, mais il n'y en a encore rien imprimé; ie crains fort
qu'il ne réussira pas si bien en cela qu'en son Ciceron ; pour
estre un bon historien, il faut quelque chose d'avantage
qu'une belle latinité ; en quoy vous m'avouerez qu'il est excel-
(i) Manethonis Apotelesmaticorum libri VI.., Leyde, 1698, in-40.
(2) Pierre Burmann, Taîné, philologue, ne' à Utrecht le 6 juillet 1668,
roort le 3i mars 1741, publia à Amsterdam, en 1698, XtsPhœdri Fahulœ.
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9^ LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
lent et peut estrc le premier homme qu'il y ait a présent (i).
Cornélius a Walcheren (2), un estudiant en théologie a
Utrecht, a fait une dissertation sous le titre de Sirenibus
apud jo et vulgatam editionem in sacris litieris memoratis;
cette piese a l'approbation de beaucoup de sçavans ; ie Tay
conférée avec vostre beau discours de Sirènes, qui est rem-
pli d'une literature la plus exquise et recherchée, et i'ay
remarqué que cet auteur a bien voulu prendre la peine de
copier et traduire mot pour mot vostre excellent discours sur
ce suiet, et que par conséquent toutes les louanges qu'on luy
donne vous appartiennent originairement ; ie ne manqueray
pas d'en avertir mes amis ; c'est une supercherie bien gros-
sière ; on feroit trop d'honneur à ces sortes de personnes de
les insérer dans le catalogue des plagiaires ; si tost que ie
verray cet auteur, qui est de ma connaissance, et qui m'a fait
présent d'un exemplaire, ie luy en feray la guerre ; cela luy
sera sans doute une grande mortification ; et puisque nous
sommes sur le chapitre de vostre discours de Sirènes, vous
voulez bien, mon cher Monsieur, que ie vous témoigne icy
les obligations que ie vous ay de l'honorable mention qu'il
vous a plu de faire la dedans de mon cabinet et de ma per-
sonne ; i'espère bien de vous en marquer un jour ma recon-
naissance ; vostre bonté et tendre amitié pour ma personne
vous font avoir des égards plus favorables pour moy que ie
ne mérite.
Les lettres que vous m'avez voulu adresser ont esté tout
aussy tost rendues a vos amis.
(i) A la mort de Graevius, le 11 janvier 1703, la vie de Guillaume III
n'était rédigée que jusqu'à Tannée 1672, époque où Guillaume fut élu
stathouder de Hollande ; elle ne fut pas publiée.
(2) Le seul renseignement que nous ayons sur ce Cornélius a Walche-
ren, c'est qu'il fut reçu docteur en théologie à Utrecht le 29 mai 1700,
après avoir soutenu une thèse De superstitione (Note de M. Vanden Es).
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LETTRES DE JEAN DE WITT. Ç)3
Je ne sçais pas si on vous aura mandé qu'un certain
Thomas Crenius a fait imprimer un livre intitulé : Animad^
versiones philologicœ et historicœ^ novas librorum editiones^
prœfationes^ indices^ nonnullasque summorum aliquot virO'
rum labeculas notât as excut tentes, cum quibtisdam doctorum
virorum epistolis^ antea nunquam editis; il y a la dedans
qu'elques bonnes remarques ; vous sçaurez pourtant que le
titre promet d'avantage que ce livre contient; l'auteur est
un Allemand, il a suivi a Tesgard du titre la mode de son
pais (i).
Il faut qu'il y ait des belles choses dans le cabinet de
M. Begon ; mais les titres sont trop généraux pour eh pou-
voir bien iuger; ie ne doute pas qu'il n'y ait des très excel-
lens Mss. entre les 62 volumes; ie souhaiterois qu'ils fussent
spécifiés; c'est alors qu'on peut tirer une grande utilité de
ces sortes d'inventaires; ie suis pourtant bien aise que vous
me l'ayez voulu communiquer et ie vous en suis fort obligé;
a iuger par le grand nombre de médailles, cet Intendant en
doit avoir un très beau cabinet ; mais tout cela ne peut rem-
plir que nostre imagination, et point du tout augmenter
nostre connaissance en ces sortes d'antiquitez ; i'espère que
le possesseur de ce riche thresor nous donnera un jour son
cabinet par le menu, comme d'autres grands hommes, a sça-
voir Settala (2), Wormius (3), etc., ont fait.
(i) Thomas-Théodore Crussius, connu sous le nom de Thomas Cre-
nius, né dans la Marche de Brandebourg en 1648, mort à Leyde le
29 mars 1728. Les Animadversiones^ dont Jean de Witt annonce la pu-
blication à Nicaise, parurent de 1695 à 1723 et forment dix-huit volumes
in-8».
(2) Manfredo Settala (Septalius), né à Milan le 8 mars 1600, mort dans
la même ville le 16 février 1680. On a plusieurs descriptions du musée
qu'il forma, Musœum Septalianum^ 1664, 1666, 1677.
(3) OlaUs Worm, WormiuSy né à Aarhuus (Danemark) le 1 3 mai 1 588,
mort à Copenhague le 7 septembre 1654. Le catalogue de son musée fut
publié après sa mort par son fils Guillaume Worm sous ce titre : A/w-
sœum Wormianuniy Leyde, 1 655, in-folio.
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Qoo^ç:
94 LETTRES A L ABBÉ NICAISE.
J'admire la prodigieuse quantité de médailles que vous
me dites que M*" Foucault possède ; pourvu que la bonté re-
pond au nombre, ce cabinet doit estre un des meilleurs que
ie connaisse.
Si tost que ie viendray à La Haye, ie feray part, selon
vostre recommandation a M' Cuper des imprimez que vous
avez eu la bonté de m'envoyer dans vostre dernière lettre ;
et ie vous informeray après de son sentiment la dessus.
Je ne vous sçaurois dire iustement en quel estât est l'édi-
tion du Pollux de M' Kuhnius, ny même si M' Wetstein
nous la donnera; y aiant très longtemps que ie n'ai pas esté
à Amsterdam ou ce libraire demeure; les très grandes
affaires, que ma charge me donne, m'empeschant de quitter
presque iamais cette ville; ie feray pourtant en sorte que
vous serez eclairci sur cet article par ma lettre suivante.
Le Père Boniour est-il si habile qu'il entend les antiquitez
égyptiennes? il est donc l'unique en cette science; ie ne me
souviens pas d'avoir iamais entendu parler de luy; est-il
françois de nation, Monsieur? ie souhaite de voir sa disser-
tation latine, dont vous me parlez, auprès M. Cuper.
On me mande de Paris que M' Vaillant est encore en vie
et qu*il se porte bien.
Adieu, mon très cher Mons% je vous salue de tout mon
cœur (i).
(i) Nicaise, dans son autobiographie, raconte que, « pour répondre à
une invitation de M. de Witt, » il projeta un voyage en Hollande. I>e là,
il serait allé « visiter Londres, Cambridge, Oxford, y pratiquer des savants,
et y avoir des avantures aussi avantageuses peut estre que celles qu'il
avait eues à Rome ». Malheureusement, le plaisir qu'il se faisait de ce
voyage ne dura guère. Pendant que son tailleur lui confectionnait o un
habit à la cavalière, conforme à Tusage du pays, dans lequel on ne voit
ni soutanes, ni soutanelles, et où l'habit ecclésiastique a méchante figure »,
la guerre éclata 1
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LETTRE DE GALLAND. 9 5
§ 5.
LETTRE DE GALLAND
Antoine Gaihnd, Fauteur bien connu de la traduction des Mille et une Nuits, ni â Rollot^prls
de Mottdidier (Picardie) en 1646, mort à Pari» le i g février zji5. Au moment où il écrivit la
lettre suivante^ il était secrétaire de Nicolas' Joseph de Foucault ^ qui fut , depuis 1 68 Q jusqu'à /706,
Intendant de la Généralité de Caen,
XIX
De Caen,
A Monsieur
Monsieur Vabbé Nicaise, ancien chanoine
de la Sainte Chapelle de Dijon^
A Dijon.
A Caen, le 21 de nov. 1699.
Monsieur,
Je ne puis pas croire que vous soiez bien persuadé,
comme vous me le marquez, que je vous aie oublié, non-
obstant le long temps qu'il y a que je n'ai eu Thonneur de
vous escrire. Certaines conjonctures, comme il est arrivé en
cette occasion, peuvent bien m'empecher de m'acquiter de
ce devoir; mais rien n'est capable d'effacer de mon souvenir
une personne comme vous , que tant d'obligations en plu-
sieurs manières m'obligent d'y conserver pretieusement.
Vous avez eu connoissance de mon voiage à Paris. J'y
ai fait un séjour de trois mois dans des occupations conti-
nuelles, tant pour faire de nouvelles acquisitions de mé-
dailles que pour d'autres commissions dont j'estois chargé ;
de sorte que tout mon temps fut emploie d'une manière à
ne pouvoir en rien dérober pour entretenir nostre ancien
commerce de lettres, quoique je fusse plus près de vous de
la moitié du chemin. Tout ce que je pus faire fut de deman-
der souvent de vos nouvelles à M. Pinsson (i), lorsque nous
(1) Sur ce Pinsson, ami de Nicaise, voir plus haut, p. 56.
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96 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
nous rencontrions. Je n'ai pas esté, moins occupé depuis
plus de deux mois que je suis de retour, et je retourne à
Paris après demain avec M. Foucault, qui va y passer quel-
ques mois. Sa présence fera que j'aurai plus de loisir et que
je pourrai Temploier quelque fois a recompenser le long
silence dont vous vous plaignez.
M. Foucault (i) vous est très obligé des nouvelles litté-
raires que vous lui avez envolées et je vous en remercie de
ma part, d'autant plus particulièrement qu'il y a longtemps
que je n'ai rien appris sur cette matière par l'absence de
M. Pinsson , le seul qui m'en apprend quelque chose lors-
qu'il est a Paris, ou je pourrai bien me retrouver avant lui.
Je ne suis pas moins satisfait que vous de la sincérité de
M. Cuper, touchant l'Auletes de M. Baudelot (2). La vérité
doit l'emporter pardessus tout autre interest. M. Baudelot
est le meilleur homme du monde. Il a plusieurs belles con-
noissances, il aime les livres, les antiquitez et les médailles.
(i) Nicolas-Joseph Foucault, né à Paris le 8 janvier 1643, mort dans la
même ville le 17 février 1721, était tout à la fois homme politique,
archéologue et bibliophile. Sur T Intendant, voir la notice de M. Desde-
vises du Dezert dans les Mémoires de l'Académie de Caen^ 1875, p. 382 et
suiv. L'Archéologue s'est signalé par la découverte à Vieux (Calvados;
des ruines de l'ancienne cité des Viducasses. Enfin sa bibliothèque et son
médaillier étaient justement renommés. Le manuscrit de « La cronique
d'Elaine, lequel a esté orthographié par le commandement et requeste
de tresnoble et puissans Loyse, dame de Crequi, Canapples et de pluis-
seurs aultres terres et seigneuries, par Alexandry, manu propria », ma-
nuscrit que possède la Bibliothèque de Lyon (Delandine 685, actuelle-
ment 582) portait naguère « le cartouche de Foucault». Ce cartouche a
malheureusement disparu, probablement à Tépoque où la vieille reliure
en bois a été remplacée par une « belle et solide demi-reliure».
(2) Charles-César Baudelot de Dairval, numismate, né à Paris le 20 no-
vembre 1648, membre de l'Académie des inscriptions en 1705, mort dans
la même ville le 27 juin 1722. Nous lui sommes redevables des fameux
marbres de Nointel, qu'il avait acquis des héritiers de Melchisedech
Thévenot et qu'il légua à l'Académie. Voir Frœhner, Les inscriptions
grecques du Louvre^ i865, p. VII et suiv.
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LETTRE DE GALLAND. 97
Mais il a le défaut de ne pouvoir revenir de ses préventions,
dont il est d'autant plus difficile de le guérir, qu'il s'y est
engagé depuis longtemps, en se faisant un point d'honneur
de penser d'une manière différente de celle des autres. Je l'ai
vu quelquefois a Paris. La mort de Mad® sa mère ne lui a
guerres procuré plus de repos qu'il en avoit auparavant ; au
contraire, il paroit que ses affaires vont plus mal.J'estois
encore a Paris, lorsqu'il perdit un procez, qui n'estoit pas de
peu de conséquence (i).
L'augmentation de médailles pour nostre cabinet, que j'ai
apportées de Paris, est de cinq à six cent , en or, en argent
et en bronze, de toutes les grandeurs, et il y en a de très
rares. M. Foucault en a aussi apporté quelques unes de son
voiage en Poitou, parmi lesquelles il y en a une de Germa-
nicus qui n'a pas encore esté veue. Elle représente d'un costé
la teste de ce Prince, avec cette inscription : GERMANCVS
(pour GERMANICVS) TL AVGVSTI F. AVG. N. Au re-
vers, Germanicus paroit assis, tenant une patere de la main
droite, la gauche appuiée au costé, avec cette autre inscrip-
tion : CONSENSV SENAT. ET EQ. ORDIN. P. Q. R.
Elle m'a fourni le sujet de quatre ou cinq lettres que j'ai
écrites a un savant P. Jésuite de Rouen , a qui j'en avois
donné avis, lequel pretendoit par l'inscription et par le type
de la médaille, que Germanicus avoit esté mis au rang des
Dieux. Mais, pour lui prouver le contraire, je me suis servi
de l'Arrest du Sénat, donné touchant les honneurs qui lui
furent rendus après sa mort, et rapporté par Tacite (2), ou il
n'est fait aucune mention de consécration. Mais il a de la
peine a se rendre a mes raisons touchant le temps que la
médaille a esté frapée, prétendant que ce fut sous Caligula
(i) Voir le Bulletin du Comité des travaux historiques^ 1882, p. 240.
(2) Annales, II, 83.
Acadimit dt Lyon, clastt dtt Uttm. 7
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98 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
fils de Germanicus. Mon sentiment est que ce fut sous
Tibère, dans le temps que tous les honneurs portez par
TArrest du Sénat lui furent rendus, et il me semble plus
soutenable que le sien.
Je crois vous avoir parlé de la teste d'Hippocrate trouvée
dans nostre cabinet sur une médaille de Tlsle de Cos.
Comme la médaille est fort petite, M. Foucault Ta fait dessi-
gner d'une grandeur raisonnable, et J'ai fait, pour les mettre
au dessous, ces quatre vers, que je soumets a vostre censure :
Hippocratis vultum , quam cernis reddit imago ;
Diyina in scriptis mens manifesta patet.
At scripta et vultum in corpus si junxeris unum,
Hippocrates, dicas, en mihi vivus adest.
Je suis toujours avec un très grand respect.
Monsieur,
Vostre très humble et très
obéissant serviteur,
Galland.
J'aurai l'honneur de vous escrire a nostre arrivée a Paris
pour vous en mander la nouvelle et nostre addresse (i).
(i) Dans une des lettres de Galland à Nicaise, que possède la Bibliothè-
que nationale, on trouve plusieurs a Epitaphes latins et français à la mé-
moire de M. de Segrais » (Manuscrits français, n« 9362, f» 96). On pardon-
nera à un éditeur normand, qui passe ses vacances près de Saint-André-de-
Fontenay, de détacher du recueil Tépitaphe que Galland composa :
« lo. Reginaldi SEGRAESI Epitaphium.
a Me Cadomum genuit, morientem vidit et ipsum,
« Ossaque sunt parvo condita Fontenato.
« Quis qualisve fui si quaeris, amice viator,
Pro desiderio sint tibi pauca satis.
« Roma ut Virgilium, Segraesum Gallia dicit,
« Galiis qui cecini pascua, rura, duces.
« Memoriœ eius devotissimus ac mœrens
« A. Gallandius posui, »
Foucault avait pourtant dit: « Caveant amici ne malis carminibus
oneretur tumulus Segraesi ! »
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LETTRE DE SAUMAISE. 99
§6.
LETTRE DE SAUMAISE, FILS DE CLAUDE
XX
A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise^ chanoine
de la S'* Chapelle de Dijon^
A Paris.
Ce 18 décembre 1688 (i).
Il n'y a pas trop longtemps, Monsieur, que Tay receii vostre
lettre du 7 du mois passé, et ie croiois que ie ne vous y
pourrois repondre par la nouvelle déclaration de guerre (2),
dans laquelle il paroissoit que le commerce de lettres fust
aussi compris. Mais, puisque i'apprens qu'on peut s'esc'rire,
i'ay trop d'ïnterest a recevoir quelquesfois <de vos nouvelles,
pour ne pas repondre le plustost que ie puis, a vostre obli-
geante lettre.
Le Livre de Homonymis n'attendoit que la belle préface de
M. Lantin pour paroistre (3) ; ainsi, l'ayant receue, vous ver-
res ce traicté au premier iour, car ie ferai ce que ie pourrai
pour que vous en ayïés un exemplaire, et, si ie ne le puis, ce
ne sera pas ma faute, soies en, ie vous prie, persuadé ; ainsi,
pour le plus seûr, ie vous conseille en ami, d'en arrher un
(i) Cette lettre n^est pas signée; mais l'attribution, faite par le Président
Bouhier à Tun des iils de Saumaise, n'est pas contestable. L'opinion
exprimée dans notre premier Rapport sur les Manuscrits Bouhier^ 1880,
p. 44, note I, se trouve ainsi confirmée : la lettre du i5 mars i685 est
bien du fils de Saumaise.
(2) La déclaration de guerre par Louis XIV aux Provinces-Unies est
du 26 novembre 1688.
(3) Le traité De Homonymis hyles iatricœ, de manna et saccharo^ par
Claude de Saumaise, parut à Utrecht en 1689, in-folio.
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lOO LETTRES A L ABBE NICAISE.
de M*" Lantin, a qui i'en doibs huict exemplaires. Cela n*em-
peschera pas que ie ne vous en fasse tenir un d'icy si far
si puo.
Je suis bien aise que ce Conseiller travaille à revoir la vie
de feu mon Père (i); ie lui envoiai dernièrement encore quel-
ques extraicts de lettres qui luy pourront servir, et en ay
encore d'autres que ie lui àddresserai au premier iour.
Il est vray qu'il doibt m'envoier mon Pollux, le seul livre
qui m'est resté de ma Bibliothèque, grâces à vostre bon ami
M' de H. (2), qui entre nous se seroit fort bien passé de la
faire vendre comme il fist, et si i'avois quelque chose a re-
gretter de ce naufrage universel, ce seroit assurément celle
la seule. Mais comme i'avois appris à la posséder comme ne
la possédant point, i'en ay faict, comme de tout le reste, un
sacrifice entier, et sans peine.
Si vous pouvés avoir les notes de H. de Valois, elles n'ai-
deront pas peu a l'Edition de ce vocabulaire.
La Milice Romaine s'est promenée par bien des villes de
ce pais sans pouvoir trouver d'imprimeur; ie ne scay si elle
sera plus heureuse dans la suicte ; i'y ferai du moins ce que
ie pourrai, et il y a trop de raisons qui m'y obligent.
Je doibs un fort grand compliment à l'illustre M. Ménage,
pour avoir si bien deffendu la mémoire de feu mon Père son
bon ami, contre l'iniuste attaque du sieur Baillet ; chargés
vous en, ie vous prie, lors que vous le verres.
Obligés moi aussi, quand vous verres M. de C. mon bon
parent, de lui reprocher de ma part son silence et sa grande
peur; car ie suis las de les lui reprocher moi mesme si inuti-
lement, puisqu'il ne veut ne n'ose me repondre.
J'aurois présentement bien de bonnes nouvelles a vous
(i) Voir plus loin les lettres de Grasvius à Nicaise.
(2) Bouhier a complété cette initiale en écrivant dans l'interligne :
Harlay.
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LETTRE DU PERE BONJOUR. 10 1
mander; mais, outre que vous les scavés peut estre aussi
bien que nous, il est bon d'estre sobre sur ces matières, dans
un temps aussi gaillard que celui cy.
Adieu, mon cher Monsieur, en attendant un meilleur,
croies moi tousiours tout à vous, et vostre très humble et
très obéissant serviteur.
Si vous voies M' de M., faictes souvenir ce bon prélat qu'il
a icy des 'parents et parentes, qui sont entièrement à lui.
S7-
LETTRE DU PÈRE BONJOUR
Guillawm Bonjour, religitux de t Ordre des Augustin» ^ ni à Toulouse en 1670^ mort en Chine
en férrier 17 14.
XXI
A Monsieur
Monsieur l'Abbé de Nicaise^
docteur en Sorbonne^
à Dijon.
Rome, le 21 juillet 1699.
Monsieur,
J'ay receu les deux lettres, que vous m'aves fait Thonneur
de m'ecrire, et dont Tune m'a été rendue par son Eminence
Monseigneur le cardinal de Noris, qui a toujours beaucoup
d'estime de votre mérite; et Tautre êtoit addressée au com-
pagnon de Msr. Prinsté. Vous me marques dans cellecy que
vous y aves inséré un billet pour Monsieur Deseine (i) : mais
(i) François-Jacques Deseine, né à Paris, mort à Rome en 171 5, était
libraire dans cette dernière ville. Il a publié, en 1699, un Nouveau
voyage d* Italie, 2 vol. in- 12.
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102 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
je n'y en ay trouvé aucun; et j'ay appris qu'il avoit receu a
même temps une de vos letres.
Je vous remercie de Thonneur que vous aves fait aux
exemplaires de mes Monumenta coptica (i),les ayant distribué
a des personnes d'un mérite aussi distingué que le sont ceux
que vous me marqués. J'aurois souhaité avoir augmenté cet
essay de plusieurs autres observations. Mais vous scaves
qu'on ne peut pas toujours faire ce que Ton veut.
J'ay bien feuilleté les inscriptions que Monsieur TAbbé
Fabretti amis au jour: mais je n'y ay pas trouvé celle qui
concerne vôtre Minerve. Son dessein a esté d'imprimer les
inscriptions que Monsieur son père avoit dans son cabinet.
Et s'il y en a mis quelqu'autre, cella n'a esté que par raport a
celles qu'il avoit. Je n'entre pas plus avant dans son dessein
pour ne pas marquer la place qu'il auroit peu donner a cette
inscription, puisqu'il est vray qu'il n'a pas oublié Minerve.
Au reste son Index est fort sec, et n'ayde guère a trouver
les matières qui sont naturelement derengées dans un livre
d'inscriptions. Son aage fort avancé l'a sans doute empêché
de prendre un plus grand soin a le faire.
Je me rejouis que Msr. Prinsté aye esté continué procu-
reur gênerai de son ordre. C'estoit le souhait de tous ceux
qui avoint le bien de le connoitre dans ce pais, très persua-
dés de son mérite pour un tel employ. J'ose bien prendre la
liberté de vous prier, Monsieur, de le saluer de ma part, et
de luy témoigner la joye que j'en ay.
Je suis avec respect, Monsieur,
Votre très humble et ob. ser.,
Fr. Guillaume Bonjour, R. Aug. J.
(i) Exercitatio in monumenta coptica seu œgyptiaca Bibliothecœ vati^
canœ; Rome, 1699, in-40.
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LETTRES DE SPANHEIM. " lo3
S 8.
LETTRES DE SPANHEIM
Ejéchùl Spanheim, ni à Genève te 7 décembre 162 g ^ mort à Londres le 7 novembre 17 lO,
remplit quatre fois les fonctions d^envoyi extraordinaire en France : en 1666^ en j668, de 1680
i 168g et de i6g8 à 1701.
La Société de l'Histoire de France vient de publier, sous le titre de Relation de la Cour de France
en 1690, un mémoire dans lequel ce savant homme d'État a consigné les observations qu'il fit dans
notre pays; Paris, 1882, in-8* de LVH'462 pages. L'introduction, par M. Schefer, résume, d'une
façon tris intéressante, la vie de tauteur.
Plusieurs autres lettres de Spanheim à Nicaise se trouvent dans la collection déposée par Prunelle à
la Bibliothèque nationale. Voir, dans le fonds français, le it* g35g,f^ 83 et suiv., g4 et suiv.
XXII
A Anvers, le 2 avril 1689.
Je n*auroîs pas , Monsieur, différé jusques icy à vous
témoigner, combien je suis sensible à Thonneur de vostre
amitié, et toute la considération particulière, que j'en fais.
Ce qui n'est arrivé, que de l'attente où jestois d'une semaine
à l'autre, de continuer ma route d'icy en Hollande, et d'en
tirer plus d'occasion de vous rendre mes devoirs, que de ce
lieu-cy. Cependant j'y ai reçeu les marques obligeantes de
vo^fre cher souvenir, et dont la continuation me sera toujours
précieuse. Je n'ay pas laissé dans cette attente, d'envoyer vos
lettres à M. Graevius peu après mon arrivée par deçà, et
en suite de luy faire tenir le Pollux et l'Hesychius de feu
M. Valois, par M. Menhier, qui avoit pris les devants.
J'ay aussi eu icy réponse dud. sieur Graevius à mes lettres,
et ainsi qui l'aura pu faire aux vostres et vous en rendre
compte (i). Il me témoigne un empressement bien obligeant,
et que je ne mérite pas, pour nostrt entreveu^. J'avois eu
quelque sujet de craindre, qu'elle ne se feroit pas cy-tost, et
(i) Voir, plus loin, une lettre de Grasvius à Nicaise, datée du i5 mars
1689.
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104 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
que je pourroîs avoir des commissions pour la Cour de
Bruxelles, qui m'en.auroient pu prolonger l'occasion. Mais
comme mes souhaits et d'autres raisons me portoient à pré-
férer le parti de continuer ma route pour me rendre auprès
de mon Maistre, et me fixer à Berlin, je me vois en estât,
Dieu mercy, de Texecuter, par les derniers ordres que j'en
ay reçeu, et de partir dès demain de cette ville, pour prendre
mon chemin par la Hollande. Je n'ay pas eu lieu icy d'y
exercer beaucoup ma curiosité , ou de m'y prévaloir de la
conversation de savans. Il n'y a que le Père Papebro-
chius (i), que j'y ay veu, et salué même de la part de
M. Graevius, qui m'en avoit prié. Il me parut homme d'esprit
et de mérite, et qui travaille actuellement aux Acta sancto-
rum du mois de juin, dont il me montra ce qu'il a de fait.
Cependant il ne prétend pas en mettre rien sous la presse,
d'un an ou deux. Je vis hier un petit Cabinet de médailles
de feu Gevartius (2) qui a eu autrefois des démêlés avec
Tristan (3), et a publié des Electa (4) et des Observations sur
le poète Stace. Il avoit laissé un grand Commentaire sur le
beau livre de l'Empereur M. Aurele, qui avoit esté envoyé
autrefois à Blaeuî (5), pour l'imprimer, et qui doit avoir esté
bruslé dans l'incendie qui arriva à la librairie dud. Blaeû.
C'est au moins ce qu'en croit le petit fils dud. Gevartius.
(i) Daniel Papebroch, Jésuite, Tun des rédacteurs des Acta Sanctorum
dits des BollandisteSy né à Anvers le 17 mars 1628, mort le 28 juin 1714.
(2) Jean-Gaspard Gevaerts, né à Anvers le 6 août iSgS, mort dans la
même ville le 23 mars 1666.
(3) Jean Tristan, sieur de Saint-Amand, numismate, né à Paris en
1595, mort dans la même ville en i656.
(4) Electorum libri III , in quitus pîurima veterum scriptorum îoca
obscura et controversa explicantur, illustrantur et emendantur; Paris, 1619?
in-4.
(5) Le libraire dont Spanheim parle ici, et qu'il appelle successivement
Blaeuî et Blaeùy est, sans doute, Tun des Blaeuw, typographes et éditeurs
hollandais, fameux au XVÎU siècle.
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LETTRES DE SPANHEIM. I05
Pour le Cabinet de médailles, il n'a rien que de commun, et
les fausses* mêlées avec les antiques. Mon passage par la
Hollande me pourra fournir plus de matière de vous entre-
tenir des nouvelles littéraires de ce pays là. Je prendrai occa-
sion de voir M. de Witt en passant par Dordrecht, et en ce
cas là, ce ne sera pas sans luy faire quelque petit reproche
de son silence à Tégard de ses bons amis à Paris, et parmi
lesquels, vous. Monsieur, et Mons. Renaudot (i) tiendrez
lès premiers rangs. Je suis bien aise cependant d'aprendre,
que vous ayièz en fin reçeu un dessein tel quel de sa médaille
de Juppiter *IAAAH6HS ; et que yostrt Dissertation ne peut
tarder de paroistre. Vous m'y avez d'ailleurs trop intéressé
par l'honneur que vous m'y faites, pour n'y prendre plus de
part qu'un autre. Je m'attens aussi que vo^/re Explication sur
l'ancien Tombeau sera sous la presse, et dont le public vous
aura de l'obligation. Je vois d'ailleurs par la yostvt que le
livre du P. Hardouin contre M. Vaillant est publié. Je ne
suis pas surpris d'aprendre que l'Auteur y garde son carac-
tère. Pour l'endroit, que vous me touchez, où il parle de
moy, comme je n'ay point mon livre de médailles avec moy,
ni la mémoire assez fraiche de ce que j'en dis, sur le sujet
de cette médaille de Tarse, avec l'inscr. de KOA. EAET0.
et la reflection que j'en tire, au sujet de ce que dit S. Paul
de soy, Act. 22.28, je ne vous en raisonnerai pas icy à
fonds. Je puis seulement dire , que la qualité de libéra ne
pouvoit pas emporter avec soy la qualité de Citoyen Romain,
que S. Paul s'y donne, et comme estant né tel : non plus que
la même prérogative de 'EXeuOépa donnée dans les médailles
et autres anciens monumens, à tant d'autres villes de la
(i) Eusèbe Renaudot, membre de TAcade'mie française et de TAcadé-
mie des inscriptions, né à Paris le 20 juillet 1646, mort dans la même
ville le 17 septembre 1720.
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I06 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
Grèce ou de TAsie, ne tiroit pas après soy aucun privilège
de Citoyen Romain pour ses habitans. Mais il faudrait que
j'eusse mon livre en main et celuy du P. Hardouin, pour
mieux juger de sa critique. M. Vaillant a un beau champ
d'en faire une à son tour, sur le livre du P, Hardouin de
Nummis Urbium illustratis. Je suis bien aise que le Pollux
de feu M. de Saumaise est à Paris, et ainsi en lieu d'estre
envoyé à M. Kuhnius. S'il entreprend le Pausanias, il ne
pourra qu'y trouver un beau champ pour les curieux, et
d'une grande étendue. Mons. l'Evesque de Soissons (i)
m'avoit aussi parlé du grand ouvrage de son ami sur l'an-
cienne Grèce. Le public luy sera fort obligé, s'il en procure
l'édition. J'avois vcu la publication de l'Anti-Baillet dans
le Journal de HoWande du mois de Janvier. Je ne doute pas
qu'il n'y ait des choses curieuses pour l'histoire littéraire
des savans. Mais je crains que l'Anti- Ménage ne luy fasse
plus de déplaisir, que l'Anti-Baillet ne luy fera d'honneur.
Je say bien que ce que vous touchés de son dernier compli-
ment n'entrera pas dans celuy-là, et que cela ne parviendra
pas jusques à M. Baillet, comme j'aurois bien du déplaisir
que cela y eust aucune part. J'ay aussi là dessus toute la
confiance deue et en vos/re considération pour une personne,
qui en mérite d'ailleurs par son âge et par son mérite,
et en vo^/re affection pour moy. Je vous en demande une
nouvelle preuve en me conservant dans l'honneur du sou-
venir, quand vous en trouverez l'occasion, de nos illus-
tres et bons amis de Paris, comme Mons. l'Evesque de
Soissons, Messieurs d'Herbelot, Abbé Renaudot, M*" et
Mad. Dacier. Je vous demande aussi un compliment parti-
culier pour Messieurs Ménage et Bigot, si ce dernier est
(i) L'évêque de Soissons était alors Daniel Huet, dont le nom revient
si souvent dans les lettres adressées à Nicaise.
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LETTRES DE SPANHEIM. lOy
encore à Paris , et sur toutes choses je vous prie de me
croire avec une passion tres-sincère et très-juste, Monsieur,
Vostre tres-humble et tres-obéissant serviteur.
De Spanheim.
Ma femme et nostr^ petite vous sont bien obligées de
rhonneur de vostrt souvenir et vous en rendent mille remer-
cimens.
Je vous supplie encore, Monsieur, d'assurer Mons. du
Court, que personne n'honore plus son mérite, et ne fait
plus cas de son affection que moy. Quand vous écrirez à
Mons. Toinard , vous aurez la bonté de luy témoigner s'il
vous plaist, que pour n'avoir pu repondre à son obligeante
lettre reçeuë sur mon départ de Paris, je n'en suis pas moins
sensible à l'honneur de son souvenir, et moins prévenu de
toute l'estime deue à son grand mérite. J'espère que mon
passage par la Hollande me donnera plus d'occasion de le
luy marquer moy-même.
XXIII
A Berlin, le 22 avril 1693.
Vous avez. Monsieur, tous les sujets du monde d'estre
surpris d'un silence aussi opiniâtre, que j'ay gardé depuis
quelque temps. Je vous supplie cependant de croire, que je
n'en ay rien diminué de la considération particulière pour
yostrt mérite et pour l'honneur de vostre amitié. Mais, comme
durant ces conjonctures de guerre, il se présente peu d'occa-
sion d'écrire en vos quartiers, on est presque réduit malgré
soy, à discontinuer des commerces, qui, d'ailleurs, ne sau-
roient que m'estre également agréables et avantageux. Je
croyois y satisfaire durant la promenade, que j'ay esté engagé
de faire à Hannover, à ce carneval dernier, et où j'ay eu
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I08 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
occasion de prattiquer M. Leîbnitz, autant que les devoirs
que j'avois à rendre à cette Cour là et à y prendre part aux
divertissemens de la saison, me Tont pu permettre.
Cest un personnage de bon esprit et de beaucoup de pé-
nétration, et qui excelle entr'autres, comme vous savez, dans
les mathématiques. Nous avions eu déjà quelque commerce
de lettres ensemble, et j'ay eu communication par son moyen
de la lettre de M. Vaillant contre le P. Hardouin, et de la
dernière lettre de celuy-cy. J'ay mandé librement mon advis
sur Tune et sur Tautre, à M. Leibnitz, qui m'en avoit donné
part dans cette veuC, et je suis persuadé, qu'il y a beaucoup
de choses, où ils n'ont raison ni Tun ni l'autre. Mais, après
tout, la manière d'écrire d'Eumenius Pacatus (i), qui est
agréable à l'égard du stile et du tour, est accompagnée de
tant de presomtion, que cela luy oste tout le mérite, qu'il
pourroit prétendre, s'il s'y prenoit d'une autre manière. Ce
qui m'a le plus surpris dans sa dernière lettre, c'est de voir
de la manière dont il continue d'y parler de Josephe, comme
d'un ouvrage de nul prix et supposé! Il est vray, sans doute,
qu'il y a bien des beveufis de l'auteur, ou par partialité pour
sa nation ou par négligence ; et, d'ailleurs, une infinité de
fautes, qui s'y sont glissées par celle des copistes. Mais y
a-t-il lieu pour cela de s'inscrire en faux contre tout l'ou-
vrage ? de le faire sans en donner en même temps les preu-
ves, qu'on croit d'en avoir ? de donner hardiment, et sans
autorité, un démenti aux autheurs ecclésiastiques qui l'ont
cité il y a plus de quatorze siècles, à ceux qui en ont fait
l'ancienne version ; au jugement qu'en a rendu un grand cri-
tique, tel que Photius; en un mot à tous les savans des siècles
precedens et de celuy-cy. M. Toinard ne devroit-il pas en
prendre occasion de publier d'autant plus tost son Harmonie
(i) Pseudonyme du P. Hardouin.
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LETTRES DE SPANHEIM. IO9
et toutes ses belles remarques sur les Herodes; etc. ? J'ay
encore esté surpris de voir l'indignité, avec laquelle M. le
pvcsident Cousin est traitté dans les lettres d'Eumenius Pa-
catus. Pour le P. Noris, je ne say si sa nouvelle dignité luy
donnera tout le loisir requis, pour repondre à la manière
outrageuse, dont on y parle de luy. C'est une pitié ou plutost
un malheur pour les lettres, quand elles ne servent qu'à les
voir traitter avec si peu de rapport à leur véritable but, qui
est d'instruire et de reprendre, quand il en est besoin, sans
fiel et sans aigreur.
Mais pour ne m'étendre pas davantage sur ce sujet et pour
vous dire quelque chose de mes occupations littéraires, je
vous avouerai que je n'y puis pas donner tout le temps que
je souhaitterois, et qu'il faut donner la plus grande partie
aux devoirs de son employ. Mon Julien cependant continue
à rouler âous la presse de Leipzig. Tous les ouvrages de cet
Apostat sont achevés, et une partie des X livres de Cyrille
contre luy, que j'y ajoute, et dont vous me donnâtes le pre-
mier le conseil. Après quoy suivront les notes de l'édition
de Paris du P. Petau sur Julien, et mes observations sur tout
l'ouvrage, qui font tout ensemble un juste folio. Et comme la
presse de Leipzig roule assez lentement, il y en aura encore
pour le reste de l'année, si Dieu continue de me donner la
vie et la santé. Cependant on imprime en Hollande mes
Observations sur le poëte grec Callimaque. Ce n'est qu'à
l'occasion de l'édition que le défunt fils de nostvt M. Grœvius
en avoit entrepris, et sur les grandes instances que l'un et
l'autre m'en firent, sur quelque échantillon qu'ils en, virent,
sans que j'eusse jamais songé de rien publier sur cet auteur.
Cependant la besogne a crû sous la main, sans y penser, et
il se trouve qu'insensiblement j'ay trouvé plus de remarques
à y faire, que je n'en avois mis en marge du Callimaqt/e de
l'édition de Mad. Dacier, et que j'ay fait presque un assez
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IIO LETTRES A L ABBE NICAISE.
grand Commentaire, au lieu de mes Notes marginales, que
je croyois seulement de donner et d'eclaircir. Il est vray que
la matière de ces Hymnes, qui sont pleines d^esprit et de
savoir, et qui embrassent une partie de la Mythologie an-
cienne, et quantité de belles choses qui s*y trouvent peu
connues ou éclaircies jusques icy, m'ont donné quelque plai-
sir à les démêler, et à corriger et illustrer par mesme moyen,
divers passages des auteurs anciens. Mais après tout je me
suis repenti plus d'une fois d'y avoir mis autant de temps de
mon loisir, que je pouvois occuper plus utilement.
Vous voyez. Monsieur, la franchise avec laquelle je con-
tinue d'en user avec vous. Je vous demande la continuation
de \ostre précieuse amitié, et vous prie de croire que j'en ferai
toujours une considération particulière, et que je suis avec
vérité.
Monsieur,
Yostre tres-humble
et tres-obéissant serviteur.
De Spanheim.
XXIV
A Paris, le 3i mars 1698 (i).
Monsieur,
Il y a huict ou neuf jours que Mons. Anisson me rendit
la lettre, que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, et qui
n'a pu que me trouver fort sensible à des marques aussi
chères et aussi expresses de vo^/re souvenir et de wostre bien-
(i) Les trois lettres qui suivent ont été écrites pendant la quatrième
mission de Spanheim en France. Les traités de Ryswyck ayant rendu la
paix à l'Europe, TÉlecteur de Brandebourg, futur roi de Prusse, chargea
Spanheim de le représenter à Paris. L'audience que Louis XIV donna à
l'Envoyé extraordinaire, pour recevoir ses lettres de créance, eut lieu le
18 février 1698. Nos lettres du 3i mars, du 5 mai et du 5 juillet 1698
suivirent donc d'assez près l'arrivée de Spanheim à Paris.
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LETTRES DE SPANHEIM. ï I I
veillance. Je devois mêmes les avoir prévenu, en vous rendant
compte de nostre heureuse arrivée à Paris, après un long et
pénible voyage. Mais les distractions inévitables, qui Tont
suivi, et dont je ne suis pas encore débarrassé, ne m'en ont
pas donné un moment de loisir. Ce qui m'a aussi empêché
de m'aquitter encore d'aucun de mes devoirs envers des per-
sonnes dont j'honore le savoir et le mérite, qui, dès mon
arrivée par deçà, m'ont prévenu de marques oblijeantes de
leur amitié. J'aurois eu une joye entière si je vous avois pu
embrasser icy en y arrivant, comme j'eus l'avantage de faire
à mon départ. C'est une consolation, à laquelle, d'ailleurs,
tous vos amis par deçà ne pourroient que prendre beaucoup
de part. Mais il faut que la considération de ménager vostre
santé nous soit plus chère, et c'est avec bien du deplai%îr
que j'ay leu ce que vous m'en dites dans vostre lettre.
Je trouve, d'ailleurs, icy à redire entre nos habiles et
savans amis, l'excellent Mons. d'Herbelot, mais qui après
tout nous a laissé un bel ouvrage, qui le rendra immortel
dans le souvenir des gens de lettres (i).
J'apris aussi avec regret, que l'illustre Evesque d'Avran-
che estoit dans son diocèse, contre la coutume qu'il avoit du
temps passé de demeurer les hyvers à Paris, et Jusques après
Pasques. Le Bibliothécaire de Mons. l'Abbé Bignon m'en
rendit il y a deux jours une lettre fort oblijeante sur. mon
.Julien. L'honneur de son approbation me tiendra toujours
lieu d'une grande recompense de mon travail.
Je né say si on vous a fait tenir de la part de Mons. Grae-
vius un exemplaire du Callimaque, qu'il vous a destiné,
(i) Barthélémy d'Herbelot, professeur de syriaque au Collège de France,
né à Paris le 4 décembre 1625, mort dans la même ville le 8 décem-
bre 1695. Son « bel ouvrage », ayant pour titre Bibliothèque orientale ou
Dictionnaire universel contenant tout ce qui fait connaître les peuples de
VOrient, fut publié par Antoine Galland à Paris, en 1697, in-f».
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I I 2 LETTRES A L ABBE NICAISE.
comme il a fait aussi au grand Evesque susdit. Je crains que
vous ne trouviez Tun et l'autre, que j*ay eu bien du loisir de
reste de m'amuser à écrire un assez gros volume d'observa-
tions sur les Hymnes de ce Poëte. Je ne vous répéterai
pas icy ce que je crois vous avoir déjà mandé, et que je
le dis dans la préface, comme je m'y suis engagé insensi-
blement. Si j*en croyois cependant les savans de Hollande,
d'Angleterre et d'Alemagne, je n'y aurois pas tout à fait perdu
ma peine.
Si le train, où je me trouve depuis quelques mois, à se
préparer à un grand voyage, à voyager, et à s'occuper icy à
tout autre chose qu'aux livres et à l'étude, devoit durer long
temps, il me faudroit renoncer à l'avenir au commerce avec
les lettres, et à songer à achever le second tome sur mon Ju-
lien et sur Cyrille, ou de donner une nouvelle édition et
fort retouchée et augmentée de mon ouvrage sur les mé-
dailles (i), outre d'autres desseins assez avancés, qui aparem-
ment mourront avec moy.
Pour ce qui regarde le cardinal Noris, il me doit suflBre
qu'il ait pris mon Julien et ma lettre en bonne part, et qui
est un hommage ou même une reconnoissance que je devois
et à son mérite, et à l'honneur qu'il m'avoit de m'écrire le
premier necdum purpurales, et de m'envoyer ses Epoches
Syro-Macedonum.
Il n'y a presque de curieux de médailles par deçà, que
Mons. Vaillant, que je n'ay point encore veu, et qui nous va
bien tost donner son grand ouvrage des médailles grecques.
Il faut croire que cela l'occupe entièrement, outre nostvt
grand eloignement.
(i) La troisième édition des Dissertationes de prœstantia et usu numis-
tnatum antiquorum, composée de deux volumes in-f», parut seulement
en 1706, à Londres, où Spanheim était alors, en qualité d'ambassadeur
du roi de Prusse.
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LETTRES DE SPANHEINi. Il3
Je ne peux dailleurs m'empecher de vous dire que je suis
tres-satisfait de la veuë et de Tentretien de Mons. Anisson (i),
qui me paroist avoir beaucoup d'agrément, d'esprit et de
manières avec beaucoup d'habileté et de discernement.
Au reste, Monsieur, il faut encore vous dire deux mots de
ces deux Messieurs, qui auront l'honneur de vous rendre la
présente. Le plus jeune est Mons. le Baron Fleming, fils du
Mareschal des armées de S. A. E. mon Maistre (2), et l'autre
son Gouverneur. Après avoir esté plus d'une année à Paris,
ils vont faire le tour de France, et commencer par vostre ville.
Je vous aurai une obligation particulière, s'ils peuvent s'y
prévaloir de vos adresses, et par la faveur de quelqu'un de
vos amis, pour voir les curiosités de Dijon.
Ma femme et ma fille, qui sont icy de retour avec moy,
vous rendent mille grâces de l'honneur de \ostv^ souvenir.
Je suis avec zèle et vérité.
Monsieur,
Vostre très humble
et très obéissant serviteur,
Spanheim.
XXV
A Paris, le 5 may 1698.
Monsieur,
Il y a quelque temps qu'estant allé chez Mons. Anisson, il
me rendit la première lettre, dont il vous avoit plû de m'ho-
norer, du i3 Fev. Je la reçeus avec toute la satisfaction, que
je tirois de ces chères marques d'un souvenir aussi oblijeant
que le vostre. Je ne tardai pas à vous en rendre compte, et
(i) Jean Anisson, directeur de rimprimerie royale.
(2) Le comte Hans-Heinrich de Flemming, né le 9 mai i632, mort le
•28 février 1706, était alors feld-maréchal-général des troupes xie Frédé-
ric III, électeur de Brandebourg, le futur premier roi de Prusse.
Académie de Lyon, etasMe des Lettres, 8
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114 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
VOUS écrire une assez longue lettre par Mons. le Baron
Fleming, fils du Mareschal d'armée de son Alt. Elect'* mon
Maistre, qui avec son Gouverneur prenoit la route de Lyon
par vostvQ ville, et à qui je donnois lieu par même moyen,
de se prévaloir de vos favorables adresses en leur passage par
Dijon. J'ay reçeu depuis, et assez tard après leur date, la
faveur des yostrts du 7 avril, qui ne m'en font aucune men-
tion. Ce qui m'a donné un déplaisir sensible, dans l'incerti-
tude si cette lettre vous aura esté rendue, comme je n'aurois
pas eu lieu autrement d'en douter; et ainsi si vous aurez
receu ou non les assurances de la considération particulière,
que je fais de l'honneur de vostre souvenir et de vostTQ affec-
tion. Comme j'y ay esté également sensible près et loin, je
ne pouvois que me prévaloir a présent du voisinage, et
après mêmes y avoir esté prévenu aussi oblijeament de vostrc
part, pour vous les renouveller. Ainsi, Monsieur, si mon
malheur a voulu que cette lettre ne vous ait point esté ren-
due, et qu'au sortir de Paris ces Messieurs, qui en estoient
chargés, ayent pris un autre route, dont je n'ay rien apris
dupuis, je vous prie de ne l'imputer point à aucune négli-
gence, que j'aye eue là dessus à \ostrc égard. Je ne meriterois
pas toutes vos bontés pour moy, si j'en estois capable. J'y
répondois d'ailleurs à ce que vous touchiez dans la vostre au
sujet de nos bons et illustres amis de Paris ou de Rome, et
pour mettre à leur teste, de Mons. TEvesque d'Avranche.
Pour en venir à vostvQ dernière, elle me fut rendue à Ver-
sailles par les soins de Mons. le Médecin Bourdelot (i), qui
me fit l'honneur de m'y aborder une autre fois, et ainsi de
(i) Voir plus haut, p. 37, note i. Ce docteur Bourdelot est le même
que Tabbé Bourdelot, dont il est question p. 65. Il s'appelait en réalité
Pierre Bonnet, était né à Paris en i638, et mourut à Versailles le 19 dé-
cembre 1708. Son oncle, Pierre Michon, connu sous le nom d'abbé
Bourdelotj^ui avait légué sa fortune, avec la condition qu'il porterait ce
titre.
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LETTRES DE SPANHEIM. . M 5
me donner lieu de connoistre un aussi habile et honneste
homme, et d'un nom connu de longue main.
J'ay veu quelquefois Mons. Galand, et en compagnie de
son Mecenas Mons. l'Intendant Foucaut, qui à ce que j'en
ay pu comprendre a un cabinet de médailles admirable.
Mons. Vaillant prit aussi la peine dernièrement de venir
céans et de m'entretenir de son ouvrage qu'il a sous la presse,
et doit paroistre en deux ou trois mois. Il ne sera point
accompagné d'aucune graveure ou dessein de médailles,
dailleurs ne pourra qu'estre d'un grand usage pour le pu-
blic, et sur tout pour les curieux. Je ne luy envie pas d'en
estre prévenu sur plusieurs matières, qui y regardent les
inscriptions de ces médailles grecques, sur tout qui y mar-
quent leurs prérogatives de Métropoles, Primœ, Autonomes,
Libres, Neocores, etc., sur quoy j'ay plusieurs choses prestes
de longues mains, et dont j'avois dessein de donner quelques
Dissertations séparées, outre ce que j'en diroy dans la nou-
velle édition et toute refondue et augmentée de mes Disser-
tations de Usu et Prœst. etc. Peut estre aurai-je encore quel-
que chose à glaner après luy.
J'ay eu par d'autres, que par Mons. l'Abbé du Bos, sa dis-
sertation des 4 Gordiens (i).
L'Abbé Valemont, précepteur du fils du Marquis d'An-
geau, et qui a déjà donné divers ouvrages au public (2), m'a
(i) L'abbé Jean - Baptiste Dubos, né à Beauvais en décembre 1670
mort à Paris le 23 mars 1742, avait publié en 1695 une Histoire de$
Quatre Gordiens prouvée et illustrée par les médailles^ Paris, in- 12. —
La thèse de l'abbé Dubos , qu'il y a eu non pas seulement trois Gordiens,
mais bien quatre, est généralement condamnée. Elle fut combattue dès le
XVII« siècle par Galland, Lettre touchant V Histoire des quatre Gordiens^
Paris, 1696, et par Gisbert Cuper, Historia trium Gordianorum^ Daven-
triœ, 1696.
(2) Pierre le Lorrain, connu sous le nom d'abbé de Vallemont, né à
Pont-Audemer le 10 septembre 1649, «^ort dans la même ville le 3o dé-
cembre 1721.
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Il6 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
leu ces jours passés une Dissertation qu'il a faite sur la mé-
daille de Galliena Augusta^ pour prouver que ce n'est point
par dérision d*un prince aussi efféminé que Gallien , ni
comme a crû le P. Hardouin, pour Galliene Auguste^ mais à
rhonneur d'une Galliena parente de Gallien, dont il est
parlé par Trebellius PoUio (i).
Du reste, je vous puis dire de bonne foy, que bien que je
sois déjà icy depuis trois mois, à peine ay-je encore eu loisir
de m'y reconnoistre et me débarrasser des occupations ou
visites attachées à mon employ par deçà. En sorte que je
n'ay pu encore trouver un loisir suffisant pour me rendre à
la Bibliothèque du Roy, et y consulter quelques Mss. que j'ay
envie d'y voir. Ce que je trouve a redire dailleurs, c'est de
n'avoir pas trouvé icy nostrt illustre Evesque d'Avranche, et
perdu l'espérance de l'y voir cet esté, comme on m'en avoit
flatté. Je n'ay pu mêmes savoir encore, s'il y a quelque fon-
dement ou non dans ce qu'on a débité, il n'y a gueres, dans
une des gazettes d'Hollande, comme s'il y avoit eu quelque
lettre de cacheyt, qui obligeoit ce grand homme de rester
en Normandie. J'en ay eu une lettre latine fort oblijeante
sur mon Julien.
Je croy que voys aurez reçeu à la fin l'exemplaire que je
vous en ay destiné, il y aura près de deux ans; comme
. aussi le Callimaque, qui vous a esté envoyé par M. Grevius.
Mes observations sur les Hymnes de ce poète ont eu généra-
lement plus d'approbation que je ne pouvois attendre du peu
de temps que j'ay mis à les écrire, et sans avoir jamais eu
cy-devant aucun* dessein particulier d'en écrire et publier sur
cet auteur. La matière m'est creuë sous la main, et par la
singularité des choses que je trouvois à y remarquer, et à
quoy les commentateurs precedens n'avoient pas songé.
(i) (1 ... Per quandam mulierem, Gallienam nomine, consobrinam
Gallieni... ». Trebelîii Poîlionis Tyranni Triginta, c. 29, § 3.
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LETTRES DE SPÂNHEIM. II7
J*ay eu des lettres de M. Grevius, qui me mande que le
Phèdre de feu M. Gudius commence à paroistre. Il attend
avec impatience la vie de feu Mons. de Saumaise, comme je
fais de mon costé, et dans le dessein de le luy faire tenir, dès
que je Tauroi entre les mains et parcourue. Feu Mons. de la
Mare me la fit voir peu après mon arrivée à Paris en 1680,
qu'il y fit un voyage, mais dans un temps où une fièvre, dont
j'estois attaqué, ne me laissa pas lieu de la voir avec le soin
requis. Il ne laissa pas de prendre en bonne part quelques
remarques que j'y fis.
Je vous avois mandé par ma précédente lettre, que je trou-
vois Mons. Anisson d'un commerce agréable et d'un esprit
supérieur à ceux de sa profession.
Je répons à l'obligeante lettre de Mons. de la Mare, et suis
avec vérité.
Monsieur,
Vostre très humble et
très obéissant serviteur,
Spanheim.
XXVI
A Paris, le 5 ]ui\\et 1698.
Monsieur,
J'ay veu par vos dernières du 26 juin, que vous m'avez fait
l'honneur de m'écrire, ce que vous y touchez d'abord de la
vie de M' de Saumaise. Sur quoy, je me vois obligé de vous
dire que je ne l'ay point reçeu jusques icy ; bien que j'eusse
envoyé il y a déjà quelques semaines chez le Maistre des
Comptes , qui a ordre de M*" de la Mare de me la délivrer,
suivant l'avis et l'adresse que j'en avois reçeu de sa part. Il
se trouva alors en Normandie, d'où on l'attendoit de retour
en peu de jours. J'y ai renvoyé depuis, mais sans qu'on
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Il8 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
m'en ait rien rapporté. Ce qui me fait d'autant plus de peine
que j'aurois eu de satisfaction à parcourir la vie de ce grand
homme, et a ne différer pas celle que le public en doit
recevoir. Je serai bien aise que M*" de la Mare en ait quelque
advis par vostr^ moyen, afin qu'il ne m'en impute aucune
négligence.
Quant à Mons. vo^/re neveu, il est trop honneste et trop
obligeant de vous avoir écrit comme il a fait sur mon sujet.
Ce que je dois à tous les gens d'honneur et de mérite, ne le
devrois-je pas au double à une personne qui vous appar-
tient de si près I J'espère que vous en aurez eu de bonnes
nouvelles depuis vostrc lettre.
Je suis glorieux d'ailleurs que mon Julien ne vous ait pas
déplu (i). L'édition typis Regiis en eut sans doute esté plus
belle, et, si elle se devoit faire un jour, et durant que Dieu
m'eust conservé en vie et avec de la santé , je ne pourrois
encore que la rendre meilleure. Je ne perds pas de veUe d'en
donner la suite et d'achever l'ouvrage. Mais il me faudra plus
de loisir que je n'en ay trouvé jusques icy depuis mon
arrivée à Paris, où je n'en ay eu aucun jusques icy à
employer aux lettres ou à l'étude. A quoy se joint l'incom-
modité de me voir obligé à rester dans un hostel garni jus-
ques à la S* Remy, que je dois entrer dans une maison de
louage, à la rue S' Dominique, vers belle chasse, fauxbourg
S* Germain. La rareté et la chairté des maisons à louer dans
ce fauxbourg est montée à un point qui ne se peut dire, et n'a
pas permis que j'aye pu en trouver plutost à me loger. Je
m'estois flatté depuis peu d'en avoir une plus spacieuse et
pour ce terme de la S* Jean, mais qui m'est échappée par le
différent survenu entre le propriétaire et le locataire, qui
m'en vouloit transporter son bail. Tout cela fait que je ne
(i) Juliani Imperatoris Opéra cum variorum notiSy recensenteE, Spanhe-
mio, qui observationes adjecit; Leipzig, 1696, in f».
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LETTRES DE SPANHEIM. 1 19
pourrai rien faire qu'à bastons rompus, et sans pouvoir met-
tre ordre à mes papiers, jusques à ce que j'aye une maison
à moy.
Je crois que vous aurez reçeu le Callimaque, que M. Grœ-
vius vous a envoyé (i). Comme je ne suis pas l'auteur de
cette édition et que je n'en suis que l'accessoire, le libraire ne
m'en a pas donné des exemplaires pour en faire des presens
à mes amis, et j'ay sçeu que M. Grevius vous en avoit des-
tiné un, et qu'il estoit même à Paris, il y a déjà quelque
temps. La part que j'ay à cet ouvrage a eu plus d'approba-
tion que je ne m'y estois attendu. M. et Mad. Dacier, bien
que je n'y sois pas toujours de l'avis de celle-cy, en parois-
sent fort contens, et m'ont dit que je ne Tavois jamais repris
ou suivi d'autre sens qu'avec raison.
Mes deux Exercitations sur la loy d'Ulpien XVII D. de
statu hominum, touchant la constitution célèbre de l'Empe-
reur Antonin, qua cives omnes in orbe Romano sunt effectif
est déjà imprimée et paroistra à la teste du IX tome
Antiquitatum Romanarum^ qui s'impriment par les soins de
M. Grevius (2). Le VII et VIII viennent d'estre publiés, mais
que je n'ay pas encore reçeus, non plus que les 2 tomes
Antiq. Graecarum de M*" Gronovius. Il faut espérer qu'il y
aura esté plus exact que dans le premier, où il a fait beau-
coup de beveiies et qui n'a pas répondu à l'attente qu'on
en avoit.
(i) Cette édition de Callimaque, qui parut à Utrecht en 1697, enrichie
des observations de Spanheim, avait été préparée par Théodore Grœvius,
digne fils de Tillustre savant dont on trouvera plus loin plusieurs lettres.
Théodore Graevius étant mort, à vingt-deux ans, en 1692, le père acheva
Toeuvrc et la publia sous le nom de son fils : Callimachi Hymni, Epi-
grammata et Fragmenta, ex recensione Theodori, J.-G, F., Grœvii^ cum
ejusdem et aliorum animadversionibus^ 2 vol in-8».
(2) Orbis romanus^ seu ad Constitutionem Imperatoris Antoniniy de qua
Ulpianus LegeXVII^ Dig., de Statu hominum^ Exercitationes duœ. Ces
deux dissertations ont été réimprimées à Londres en 1 704, in-4».
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120 LETTRES A l'âBBÉ NICâISE.
M. Dacier travaille à la vie de Platon, où il rendra compte
de sa philosophie , et qui sera à la teste de la version de
quelques Dialogues de cet Auteur, comme de TEutyphron,
deTApologie de Socrate, du Phedon, etc. (i).
• Le second tome de S' Jérôme du P. Martianay (2) est sous
la presse et doit paroistre en peu de mois.
L'abbé de Vallemont, qui a déjà donné quelques ouvra-
ges et demeure chez M. le Marquis d*Angeau , vient de
publier une Dissertation sur la médaille de GALLIENiE
AUGUSTiE (3), et qu'il m'avoit leuë manuscritte, avant delà
mettre sous la presse. J'avois eu occasion d'en parler dans mes
notes sur les Césars de Julien, et sur ce qu'il introduit Gallien
dans la posture et l'habit de femme et en luy reprochant sa
mollesse ; à quoy je disois en passant qu'on pourrait rappor-
ter cette médaille d'or asse^ extraordinaire, ce qui a esté suivi
par M. Vaillant. Le P. Hardouin, dans sonSeculum Constan-
tinianum, prétend que GALLIENiE AUGUSTiE est mis
pour GALLIENE AUGUSTE au vocatif, contre l'usage de
pareilles médailles. L'abbé de Vallemont l'attribue à une
Galliena cousine de Gallien, dont il a trouvé par hasard,
comme il dit, que Trebellius Pollio en parloit dans la vie de
Gallien. Quoy que ce qu'il en dit ne soit pas démonstratif,
je ne laissai pas de le conseiller à en donner part au public.
On ni'a communiqué en confidence le Seculum Constan-
tinianum du P. Hard ouin, qui, à son ordinaire, est plein
de paradoxes et de suppositions directement contraires aux
(i) Traduction publiée à Paris en 1699; 2 vol. in-12.
(2) Dom Jean Martianay, bénédictin, né à Saint-Sever-Cap, le 3o dé-
cembre 1647, "^ort à Paris le 16 juin 17 17. Le livre ayant pour titre:
Sancti Eusebii Hieronymi ^ Siridonensis presbyteri ^ operum tomus
secunduSy complectens libros^ editos ac ineditoSy etymologicos^ geogra^
phicoSy quœstiones hebraïcas^ etc., parut à Paris en 1699.
(3) Nouvelle explication d'une médaille d'or sur laquelle on voit cette
légende GALLIENIE AUGUSTjE^ Paris, 1698, in-12. — Voir plus
haut, p. 1 16.
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LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ. 121
Historiens et autres monumens contemporains, et qui ne
tendent pas à illustrer, mais à renverser l'histoire par les
médailles. Je vous en dirai une autrefois davantage, quand
j'aurai eu loisir de le relire encore une fois.
M. de Meaux a donné une nouvelle Relation du Quietisme
peu favorable à M. de Cambray. La dernière Galette de
Hollande^ dans Tarticle de Rome, dit que le S* Office défendra
à M. de Meaux d'écrire davantage contre cet Archevesque.
Cependant celuy la a gain de cause icy à la Cour.
Mais il faut vous dire, avant que finir, que wostrt médaille
de Trajanus Decius, dont il vous a plu de m'envoyer l'em-
preinte, est singulière pour Ja bordure et boucle au-dessus.
Je suis avec vérité,
Monsieur,
Vostre très humble et très
obéissant serviteur,
Spanheim.
S 9.
LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ
Joseph- Marie Suarej^ né à Avignon le S Juillet iSgg, ivêque de Vatêon du Si juillet 16SS au
17 mars 1666^ mort à Rome le 7 décembre 1677 (i).
XXVII
Révérende admodum i>",
Supersunt apud me trinae tuae , quae diu peregrinatœ
tandem meas in manus simul peruenerunt semestre intra
spatium. Quoad eas, quas ad me dedisti XVII Kal : IX^^^»,
(1) Les manuscrits français n»» 9359 et 9361 contiennent plusieurs lettres
de Joseph-Marie Suarez à Nicaise. Voir la cote 29 et les cotes 88 et suiv.
du 9359, les cotes 80 et 81 du 9361. — Voir en outre, dans 9359, cote 55,
une lettre de Louis- Alphonse Suarez, également évêque de Vaison.
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122 LETTRES A L ABBE NICAISE.
in quibus de IV' 111. "*• Episcopis Gallis a Clémente 9** tam
bénigne admîssis ad obsequia Sedi Apostolicae débita (i),
laetaris, ego etiam omnibus cum catholicis exsulto, et dis-
sîdia sub Clémente 8** (uti scribis) grassata, nunc exstincta
ominor, atque insuper illa, quae sub Clémente VII invalue-
runt, sub Clémente quoque IX delenda, et sedente tam
provido et tam benigno Pontifice pacem totius Ecclesiœ
sarciendam. Agnoscit felicitatem suam Roma , dum ipsi
applaudit; at ego bona noscens adhuc mea, ipsius assisto
lateri , et venerabundus quocunque illum assector ad sacra
templa procedentem, et procumbentem ad aras pro Sarma-
tia , proque Creta uberibus semper lacrymis auxilia divina
exposcentem (2).
Quod attinet ad Sarmatiam, Michael a Koributh Jagello-
nides et e ducibus Lithuaniœ pius ac orthodoxus Rex justis
electus comitiis lacrymarum fructus harum esse censetur (3).
Cretœ Turcarum e faucibus eripiendae spes omnis in Deosita
est et in subsidiis Pontificiis et Francor//m, quorum virtus
quid non domet (4) ?
Balusii Concilia Narbonensia nondum vidi, sed Chabassuti
notitiàm conciliorum percurri ; auctiorem dicitur commisisse
typis.
(i) Allusion au bref du 28 septembre 1668, adressé par Clément IX aux
évêques d'Alet, d'Angers, de Beauvais et de Pamiers, qui s'étaient fait
remarquer par leurs opinions jansénistes.
(2) Clément IX était alors très-préoccupé de l'idée de venir en aide
aux Cretois assiégés par les Turcs.
(3) Michel Koribut, prince Wisniowieçki, descendait de l'un des frères
de Wladislas Jagellon, et par conséquent d'Olgerd, grand-duc de Lithua-
nie. Né en i638, il fut élu roi de Pologne le 19 juin 1669 et couronné à
Krakovie le 29 septembre suivant; il mourut à Léopol le lo novembre
1673. Si son règne eut quelque éclat, il le dut aux victoires de Sobieski,
qui lui succéda sur le trône. Personnellement, Michel Wisniowieçki laissa
croître l'anarchie et signa, avec la Porte, en 1672, la paix honteuse de
Buczaç. M. Henri Martin, XIII, p. 324, dit: « Son règne fut une honte
et une ruine pour la Pologne. »
(4) Les Turcs s'emparèrent de Candie, l'année même où Suarez écrivait,
et Clément IX succomba à la douleur qu'il ressentit de cet échec.
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LETTRE DE JOSEPH-MARIE SU AREZ. 123
Villae Hadrianasae descriptionem ad te misit Em.°*"* Card^^"
Barberinus.
Pudet me quod clarissîmis viris Baudot (i) etMoureau
non praestiterim operam meam , perinde ut optassem ; facul-
tas defuit, et occasio, non voluntas, quam ipsorum modestia
Neapoli elusit.
Quod praeterea in epistola tua Kal. Januar. data ineuntem
annum mihi faustum apprecaris, insueto nostratibus more,
ipse inter sacra fortunat""" tibi a Numine precatus sum,
Eccle^i^^/icam usurpans consuetudinem, atqwe ob te morbo,
quo per XL dies laborasti , liberatum , ut e tua XVI Kal.
April. data didici, gratias eidem Numini maximas ago.
Slusium canonicum Leodien^ew (2) ad custodiam Biblio-
thecae Vaticanœ fama est minime venturum, itaqwe Gradius
Abbas (3) munere illo fungetur, nisi Falconerius (4) inter-
cédât.
Vitruvium cum Perroti commentario expeto peravide(5);
sicut Huverardi can«* Turonen* Historiam Musicae (6),
de qua et erudit""» Donius (7) et Reu™"* Abbas Bona (8) jam
scripserunt.
(i) François Baudot, archéologue, né à Dijon vers i638, mort dans la
même ville le 4 avril 171 1.
(2) Jean-Gualter de Sluse, né à Liège en 1628, mort à Rome le 7 juillet
1687. Il fut élevé au Cardinalat le 2 septembre 1686 (voir plus haut,
p. 42). On trouvera dans le manuscrit français 9359, n»* 33 à 48,
dix-sept lettres de Sluse à Nicaise. Voir, en outre, le n» 87 du même
volume.
(3) Etienne Gradi, né à Raguse en mars 161 3, mort à Rome le 7 mai
i683.
{4) Octavio Falconieri, archéologue, mort à Rome en 1676.
(5) La première édition des Dix livres d'architecture de Vitruve, cor-
rigés et traduits en français, avec des notes, par Claude Perrault, n'a
paru qu'en 1673.
(6) René Ouvrard (voir plus haut, p. 42).
(7) Jean-Baptiste Doni, archéologue, né à Florence en 1593, mort dans
la même ville en 1647.
(8) Jean Bona, né à Mondovi le 19 octobre 1609, cardinal en 1669,
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124 LETTRES A l'aBBÉ NICâISE.
Antiqufle vero Musicse auctores Aristoxenus, et alii Graece
sunt edîti, vel eorum potius Eclogfle opère ex ingenti Cons-
tantini Porphyrogenetae tamquam e naufragio relîquae.
Abbatem Michaelem Angelum Riccium (i) et Petrum
Bellorium (2) tuo nomine salutabo, a quibus et Logisticam
et Monumenta Pictorum, publici juris ut faciant efflagitabo,
sicut et Latium ab Athanasio Kirchero (3).
Bened*"* MilUnus Romam omisit et totus est in Anastasio
Bibliothecario ; dissertât*" Historicam de anno, quo natus
est Christus, quoque passus , emisit in lucem.
Fran^" Lèvera libellum de invicta veritate, anni, mensis
et diei Passionis et Resurrectionis Christi, eiusque Nativi-
tatis, anno superiore publicavit (4).
A Carolo Morono Abbate promissa dudum Colotii vita (5)
latet adhuc, nec eam extorquere potui.
Perill.**'^ D. Marœo (6) senatori rescribo, quemadmodum
rescripsi perill.*'* Chevaneo (7).
Nili Abbatis jam opuscula tria typis excussa sunt Graece,
mort à Rome en octobre 1674. Bona avait publie, en i663, un traité
De divina psalmodia. Le manuscrit français 9359 contient dix lettres de
Bona à Nicaise (cotées 7 à 14, 24 et 32) ; une onzième lettre se trouve
dans le volume 9362, cote 4.
(i) Michel-Ange Ricci, né à Rome en 1619, cardinal en 1681. Deux
lettres de Ricci à Nicaise se trouvent dans le manuscrit français 9362 ,
n<»« 6 et 7.
(2) Sur Bellori, voir plus haut, p. 82.
(3) Athanase Kircher, jésuite, né à Giessen le 2 mai 1602, mort à Rome
le 28 novembre 1680.
(4) Rome, 1668, in-4, 126 pages.
(5) Ange Colocci, mort à Rome en 1549. Sa vie a été publiée à Rome
en 1673; mais Tauteur est Frédéric Ubaldini , et non pas Carolus
Moronus,
(6) Philibert de la Mare, Conseiller au Parlement de Bourgogne, né à
Dijon le i3 décembre 161 5, mort dans la même ville le 16 mai 1687;
voir plus haut, p. 73 et 77.
(7) Jacques- Auguste Chevanes, né à Dijon le 18 janvier 1624, mort le
29 novembre 1690.
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LETTRE DE JOSEPH-MARIE SUAREZ. 125
vcrsaque Latine a me, plura lucem aspicient, bono cum
Deo, antequam annus hic eiabatur. notas etiam attexam (i) ;
sed suis numeris absblutissimus est Tomus aiter Pachy-
merii Graece itidem ac Latine a Possino cum observatio-
nibus (2). Et profecto eo in opère Chalcographorum et
Sculptorum desudavit industria. Sed abutor patientia tua,
proque trinis tuis trinas jam implevi paginas, ut alîquatenus
meo muneri satisfaciam ; esset autem in votis mihi deinceps
sigiliatim respondere singulis tuis , meamque tarditatem
celeritate compensare. Veniam interea oro et ab amoris in
me tui constantia impetraturum me confido, cum de mea
dubitare nequeas. Ero namque , dum spiritus hos reget
artus,
Romœ Kal.: sextilibus CI3I3CLXIX,
Reu**' admodum D°'« T»
Servus dédit"*"»
Josephus Maria Epi^cojpus Vasionensis
Assistens S"** D. Magistri.
Fama est 111"""' Octavium Boldonium Mediolanensem
Barnabitam Episcopnm Theanen^em, Auctorem Epigraphic"
editorum Perusiae Sinno 1660, primum custodem Vatican»
Bibiiothecae adhibitum, aliis insuper habitis, adeo valida
fuit stvenissimi Principis Etruriae commendatio.
(i) Nili tractatus^ sive opuscula, J,M. Suaresius grâce primum edidit^
latine vertit ac notis illustravit; Romœ, 1673, in-f».
(2) Pachymeris Michel Paleologus, sive historia rerum a Michaele
Paleologo,,. gestarum^ cum notis P, Possini; Rome, 1666-1669, 2 v, in-f».
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126 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
S lO.
LETTRES DE L'ABBÉ DE GONDI
Ckaries-Antoinê de Gondi^ premier ministre et secrétaire d'État du Grand-Duc de Toscane. En
1671 et en 1682, ii représenta la Toscane à la cour de Louis XIV en qualité d'enro/é extraordi'
naire. — Les biographes citent, comme une particularité notable de sa vie, le fait d'avoir présenté au
baptême le fils du célèbre comédien Giovanni'Andrea Zanotti, — // mourut en T7/8 (i),
XXVIII
A/'* l'Abbé Nicaise. Dijon.
A Cerreto, ce 12 nov» 1694.
Monsieur,
Je ne doute point qu'après m'avoir escrite la lettre du
16 octobre, dont vous m'honnores, vous aures esté éclairci
sur Tequivoque de la promotion au Cardinalat du Révérend
Père Noris ; car le Pape n'a point fait encor de promotion
et ce que sa Sainteté a fait dernièrement pour cet illustre
Religieux n'a esté que de le déclarer Consulteur de la Sacrée
Congrégation du Saint Office. Je veux toutesfois espérer
qu'il le sera , car le Sacré Collège aussy bien que toute
l'Église ne sçauroient jamais faire de plus grande acquisition
par son mérite et sa proffonde doctrine. Vous aves cepen-
dant très-bien fait de l'encourager de donner à l'Église son
Histoire des Donatistes^ et il se peut bien faire qu'il attende
de s'en acquiter pour lorsqu'il aura esté honnoré du Chapeau
rouge (2).
(i) Outre les quatre lettres que nous publions, nous connaissons treize
lettres de l'abbë de Gondi à Nicaise; la plus ancienne est du 4 mars 1690,
la plus récente, du 29 janvier 1701. Nos quatre lettres se placent donc
dans la période de temps à laquelle elles appartiennent. — On trouvera ces
treize lettres dans le volume 9361 des manuscrits français de la Bibliothè-
que nationale ; elles sont cotées de 6 à 18.
(2) V Histoire des Donatistes^ que Mabillon dit avoir vue, écrite de la
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LETTRES DE L ABBÉ DE GONDI. 1 27
A nostre retour à Florence, où le Grand Duc va se rendre
dans peu, je fairay sçavoir à M. Blanchi tout ce que vous me
mandes au sujet de M' TAbbé de Camps (i) et de M*" Morel
qui se trouve à Armstat (2), dans Tesperance de pouvoir
mettre au jour son grand ouvrage des Médailles.
Le Duc de Parme (3) a fait imprimer ses médaillons d'or
des Césars , et c'est un Père Jésuite qui en a composé le
livre , qui porte pour titre : Li Cesari in oro del Museo
Famese.
Je suis tousjours surpris plus que jamais de la grande
vigeur de l'esprit de Mons' Nicolas, qui, à son âge, ne se
lasse point de travailler comme il fait maintenant après
sa Comédie pastorale, dans laquelle il excellera à son
ordinaire (4).
Je suis, avec tout l'attachement imaginable, et avec une
passion extrême.
Monsieur,
Vostre tres-humble et
tres-obeissant serviteur,
L'Abbé de Gondi.
main de Noris, lorsqu'il passa à Florence, mais qui n'a pas été retrouvée
dans les papiers de Noris, a été composée, par les éditeurs des œuvres
posthumes du savant cardinal, à l'aide de matériaux a sans forme ni liai-
son », que l'abbé Noris, neveu du cardinal, leur communiqua. Voir Chau.
fepié. Nouveau Dictionnaire historiquey V» Noris, p. 97.
(i) François de Camps, historien et numismate, né à Amiens en 1643,
mort en 1723.
(2) Sur Morell et son séjour à Ârnstadt, voir plus haut les lettres de
Leibniz à Nicaise, notamment p. 44. M. Amiet publie en ce moment
(mars i883), à Berne, un volume ayant pour titre: Der Mûniforscher
Andréas Morellius ; Ein Lebensbild aus der Zeit der Bastille.
(3) Le duc de Parme était alors un Farnèse, Ranuce II, né en ï63o,
mort le 11 décembre 1694.
(4) Augustin Nicolas, de Besançon, dont nous parlerons plus loin en
éditant la lettre qu'il écrivit à Nicaise le 22 mars 1689.
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128 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
XXIX
M" l'Abbé Nicaise, Dijon.
A Florence, ce i6 dec" 1695.
Monsieur,
Enfin le Père Noris est Cardinal. Nostre Saint Pere fit
la promotion de quatorze cardinaux le douze de ce mois.
Deux ont esté réservés in pectore summi Pontifiais^ et douze
ont esté déclarés (i), c'est-à-dire Tarchevesque de Boulogne
Boncompagno, Tanara nonce à Vienne, Cavallerino nonce
en France, Caccia nonce en Espagne, del Verme evesque
de Fano, Sfondrato abbé de Saint-Gai, Tarugi auditeur
de Rote , Sacripante sousdataire , Spinola gouverneur de
Rome, le Père Ferrari dominiquain maistre du Sacré Palais,
le Pere Noris augustin, et d'Arquien père de la Reine de
Pologne (2). Je profitte de cette occasion pour vous asseurer
que je fais des vœux pour toutes vos prospérités à ces
Bonnes festes, et au renouvellement prochain de TAnnée que
je vous souhaitte longue et heureuse avec une multitude
d'autres après. Et vous prie de croire plus que jamais que
Ton ne peut estre au delà de ce que je le suis avec une
extrême passion,
Monsieur,
Vostre tres-humble et
tres-obeissant serviteur,
L'Abbé DE GoNDi.
(i) Voir, sur cette promotion, la première d'Innocent XII, le Diction-
naire de Morériy édition de 1759, t. III, p. 287 et suiv. On trouvera
dans le même Dictionnaire des articles biographiques sur les douze
nouveaux dignitaires de T Église.
(2) Henri de Lagrange d'Arquien, né à Calais en 161 3, mort à Rome
le 24 mai 1707, père de Tintrigante Marie- Kasimire, qui monta sur le
trône de Pologne en même temps que son second époux, Tillustre
Sobieski.
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LETTRES DE l'aBBÉ DE GONDI. Î2g
XXX
M. l'Abbé Nicaise. Dijon.
A Pise, ce 1 8« Janvier 1 697 ab Incar"*.
1698
Monsieur,
Je reçois vostre lettre du 27 décembre à laquelle je n'ay
point d'autre response à faire que celle d'un million de
remerciements à la continuation de toutes vos bontés pour
moy, et de bons souhaits que vous me faites à ce renou-
vellement d'Année. Je vous asseure que, si tous ceux que
je fais pour vous sont accomplis, vous n'aures plus rien
à désirer dans la vie.
Je trouve que vous aves raison de vous plaindre un peu
du silence de Monseîg' le Cardinal Noris , mais il est à
excuser, car son Em" est chargée d'affaires qui l'accablent.
Si elle n'a point fait response à Mons' Spanheim, Envoyé de
Brandebourg à Paris , peut estre ce ne sera point sa faute,
mais que sa lettre aura esté perdeue(i). Je vous promets que
j'en seray instruit, car je fairay tout sçavoir à son Em". Je
dois ce soin à mond* s*" Spanheim, qui a esté quelques
années dans la mesme qualité d'Envoyé de Brandebourg à
Paris lorsque j'y estois ; j'ay beaucoup d'estime pour luy,
pour son mérite et pour sa doctrine. Peut estre il se sou-
viendra de moy. M*" le comte Magalotti (2) me parle souvent
de luy, dont il est ancien amy.
Je fairay sçavoir à Mons' Blanchi à Florence tout ce dont
vous me charges de luy mander.
(i) Spanheim, dans sa lettre du 3i mars 1698 (Suprà^ p7 1 12), se montre
plein de déférence pour le cardinal Noris et ne lui reproche pas son
silence.
(2) Lorenzo Magalotti, né à Rome le i3 décembre 1637, mort à Flo-
rence le 2 mars 171 2.
Académie dt Lyon, cUs$e de» Lettres» 9
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l3o LETTRES A l\bbÉ NlCAtSÊ.
Cependent je vous supplie de me croire avec tout Ratta-
chement imaginable,
Monsieur,
Vostre tres-humble
et tres-obéîssant
serviteur,
UAbbé DE GoNDi.
XXXI
M. VAbbé Nicaise. Dijon.
A Florence, ce 24 juillet 1699.
Monsieur,
A mon retour dans cette ville, après avoir passé quelques
jours à la campagne, j'ay reçeu vostre lettre du 16 juin, et,
comme elle est remplie des sentiments de bonté pour moy,
vous juges bien par la du surcroy d'obligation que je vous
en ay. L'on ne peut parler plus juste de ce que vous faites
au sujet de la condamnation du livre de Mons' de Cambray;
et Mons*" de Meaux qui a tant mérité dans cette occasion ne
sçauroit jamais estre assez loiié avec toutes les belles et
spirituelles compositions qui ont esté faites à sa louange, et
dont vous m'en faites mention en attendant de recevoir
celles que vous me faites espérer de me faire tenir. J'infor-
meray Mong"" le Cardinal Noris de tout ce dont vous avés
la bonté de me parler sur son sujet, et je n'oublieray au
mesme temps de luy mander la mort de M*" Page (i), et je
le diray aussy à M*" Magliabechi (2).
(f) Le P. Antoine Pagi venait de mourir à Aîx le 7 juin 1699.
(2) Antonio Magliabechi, que Mabillon qualifiait de « Bibliothèque
vivante, » né a Florence le 29 octobre i633, mort dans la même ville le
4 juillet 1714.
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LETTRES DE PERIZONlUS. l3l
Je VOUS supplie de me croire tousjours aussy passionement
que je dois Testre,
Monsieur,.
Vostre tres-humble et
tres-obeissant serviteur,
L'Abbé de Gondi.
% II.
LETTRES DE PERIZONIUS
Jaeque» Peri\ùmu»^ ni à Dam, pris Graningut, le 26 oetohrt j65j, iucceishtmênt recteur
i Delfty profeseeur à Franecker (1681) et i Leyde {lÔgS), mort dans cette dernière ville le
6 atril tjrS (i).
XXXII
Reverendo admodum et illusiri
Abbati
Claudio Nicasio
Cito Parisios.
Reverendo admodum et illustrissimo
Abbati
Claudio Nicasio
S. P. D.
Jac. Perizonius.
Miraberis haud dubie, et summo quidem tuo jure incu-
sabîs vel negligentiœ, vel inhumanitatis, vel si quid gravîus
excogîtari potest, quod tribus tuis jucundissimis et huma-
(i) On trouvera, à la Bibliothèque nationale, dans le manuscrit fran-
çais n« 9362, deux autres lettres de Perizonius à Nicaise ; elles sont co-
tées 35 et 146.
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l32 LETTRES A l'aBBÉ NICAÎSE.
nîssimîs epistolîs, Septembri, Decembri et Januarîo mense
datîs, nihil omnîno ad hoc usque tempus reposuerim, nec
verborum saltem gratias retulerim tôt tuis benevolentiae et
amicitiae declarationibus mihi sane quam gratissimis. Sed
idem ignosces haud dubie etiam, et sérum hoc respondendi
officium in meliorem partem interpretaberis , ubi audieris
me superiori demum mense , vel exeunte Aprîli accepisse
simul omnes tuas epistolas, modo memoratas. Scilicet Cla-
riss. Graevius, dum suas volebat tuis ad me adjungere, de
die in diem ut ferme fit, et ut est vîr ille occupatissimus
variis negotiis, ad illud usque tempus, quod modo signifi-
cavi , tuas simul et suas distulit. Sic factum, Vir Illustris-
sime, ut nihil dum literarum a me receperis, quum cetero-
qui nihil jucundius mihi sit, quam instituto jam tecum
literario hoc commercio in perpetuum uti ac frui, et hoc
nomine Ampliss. Wittio nostro(i),qui ejuscommercii tuxque
amicitiae conciliator mihi fuit, multum me debere profitear.
Quod si deinceps tuis subinde literis me mactare et coho-
nestare non dedîgnaberis , poteris quidem pristina ratione
eas mittere ad Cl. Grœvium, virum optimum et nostrum
communem amicum , sed et poteris forsan per vestros
Bibliopolas ad Amstelœdamenses Bormium, Waesbergium,
vel Wetsteenium (2), eas curare, inde ad me perferendas.
Wittius si nondum rediit, in singulas pêne horas exspecta-
tur, futurus Dordracenae urbi, primariae in Batavis, patriœ
suas, a Secretis et Actis. Quam mihi navare voluisti operam,
Humanissime Nicasi, in conferendis tôt Valerii Maximi
exemplaribus, nimia profecto fuit, nec ullis a me officiis
pensari potuisset, imo nec unquam vel cogitatione id postu-
(i) Jean de Witt. Voir plus haut, p. 85.
(2) Jean-Henri Wetstein, né le 25 mars 1649, mort le 4 avril 1726; la
librairie qu'il fonda à Amsterdam a publié d'excellentes éditions des au-
teurs anciens et modernes.
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LETTRES DE PERIZONIUS. l33
lare vel optare fuissem ausus. Ceterum si quae collationes
istic haberi et mea pecunia mihi comparari poterunt, et si ea
in re tuam mihi non gravaberis addicere operam, res mihi
prœstaretur gratissima, et sumtus eam in rem factos lubenti
et grato animo restituerem (i). Nostin' etiam an Atrebatensis
ille Codex, cujus toties meminit Pighius, et qui mihi vide-
tur quantivis fuisse pretii, in instructissima Régis vestri
Bibliotheca forsan compareat ? Mihi in hac Academia, lite-
raria quaedam controversia incidit cum Viro Amplis. Ulrico
Hubero, multis content ionibus celebri, de Prœtorio^ et loco
Pauli ad Philipp. I, i3 (2). Edidimus jam uterqwe binas
Academicas dissertatîones , sed quae jam iterum typis des-
cribuntur, et in unum conjungentur volumen, ut sic lector
utramqwe partem audire, et causam cognoscere possit. Post
ferias has aestivas exspectare te illud opusculum jubeo, cui
additam videbis diatriben de Descriptione Augustea, quam
memorat Lucas, II, 2 (3). Cangaei vestri Glossarium sequioris
Graecismi, et curas ad ChroniconAlexandrinumnulIus dubito
fore eruditissima et digna tanti viri nomine et gloria (4).
Utinam multos ad id instar ferret hoc seculum ! Si qua tibi
coniunctio cum viro eximio intercedit, eum ut meis verbis
quam honorificentissime salutes rogo.
Vale et me amare perge.
Franequerae a.d. XXJunii 1688.
(i) Perizonius réunissait tous les éléments d'une étude sur Valère-
Maxime, étude à laquelle il a fait plusieurs fois allusion, notamment dans
ses Animadversiones historicœ^ t. II, p. 67 et suiv., mais qui ne paraît pas
avoir été terminée.
{2) Sur les différends de Perizonius avec le savant jurisconsulte Ulric
Huber, voir le Dictionnaire de Chaufepié^ v» Huber, note L. La que-
relle devint si vive que les contemporains se demandèrent quis ignis
occultus tantam flammam concitaverit^ quis aluerit,
(3) Dissertatio de Augustea Orbis terrarum descriptione^ et loco Lucœ
eam memorantis; Franecker, 1682, in-4».
{4) Le Ghssariuniy de du Gange, ad Scriptores mediœ et infimœ
GrœcitatiSy parut Tannée même où Perizonius écrivait à Nicaise. Le
Chroniçon Paschale fut publié l'année suivante.
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l34 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
XXXIII
Eruditissimo Viro et perquam Reverendo Abbati
Claudio Nicasio
S. P. D.
Jac. Perizonîus.
Auspicia hujus anni non modo in memoriam mihi revo-
cant officium dudum adeo tibi debitum , sed penitus in
ruborem me dant, unde quî me expediam aut emergam,
salva fronte, vix scio. Sed tua me adjuvabit comitas in
difficili hasrentem luto. Neqwe vero nulias habeo, quas excu-
sare possim, tam diuturni et indecori silentii rationes. Nam
praeterquam quod vix occasio nobis hic suppetat literas
Divionem usque mittendi, nisi habeamus Parisiis, cujus fidei
et curas curandas permittere possimus, quotidianis etiam
negotiis in molesto hoc docendae juventutis munere, et hac
hominum luce ac frequentia, in qua latere et mihi meisque
Musis cavere, ut voio, vix possum , ita distringor, ut Amicis
sœpe paria ac débita reponere nequeam. Accedunt curae in
Aeliani Varia, quae dudum cœptae perfici et absoivi debent,
et quicquid superest subsecivi temporis occupant, et sibi
jam quasi jure suo vindicant, dum non tantum varias
quasdam lectiones colligo, sed textum recenseo, versionem
prorsus emendo, commentarium cum in verba, tum maxime
in res ipsas ab auctore traditas vel tantum designatas sub-
jicio (i). Sed quum hae jam curae ultimam brevi manum sint
subiturae (nam XIII liber jam prelum exercet), in posterum
omnem in hoc officii génère bonam a me copiam bona fide
(i) L'édition de la CL ^liani Sophistœ Varia Historia parut à Leyde
en 1701, 2 vol. in-8». Elle mit aux prises Téditeur d'une part avec
Gronovius, d'autre part avec Leclerc , et la mauvaise humeur de Peri-
zonius se manifesta si bien qu'elle motiva l'intervention des Curateurs de
Leyde.
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LETTRES DE PERIZONIUS. l35
tibi juro, modo nos pariter Deus Opt. Max. aliquandiu etiam
superstites sinat. Cui vota facio studiosissime, ut te certe
non modo hujus seculi ultimo hoc anno, sed et sequenti
seculo, diutissime incolumem et sospitem tibi, tuis amicis
et humanioribus literis servet.
Novi quod hinc nunciem haud multum est. Prodierunt
nuper postumae Epistolae itinerariae ToUii , ex hac regione
usque in Hungariam extremam, cum notis Henninii (i). Col-
lega meus, Jac. Gronovius, acerbissimum edidit libellum
contra Dodwellum, Anglum, de aetate Scylacis illius, cujus
habemus Periplum(2), quem ille antiquiorem asseverat, quam
fecît Dodwellus, qui eum demisit usque ad, vei post, tempora
Polybii, in quo faventem sibi habet Suidam. Thésaurus Anti-
quitatum Romanarum apud nos jam absolutus est et ex offi-
cina dudum exiit in publicum(3). Nunc Typographi meditan-
tur denuo edere omnia opéra Erasmi Roterodami (4). Clericus
Amstelœdami superiore anno dédit nobis Harmoniam Evan-
gelicam, et Parrhasiana, quae satyra est in eruditos omne
genus (5). Lomeierus, qui de Bibliothecîs et Lustrationibus,
atque alia scripsit, nuper fato functus est (6). Apud vos quo
tandem loco habeatur scripta Harduini chronologica (7)?
(i) Les Epistolœ Itinerariœ de Jacques ToUius furent publiées à Ams-
terdam, en 1 700, par les soins et avec des notes de Henri-Christian
Henninius.
(a) Appendix ad Geographiam antiquam^ qua contineiur examen
Dissertationis Dodwellianœ de Scylacis œtate; Leyde, 1699, in-40.
(3) Le Thésaurus Antiquitatum romanarum de Grœvius, composé de
douze volumes in-folio, fut publié à Utrecht de 1694 à 1699.
(4) L'édition annoncée des œuvres d'Erasme fut publiée à Leyde de
1703 à 1706; elle se compose de dix volumes in-folio.
(5) Jean Leclerc, né à Genève le 19 mars 1657, "^^rt à Amsterdam le
8 janvier 1736. Son Harmonia evangelica et son Parrhasiana parurent à
Amsterdam en 1699.
(6) Jean Lomeier, né à Zutphen en i636, mort dans la même ville le
2 décembre 1699, auteur de plusieurs Mémoires d'érudition.
(7) Sur le Père Hardouin, voir plus haut, p. 21.
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j36 lettres a l'abbé nicaise.
Quibus utiqwe omnia studia sacra et profana ludibrio expo-
nuntur certissimo, dum traditionis vetustœ auctoritas, licet
inani tantum asseveratione, îta convellitur et rejicitur pror-
sus. Quando vixerunt ex illius sententia, qui tôt nobis tam
divers! generis, styii, argumenti scripta supposuerunt , tôt
Historias finxerunt ? Nullum quidem est periculum ne quis
ejusmodi deliriis aures prœbeat, quae ideo ne refutationem
quidem ullam merentur, sed tamen miror, quam ille ex iis
lauream quœrat, et quam iis patientiam Vestrates praestent,
quum, si vera esset ipsius sententia, nihil amplius ex Ahti-
quitate probari posset, deficientibus idoneis testibus, atqwe
ita aeque incertum foret, utrum genuina sit Scriptura sacra,
cui tamen omnis Ecclesiae auctoritas superstructa est, ac
quivisalius antiqui temporis Auctor(i). Sed haec viderint alii.
Tu, Vir praestantissime, vale et vive diu felix, ac me ama.
Lugduni in Batavis, a. d. IV. Eidus januarias CID I3CC.
(i) Le jugement que Perizonius porte ici sur Tceuvre du P. Hardouin
était celui de presque tous ses contemporains. Ce singulier érudit sou-
tenait que, à l'exception des Œuvres de Cicéron, de l'Histoire naturelle
de Pline, des Géorgiques de Virgile, des Satires et des Épi très d'Horace,
de quelques Fastes et d'un petit nombre d'inscriptions, nous n'avons pas
un seul monument authentique de l'Antiquité. Toutes les autres œuvres,
grecques ou latines, sacrées ou profanes, seraient donc supposées et elles
auraient été fabriquées au XIII^ siècle par une société de faussaires hostiles
à la religion. — C'était, comme le dit Perizonius, une inanis asseveratio
et jamais le P. Hardouin n'a donné au public les preuves dont il se croyait
armé. Quel était son but en rejetant ainsi toute autorité ? Perizonius fait
très bien remarquer que, si les auteurs profanes cités par les anciens
docteurs de l'Église ont été supposés au XHI* siècle, les prétendus doc-
teurs de l'Église ne sont pas plus anciens. Une fois admise la fausseté des
monuments de l'Histoire ecclésiastique, l'Écriture sainte devient suspecte
à son tour, et ainsi de suite. — Les Jésuites le comprirent si bien que, en
1708, ils désavouèrent publiquement les opinions de leur confrère et
obligèrent ce pieux sceptique a à sortir de ses préventions. »
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LETTRES DE GRiEVIUS. iSy
S 12.
LETTRES DE GRiEVIUS
Jeitt'Gtorges Grxvius^ nia Naumbourg le 2g janvier r633, professeur à Duisbourg (i656),
à Deventer (i658) et à Utreckt (ibôi)^ historiographe de Guillaume III roi d'Angleterre, mort â
Utreeht le 1 1 janvier fJoS.
La Bibliothèque nationale possède beaucoup de lettres de Grxvius à Nicaise ; on en trouvera trente-
deux ^ dans le volume g35g du fonds français ^ sous les cotes 124 à l54 bis.
XXXIV
Vtro Reverendo et Illustri
Claudio Nicasio, Canonico
Dtpionensi.
Lutetiam.
Viro Reverendo et Illustri
Claudio Nicasio Canonio (sîcJ Divionensi
S. P. D. •
Joannes Georgius Graevius.
Quas laudes tibi gratesque dicam, vir amplissime, cutn
non solum tuum dolorem de obitu NicolaiHeinsii (i), quem
ut vivum amavi et feci semper plurimi, sic mortui memo-
riam semper colam, et ejus desiderium nunquam exolescet,
litteris mihi acceptissimis testatum fecisti; sed et praestan-
tissimum poetam vestrum Monetam (2) incendisti ad epi-
cedion hocpangendum (3), quod brevi cum ejus elogio et aliis
(i) Nicolas Heinsius, philologue et homme d*État, né à Leydele 29 juil-
let 1620, venait de mourir à La Haye le 7 octobre 1681.
(2) Bernard de La Monnoye; voir plus haut, p. 19.
(3) Graîvius fait ici allusion à une innocente manie de Tabbé Nicaise^
qui sollicitait de tous côtés des vers en Thonneur de ses amis défunts.
La Monnoye était un de ses tributaires habituels; mais le poète bourgui-
gnon joignait souvent l'épigramme à Taumône : « Bien que je ne con-
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l38 LETTRES A l'aBBÉ NICAISH.
non paucis virorum clarorum carminibus typis mandabitur.
Quod si uUo studii officiique génère vobis aliquando pro-
bare potero, quam gratum mihi munus istud vestrae pie-
tatis, quo amicissimum mihi virum ornastis, acciderit, vehe-
menter isetabor; vos autem intelligetis, omnia, quae a grato
et vestri studiosissimo homîne possunt expectari, a me vobis
parata esse, et semper fore. Quod velim vobis persuasum sit
et exploratum. Gaudeo quoque te celeberrimum Menagîum
inflammare ad novam Diogenis Laertii editionem adornan-
dam, eamque committendam nostris hominibus (i). Quam
primum ad nos perferetur, ut typis poiitioribus consignetur
mihi erit curœ. Utinam et senatores vestros, amplissimum
De la Mare et Lantinum (2) excitare posses et permovere, ut
nostrae fidei credere vellent Saimasii tomum tertium Plinia-
narum exercitationum, sive de homonymis Hyles latricœ
commentarium (3), illamque fidem, quam olim publiée in
praefatione illius libri a se édita et ad me missa, liberare.
Habeo enim Amsterodami, qui illico ei publicando manus
velit admovere, bibliopolam, praesertim nunc blandiente hac
pacis spe ! Vale, vir praestantissime, et me amare perge, ac
CL. Monetae plurimam die salutem. Trajecti Batavorum,
A. D. III KL. April. Julianas CIO IDC XXCII.
noisse le P. Rapin que par sa prose françoise et que je n'aie jamais lu le
moindre vers latin de sa façon, je ne laisse pas sur sa réputation de le
croire un grand poète. Je me réserve à en juger plus sûrement lorsque la
lecture m'aura mieux informé de son mérite. Cependant, Monsieur,
comme les éloges poétiques ne tirent pas à conséquence, je ne fais nulle
difficulté de vous envoyer ces petits brins de fleurs, que vous jetterez, s'il
vous plaît, de ma part sur son tombeau. » (Lettre du 8 novembre 1687;
Bibl. nat., F. fr. 9359, F* 175.)
(i) Cette nouvelle édition des observations et corrections de Ménage
sur Diogène-Laérce parut seulement en 1691 à Amsterdam, en 2 vol.in-4\
(2) Philibert de la Mare et Jean-Baptiste Lantin, conseillers au Parle-
ment de Bourgogne, étaient, comme nous Tavonsdéjà dit, p. 3o, note i,
légataires des manuscrits laissés par le grand Saumaise.
(3) Sur cet ouvrage de Saumaise, voir plus haut, p. 99, note 3.
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LETTRES DE GRiEVIUS. iSg
XXXV
Viro Clarissimo
Claudio Nicasio Canonico
Divionensi.
Divionem.
PrsBstantissimo viro
Claudio Nicasio Canonico Divionensi
S. P. D.
Joannes Georgius Graevius.
Quam ego nunc caussam afferam tam diuturnœ intermis-
sionis litterarum, cum tu tanta soilicitudine tarditatem res-
ponsionis excuses? Ego vero, qui multo longioris tardi-
tatis reus sum, quomodo culpam hanc expiabo? Patieris,
spero, tîbi satîsfieri, si et ad tuam multis luculentis
argumentis ex litteris tuis perspectam bonitatem, tanquam
ad aram supplex fugero, deprecans tantae cunctationis meri-
tam pœnam; et si cognoris non parvam hujus culpœ partem
sustinere îter in Vbios, cui eram accinctus cum Julio supe-
riore tuas mihi litterae traderentur, et cui très menses fue-
rint imperdendi, cum vix tôt hebdomades in illo cogitassem
exigere. Reversum tanquam fluctu quodam oppressif occu-
pationum moles, quœ ne nunc respirare me sinit. Sed cum
nec haec profectio, nec occupatio noxam omnem possit
diluere,
Veniam petimusque damusque vicissim.
Velim tamen tibi persuasum exploratumque sit me in tuenda,
quam faustis, ut augurari libet, auspiciis iniimus, amicitia
nullum officii studiique munus esse in posterum praetermissu-
rum. Amplissimis senatoribus Lantîno et Lamario salutem
quœso dicas meo nomine verbis amantissimis, ut et eruditis-
simo Curtio,iisquefidem facias, bibliopolam Amsterodamen-
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140 LETTRES A l'âBBÉ NICâISE.
sem, meam secutumauctoritatem, récépissé, seirspl uXtjç Ixcptxijç
commentarium separatim editurum, et statim proela motu-
rum, cum ad nos exemplum ejus operis fuerit perlatum.
Persuasi enim ei id magis e re illius futurum, si tanquam
novum opus, non tanquam appendix Plinianarum Exercita-
tionum lucem adspicexerit (sic) hic fœtus postumus magni
viri. Possunt in hoc opère viri eximii periculum facere, quod
si ex ipsorum sententia publicabitur, cetera quoque Salmasii
inedita opuscula nobis submittere licebit, in quibus, pro
meo erga tantum heroem cultu, in lucem protrahendis
meum studium, curam et industriam nunquam desidera-
bunt. Nec deerit opéra mea excellentissimo Lantino, si suas
ad Diogenem Laertium observationes, aut iliustrissimo de
la Toison, si ad Empyricum Sextum dissertationes in lati-
nam linguam translatas mihi credere fuerit dignatus. Uti-
nam vel Gallicas, si prodierunt, mihi videre liceret ! Quando
publici juris fiet Vita Salmasii, quam olim litteris mandat
amplissimus Lamarius? quem jubeo expectare vitam Nicolai
Heinsii, cui mémorise prodendae nunc incumbo. Vivit ne
Salmasii filius, quem ante hoc octennium hic vidi, et ejus
frater, quem litteris impallescere mihi praîdicabat ? Si vivit
vobiscum, salveat, ut et politissimus Moneta, cui velim signi-
fices Amsterodami prodiisse Pétri Francii (i) poëmata, qui
nunc fere solus post Heinsii obitum poeticse dignitatis lau-
dem in his terris sustinet. Utinam per te tuo commodo res-
cire liceat quid apud vos in vestra Urbe prodierit proximis
annis. Meorum officiorum ratio vicissim tibi constabit, si
qua affulserit occasio rébus id declarandi. Vale, vir ornatis-
sime, et me ama. Trajecti Batavorum prid. Id. Novemb.
CIO IDC XXCII.
(i) Pierre Fransz; voir plus haut, p. 88, note i. Graevius annonce à
Bernard de la Monnoye la publication d*un Recueil d'élégies, d'églogues
et d'épigrammes de Fransz, publié en 1682, à Amsterdam, sous ce titre ;
Poemata ; un vol. in- 12.
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LETTRES DE GRiEVlUS. I4I
XXXVI
Viro Amplissimo
Claudio Nicasio^ Canonico
Divionensi.
Divionem.
Viro Nobilissîmo
CLAUDIO NICASIO
s. p. D.
Joannes Georgius Grsevissîmus.
Litteras tuas novissimae Idibus Aujgusti scrîptaî Novembris
demum Idibus mihi sunt redditae. Citius poterant ad ulti-
mes Indos ac Seres perferri. Moram hanc excusât illustris
Spanhemius, ejusque culpam assignat diuturnae rusticationi,
et absentiœ ab urbe. Quas kalendis exarasti Februarii per-
venerunt ad me mense Martio cura Menagii toîî x<4vu. lis
illico, pro meo in te studio et observantia, reposui respon-
sum, quod ad Mouwenum, qui nostro ad vestrum Regem
oratori est a manu, misi. Video idem fatum hujus epistolœ
fuisse, quod binarum tuarum, quas ad me dédisse narras,
praeterhas, quas commemoravi. Eas enim nullus vidi. Doleo
vehementer illarum voluptate mihi fuisse carendum, cum
quod tuis omnibus mihi nihil sit acceptius, tum quod sem-
per ex iis cognoscam de re litteraria scitu dignissima. Meas
quoqùe nollem intercidisse, vel hoc uno nomine, ne suspi-
cionem officii negligentius culti tibi dederint, quem inprimis
amo, et a quo amari valde laetor. Velim igitur tibi sit per-
suasissimum, me in officii religione tuenda nihil curae pras-
termisisse, nec commissurum unquam ut litteras meas,
omneque studii genus,quoda me proficisci potest, desideres.
Culpam superioris temporis luat fortuna utrique nostrum
infesta, quae nos defraudavit fructu jucunditatis suavissimae.
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142 LETTRES A l'abBÉ NiCAISE-
quam ex mutuis litteris capîmus. Nostrum vero est hanc
sarcire jacturam in posterum litterarum assiduitate. En dex-
tram ! in me nulla erit mora. Tempestatem îllam atrocem,
quae politioribus artibus apud vos incubuit, spero jam aut
detonuisse, aut brevi desaevituram. Ne sinint superi, ut in
Gallia, illa omnium elegantiarum officina, cultus quoque
litterarum, ut in cetera fere Europa, exolescat. Apud nos
satis omnia frigent, et ille pristinus ardor rem litterariam
ornandi consenuit. Amsterodami tamen prodierunt Her-
manni Witsii de Aegyptiacorum sacrorum cum Hebraeis col-
latione libri très (i), contra Marshamum, quibus accesserunt
de decem tribubus Israelis, et legione fulminatrice duas dia-
tribae ; ûcxoOéwjtç Homeri, quas in Kircheri Latio habetyr, a
Gisberto Cupero illustrata, cum explicatione gemmas Au-
gustes, et variorum numismatum ac inscriptionum antiqua-
rum (2) ; Antonii van Dalen de oraculis ethnicorum duas dis-
sertationes, cum libello de consecrationibus gentilium (3) ;
Lugduni vero Batavorum exercitatio Jacobi Gronovii de
morte Judas (4). Sub prœlis sudat ibidem Isaaci Vossii Ca-
tullus (5), Lucas Holstenii notas in Stephanum de Urbibus (6),
(i) Hermann Witsen, théologien, né à Enkhuysen le 12 février i636,
mort à Leyde le 2a octobre 170S, publia en i683, à Amsterdam, un
ouvrage intitulé jEgyptiaca^ dans lequel il soutint cette thèse que les
Égyptiens ont emprunté leurs rites sacrés aux Hébreux.
(2) Apotheosis seu consecratio Homeri, cum explicatione gemmœ Au^
^iis/eof; Amsterdam, i683, in-40, auctore Gisberto Cupero.
(3) Antoine van Dalen, né à Harlem le 8 novembre i638, mort dans la
même ville le 28 novembre 1708, publia à Amsterdam, en i683, la pre-
mière édition de son ouvrage De Oraculis veterum ethnicorum; in-8».
(4) Exercitationes academicœ de pernicie et casu Judœ proditoris ;
Leyde, i683, in-40.
(5) Isaac Vossius, né à Leyde en 16 18, mort h Londres le 21 fé-
vrier 1689. L'impression de son Catullus^ dans lequel la pudeur n'est
guère ménagée, fut commencée en Hollande. Mais, défense ayant été faite
à rimprimeur de continuer, elle fut achevée en Angleterre. L'ouvrage
parut à Londres en 1684, in-40.
(6) Luc Holstenius, né à Hambourg en 1 596, mort à Rome le 2 fé-
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LETTRES DE GftiEVIUS. 143
Amsterodami Diogenes Menagii, hic Theseus Meursii, cum
ejus paralipomenis de populis Atticis (i), quemte jubemus
expectare. Simul ac prœla reliquerit, tu eum videbis ac tuus
Sponius. Epistolfle quoque Ciceronis ad Atticum brevi lucem
videbunt, et vita Nicolai Heinsii, ante primam certe hirundi-
nem. Salmasianus icepl SXiqç tarptxfiç commentarius, si in typo-
graphia regîa typis illis splendîdioribus mandabitur, gaudebo.
Sin cum illustri viro, qui haec praeclara meditabatur,
ista spes est extincta, et Salmasiani heredes voluerint hune
herois thesaurum ex tenebris istis in publicum hic proferri,
si ad me mittetur, curabo ut statim Amsterodamenses ma-
num illi admoveant, et qua vos ipsi volueritis forma prodeat.
Sed nolim tamen te ullam invidiam hujus negotii caussa su-
bire. Satis mihi tua fides est spectata. Si qui maximi viri
lucubrationes has possident, noluerint eas cum eruditis viris
publiée communicari, cur nos laborabimus? Amplissimo
Curtio et filiis Salmasii nobilissimis quaeso ut salutem nun-
cies et mea déferas officia. Natu minimum hic vidi ante de-
cennium, quem valere volumus. Pro pulcherrimi Sponii
miscellaneis tibi gratias egi in epistola, quae periit (2). Nunc
paucis tantum tibi affirmo, gratius nullum munus mihi of-
ferri potuisse. Quot enim et quam insignia antiquîtatis mo-
numenta ignoraremus omnes cum magno detrimento, si ea
non tanto studio coUegisset vir eximius, et luce publica do-
nasset. Plurimum illi debebimus non nos solum, sed omnis
posteritas, quam dîu cultiori doctrinae suum constabit decus.
vrier 1661. Ses Notœ et castigationes in Stephani By^antini *ïJhutL^
Leyde, 1684, in-f«, sont une œuvre posthume, éditée par Th. Rycke.
(i) Theseus sive de ejus yita; accedunt Meursii Paralipomena de Pagis
atticis et Excerpta ex Jacobi Sponii Itinerario; Utrecht, 1684, in'-4'*«
(a) Jacob Spon, né à Lyon en 1647, "^ort à Vevey (Suisse) le 25 décem-
bre i685 ; ses Recherches curieuses d'antiquités ont paru à Lyon, en i683,
in-4«; les Miscellanea eruditœ antiquitatiSy furent publiées également à
Lyon, en i685, in-K
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144 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
Heinsiana biblîotheca vendita est Aprili superîore. Ut tamen
tibî aliunde tertium tomum notarum Grotii in novum fœdus
eruam mihi erit curae. Nam in auctionibus non nunquam
occurrit. Te vicissim rogo ut Bullialdi (i), Rigaltii (2) et Val-
lesii (3) de populis fundis libelles apud vos editos Divîone,
quos frustra diu quœsivi (4), mihi emas. Pretium aut Spanhe-
mio, aut Menagio, aut cui Jusseris, renumerabo. De Sparta,
ad quam Veneti me sollicitarunt, cum mihi gratularis, mul-
tum te amo. Nihil etiam nunc decrevi de hoc negotio. Res-
ponsum expecto litteras ad meas nuperius scriptas ad virum
nobilissimum, quimecum egit de hac re. Nostri me sibi mul-
tis modis devinciunt, ne quid novi moliar. Si quid decrero,
tu ex me rescisces. Nihil mihi posset optatius accidere, quam
tui complexu frui. Num pluribus accessionibus aucta sint
Sponii Miscellanea pervelim scire. Facile hic inveniam, qui
illa omnia sit editurus, si et édita, et quœ nondum prodie-
runt, hue voluerit mittere. Salmasii in Epictetum utinam
prœstaret Lamarius ! Vale, vir praestantissime, et me ama.
Trajecti KL. Decembribus CID HC XXCIII.
(i) Ismaêl Boulliaud, astronome, né à Loudun le 28 septembre i6o5,
mort à Paris le a 5 novembre 1694, auteur d'une Dissertatio de populis
/wiiif 5 ; Strasbourg, i656, in-8».
(2) Nicolas Rigault, érudit, né à Paris en 1577, garde de la Biblio-
thèque du Roi de 161 5 à 1645, mort à Toul en août 1654.
(3) Henri de Valois, né à Paris le 10 septembre i6o3, mort dans la même
ville le 7 mai 1676, était issu d'une famille noble de la basse Normandie.
Le nom des Le Valois se rencontre souvent dans les annales de Caen
{y o\v Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie^ t. xxx, 1880,
p. I et suiv.). C'était pour un de ses parents qu'avait été construit le châ-
teau de Fontaine-Etoupefour, naguère l'un des plus charmants spécimens
de l'architecture civile à la fin du XVI» siècle. En visitant, il y a quelques
années, les ruines de cette belle demeure, nous avons relevé, sur une
pierre brisée, tombée d'une des fenêtres de la toiture, l'inscription sui-
vante, que M. de Caumont avait vue en place sans pouvoir la déchiffrer
exactement : LVD. VALESIVS | HAS CÔSTRVI | IVSSIT AEDES |
i583.
(4) Les dissertations d'Henri de Valois, de Nicolas Rigault et d'Ismaël
Boulliaud de Populis fundis ont été réimprimées à Amsterdam, en 1740,
par les soins de Pierre BUrmann.
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LETTRES DE GR^EVIUS. 1^5
XXXVII
Viro Clarissimo
Claudio Nicasio^ Canonico
Divionensi,
Divionem.
Viro doctrina et dignîtate conspicuo
Claudio Nicasio
S. P. D.
Joannes Georgius Graevius.
Quanto tu magis omnes humanitatis numéros implesti,
me litteris amantissimis non unis sollicitando , variique
generis officîis devinciendo, tanto mihi ipse implacabilius
irascor, qui tam longa cunctatione culpam contraxi inexpia-
bilem. Colorem, quem obducam tantse tarditati, nulium
invenio. Non infitior debitum, pœnam, quam meritus sum
gravissimam, non deprecor, nisi pro pœna tibi erit, cons-
cientia peccati, quas me cruciat, et confessio non honestis-
sima. Quicquid de me statues, dependam, modo persuaderi
tibi patiaris, me nec tui, nec nostrœ amicitias obiivione ces-
sasse, sed subinde intervenisse fatale quid ac nec opinum,
quod officii persoivendi cupidum retardavit. Si, omni sinis-
teriore suspicione de hoc silentio diuturno deposita, mecum
redieris in gratiam, ipse mecum quoque redibo in gratiam,
et non committam in posterum, ut maiim culpam deprecari,
quam culpa carere. In fascem, quem inscripsi CL. Sponio,
conjeci exempla epistolarum ad Atticum quatuor (i), Sponio,
tibi, Nobilissimo Curtio, nec non Lamerio débita. Illis adjeci
(0 M. T. Ciceronis Epistolarum ad Atticum libri XVI, ex recensione
J, G. Grœvii^ cum ejusdem animadversionibus ^ et notis integris,,;
Amsterdam, 1684, ^ vol. in-8.
Acédémit de Lyon, eUut dêi Ltttret, 10
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146 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
duoTheseiMeursiani (i) exempla. Alterum tibi, alterum Spo-
niovolo tradi. Hos libros velim accipias testes perpetuae meœ
in te fidei. Epistolarutn ad Atticum duo cetera exempla,
cures quœso tradenda Curtio et Lamario. Fata nostrique
proceres me non siverunt Italiam hac gleba , cui quasi sum
adscriptus, mutare, Quod si tempus et mearum rerum ratio
tulisset in beatissimam illam terram sedes transferre, ac
per Burgundiam vestram eo contendere, nihil profecto tui
amicissimi hominis complexu mihi accidere potuisset opta-
tius. Tantum vero tibi debeo pro tam effusa comitate, qua
me tam amanter invitas iter illuc facturum, ut apud te
divertam, ut gratiam tuo in me studio parem referre nun-
quam possim. Habebo tamen semper, quam diu mei memi-
nero. Amo quoque te plurimum de desideratissima disser-
tatione de populis fundis, quam mihi dono misisti. Habebis
brevi ctvrSwpov tertium tomum annotationum Hugonis Grotii
in Novum Fœdus , quem diu frustra quaesitum tandem
inveni. Quam primum invenero, cui recte tradi possit, mittam
eum ad communem amicum nostrum Menagium. Nicolai
Heinsii (2) bibliotheca dudum , cum tuae mihi redderentur,
erat vendita, non bibliopolis, hoc enim alienum est ab hujus
gentis moribus, sed publice singuli libri per aliquot dies
licitatoribus proponuntur. Plerique vero carissime fuerunt
venditi, magno concursu emtorum ex variis Europœ regio-
nibus. Inter non nullos rariores mihi cesserunt Julii Celsi
paralipomena de rébus Julii Cœsaris in Gallia gestis, quem
librum editor Caesaris in usum Delphini in proœmio negat
se in ulla bibliotheca potuisse reperire (3). Quid fit commen-
(1) /. Meursii Theseus sive de ejus vita liber singularis; Utrecht, 1684,
1 vol. in-4».
(2) Heinsius était mort à La Haye le 7 octobre 1681. Voir plus
haut, p. 137.
(3) Graevius en donna une nouvelle édition à Amsterdam, en 1697, à la
suite de son C /. Cœsar, cum notis Vossii; in-8«.
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LETTRES DE GRiEVIUS. I47
tario Salmasii xepl uXtjç laTptxfjç, et secunda parte notarum in
Epictetum ? Officinam Regiam Parisiensein,si operum horum
edendorum curam susceperit, merito prseferunt omnibus.
Nos gaudebimus, et appiaudemus. Sin forte, quod nolim,
ea spes morte Colberti evanuit, ubi mihi maximi illius viri
fœtus postumos çredere voluerînt, ut nitide typis Amstero-
damensibus describantur quam primum , mihi erit curœ.
Nam est etiam nunc qui sumtus operamque offert. Ubi haec
lucem adspexerint et vobis se probarint, videbimus ut et de
bellica re Romanorum Gallicœ dissertationes hic protru-
dantur. Antonii Ricciardi commentaria symbolica Venetiis
publicata superiore seculo (i) hic nemo vidit. Perscrutatus
sum hoc nomine prsestantissimas, quas in his terris extare
novi , bibliothecas et exquisitissimas , consului <ptXo6(6Xou(;
plurimos frustra. Alia quercus erit excutienda. Hic modo
prodiit Jacobi Gronovii dissertatio (2) , qua Fabretto iratius
respondet, qui in libro de aquis Romse (3) eum vellicarat.
Ejusdem oratio quoque modo publicata est, qua Romulum
non in Italîa natum, sed ex Asia in Italiam venisse conten-
dit (4). Jacobi Perizonii decem dissertationes humaniores,
plenae bonse frugis, variseque doctrinse, cis paucos dies volita-
bunt per ora virum (5). In illis magnorum scriptorum veterum
xapopoiJLaTa quoque nonnuUa notantur. Jubeo te proximo vere
Meursii Themidem Atticam, sive de legibus Atticis librum
ineditum expectare, qui modo ex Suecia mihi missus est, et
(i) Antoine Ricciardi, né à Brescia vers iSio, mort dans la même ville
en 1610, auteur de Commentaria symbolica^ quibus explicantur arcana
ad mysticam^ naturalem et occultam rerum significationem attinentia;
2 vol. in f».
(2) Responsio ad cavillationes Raphaelis Fabretti ; Leyde, i685, in-S».
(3) De aquis et aquœductibus veteris Romœ ; Rome, 1 680.
(4) Dissertatio de origine Romuli, recitata 28 die octobris^ cum alterum
stationis suce quinquennium commendaret; Leyde, 1684, in-8«.
(5) Animadversiones historicœ^ ; Amsterdam, i685, in-8«. Bayle
appelait cet ouvrage V Errata des historiens et des critiques.
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148 LETTRES A L'aBBÉ NICAISE.
nunc prœla nostra subibit (i). Sequetur ejusdem Pira&us,
hoc est de portu Atheniensium, et de regno Lacedsemonio-
rum diatribe, nec non in Chrestomathiam Procli notae (2).
Accepi et auctaria non nullorum iibrorum, quos vir diligen-
tissimus vivus ediderat, et curis post secundis amplificarat.
Ex Anglia, si frons iibri non fallit, nuperius sunt allatœ de
variis bibliorum versionibus et editionibus exercitationes
criticœ anonymi , quibus accedit refutatio libelli , quem
Isaacus Vossius suas de Sibyllis disputationi subjecerat
contra Simonium (3). Is exercitationum harum parens vide-
tur esse, et frons libri fallere. Primum folium in Anglia
procul dubio fuit impressum, cetera vero, si recte video,
hic terrarum. Mecum communicarunt amici hisce diebus
spécimen novorum bibliorum polyglottorum, quorum editio-
nem idem auctor, credo, molitur, longe alius formœ, quam
qua fuerunt Complutensia, Antwerpiensia, Parisina, Anglica.
In horti Malabarici quinto tomo jam desudant operœ.
Sequentur novem alii. Samuelis Pufendorfii rerum a Gus-
tavo Adolpho, et Christina ejus filia gestarum usque ad
tempus, quo regnum abdicavit, commentarius ex Regiis
tabulariis depromtus et conflatus in hac urbe editur (4);
Amsterodami vero anatome maximœ formae, valde, ut aiunt
laTpGv icaTîeç, accurata ; nec non nec non Hugonis Grotii epis-
tolarum, cum quas legatus ad Reginam et regni proceres de
(i) La Themis Attica de J. Meurâîus parut, en effet, à Utrecht, en
i685, in~40, IV-i52-i8 pages. La lettre dédicatoire à Samuel Pufendorf
est Tœuvre de Graevius.
(2) Joannis Meursii de Regno Laconico libri duo ; de Pirœo liber sin^
gulariSy et in Helladii Chrestomathiam animadyersiones ; Utrecht,
1 687, in-40.
(3) Richard Simon, né à Dieppe le i3 mai i638y mort dans la même
ville le II avril 1712.
(4) Commentariorum de rébus Suecicis libri XXVI, ab Expeditione
Gustavi'Adolphi Régis in Germaniam ad abdicationem usque Christinœ;
Utrecht, 1686, in-f».
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LETTRES DE GRiEVIUS. 149
publica re, tum quas exaravit de studîis optimis ad vîros
doctos. Si posset aliquando Josephi Mariœ Suarcsii libellus
invenîri de foraminibus, quas in veterum aedificiis conspi-
ciuntur, qui prodiit Lugduni (i), valde lœtarer. Non donum
peto , ne me putes tam perfrictœ frontis esse. Pretium cui
jusseris illico renumerabo. Scripsi œstate superiori de hoc
libello quoque Sponio. Eas litteras recte curatas esse ex te
intellexî. Vale , vir eximie, et me ama. Trajecti Batavorum,
D. XIII Octob. Dionys. CIO IDC LXXXIV.
XXXVIII
Viro clarissimo
Claudio Nicasio^ Canonico
Divionensi.
Divionem.
Viro virtute et doctrina conspicuo
Claudio Nicasio
S. P. D.
Joannes Georgius Graevius.
Anno superiore tibi misi epistolas ad Atticum et Meursii
Theseum. Recte curatus esse hos libros per CL. Sponium
fidem mihi fecit ejus epistola (2). Misi et duo alia exemplaria
TuUianum epistolarum Divionem, alterum amplissimo La
Mare, alterum Nobilissimo Curtio inscriptum. Nunc accipis
tomumtertîum notarumH. Grotiiin novum Fœdus, quemte
(i) De foraminibus lapidum in prîscis œdificiis ; Lyon, i65a, in-8».Gra5-
vius voulait sans doute réimprimer dans son Thésaurus cette dissertation
de Suarez ; mais il est probable que ses recherches demeurèrent infruc-
tueuses. Plus heureux que son devancier, de Sallengre a trouvé le De
foraminibus et Ta inséré dans le t. I de son Novus Thésaurus antiquita^
tum romanarumy La Haye, 1716.
(a) Voir plus haut, p. 146 et suiv.
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l5o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
desiderare significabas olim (i). Brevi habebis Meursii The-
midem Atticam (2), et Tullium de officiis (3), si hœc vobis
reddita esse intellexero. Hic prodierunt Jacobi Perizonii
Observationes Historicœ (4) et Stephani Le Moine ouXXoy^
Grœcorum patrum cum pereruditis notis (5). Uterque liber
aetatem feret, si his artibus pretium suum honosque manebit.
Lucem quoque vidit Campegi Vitringœ, professoris Fra-
neckerani (6), Archisynagogus, sive de veteris Synagogas
constitutione liber (7), et Theodorici Gronovii spécimen
observationum ad Pandectarum, quos cum Florentino co-
dice commisit, proœmium (8). Quid fit Salmasii opère
postumo icepl OXîjç taTpixfjç ? Lutetids ne typis committetur (9) ?
Nostrorum bibliopolarum prœla parata sunt ad opus istud
edendum, si vestra cunctantur. Sed hoc vestri est consilii. Vale,
vir eximie, et me ama. Trajecti, A. D. X. KL. Maias CID IDC
LXXXV.
(i) Voir plus haut, p. 146.
(2) Voir plus haut, p. 147 et suiv.
(3) Graevius avait-il déjà publié une édition du De officiis ? Les biblio-
graphes ne citent que ses éditions de 1688 et de 1691.
(4) Voir plus haut, p. 147.
(5) Etienne Le Moyne, né à Caen en octobre 1624, pasteur à Rouen
puis docteur de TUniversité d'Oxford et professeur de théologie à Leyde,
mort le 3 avril 1689. «Caen n'a pas donné la naissance à aucun autre
homme qui ait égalé son érudition. » Huet, Origines de la ville de Caen^
1702, p. 595. — Poleni a inséré dans le tome II de son Thésaurus^ fai-
sant suite aux Thesauri de Graevius et de Gronovius, une Epistola de Le
Moyne de Melanophoris, — L'ouvrage dont parle Graevius a pour titre :
Varia sacra^ seu sylloge opusculorum grœcorum ad rem ecclesiasticam
spectantium ; Leyde, i685, in-40.
(6) Kempe Vitringa, orientaliste, né à Leuwarden le 16 mai 1659,
mort à Franecker le 3i mars 1722.
(7) Archisynagogus ; Franecker, i685, in-4«; réimprimé en 1696, in-4»,
sous ce tifre : De Synagoga vetere.
(8) Laurent-Théodore Gronovius, frère de Jacques, a publié à Leyde,
en i685,in-8«, Emendationes Pandectarum juxla Florentinum Exemplar
examinatarum. Voir Max Conrat, Das florentinische Rechtsbuch ; Berlin,
1882, p. X, n. I et suiv.
(9) Voir plus haut, p. 99.
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LETTRES DE GR.EVIUS. l5l
XXXIX
Viro Illustri Claudio Nicasîo
S. P. D.
J. G. Graevius.
Cum domum rediissem ex itinere non unius hebdomadis,
sperabam me illico tuis litteris, quas ante abitum acceperam,
respondere posse, sîmulque tibi mittere vitam Petiti(i); sic
enim mihi constitutum erat, prsecipue cum magna ejus pars
jam sit typis mandata, et non nisi unicum folium restet
imprimendum, cum carminibus Francii, Sladii et Munckerî,
quœ iis, quae tu subnectebas, adjeci (2). Sed, cum de die in
diem nobis illudat librarius, moras nectens nescio quam ob
caussam, suo certe damno, nolui ego diutius ofBcium differre,
ne nimis longa illius intermissione aut negligentiœ aut
oblivionis reprehensionem incurram. Non omittam tamen
hominem lentissimum urgere, ut tandem imponat finem
his libellis, et convitio, spero, illos extundam, cum tantillum
restet profligandum. Tertius Salmasianarum exercitationum
tomus est absolutus, restant indices. Gis duas summum très
hebdomades in publico cum prioribus antehac editis com-
parebit (3). Illustrissimus Lantinîus prologos adornavit, qui
erant prsefigendi. Eos jam confectos esse scripsit Salmasio.
Utinam illi circa hoc tempus ad nos possent deportari.
Nullus dubito quin ornamento sint futuri huic operi. Sed
longiores moras typographi vix ferent. Scribet cras Salmasius
(i) Pierre Petit, médecin et homme de lettres, né à Paris en 161 7, mort
dans la même ville le la décembre 1687.
(2) Graevius publia à Utrecht, en 1689, VHomeri Nepenthes de Pierre
Petit, avec un éloge de Fauteur par l'abbé Nicaise.
(3) Cette deuxième édition des Plinianœ Exercitationes de Saumaise,
ouvrage capital de ce grand érudit, ne parut à Utrecht qu'en 1689.
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l52 LETTRES A l'ABBÉ NICAISE.
Lantino, et rogabit, ut prœfationes suas illico jubeat dcfcrri
Lutetiam, et tibi trabi, ut per Gallœum ad nos quan-
tocyus curentur , quo nomîne compellavi Gallœum. Te
quœso ut et hoc officium manibus Salmasianis, qui tibi
plurimum jam debent, praestes. Ante complures hebdomades
Berkelii commentarius in Stephanum de Urbibus prodiit (i),
sed imperfectus, quamvis viginti annos huic operi insudarit.
Ultimis litteris, in quibus nuUae Berkelii notœ habentur,
subjecerunt excerpta codicum Palatinorum, quœ margini
editionis Basileensis adscripserat Salmasius. Ea prœferam
Berkelianis curis, in quibus multa protrita. Exiit etiam in
lucem Critica Novifœderis vestra lingua conscripta. Nondum
ad nos perlata est. Sed qui in Bataviseam viderunt, quamvis
libérions ingenii homines, quibus Critica Veteris fœdcris non
displicebat, illam non valde probant. Bochardi Phaleg et
Hierozoicon hic denuo prœla subiit; quibus accèdent disser-
tationes postumae ineditœ , quarum spem illis fecerunt
amici (2). Quid apud vos rerum geralur dudum ignoramus.
Cangium diem obiisse valde dolemus (3). Magnam in illo
Jacturam fecit res litteraria, quamvis esset grandis natu.
Nihil ne reliquit, quod post ejus fata publice legi possit ?
Harduinum audivimus moliri responsionem, qua Valliantii
reprehensiones refellat (4). Num illa sub prœloest? Ubi nunc
locorum agit antistes Suessionensis et Bigotius ? Si vobiscum
sunt, rogo ut peramanter meo nomine illos salutes, ut et
Excellentissimum Spanhemium, et Menagium, cui proxime
scribam. In antecessum velim huic significes, diatriben de
Heautontimorumeno Terentiano mihi esse redditam , et
(i) Abraham van Berkel, philologue, né à Leyde vers i63o, mort
en 1688.
(2) Cette édition des œuvres de Samuel Bochart fut publiée en 1692.
(3) Du Gange était mort à Paris le aS octobre 1688.
(4) UAntirrhetius de nummis antiquis,.,,^ ad Joannem-Foy Vaillant^ fut
publié par Hardouin en 1689.
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LETTRES DE GILEVIUS. l53
typographum nostratem suam nobis operam addixisse illi
edendœ (i),simul ac quœ nunc prœla ejus exercent, absolvent,
nisi intercesserint hae procellae bellicœ. Id quoque velim per
te resciscat Wetsteinium tandem admovisse manus Diogeni
Laertio (2), quem adhuc retardavit partim Meibomius, par-
tim charta idonea, partim typi fingendi, nam quos primum
jusserat formari, propter exilitatem sunt répudiât!. Samuel
Tonnulius e superiore cœnaculo, in quod adscenderat^
nuperius per foramen imprudens delapsus, non longe post
exspiravit. Amalthœorum fratrum poemata, qu© his in
terris rarissima fuerunt, ab Amsterodamensîbus subjecta
sunt prcelis (3). Vale, vir prœstantissime, et me ama. Trajecti
D. XXIV Nov. Gregor. CID IDC LXXXIIX.
XL
A Monsieur
Mon^ VAbbé Nicaise.
A Paris.
Viro virtute et doctrina praestanti
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Graevius.
Litteras, quas longo intervallo nuperius ad te dedi, spero
recte tibi redditas esse, causasque diuturni silentii probatas.
Altero die, cum illas ad vos misissem, tuas acceptissimas,
quas VII Novembris exaraveras, mihi tradidit Van der
(i) Cette nouvelle édition du Discours de Ménage sur V Heautontimo^
rumenos de Térence^ parut à Utrechten 1690.
(2) La deuxième édition du Diogenes La'èrtius de Ménage fut publiée à
Amsterdam, en 1692, chez Wetstein.
(3) C'est à Grœvius lui-même qu'est due cette réimpression des
poésies des frères Âmalthée; elle parut à Amsterdam, chez Wetstein,
en 1689.
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l54 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
Meulen, qui salvus ad nos rediit, tibique gratias apud
me maximas egît, pro eflfus© comitatis officiis, quibus
eum et Mœrsevenium excepistis. Longœ intermissionis litte-
rarum culpam expiabo in posterum epistolarum crebritaie,
nec committam ut officium meum retardet aut temporum
aut hominum iniquitas. Spero jam Prolegomena Lantini
ad te esse perlata. Fac quœso ut, si ea velitis prœfîgi Exercita-
tionibus Plinianis, quam primum per Gallœum ad nos curen-
tur. Summum intra très hebdomades in publico illae compa-
rebunt. Utdiutiuseditîonem différant typographis persuaderi
nemo poterit. Si forte propter molem prœfationis fasciculus
nimis intumesceret, in duas tresve sectiones potest dividi,
et singulis hebdomadibus una mitti. Si effeceris ut Lantinus
Salmasii notas in Pollucem (i), et Vallesii ineundem scripto-
rem aç Hesychium annotationes nostrae fidei committat
tuus amicus Aurelianensis (2), de re litteraria praeclare
mereberis. Nam ut Kuhnius accipiat quœ pertinent ad
Pollucem, et Phorbaeus quae illustrant Hesychium (3), mihi
erit curae. Phorbœus ab aliquot annis molitur editionem
Hesychii cum suis et Danielis Heinsii luculentis animad-
versionibus, quas duobus hujus scriptoris exemplaribus
adscripsit uberrimas. Is enim constituerat Hesychium
edere , ut saepius promisit (4). Pictura Junii nondum
potuit invenire qui illi edendae operam et sumtus velit
(i) Saumaise le fils nous a dit plus haut, p. 100, que le PoUux est le
seul ouvrage qui lui soit resté de sa bibliothèque.
(2) Cet ami d'Orléans, détenteur des notes d'Henri de Valois sur Pollux
et sur Hésychius, est Guillaume Prousteau, professeur de droit à l'Uni-
versité d'Orléans. Voir plus loin la lettre de Grœvius du i5 mars 1689,
n» XLV.
(3) Jean Verwey, qui s'est lui-même désigné sous le nom de Phorbœus^
préparait une édition d'Hésychius; mais il mourut, sans l'avoir achevée,
en 1691. Alberti a utilisé les notes de Verwey et a consacré à ces subsidia
les pages XXIV à XXVIII de sa Prafatio.
(4) Sur ces promesses de Heinsius, voir Alberti, PrœfatiOy p. XIV.
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LETTRES DE GR-EVIUS. l55
impcndere, nec hic, nec Amsterodami , quo eam mise-
ram. Tantum est optimarum rerum fastidium. Non tamcn
ante cum ipse conquiescam, tum per amicos învestîgare
et circumspicere omnia desînam, quam reperero qui hujus
operis editionetn suscipiat(i). Morhofii, Kiloniensis Academiœ
Doctoris (2), quo dudum familiariter utor, librum de Pata-
vinîtate Livii (3) legi olim non sine voluptate, Polyhistorem
non legi (4) ; sed qui legerunt amici non probant, nec videtur
valde probasse Benagius in diariis suis Gallicis. Christo-
phorus Cellarius (5) edidit nuper aliquot epistolas Samarita-
norum ad Europœos scriptas, quas habeo. Historiam vero
illius gentis indies expecto. Eruditissimi Pagii animadver-
siones in Baronium (6), ut et Vaillantii de municipiis et co-
loniis volumina (7) cupidissime hic expecto. Miramur nondum
ad nos pervenisse hos libros. Ex Hypatica dissertatione
Pagii (8), quam magni facio, iicet nobis existimare, quam
multa ex his, qui modo prodierunt, libris sint discenda.
Pro Monetae in iilud opus et mortem Cangii toO i:avu pro-
grammate tibi piurimum debeo. Tandem vita Petiti tota
typis est descripta. Nunc folia colliguntur. Proxime illam
videbis. Quœso ut lUustrissimum Huetium, ad quem jam
(i) Les efforts de Graevius furent couronnés de succès ; voir plus haut,
p. 39, note 2.
(2) Daniel-Georges Morhof, professeur à TUniversité de Kiel, né à
Wismar le 6 février 1639, mort à Lubeck le 3o juillet 1691.
(3) De Patavinitate Liviana^ ubi de urbanitate et peregrinitate sermonis
latini universe agitur; Kiel, 168 5, in-4».
(4) Polyhistor^ sive de notitia auctorum et rerum commentarii ; le
tome premier parut à Lubeck en 1688.
(5) Christophe Cellarius, né à Schmalkalde le 22 novembre i638, mort
à Halle le 4 juin 1707.
(6) La première partie des Critica^ du P. Pagi, in Annales ecclesiasticos
Baroniif était-elle déjà publiée? Elle porte le millésime 1689.
(7) Numismata œrea,., in Coîoniis^ Municipiis et Urbibus,,. percussa;
Paris, 1688, in-folio.
(8) La Dissertatio hypatica du P. Pagi avait paru à Lyon en 1682.
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l56 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
litteras dedissem, nisi tabellarii in procinctu starent, sed
sequentur proxime, ut et Excellentissimum Spanhcmium,
necnon viros doctissimos, Menagium, Ballusium, Bigotium
peramanter meo nomîne salutes. Menagii Bailletus et Mene-
demus quo lôco sint îgnoro. Sed ejus dissertatio de Heauton-
timorumeno mihi est reddita, ut nuper tibi significabam,
eaque ut prodeat in lucem providebo. Modaeus noster tibi
salutem dicit, et Menagio Goyerus. Vale, vir eximie, et me
amare perge. Trajecti KL. Decemb. Gregor. CID ID
CLXXXIIX.
XLI
A Monsieur
Monsieur VAbbé Nicaise.
A Paris.
Claudio Nicasio viro insigni
S. P. D.
J. G. Graevius.
Litteras binas, quas nuperius ad te dedi, recte spero
curatas esse per Gallaeum nostrum. Constitueram hac die
nonnulla vitae Petiti exempla tibi mittere; sed librarius,
qui typis suis hœc mandavit, aberat domo, clausa iila officina,
in qua servabantur. In paucis diebus redibit. Videbo num
quis de cohorte iliustrissimi Davosii (i), qui reditum in
Galliam adornat, possit inveniri ; cujus fidei ausim credere
aliquot non tantum tui libelii, sed etîam dissertationum
Petiti. Prolegomena perpulchra Lantini eruditissimi Sal-
masius ad me misit. Jam sub prœlis sudant. Sed qui ad
(i) Jean-Antoine de Mesmes, comte d*Avaux, né en 1640, mort à Paris
le II février 1709, était ambassadeur de Louis XIV en Hollande, au
moment où la guerre éclata.
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LETTRES DE GILEVIUS. iSy
VOS perferri poterint exempla, cum lucem adspexerint ,
nondum exputo. Tibi unum assignatum est. Sed fata viam
invenient. In hoc orbis terrarum încendio , quod nunc
oritur (i), non tantum vastitas multis terris et gentibus
împortabitur, sed Musis quoque silentîum indicetur. Quis
enîm in tanta turba et strepitu illas audierit? Verum de
his Superi viderint. Nos in optimarum artium studiis
conquiescemus, si poterimus. Ad nos cum Gallœus reverterit
quoque propediem, pervelim ex te intelligi, quo Lutetiae
litterae meœ, si quas in posterum volueris a me tibi scribi,
sint curandœ, ut tibi reddantur. Vale, vir praestantissime,
et me amare perge. Quaeso te ut salutes meo nomine
Illustres virosHuetium,Spanhemium, Menagium, Balusium,
Thevenothum , ceterosque litterarum meique studiosos.
Trajecti D. VIII Decemb. CI3 IDC LXXXIIX. Gregor.
CL. Balusio signiôcabis Lactantium illius de persecu-
tionibus martyrum binas intra hebdomades ex claustris,
in quibus tam diu delituit , erupturum tandem in dias
iuminis auras (2).
(i) Louis XTV venait de déclarer la guerre aux Provinces-Unies. L'or-
donnance contenant cette déclaration est datée de Versailles, le 26 no-
vembre 1688 (voir plus haut, p. 99), et c'est sous cette date qu'elle est
insérée dans le Recueil général des anciennes lois françaises^ t. XX,
p. 65. — Il faut donc, sans hésitation, rejeter, comme erronées les dates
données par M. Ludovic Lalanne (Dictionnaire historique^ V« France :
16 novembre 1688) et par M. Dreyss (Chronologie universelle : 3 décem-
bre 1688). — La publication de l'ordonnance eut lieu sans retard. Dans
la Galette du 4 décembre 1688, publiée à Lyon, chez Antoine Julliéron,
le 8 décembre 1688, on lit, p. 208, cet entreRlet: a On a publié une
Ordonnance du Roy portant déclaration de guerre par mer et par terre
contre les Hollandais, avec révocation des passeports et sauvegardes, et
défense à tous ses sujets d'avoir aucun commerce avec les Hollandais et
ordre de leur courir sus. »
(2) La première édition, donnée par Baluze, du Lactantii liber ad
Donatum de mortibus persecutorum^ avait paru en 1680 à Paris; une se-
conde édition, cum yariorum notis^ fut publiée à Utrecht, en 1692, par les
soins du rouennais Paul Bauldry, gendre d'Henri Basnage.
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l58 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
XLII
A Monsieur
Monsieur l'Abbé Nicaise^ chanoine
de la Sainte Chapelle de Dijon.
A Paris.
Vîro praestantissimo
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Grœvius.
Quae de nummo Hadrîani petebas a Wittîo, illico ad eum
misi. Spero illum tibi hanc veniam dédisse. Mihi nihil etiam
nunc respondit. Quatuor nisi fallor epistolis meis responsum
débet. Nescio an in functionis suae muneribus, an in amo-
ribus sit occupatus tantopere, ut amicis vacare non possit.
Cum Amplissimi Lantini litterœ mihi redderentur, prolego-
mena illius jam erant typis descripta. Ut tamen calci indicum
subiiciantur quae jubet emendari, mihi erit curœ. Prolego-
mena illa sunt elegantissima et Lantino digna, ad quem
exarabo proxime litteras. Ad te in his quatuor hebdomadibus
très dedi minime Laconicas, in quibus de omnibus, quse
hic in re litteraria geruntur , tecum egi copiose. Spero
Gallaeum eas accepisse et tibi tradidisse. Nunc tibi signi-
fico Dominum Morau Parisiensem, qui Hagœ procurât res
Régis Poloniœ, in cistam plenam librorum, quae inter sarci-
nas Excellentissimi Comitis Davosii feretur ad Advocatum
Talonum (i), et tradetur Abbati Boudoino, qui ei et ejus filiis
est a studiis, conjecisse fasciculum, qui complectitur qua-
(i) Denis Talon, né à Paris en juin 1628, avocat général, puis président
à mortier, mort à Paris le 2 mars 1698.
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LETTRES DE GRiEVIUS. 1 Sq
tuordecim exemplaria utriusque diatribes Petiti, et, nisi
me properantem nunc fallit memoria, viginti quinque
exemplaria vitae Petiti separatim édita. Fasciculum, ne
periret, inscripsi Thevenotho, ac si deberet inferri biblio-
thecae Regiae, quod etiam fronti fasciculi adjeci. Id quod
veiim Thevenotho Illustri signifiées, meoque nomine salutem
nuncies peramanter, ut unum exemplum servet bibliothecœ
Regiae, reliqua tibi tradat. Quod si ex iliis unum quoque
reddi curaveris Illustrissime Ducî Mantauserio, cui promisi,
me summopere devincies. En tibi litteras Salmasii. In novis-
simis meis petieram, ut mihi signifîcares, quo, cum disces-
serit Gallaeus, Lutetiam velis perferri meas litteras , ne
périrent. Commercium enim litterarum non interpellabit
credo clangor tubarum et armorum strepitus. Mea sane
semper officia tibi erunt praesto. Quam primum autem hoc
ex te intellexero, uberiores a me habebis. Menagîo, Balusio,
ceterisque doctrina claris et mei studiosis hominibus, die
quseso meo nomine salutem, ut et Illustriss. Suessionen-
sium antistiti, queni spero meas, quas nuperius ad illum
dedi per Prelardam bibliopolam curandas, accepisse. Balusio
velim signifiées Lactantium tandem in duabus tribusve heb-
domadibus in lucemproditurum (i), Menagio vero dissertatio-
nem ejus de Heautontimorumeno jam esse in manibus biblio-
polae, propediemque prœla subituram (2). Vale, tu doctaque
cohors tota, et me ama. Trajecti D. IV Kl. Jan. CID IDC
LXXXIX, quem tibi decurrere placide feliciterque volo.
Praecipiti scriptioni quaeso ut ignoscas.
(1) Nous avons déjà dit, p. 157, que, contrairement aux prévisions de
Grœvius, le Lactantii Liber ad Donatum ne vit le jour qu'en 1692. L'édi-
teur Paul Bauldry est né K Rouen en. 1639 (la Biographie générale
dit 1629) et est mort à Utrecht le 16 janvier 1706.
(2) Cette troisième édition, augmentée et corrigée, du Discours de
Ménage sur V Heautontimorumenos de Térence, fut publiée à Utrecht
en 1690.
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l60 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
XLIII
A Monsieur
Monsieur VAbbé Nicaise.
A Paris.
Claudio Nicasio viro praestantissimo
S. P. D.
J. G. Graevius.
In his tribus mensibus, qui nuperius decurrerunt, quatuor
minimum ad te litteras dedi. Priores très misî pro mea con-
suetudine ad Gallasum per eosdem amicos, per quos ceteras
curavi antehac. Novissimas conjeci in epistolam ad Illustrem
Spanhemium. In iilis significabam me quatuordecim exem-
plaria duarum dissertatîonum Pétri Petiti, etviginti quinque
tuse epistolas de illius vita separatim éditas conjecisse in
fascem obsignatum probe, inscriptumque lUustriThevenotho,
quasi is deberetur bibliothecœ Regiae, ne periret. Hune
fasciculum Virum eximium Morovium Farisiensem, qui
Hagae Comitum Régis Poloniae oratorem agit, commisisse
m. Comitis Davosii ministro, qui illam condiderit in cistam
plenamaliorumlibrorum,quœ Advocato Generali, ut loquun-
tur, Talonio mittatur, et tradenda sit abbati Boudoino, qui Ta-
loniosita studiis. Tuum esse uthaec indices Thevenotho, ut
tibi provinciam imponat hos libros, qui inter sarcinas Davosii
navibus ad vos avecti sunt, ex aedibus Talonii petendi. Te
quoque rogaram ut unum exemplum harum diatribarum
meo nomine Duci Montauserio, quia hanc spem ei feci,
aiterum Antistiti Suessionensi, o£Feri:es compactum. Quicquid
impenderes y cum hic velari propter temporis angustias
nequirent, in illa expolienda me bona fide renumeraturum.
Significabam praeter haec me tuam schedam, quam mihi ferebat
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LETTRES DE GR^VIUS. l6l
Spanhemii epistola, illico misisse Wittio. Nihil ego responsi
tuli, quamvis non unis litteris a me sit lacessitus, adjectis
etiam quibusdam munusculis. An tibi responderit, quod
summopere ab illo petebam , ignoro. Intellexeras quoque
in illis litteris ultimis ex me, quœ Lantinus miserat in
prolegomenis suis emendanda sero fuisse ad nos perlata,
cum jam essent tota typis descripta. Quam primum facultas
fuerit ad vos exemplaria mittendi, videbitis ea. Ubi bas
litteras tibi redditas esse accepero , plures et uberiores
habebis. Nunchoctantum addo IsaacumVossiumdeveterum
theatrorum magnitudine et structura librum edere in An-
glia(i); Oxoniae edi Hippolyti opéra (2), Londini Vossii patris
epistolas (3), et novum Fœdus cum plurimorum vetustorum
codicum lectîonibus. Vale, vir prœstantissime, et me amare
perge. Salutem quaeso ut dicas meo nomine W. Illus-
tribus Thevenotho, Balusio, Bigotio, Huetio, Harduino ,
ceterisque nostri studiosis. Ad Huetium ut et 111. Ducem
Montauserium, num novissimae meae perlatae sint pcrvelim
scire Hisce diebus ex Germania perlata est ad me Samuelis
Pufendorfiî epistola latina, contra ephemeridum rei litterariae
Parîsiensium auctorem édita (4), quam si nondum vidistis,
videreque desideratis, vobis mittam. Iterum vale. Trajecti,
XVII Januar. CID IDC LXXXIX.
(1) Ce livre était sans doute la continuation du Variarum Observation
wwm Li^er, publié à Londres en i685, dans lequel Isaac Vossius avait
traité de la grandeur de Tancienne ville de Rome et du nombre de ses
habitants. A-t-il vu le jour ou est-il resté inédit ?
(2) Cet Hippolyte est le père de TÉglise, sur lequel l'attention a été
rappelée, il y a quelques années, à propos des Philosophumena.
(3) Gérard-Jean Vossius, né près d'Heidelberg en 1577, mort à Ams-
sterdam le 17 mars 1649 ; ses Epistolœ ont été publiées à Londres en 1690,
in-folio.
(4) Epistolœ duce super censura^ in Ephemeridibus Eruditorum Pari^
siensibus et Bibliotheca universaliy de quibusdam scriptorum suorum
locis LUa^ ad V. Cl. L, Andream Rechenbergium ; Leipzig, 1688, in-4<».
Académie de Lyon^ cloue des Lettre$. 1 1
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102 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
XLIV
A Monsieur
Mons' VAbbé Nicaise.
A Paris.
Viro praestantissimo
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Graevîus.
En tibi tandem nummum quem desiderabas. Pridie
Wittius illum ad me misit, testatus obitum sororis variasque
molestias intercessisse, quo minus et tîbi et mihi maturius
responderit. Pictorem ait nummum istum sic diluisse calce
et arena, ut litteras fere omnes eluerit. In iîs colligendis se
nunc esse. Quo negotio ubi fuerit defunctus, se tibi res-
ponsurum. Quinque minimum ad te his tribus quatuorve
mensibus ad te misi epistolas. Très per Gallaeum, cum
vobiscum ageret, unam per lUustrem Spanhemium, quintam
curavi ad Menagium. In binis novissimis significavi Illus-
trissimi Davosii comitibus me commisisse quatuordecim
exemplaria dissertationum Petiti de nepenthe et anthropo-
phagis, et viginti, ni fallor, quinque vitas Petiti, quam tu
litteris mandasti. Sed num hœc et ulla epistoiarum mearum
ad te pervenerit nondum mihi licuit rescire. Fasciculus erat
inscriptus Thevenotho, ac si ad Regiam bibiiothecam perti-
neret, ne periret. Pervelim igitur verbo de his certior fieri.
Quod si per vos licuerit, crebrioser a me habebis. Isaacum
Vossium obiisse modo ex Britannia mihi nunciatur (i). Nihil
mihi potuit nunciari flebilius. Salmasius de homonymis
(i) Isaac Vossius ëtait mort à Londres le 21 février 1689.
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LETTRES DE GR^EVIUS. l63
uXt)ç tarpaîjç jam prostat, ut et Cebetis tabula cum notis
Jacobi Gronovii, variis in locis ex Regiis vestris codicibus
emendata (i). Tuas avidissime expecto. Vale, me ama, et
CLL. W. Menagio, et Ballusio, nec non Thevenotho salutem
die meo nomine. Trajecti, postrid. KL. Martias CID IDC
LXXXIX.
XLV
Viro praestantissimo
Claudio Nicasio S. P. D. J. G. Graevius.
Binas tuas Antwerpia mihi misit Excellentissimus Spanhe-
mius ; tertias Galleeum mihi reddisse cognosti credo ex iis,
quas per Reverendissimum Suessionensium Antistitem ad te
curavi. Gaudeo sane virtutis suae praemium tulisse Spanhe-
mium; quod enim majus optare potest, quam tantum sui desi-
derium, quod invitus a vobis avulsus reliquit, et, quod caput
est, tanti Régis tantum et tam prœclarum judicium, quod de
illo fecit. Faxit Deus ut brevi pax restituatur, et per illam
Spanhemius vobis. Antwerpiœ praestolatur adhuc Principis,
cujuslegatum agit, jussa. Speramus tamen brevi nos volupta-
tem, quam animo maximam jam praecipimus, ex tanti et tam
desiderati amici complexu, suavissimaeque consuetudinis fructu
esse capturos. Quot soles condemus gratissimis fabulis de te,
de Huetio, Menagio, Bigotio, aliis amicis, deque nostrarum
artium studiis, si, quod vovemus, in his terris ei commorari
licuerit. Significavit se Hesychium et PoUucem Vallesii mihi
apportare. Simul ac mihi traditi fuerint, ex me faxo ut intelli-
gatis. CL. Prustello (2) rogo ut meo nomine gratias agas, cum
(i) Cebetis Thebani tabula^ Grœce et Latine^ tnultis in locis restituta ex
MSS. Codicibus ; Amsterdam, 1689, in-8».
(2) Guillaume Prousteau, professeur à T Université d'Orléans, né à
Tours en 1628 (baptisé le 17 mars), mort à Orléans le i5 mars 171 5,
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164 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
hos libros nobiscum voluit communicare. Servabuntur sancte,
et ubi descripta fuerînt quae ad ornandam horum auctorum
novam editionem facient, remittentur per certes homines.
Sarcinas lUustrissimi Davosii tandem ad vos pervenisse, ac
cum iis fasciculum ad te, puto. Ex optimi Wittii animo tui
amor et memoria minime effluxit. Procul dubio, brevi longius
silentium pensabit et ubertate et frequentia litterarum. Mor-
bus diuturnus et secuta morssororis,quae Amsterodami nupta
fuit viro primario, nec non moles negotiorum in nova func-
tione insueto gravis, voluntatem scribendi ad vos retardavit.
In tanta vicinitate tribus quatuorve mensibus nuilas ab eo lit-
teras habui, nisi nuperrime, cum numismatis, quod deside-
rabas, ectypon mihi mitteret, quod credo accepisti. In iis ait se
tôt tuis brevi responsurum. Petiit ad se mitti Francisci Junii
opus de pictura et pictoribus, spe non dubia fore, ut aut Dor-
draci, aut Roterodami typographus inveniatur, qui elegantis-
simis libris manus et sumtus velit commodare, cum hic et
Amsterodami frustra simus omnia experti. Sin minus, ablega-
bitur ad te, cum facultas fuerit. Mittam quoque Pufendorfii
epistolam. Van der Meulen (i) et Modaeus tibi vicissim salu-
tem dicunt, gratique tua in se mérita commémorant. Quid de
Isaaci Vossii iibro de theatris nobis sperandum sit, postquam
obiit, nondum rescire licet ; ubi resciero, tu quoque scies.
acheta de Marguerite Chesneau, veuve d'Henri de Valois, la bibliothèque
laissée par ce savant. Il en fit le plus noble usage, en communiquant libé-
ralement les ouvrages qui lui étaient demandés. En 1679, il autorisa
Grœvius a publier les Notœ et Animadversiones de Valois sur Harpocra-
tion, et elles furent effectivement publiées par Gronovius, à Leyde,
en 1682. Le succès que ces notes obtinrent encouragea Grsvius a solliciter
la communication d'autres notes de Valois sur PoUux et sur Hésychius,
et nos lettres prouvent que sa demande fut favorablement accueillie. Voir
sur Guillaume Prousteau et sur sa Bibliothèque une étude de M. Bimbe-
net, Mémoires lus à la Sorbonne en 1864, Histoire, p. 357 ^ 407-
(i) Jean-André van der MUlen, né à Utrecht le 6 décembre i655,
magistrat à Vianen près Utrecht, puis à La Haye, mort dans cette der-
nière ville en 1702.
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LETTRES DE GR/EVIUS. l65
Magnam a me înibis gratiam, si dissertationum Petiti exem-
plar meo nomine jusseris ofFerri lUustrissimo Duci Montau-
serio. Fabula Commirii (i) digna est ejus ingenio. Ille nitor
et infucata munditîes prodebat statim auctorem, etsi ex te
illius nomen non didicissem. A te quaeso ut virum eximium
meo nomine saintes. Ab illo tempore, quo Celsissimus Mo-
nasteriensis Epîscopus, ô ixûocapC-nfjç, mihi ejus carmina donavit,
quae non tantum ipse cum magna voluptate lego, sed aliis
saepe recito, cultissimum ejus ingenium magni feci. Ex Bigo-
tii litteris accepi Blancium (2) edidisse librum de nummis
Caroli Magni, Ludovici Pii et Lotharii (3). Hujus videndi
magno teneor desiderio. Sed qua via possit ad nos pervenire
non video. Wehieri itinerarium per Italiam, Dalmatiam, Grae-
ciam, Asiam minorem (4) in Gallicam linguam ex Anglica con*
versum Amsterodami prodiit, multis Graecis inscriptionibus
et nummis, multis quoque, quae pertinent ad situm urbium
et locorum, ut et ad rem herbariam observationibus insigne.
Sed Graeca corruptissime sunt édita. Vale, vir eximie, et me
ama. V.V. ILL. Huetio, Thevenotho, Balusio, Mabillonio,
Harduino, ceterisque amicis salutem plurimam, si videris,
ut dicas rogo. Trajecti, V/XVMart. CID IDC IXC (5).
(i) Jean Commire, jésuite et poète latin, né à Amboise le iS mars 1625,
mort à Paris le 25 décembre 1702.
(2) François Leblanc, auteur du Traité historique des monnaies de
France.
(3) Dissertation sur quelques monnaies de Charlemagne^ Louis le Dé-
bonnairey Lothaire et ses successeurs^ frappées à Rome; Paris, 1689,
in-4».
(4) Georges Wheler, né à Breda (Hollande) en i65o, mort à. Houghton
(Angleterre) le 18 février 1724. La relation de ses voyages, publiée en
anglais à Londres en 1682, fut traduite en français et éditée à Amster-
dam en 1689, deux vol. in-80.
(5) Les exemplaires des dissertations de Petit, dont il est plusieurs fois
question dans les lettres que nous venons de publier, sont devenus fort
rares. Toutes les recherches que nous en avons faites, même dans la
Bibliothèque nationale, ont été infructueuses. *
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l66 LETTRES A l'aBBÊ NICAISE.
XLVI
A Monsieur^
Monsieur l'Abbé Nicaise,
A Dijon.
Claudio Nicasio Viro Illustri
S. P. D.
J. G. Graevius.
Binas meas, quas Leersio nunc Lutetiae haerenti ad te cu-
randas misi, recte tibi cum Junio de pictura veterum aliisque
non nullis, quae ego et Modeus tibi misi, curata esse spero. In
novissimis quoque significavi, in illo fasciculo, quem Gene-
vensi via per Heivetios ad me curasti, haberi historiae Delphi-
natus Chorieri tomum posteriorem, sed si priorem quoque pos-
ses mihi reperire (i), te tuum beneficium mire cumulaturum,
pretium vero tibi me renumeraturum per nostros bibliopolas,
simul ac jusseris et ubi jusseris. Salmasii vita si per Leersium
ad nos mitteretur, nullus dubito, quin illam simus visuri, et
ut lucem videat, operam daturi. Ex Britannia hue allatus
est nova Euripidis editio a Josua Barnesio (2), Cantabrigiae
cum ejus et aliorum notis publicata in folio, ut loquuntur.
Oxoniae sub proeiissunt librorummanuscriptorumOxoniensis
et Cantabrigiensis Academiarum, nec non celebrium per
Angliam et Hiberniam bibliothecarum catalogus, cum indice
Alphabetico, cura Eduardi Bernardi tomis duobus in folio (3).
(i) Nicolas Chorier, né à Vienne (Isère) en 1609, mort à Grenoble le
14 août; 1692, a composé une Histoire générale du Dauphiné; le tome I*""
a paru à Grenoble en 1 661, le tome II à Lyon en 1671.
(2) Josué Barnes, professeur à l'Université de Can^bridge, né à Londres
le 10 janvier 1654, mort le 3 août 171 2. Son édition d'Euripide, Euri^
pidis quœ extant opéra omnia, parut à Cambridge en 1694 ; un vol. in-f».
(3) Le no 211 des Transactions philosophiques (juin 1694) contient une
pièce d'Edward Bernard, qui porte le titre que Graevius vient de trans-
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LETTRES DE GRiEVIUS. l6j
Plantarum Historiae Universalis volumina duo, cum Schc-
matismis elegantibus, auctoribus Morisono (i), Hydo (2) et
Jac. Bobartio (3). Thucydides de bello Peloponnesiaco Graece
et Latine cum scholiis veterîbus et annotationibus Joannis
Hudsonii, et chronologia Henrici Dodwelli, in folio (4). Xeno-
phontis opéra Graece et Latine, cum variis lectionibus, tribus
voluminibus in 8^ Phalaridis epistolae cum versione et notis
Caroli Boylii in 8** (5). Pîndarus cum scholiis omnibus vetc-
ribus et variis lectionibus studio virorum doctorum, fol. Lu-
cretius cum annotationibus Thomae Crech, in 8** (6). Aegypti
historia Arabice et Latine curante Hydo. Dionysii Periegesis
Graece et Latine cum scholiis ineditis, 8**. Qui nunc sequun-
tur jam lucem adspexerunt. Aristeas de LXXII interpretibus
cum veterum scriptorum testimoniis. Thomae Hydii com-
mentarius de schacis et ludis aliis gentium orientalium (7). '
Guilielmi Somneri (8), Caroli du Fresne et Edmundi Gibsonii
crire : Librorum manuscriptorutrif etc. Mais nous ne connaissons pas les
deux volumes in-folio. Voir plus loin, p. i yS et 1 74.
(i) Robert Morison, botaniste, né à Âberdeen en 1620, mort à Londres
le 9 novembre i683.
(2) Thomas Hyde, né à Billingsley le 16 mai i636, mort à Oxford
le 18 février 1703, a collaboré à V Historia Plantarum de Morison, non
pas comme botaniste, mais comme orientaliste, par des Annotationes
nominum lingua Arabica^ Persica et Turcica.
(3) Cest Jacques Bobart, directeur du Jardin botanique de l'Uni-
versité d'Oxford, et non pas Dodart, médecin français, comme le dit la
Nouvelle Biographie générale^ XXXVI, p. 604, qui a continué la Planta--
rum Historia de Morison.
(4) Jean Hudson, né à Widehope en 1662, mort le 27 novembre 1719.
Son Thucydides^ avec la version de Portus et la chronologie de Dodwell,
parut à Oxford en 1696.
(5) Charles Boyle, né à Chelsea en 1676, mort le 28 août 1731. Son
Phalaris parut à Oxford en 1695.
(6) Thomas Creech, né à Blandford en 1659, mort en 1700. Son Lu"
cretius parut à Oxford en 1695.
(7) L'ouvrage de Thomas Hyde, ayant pour titre De Ludis orientalibus
libri //, parut à Oxford en 1694 ; deux vol. in-80.
(8) William Somner, né à Canterbury le 5 novembre 1 598, mort dans
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l68 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
dissertationes de portu Iccio (i). Sed nihil horum omnium ad
nos pervenit quam Aristeas. Cetera tamen expectamus in
dies. Si quid inaudisti de Bergerio (2) de viis magnis Roma-
norum, quem in latinam transtulisse linguam Veronensem
quendam ex te olim et aliis accepi : num pergat, an consilium
hoc abiecerît, si mihi significaris, ubi id rescierîs, me devin-
cîes novo vinculo. De tua valetudine certior fieri valde cupio,
cui fac servias neglectis aliis omnibus rébus. Ego pro ea vota
huncupo quotidie. Faxit Christus Sospitator ut eam bene se
habere propediem ex tuis litteris cognoscam. Salveat quaeso
meo nomine Illustris Latinius et ceteri viri eximii La Marius
et Santolius. Trajecti, praecipîti calamo, D. IV Octob.
CID IDC XCIV Gregor.
In hac urbe prodiit Longinus de sublimi dicendi génère,
cum omnium notis, cura Jacobi Tollii, qui illum libellum
cum quibusdam mss. contulit. Adjecit etiam Gallicum Boi-
lavii, cum suis et Dacierii notis, in 4** (3).
la même ville le 3o mars 1669. Sa réponse Ad Chiffletii librum de Portu
Iccio fut publiée à Oxford en 1 694, par Edmond Gibson.
(i) L'emplacement du Portus Itius est, encore aujourd'hui, un sujet de
vives controverses. Voir les comptes-rendus de la vingt-septième session
du Congrès archéologique de France, tenu à Dunkerque en 1860,
p. 57-73.
(2) Nicolas Bergier, né à Reims en 1567 (Moréri dit i557), mort à
Grignon (Seine-et-Oise;, et non pas, comme le disent plusieurs biographes,
à Grignan, le i5 septembre 1623 ; il était, en effet, Thôte du Président de
Bellièvre, seigneur de Grignon. Son Histoire des grands chemins de
l'Empire romain fut publiée en 1622. — Graevius avait intérêt à savoir
si le Véronais donnait suite à son projet de traduction ; car un philo-
logue hollandais, Henri-Christian de Hennin (voir plus haut, p. i35,
note i), né vers i655, mort à Duisbourg en 1703, préparait, de son côté,
une traduction latine, que Graevius a insérée, avec les notes du traducteur,
dans le tome X de son Thésaurus antiquitatum romanarum,
(3) Cette édition de Longin, que Fabricius qualifie de « luculenta et
prœclarissïma », fut publiée par Tollius deux ans après son retour en
Hollande, c'est-à-dire en 1694, in-40. Elle fut précédée de la collation de
cinq manuscrits, et Tollius y ajouta, comme le dit Graevius, la traduc-
tion française de Boileau et les notes de Dacier.
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LETTRES DE GRiG\'IUS. 169
XLVII
Viro singulari virtute et doctrina
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Graevius.
Ex litteris tuis, quas 1 2 et 26 septembris exarasti, magno
cum dolore accepi, te etiam nunc calcul! cruciatibus angi et
conflictari gravissime. Exanimavit me fere tristissimus hic
nuncius, ut non facile me collecturus sim, antçquam lœtiora
de tua valetudine intellexero. Pro qua vota faciam apud
Christum Sospitatorem, ut tantis doloribus leveris et plane
confirmeris. Id quoque mihi permolestum fuit, nondum tibi
tum redditum fuisse Junium de pictura chartae majoris (i),
nec quœ diu artte per Leersium curavi Huetii poemata {2),
Rubenii diatriben de Mallio Theodoro (3), de Wilde numis-
mata, de quibus proxime plura, cum ex Leersio intellexero
quo ille fascis fuerit delatus. A quo nondum ego quoque ac-
cepi Ghoireri tomum primum Historiés Delfinatus (4) et Ori-
gines Gallicanas Menagii (5), pro quibus tibi mittam thesaurum
antiquitatum Romanum (6), nisi malis pretium tibi pro illis
(i) Voir plus haut, p. Sg, note 2.
(2) Graevius venait de publier à Utrecht (1694, in-8«, et non 1664) une
édition des Carmina Latina et Grœca de Daniel Huet, sous ce titre :
P, Danielis Huetii Poemata quotquot colligipotuerunt.
(3) Albert Rubens, né à Anvers le 5 juin 16 14, mort dans la même ville
le lO"" octobre 1657. Sa dissertation De vita Flavii Mallii Theodori \ena,ïi
d'être publiée à Utrecht (1694, in- 12), par les soins de Graevius. Le tome
XI du Thésaurus de Graevius contient deux autres dissertations de ce fils
du grand peintre Rubens.
(4) Voir plus haut, p. 166.
(5) La deuxième édition, posthume, du Dictionnaire étymologique de
Ménage venait d'être publiée à Paris (1694, in-f»).
(6) Le premier volume du Thésaurus de Graevius parut à Utrecht
en 1694.
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ÎJO LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
renumerari, quod paratum est. De Lilio Gyraldo vix mihi pos-
sum tam splendidam editionem promittere, quam hic adornari
vobis nuntiatum est (i). In Palmyreno itinerario vertendo
lente proceditur. Num statuarum illarum, quas extoUunt
tantopere, deformatio hue perlata sit nondum audivi. Vix ipse
credo illas aequare Mediceae Veneris aut similium signorum,
qufle Romae sunt, elegantiam. De Bergeriana versione latina,
quam concînnare narrabant Veronensem quendam, quia nihil
accepimus, commissum est hoc negotium viro docto, ut in illo
libro transferendo in Latinum ex Gallico nunc elaboret (2).
Morellius nupcr fuit Berolini apud Spanhemium, et Brande-
burgico Electori tantopere probavit suum institutum, utgran-
dem summam pecuniae ad id exequendum promiserit ei.
Rediit ad Comitem Swarzeburgium Arnstadium, ubi nunc
operi accingitur. Misi amicis, quibus destinasti, tua^ disser-
tationis exempla. Curtii vestri immatura mors mihi quoque
perquam luctuosa fuit, cujus ingenium tam multa et praeclara
minabatur. Vitam Salmasii, nisi apud vos prodierit, hic expec-
tamus. Langueti epistolœ in aula Electoris Saxonici ineditas
servantur plurimœ, ad Augustum Principem, qui tum ibi
rerum potiebatur, scripta^. Illarum editionem parabat ante
aliquot annos Carpzovius Lipsise (3), sed videtur hoc consi-
lium abjecisse. De inscriptionibus Gudii edendis nondum
quicquam constituit Leersius (4). Interea nacti sumus ex
(1) Les œuvres complètes de Lilio-Gregorio Geraldî, né à Ferrare le
i3 juin 1479, niort dans la même ville en février i552, étaient alors réim-
primées, avec des Animadversiones de Paul Colomiès (suprà, p. 48, note 3);
elles parurent à Leyde en 1696.
(2) Voir plus haut, p. 168.
(3) Frédéric-Benoît Carpzov, né à Leipzig le i»' janvier 1649, mort le
20 mars (Moréri dit 20 mai) 1699, avait déjà publié en i685, à Leipzig,
des Lettres politiques d'Hubert Languet.
(4) Les Antiquce Inscriptiones recueillies par Marquard Gudius n'ont été
publiées qu'en l'jZi par François Hessel, qui a utilisé les notes réunies
par Graevius et par Jean Kool en vue de l'édition prochaine dont il est
question dans notre lettre.
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LETTRES DE GR^EVIUS. I7I
îUius bibliotheca Phaedrum ejus cum aliquot fabulis ine-
ditis (i) et ejus annotatîonibus eruditis, quibus quamvis
ultima manus non sît împosita, dignae tamen sunt, quse
lucem adspiciant, et nunc ab homine docto componuntur
indigestae, cui curam hanc imposuimus, ut prœla subeant.
Tria quoque volumina epistolarum virorum doctorum ex illo
Musœo perlata sunt ad nos, in quibus unum est illorum, qui
superiori seculo vixerunt in Italia, Alciati, Majoragii (2) et
aliorum, alterum Belgarum, in quo lepidissima est una Eras-
mi Rotterodami ôvéxSoxoç. Ex iis etiam dilectu habito excer-
pentur et luci committentur non paucae (3). De Graecis scrip-
toribus Euripide, Thucydide, Xenophonte, Pindaro, ut et de
Lucretii nova editione, qua^ Oxonii prodiit, nuperius plura
scripsi, Quam epistolam nunciis Parisienbus hinc ad vos
commeantibus publiée credidi. Si illas accepisti, hac via in
posterum utemur. Vale, Vir illustris, me ama et libéra solli-
citudine de tua valetudine. Trajecti ad Rhenum, D. VIII
Decemb. CIO IDC XCIV (4),
(i) Les Phœdri Fabulœ^ enrichies de quatre nouvelles fables que Gudius
avait tirées d'un manuscrit de Dijon, furent publiées à Amsterdam en
1 698 par les soins de Pierre BUrmann.
(2) Marc-Ântoine Conti, né à Majoragio, près Milan, le 26 octobre 1 3i4,
mort le ^ avril i555.
(3) Ce fiit Pierre BUrmann qui dirigea la publication des Marquardi
Gudii et doctorum virorum Epistolce; ces Lettres parurent à Utrecht
en 1697.
(4) Au moment où nous corrigeons les épreuves de cette lettre, détachée
de la correspondance de Graevius et indûment retenue lorsque cette corres-
pondance fut déposée à la Bibliothèque nationale, nous acquérons la cer-
titude que la correspondance de Spon a subi, à la même époque, pareil
démembrement. Dans un Catalogue de livres anciens et modernes^ vendus
à Paris, le 21 avril i883, par le ministère de M* Delestre, assisté de
M. Paul, gérant de la librairie Labitte, figure, sous le n« 189 : Spon,
Recherches des Antiquités et Curiosités de la Ville de Lyon^ nouvelle
édition, avec notes de L. Renier et Monfalcon, Lyon, i858; « on a ajouté
à cet exemplaire une lettre autographe de Spon à Tabbé Nicaise, du
5 avril 1680. » La provenance de cette lettre n'est pas douteuse pour nous.
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172 LETTRES A L ABBE NIC AISE.
XLVIII
A Monsieur
Monsieur PAbbé Nicaise
Dijon.
Viro singulari doctrina et virtute
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Grœvius.
Exiliebam gaudio cum manum tuam viderem, Nam valde
me sollicitum habuit tua valetudo. Nunc te vivere valereque
Ifletor, et ut diu nobis sîs superstes, sine illis molestiis et
doloribus, quibus conflictatus es saepius, Deum veneror. De
Gharlotti antiquitatibus Lingonensibus et antehac et nunc
denuo egi cum nostrîs bibliopolis. Nihil se aiunt posse pro-
mîttere nec fidem suam nobis obstringere, antequam commen-
tarium ipsum viderint. Forte poterint perduci ad illum eden-
dum, cum satis avidi sint talium librorum, in quibus antiqua
monumenta illustrantur, si in alicujus manibus his in terris
esset. Sed nihil certi ausim prœstare. Bonjurii ^gyptica hic
nondum vidimus. Ab Amplissimo Cupero ejus et Eminen-
tissimi Cardinalis Norisii epistolas nondum accepi legendas,
quia publicis negotiis nimis est districtus. Procul dubio
tamen illarum mihi copiam faciet. Salmasii vita ubi nobis
tradetur, operam dabimus ut lucem adspiciat, ut et si quid
de re vestiaria aut aliis antiquitatibus Romanis in scriniis
Lamarianis latet, cujus filio ut et nobilissimo Lantino ut meo
nomine salutem dicas rogo. Desideratissimas Fabretti ins-
criptiones, typis mandari mirifice gaudeo. Spes nondum
evanuit Gudianas in lucem protrahendi. Explorati tamen
aliquid nihil adhuc possum vobis recipere. In magni Britan-
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LETTRES DE GRiEVIUS. IjS
niae Régis rebus gestis, quia mihi hœc persona jam est impo-
sita, memoriae prodendis cum versor, experior quam rcs
ardua sit praeclara facta scribendo aequare. Id tamen me
assequi posse non tam impudens sum ut mihi arrogem.
Fidem, studium veritatis et industriam faxo, si vivo, ne quis-
quam in me desideret (i). Tibi multum debeo, cum mihi de
hac gratularis provincia : quam utinam oniare possim I Ut
pro mea facultate ornem nihil mihi contentionrs reliquum
faciam. Harduini chronologiam et spécimen alterum chrono-
logicum valde videre cupio. Cuperum edidisse de tribus Gor-
dianis doctam diatriben ex ipso, credo, intellexisti (2). Prodiit
hic Mensonis Altingii (3) eruditissima descriptio agri Batavi
et Frisii et vicinorum populorum (4), in qua non nulla Taciti,
Plinii, et Ptolemaei loca corriguntur et vindicantur, non
paucae inscriptiones antiquae producuntur et illustrantur, et
recentium Geographorum errores deteguntur. Elaborât nunc
in illustranda tabula Peutingeriana (5). Exierunt etiam Clerici
de arte critica duo tomi (6). Ezechiel Spanhemius ad nos misit
publicandam diatriben de jure civium Romanorum sub Im-
peratoribus (7). In Britannia prodiit catalogus MSS. biblio-
theca^ Cottonianae. Bernhardus, qui grande moliebatur volu-
men de omnibus MSS. qui in Britannia^ et Hiberniœ biblio-
thecis tam privatis quam publicis lateant, antequam plane ad
(i) Voir plus haut, p. 91, ce que Jean de Witt pensait du choix de Grae-
vius pour les fonctions d'historiographe du roi d'Angleterre.
(2) Voir plus haut, p. 1 15.
(3) Menso Alting, né en i636, mort en 1713.
(4) Notitia Germanice in ferions; Amsterdam, 1697, in-f».
(5) Le Commentarius d* Alting in Tabulant Peutingerii n'a pas été
achevé.
(6) Les deux volumes de VArs critica de Jean Leclerc ont eu plusieurs
éditions, La première parut à Amsterdam en 1696.
(7) Voir plus haut, p. 119. La dissertation de Spanheim a été insérée
par Grœvius, non pas « en teste du tome IX », mais en tête du tome XI
de son Thésaurus.
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174 LETTRES A L ABBÉ WCAISE.
umbilicum deduceretur, obiit (i). Tantum tamen in illo profli-
gatum est, ut spem facîant editionis. Videbis propediem Cal-
limachum mei filii, qui jam lucem vidît, cum diffuso commen-
tario, et pleno varia doctrina Ezechielis Spanhemii (2), ut et
epistolas, quae ex Gudiano Musaeo prodierunt, cum variis
appendicibus (3). Nunc pace facta inveniemus viam, qua recte
haec possint Parisios curari. Spero quoque nos nunc recupe-
raturos fasciculum, quem ante quatuor annos, misi Parisios,
in quo cum numismata de Wilde, tum Lactantius de mor-
tibus persecutorum, tibi inscripta erant, qui in itinere sub-
sedit. De quo proxime plura. Vale, virorum praestantissime
et amicissime, et me ama. Trajecti, D. XlVOctob. Julian.
CI3I3CXCVII.
XLIX
Viro periilustri
Claudio Nicasio
S. P. D.
J. G. Graevius.
Tibi ego succenseam, prœstantissime Nicasi, quisollemnia
kalendarum Januarii vota non reddideris, cum ego justîssi-
mam indignationem tuam provocarim tam longa officii inter-
missione. Sed nostra tam altas egit radices amicitia, ut nullo
silentio possit labefactari. Nam ego te amo et colo, si quis-
quam, optima fide, idque constanter faciam quam diu mei
memor sum futurus, sive crebras, sive raras a te litteras acce-
pero, quibus tamen nihil mihi acceptius reddi potest. Quod
de tuo in me studio mihi quoque persuasi. Spero tandem
(i) Edward Bernard était mort à Oxford le 12 janvier 1696 (Chaufepié).
(2) Voir plus haut, p. 119.
(3) Voir plus haut, p. 171, note 3.
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LETTRES DE GR^EVIUS. lyS
Gudianas epîstolas (i), et Julium Caesàrem (2) inventum esse,
et ad te pervenîsse. Spes etiam est illum fascem, în quo fuit
spécimen numismatum de Wilde, per Leersium nos recupe-
raturos, et tum ad te deportatum iri. Brevi habebis Phae-
drum Gudii (3). Sed de illius inscriptionibus nihil adhuc tibi
promîttere habeo. De Charloti antiquitatibus Lingonensibus
egi denuo cum bibliopolis. Non plane ab iis abhorrent, sed
non ante fidem suam ad illarum editionem procurandam
obstrîngere volunt, quam si ipsas viderint. Si multae în illis
fuerint antiquitates Romanae, et quibusdam tantum acces-
serit levis qua^dam explicatio, nullus dubito quin permoveri
possint, utproelis suis eas subjiciant. Omnes cupide expectant
ut Arnalya Minerva quam primum a te dedicetur in arce Par-
nassi (4). Quo plura si accèdent ornamenta ex antiquis illis
Atheniensium templis, tanto Numen ejus erit augustius et
plures sui excitabit cultores. Antiquitates Palmyrenœ, lingua
Britannica script», cum Theodoro Gronovio a me sunt com-
municatœ, qui in latinam linguam eas conversurus erat,
quod, spero, faciet. Interea perlatae sunt ad nos earundem
Palmyrenarum Inscriptionum interpretationes Latinae et in
illas notae Thomae Smithi (5), et beati Bernhardi, quae prœlis
nostris sunt addicta^ (6). Theodorus Gronovius illustravit ele-
(i) Voir plus haut, p. 171, note 3.
(2) C Julius Cœsar^ cum notis.,. ex musœo J,'G, Gravit; Amsterdam,
1697, ûi-8«.
(3) Le Phcedrus de Gudius parut en effet en 1698, à Amsterdam, par les
soins de Pierre BUrmann. Les Inscriptiones n'ont vu le jour qu'en 1731.
Voir plus haut, p. 170, note 4.
(4) La CL Nicasii dissertatio de Minerva Arnalia eruditissimo anti^
quario Jacobo Sponio nuncupata n'a pas été imprimée ; une copie faite
sur l'original pour le président Bouhier se trouvait naguère à Lyon ; nous
l'avons déposée, le 9 septembre 1880, entre les mains de M. le Directeur
de la Bibliothèque nationale ; elle est aujourd'hui classée dans le fonds
latin du département des manuscrits, nouvelles acquisitions, n<> 291.
(5) Thomas Smith, né à Londres le 3 juin i638, mort le 3o juillet lyiS.
(6) Edward Bernard était mort lorsqu'on publia à Utrecht, en 1698,
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176 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
ganti commentario marmoream basin colossi Tiberio Caesari
consecrati ob civitates Asiae restitutas, quae Puteolis fuit
eruta et a Bullifonio Neapoli édita. Inseretur Thesauro
Graecarum Antiquitatum fratris (i). Bonjurii diatribe de
Josepho (2) ad nos quoque, spero, perferetur, nunc pacato
mari. Cupio illam videre, quia de Serapidis cultu semper
aliter sensi. Palmyrenas antiquitates videbis, quam primum
carceres ruperint. Ex Salmasiana penu de re vestiaria aut de
aliis Romanis antiquitatibus, si quid poterit ab heredibus
Lantinianis impetari, et illis et tibi publiée gratias agam. De
vita Salmasii nihil audimus. Sed tu nunc audi rem, credo,
tibi non ingratam. Scripsit paucos ante dies ad me amicus
Hagensis, in.suas manus incidisse Pétri Patricii commenta-
rium in Aretœum, meque consuluit num illum Patricium
nossem. Respondi plane mihi ignotum illum esse, sed me
scire Petrum Petitum adornasse praestantissimi illius medici
editionem. Petebam ut ad me mitteret folium, quia illius
manus mihi sit cognitissima. Misit proœmium ad lectorem.
Erat id descriptum nitide, sed in margine erant complura
adjecta ipsius Petiti manu, quam statim agnoscebam. Ille
vero nebulo, in cujus fuerat potestate, antequam amicus meus
istius libri potibatur, flagitiose Petiti nomen interpolavit, et
in Patricii tam aperta fraude immutavit, ut ad primum cons-
pectum illa statim pateat. Nunc ut typis hoc opus postumum
describi curet, amicum inflammabo, quod, credo, vobis non
fiet invitis (3). De quibus tamen tuam expecto sententiam.
ses Inscriptiones Grcecœ Palmyrenorum cum scholiis et annotationibus ;
in-8<».
(i) Voir le tome VII du Thésaurus antiquitatum grœcarum,
(2) Dissertatio de nomine patriarches Josephi a Pharaone imposito ;
Rome, 1696.
(3) Mattaire publia à Londres, en 1726, les Commentaires de Pierre
Petit sur Arétée, et Boerhaave les inséra dans Tédition qu'il donna à
Leyde, en 1731, des œuvres de ce médecin grec.
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LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES. I77
Vale, virorum et amicorum optime. Trajecti Batavorum ,
prid. KL. Apriles GID IDC XCVIII.
Epistolae ad Peiresium quando in publico conspicientur?
S i3.
LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES
Louis de Thomaisin, seigneur de Ma^augueSj baptisé à Aix te 2g mai 1647^ mort dans la mime
ville le ig avril i'ji2 (Tami^ey de Larroque, Bulletin critiquCi i88a, p. 254^ note l).
Bourgogne A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise, ancien chanoine
de la S*' Chapelle,
A Dijon.
A Aix, le i3 aoust 1696.
Quoyque ie vous date ma lettre d'Aix, ie suis neantmoins
a la campagne, ou les lettres me sont neantmoîns portées
très scurement. Si i'ay tant tardé a repondre a vostre der-
nière, c'est que ie suis si occupé a travailler a mettre en
estât mes lettres que le jour m'est court ; aussi mon affaire
avance beaucoup, et i'espere de l'envoyer a l'imprimeur envi-
ron a la Toussain. Je crois que vous aurés receu l'ordre
que ie vous envoyay de l'ouvrage et le nombre de lettres
qu'il y a; i'en ay trouvé depuis peu encore quelques unes,
mais présentement ie suis fixé, ie ne crois pas en avoir da-
vantage.
J'ay quelques lettres d'un Edmundus Brutius Ahglois,
Académie de Lyon, classe des Lettres. 13
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178 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
écrites en 1699, a M. Pinellî (i); chaque lettre est une dis-
sertation courte sur une matière; la i'* est de Marmore ovi^
paro, la 2^« Descriptio Struchiocameli^ la 3"* Judicium de
Columna Trajana Ciaconii (a), la 4"* de Silicigîandio^ la 5"*
de Tabula Itineraria Peutingeria^ la ô"* Observationes de
Asturapisce. Je n'ay pas notice que ces traités en forme de
lettres ayent esté imprimés, et par ainsi ie les mets dans
mon receuil.
Je voudrois avoir vostre sentiment quel ordre ie dois
donner a ce grand nombre de lettres; i'ay pensé de ne
regarder pas le temps que lesd. lettres ont esté écrites, mais
seulement la valeur des personnes, comme par exemple les
Latines, ie metray en premier lieu celles d'Holstenius (3),
après Seldenus, Grotius, Meursius, Spelmanus, Camdenus,
Erycius Puteanus (4), etc. Les Italienes et Françoises, ie
suivray le mesme ordre. Je suivray neantmoins vos avis
avec plaisir.
J*ay 46 lettres de Saumaises, il y en a 42 qui n'avoint pas
esté imprimées, ou il y a bien de particularités de sa vie
assés singulières ; il y a une fort longue contre M' de Valois,
dans laquelle il fait voir toutes les fautes qu'il a fait dans
cet in-4" qu'il fit imprimer en 1634, intitulé Excerpta ex Po-
ïybii etc. q. 1. (5) ; il ne l'épargne pas. J'ay une copie d'une
(1) Jean-Vincent Pinelli, né à Naples en i535, mort à Padoue en
1601.
(2) Alphonse Chacon, né à Baeça (Espagne) en 1 540, mort à Rome en
1599, auteur d'une Historia utriusque belli Dacici a Trajano Cœsare
gesti ex simulacris quce in Columna ejusdem Romœ visuntur collecta ;
Rome, 1576, in-f».
(3) Voir TamizeydeLarroque, C/âruieie5aMmârt5tf, i88a, p. 36, note4.
(4) Henri Dupuy, né à Venloo le 4 novembre 1 574, mort à Louvain le
17 septembre 1646.
(5) Les Excerpta^ publiés par Henri de Valois d'après un manuscrit
appartenant à Peiresc, sont un des débris de la grande Encyclopédie
rédigée par ordre de Constantin Porphyrogénète. Ils formaient le cinquan-
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i
LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES. I79
lettre dud. s' Saumaisc sur les Tyrses des anciens; le co-
piste, n'entendant pas le grec, avoit laissé en blanc les cita-
tions, et par ainsi la lettre est défectueuse; mais, comme elle
est fort belle, sçavante, et qu'elle a un sens sans ce grec, ie
ne laisse pas de la mettre; elle estoit écrite a M' du Puy
qui en envoya copie a M' de Peiresc. On voit dans un'autre
lettre touts les demeslés qu'il eut en Holande contre Hein-
sius, qui faillirent à luy faire quiter ce pais ; et autres parti-
cularités de ses ouvrages et de sa vie.
Je voudrois sçavoir si la famille de M' du May que vous
avés a Dijon (i) vient de Gascogne; M' de Saumaise en dit
quelque chose en passant qui vous faira rire.
Golius (2) avoit un frère carme déchaussé, qui estoit en
Levant ; i'ay quelques lettres de ce moine très belles sur les
Ms. arabes et orientaux.
Vous verres dans celles du P. Kircher (3) qu'il avoit faute
de papier a Rome, et que M. de Peiresc lui envoya dix escus
pour ses nécessités,
J'ay deux lettres d'un M' le Batelier d'Evreux, qui explique
la Notice des Gaules ensuite du passage d'Ammiam Mar-
cellin, qui dit Secundam enitn Lugdunensetn Rotomagi et
Turini Mediolanutn ostendunt^ et veut que ce Turini Medio^
lanium soit Evreux; vous verres dans la lettre VI de M*" Sau-
maise qu'il parle fort bien dudiV s*" le Batelier, et discutte am-
plement la matière; je ne sçay pas les qualités dudiV s' le
tième volume de la collection et avaient pour titre : Des vertus et des
vices, — Le manuscrit de Peiresc est actuellement dans la Bibliothèque
de Tours sous le n* 980 (H. Omont, Inventaire sommaire des Manus-
crits grecs des Bibliothèques des départements ; Paris, i883, p. i5).
(i) Pierre Dumay, né à Dijon en 1626, conseiller au Parlement de
Bourgogne en 1647, mort à Dijon le 26 janvier 171 1.
(2) Voir plus haut, p. 52, note i ; cf. Tamizey de Larroque, Claude de
Saumaise^ 1882, p. 36, note 1.
(3) Voir plus haut, p. 124, note 3.
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l8o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
Batelier, en quel temps il est mort, et s'il a composé quel-
q'ouvrage(i).
Je suis presentem^t aux lettres de Gassendi; i'en ay
3o françoîses qui n'ont pas esté imprimées; il y a des belles
choses, et curieuses.
Vous pouvés conter que ie ne quitte pas la besogne que
ie ne Tacheve. Le mal a esté que i'avois fait copier ces let-
tres; mais il y avoit autant de faute que de mots; ie me suis
résolu et déterminé a les escrire moy mesme. Je n'en ay
plus que six des latines, une iS*" d'italiennes et environ
i5o de françoises; les plus difficiles et plus longues sont
faites. Je demeureray plus long temps a les corriger. Il y
aura deux justes volumes in-4% après quoy ie penseray a
donner celles du s' de Peiresc, ou Ton trouvera des choses
merveilleuses; l'ouvrage est de plus longue haleine.
Vous ne m'avés rien dit sur ce que ie vous avois marqué
que i' avois un commentaire sur Pomponius Mêla du P. Sir-
mond asses ample, que i'en avois escrit a M** Anisson, qui ne
m'avoit pas dit l'avoir ou ne l'avoir pas.
J'avoîs veu la lettre que vous avies escrit au P. Pagi ; tout
est commun entre nous. Il vous offre ses respects, i'en ay
touts les jours des nouvelles, il avance fort, il est a présent
en 1184. II aura achevé entierem^/it après la Toussaint, il
trouve beaucoup de difficulté dans ce siècle qu'il débrouille
beaucoup.
(i) M. Bënet, archiviste du département de Saône-et-Loire, vient d'étu«
dier spécialement ces questions. Sa conclusion est qu'il ne s'agit pas ici
de Jacques Le Batelier, sieur d'Aviron, avocat au présidial d'Évreux et
commentateur de la Coutume de Normandie ; ce Le Batelier est mort en
1 590. Il s'agirait d'un autre Le Batelier, membre du Chapitre de l'É-
glise cathédrale d'Évreux, à qui M. Bénet attribue également le Mémorial
historique des ÉvêqueSy ville et comté (TÉvreux^ et qui vivait encore en
1672. M. l'abbé Lebeurier se prononce pour un Jacques Le Batelier,
alors avocat, qui occupa de i638 à 1661 un ofiGice de conseiller au bailliage
et présidial d'Évreux. Voir A. Bénet, Notes sur l'historiographie nor»
mande : Le Batelier; Mâcon, 1882, in-80.
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LETTRE DE THOMASSIN DE MAZAUGUES, l8l
M. Magliabechi (i) nous a envoyé le dernier livre du Car-
dinal Noris en defence de son Hist. Pelagiana; c'est un
petit in-fol. ou il terrasse ses ennemis a son accoutumée. Je
ne sçay pas si ce Cardinal travaille présentement a quelque
ouvrage.
Nous avons aussi receu de M. Teuzelius ce qu'il a fait con-
tre M. Schelstead de disciplina arcani (2) ; il soutient son pre-
mier sentiment, mais il est fort diffus. J'ay aussi de cet
autheur ses Selecta numismata.
A propos de Médailles, nous avons icy un Jacobin qui a
attrappé un des beaux Médaillons que Ton puise voir; il est
de bronse, et c'est L. Verus et A/. Aurelius qui se regardent,
et, le revers, les deux Empereurs debout, accompagnés cha-
cun de deux soldats qui se touchent la main, et portent une
petite Victoire ; le travail et la conservation en sont merveil-
leuses. J'en voulois prendre une colle, mais ce Religieux a
creu que cela gasteroit la médaille ; mais i'cn fairay faire un
dessein à la plume a un homme qui s'y entend ; et il en faira
tant qu'il y en aura au moins un qui réussira. C'est pour vous
l'envoyer affin de le faire tenir à M' Morel, car asseurement il
n'aura pas veu ce Médaillon qui n'est pas dans ceux du Roy
qu'on a gravé. Il est difficile d'envoyer audiV S*" Morel ce
qu'il n'a pas veu ; il devroit bien tost faire imprimer son pre.
mier tome (3), après quoy on verroit ce qu'il n'a pas mis, et,
en le luy envoyant, il fairoit des addenda à touts les volumes
(i) Voir plus haut, p. i3o.
(2) Guillaume-Ernest Teutzel, né àÂrnstad (Thuringe) le 1 1 juillet 1659,
mort le 24 novembre 1 707, — et Emmanuel de Scheelstrate, né à Anvers
en 1646, mort à Rome le 6 avril 1692, discutèrent la (]uestion de l'origine
et de l'étendue du secret (disciplina arcani)^ dont T Eglise entourait, aux
premiers siècles, certains rites et certains dogmes.
(3) André Morell commença l'impression de son Thésaurus^ mais il ne
put l'achever; l'ouvrage ne fut publié qu'en 1734, plus de trente ans
après la mort de l'auteur !
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l82 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
ensuite ; dans un ouvrage comme celuy la, il ne peut pas
faire autrement ; vous pourries luy en escrire en ces termes,
et de le saluer de ma part; ie m'offre agréablement de ramas-
ser tout ce qu'on pourra dans ces quartiers.
Le P. Pagi est bien obligé à M' Cuper de l'estime qu'il fait
de luy et de son honnesteté ; il a une grande vénération de
ses ouvrages comme î'ay aussi ; ie ne sçay pas a quoy cet
autheur travaille.
On n'a point de nouvelle de M' de S. Asaph (i) ou de
M' de Liechfield (2), la guerre en est la cause.
C'est avec grande impatience que i'attendroy l'ouvrage sur
Adamus Bremensis (3), puisque cette Histoire du Nord nous
est encore si obscure. Conservés moy l'honneur de vostre
amitié et croyés moy entièrement vostre très humble ser-
viteuT.
Thomassin Mazaugues (4).
(i) William Lloyd, évoque de Saint-Asaph; voir plus haut, p. 17.
(2) Uévêque de Lichfield (comté de Stafford).
(3) Sur Adam de Brème, chroniqueur au XI« siècle, voir les Monumenta
Germaniœ historica^ Scriptores^ t. VII, p. 267 et suiv.
(4) Dès le 21 février 1696, Nicaise avait fait part à Bayle du triage opéré
dans les dix mille lettres trouvées parmi les papiers de Peiresc, et de la
possibilité de publier Télite de ces lettres en un volume in-4«. Thomassin
lui-même, par lettre du 4 février 1699, soumit à Bayle son projet de pu-
blication et lui laissa entendre que l'impression était commencée à Genève
(Dictionnaire historique^ V« Peiresc^ notes A et a). — A la mort de Louis
de Thomassin, en 17 12, les papiers de Peiresc furent recueillis par le Pré-
sident Thomassin de Mazaugues, né en 1684, mort en 1743. — Dans une
lettre du 22 février 1743, que nous avons récemment trouvée à Lyon et qui
est maintenant déposée à la Bibliothèque nationale, le marquis de Caumont
écrit d'Avignon à Bouhier : « Je ne sais rien de positif sur les dernières
dispositions du pauvre Président ; il y a grande apparence que son frère,
qui vivoit à la campagne et qui scavoit a peine se servir de TAlmanach du
Berger, aura été son héritier, avec une substitution en faveur du Président
de Peinier, son cousin. Il est bien a craindre que tous ces thresors litté-
raires ne soient dissipez, ou que du moins quelque Anglois clairvoyant
n'en enlevé la fleur. » — Les trésors ont été en effet dissipés ou disper-
sés; mais M. Tamizey de Larroque les reconstitue en grande partie.
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LETTRES DE MICHEL BÉGON. l83
S 14-
LETTRES DE MICHEL BÉGON
MUhel BégoH, administrateur et archiologuêy ni à Bhit «« décembre 1638» mort à Roche fort le
4 mare ijio (i).
LI
Dijon. A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise
a Dijon.
A Rochefort, le 5 février lôgS.
Monsieur,
Jai receu la lettre que vous m'aves faîct Thonneur de
m'escrire le 17 du mois passé, par laqu' elle iay esté ravy
d'aprendre de vos nouvelles, qui me seront tousiours fort
chères, ayant pour vous infiniment d'estime.
Vous m'aves faict très grand plaisir de m'avoir faict part
des nouvelles de la Republique des Lettres, dont vous estes
beaucoup mieux informé que moy par le commerce régulier
que vous aves avec plusieurs scavants des pays étrangers.
Je scavois THistoîre d'Eumenîus Pacatus, dont le dernier
ouvrage a esté suprimé. On dit que c'est pour avoir parlé
avec trop peu de respect de M. d'Avranches (2).
(i) La correspondance de Bëgon avec Nicaise était assez active. Nous
connaissons , indépendamment des lettres que nous publions , vingt-deux
lettres de Bëgon à Nicaise. — Voir, dans le manuscrit français n« 9360, les
cotes 81, 175 à 178, 180 à 190 ; dans le n<»936i, les cotes 48 et 119; dans
le n^g362, les cotes 5o, 60, 61, 144.
(2) La dissertation du P. Hardouin (Eumenius Pacatus), contenant Fex*
posé des paradoxes rappelés plus haut, p. i36, a pour titre : Chronologies
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l84 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
Je me scais bon gré d'avoir tousiours esté dans les sen-
timens ou vous estes sur les iniures que les Autheurs se
disent en toutes langues, ce qui est très mal honneste et ne
convient point du tout a des gens qui se devroient piquer
d'urbanité.
Il seroit à souhaitter que M. Toinard se pressast davantage
qu'il ne faict de donner au public ce qu'il a faict sur la
famille des Herodes, estant persuadé qui se tirera mieux que
personne de toutes les difficultés que les scavants ont agité
sur ce subiet.
Je suis fort aise d'aprendre que vous receves qu' elques
fois des lettres de M. Graverol, qui m'escrit aussy de temps
en temps; c'est le meilleur homme du monde, mais il est
trop occupé dans sa profession d'advocat pour s'apliquer a
des ouvrages qui demandent un grand travail et beaucoup
de reflection.
Je vous prie de me mander si vostre amy M. Cuper n'est
pas originaire de Blois, ou iay connu dans ma ieunesse des
demoiselles Cuper qui avoient beaucoup d'esprit, et qui
estoient parentes de l'illustre M. Bellay et très bonnes Hugue-
nottes (i).
Je suis persuadé que vos Notes sur Lactance vaudront bien
celles des autheurs qui ont travaillé avant vous sur cet au-
theur, et ie les verray avec plaisir lors que ce livre se pourra
trouver chez les Libraires.
Vous m'aves appris que c'est M. Galand qui travaille au
Mesnagiana. Je scavois il y a plus d'un an qu'on y travailloit,
ex nummis antiquis restitutœ proîusio; elle fut publiée à Paris en 1693 et
immédiatement supprimée. Mais cette suppression fut motivée par la sin-
gularité des doctrines de l'auteur, bien plutôt que par le désir de protéger
révêque d'Avranches contre les attaques d'Eumenius Pacatus.
(i) Gisbert Cuper, qui venait de publier la deuxième édition de ses
Notœ in Lactantii tractatum de mortibus persecutorum^ Utrecht, 1693,
in-8<>, était né dans le duché de Gueldre, et non pas dans le Blésois.
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LETTRES DE MICHEL BÉGON. l85
mais ie ne scavois pas par qui cet ouvrage se faisoit. Il fault
avoir un bon Esprit de discernement pour ne pas eschouer
dans un ouvrage de cette nature (i).
La vie de M. de Peiresc sera un bel ouvrage, estant bien
traduitte. Jay lu le livre du P. Jobert qui est bien escrit (2).
Jay impatience d'avoir celuy de M*" Patin qui est un ouvrage
a peu près de mesme nature (3).
Jay receu les deux belles médailles que M*" TAbbé Bisot(4)
a faict fraper sur la prise de Namur.
Je vous souhaitte une santé parfaicte et une heureuse année.
Jay esté fort incommodé de la colique pendant 4 mois ; ie me
porte beaucoup mieux depuis deux mois, et, nonobstant
l'accablement de mes affaires, il ne se passe gueres de iours
que ie ne dérobe qu' elques momens que ie passe agréable-
ment dans ma Bibliothèque , ou ie trouve plus de plaisir infi-
niment qu'en tout autre lieu.
Je suis avec infiniment d'estime,
Monsieur,
Vostre très humble et très
obéissant serviteur,
Begon.
(i) ht Menagiana ^ publié en 1693, n'est pas l'œuvre exclusive de
Galland ; il est le produit de la collaboration de plusieurs amis de Ménage.
(2) Deux éditions de la Science des médailles du P. Louis Jobert, né à
Paris le 27 avril 1637, mort dans la même ville le 3o octobre 1719 (voir
plus haut, p. 44), venaient de paraître, Tune à Paris, 1692, Tautre à
Amsterdam, 1693.
(3) Charles Patin, né à Paris le 23 février i633, mort à Padoue le
10 octobre 1693, auteur de nombreux ouvrages sur la numismatique. On
trouvera dans le manuscrit français 9362 sept lettres de Patin à Nicaise
(cotes 45 à 49, 5i et 52).
(4) Pierre Bizot, chanoine de Saint-Sauveur d'Hérisson, dans le diocèse
de Bourges, né en i63o, mort en 1696, auteur d'une Histoire métallique
de la République de Hollande^ Paris, 1687, in-f», et de Mémoires j encore
inédits, touchant l'histoire des Rois de France par les médailles.
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l86 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
LU
A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise
a Dijon (i).
A Rochefort, le 2 aoust 1695.
J'aprens, Monsieur, par M' Pinsson (2) que vous n'avés pas
receu la lettre que je vous ay écrite au sujet des beaux por-
traits de M*"* Saumaise et Tabbé de la Mare, que vous m'avés
envoie (3). C'est pourquoi vous voulés bien que je vous réi-
tère, par celle cy, mes remerciments.
J'espère aller a Paris dans deux mois. Je souhaite estre
assés heureux pour vous y trouver (4) et pouvoir vous asseurer
de vive voix qu'on ne peut estre avec plus d'estime que je
suis. Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur.
Begon.
(i) Lettre non autographe, mais signée par Bégon.
(2) Probablement Pinsson des RioUes, fils de François Pinsson (voir
plus haut, p. 56, note 2). Pinsson des RioUes, avocat au Parlement de
Paris, était, dit Bayle, « homme de mérite, fort connu des savans et Tun
des plus officieux amis que Ton puisse voir. Il travaillait, entre autres
choses, à la vie des professeurs de Bourges ». Voir plus haut, p. 95 et 96.
(3) Bégon faisait graver les portraits des hommes illustres du XVII* siè-
cle, et réunissait des notes pour leur biographie. On prétendit et Ton
prétend encore que ce fut avec des mémoires de Bégon que Perrault com-
posa ses Éloges des hommes illustres du siècle de Louis XIV ^ 1696-
1701; mais Bégon proteste, dans la lettre du 2 juillet 1697, contre la
rumeur publique.
(4) Ce vœu ne dut pas être exaucé. Nicaise, qui était allé à Paris vers
i685 et qui y était resté pendant près de sept ans, avait été contraint de
quitter cette ville par de fréquentes indispositions, préludes du calcul.
« Paris, disait-il, est un méchant séjour pour un homme qui n'a pas une
santé vigoureuse, et qui est obligé de vivre dans une auberge, destitué des
secours nécessaires» »
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LETTRES DE MICHEL BÉGON. 187
LUI
A Monsieur
Monsieur Fabbé Nicaise
a Dijon (i).
A Rochefort, le 21 may 1697.
J'ai receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait Thon-
neur de m'ecrire le i3 du mois dernier.
Je vous suis très obligé des scavantes nouvelles dont
vous me faites part; j'espere avoir bientost le Dictionnaire de
M. Bayle ; je n'ay point encore veu son Apologie.
Je souhaite bien que le Pere Pagi ait assés de vie et de
santé pour venir a bout de ses projets qu'il est très capable
de bien exécuter. J'ay le p**" volume de sa critique et je ne
manquerai pas de me donner le second aussi tost qu'il sera
imprimé, ainsi que son Epitome.
Puisque vous prenés interest à ce qui regarde le Pere
Bonjour, vous serés bien aise d'aprendrje que le Pape a
voulu lire son ouvrage dont je vous ay envoyé le titre. Il en a
esté si content qu'il a voulu voir l'auteur. Le Cardinal Noris
a toutes les semaines de longues conférences avec luy, et veut
qu'il s'aplique uniquement a son grand ouvrage sur les anti-
quités égyptiennes. Sa Sainteté luy a envoyé depuis peu à
examiner une nouvelle epacte , qu'un Milanois a inventée
pour toutes les lunes.
Je voudrois bien. Monsieur, avoir d'autres nouvelles de la
Republique des lettres, dont je pus vous faire part, vous
asseurant que personne n'est avec plus d'estime que moy,
Monsieur, vostre très humble et très obéissant serviteur.
Begon.
(i) Cette lettre n'est pas autographe , mais Bégon l'a signée.
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l88 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
LIV
A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise
a Dijon (i).
A Rochefort, le 2 juillet 1697.
J'ay receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait l'hon-
neur de m' écrire le 1 3 du mois dernier. Je vous suis très
obligé des nouvelles littéraires dont vous me faites part.
Je serai fort aise de voir dans le grand ouvrage du Père
Bonjour l'explication de ma table hyerogliphique. Mais il me
semble que la façade du Temple de Minerve que vous me
proposés de faire graver n'a pas de raport à son dessein. Ce
beau morceau meriteroit une dissertation particulière faite
par une personne qui connust aussi bien l'antiquité que vous.
Il y a une infinité de belles et de scavantes choses a dire sur
ce précieux monument ; vous les expliqueriés mieux que tout
autre.
Je n'ay point la part que vous me donnés a l'ouvrage de
M. Perrault (2) et vous ne verres asseurement pas mon por-
trait dans son second volume.
Je ne scai si vous scavés que M' l'archevesque de Saragosse
a fait traduire en espagnol la vie du Cardinal Ximenes de
M' de Nismes (3) ; le traducteur est le grand vicaire de cet
archevêque.
(i) Bëgon a seulement signé cette lettre.
(2) Nous avons déjà dit que , encore aujourd'hui, les biographes écri-
vent que ce fut avec les matériaux , mémoires et portraits , fournis par
Bégon, que Charles Perrault composa ses Hommes illustres du siècle de
Louis XIV, in-f».
(3) L'illustre évêque de Nîmes, Fléchier, né à Pernes le 10 juin i632,
mort à Montpellier le 16 février 1 710, avait publié, en 1693, son Histoire
du cardinal Ximenès, in-40.
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LETTRES DE MICHEL BEGON. 189
On traduit aussi en espagnol l'histoire de Theodose et les
Panégyriques de M*" de Nismes (i).
Je suis avec toute Testime possible, Monsieur, vostre très
humble et très obéissant serviteur.
Begon.
LV
A/^ l'abbé Nicaise (2).
A Rochefort, le 18 janvier 1698.
J'ay receu, Monsieur, la lettre que vous m'avés fait l'hon-
neur de m' écrire le 6 de ce mois dont Je vous suis très obligé.
Les nouvelles scavantes que vous, m'aprenés m'ont fait
beaucoup de plaisir; elles ont suspendu pour un moment la
vive douleur dont je suis accablé depuis la perte que j'ay
faite de Madame Begon.
Je n'ay point encore pensé à faire graver mes desseins de
la façade du Temple de Minerve ; c'est une grosse affaire et
bien de la dépense. Je prendrai pourtant des mesures pour
cela, puisque vous voulés bien y prendre quelque part.
Je suis bien aise qu'on ait expliqué les médailles de la
Sicile de Paruta (3). Il y a quelque temsque je voulois engager
M' Schreuder de Bordeaux a y travailler, ce qu'il auroit fait
si nous avions pu avoir les Remarques de M*" Graverol sur
cet ouvrage (4).
(i) La Vie de Theodose^ le 'Grand avait été publiée par Fléchier en
1679, in-4«. Les Panégyriques des Saints ont eu plusieurs éditions.
(2) Cette lettre n'est pas autographe ; Bégon Ta seulement signée.
(3) Filippo Paruta, né à Palerme, mort dans la même ville le 1 5 octo-
bre 1629, auteur de la Sicilia descritta con medaglie, Palerme, 1612,
ouvrage réimprimé plusieurs fois, notamment à Lyon, en 1697.
{4) François Graverol, né à Nîmes le 1 1 septembre i636, mort dans la
même ville le 10 septembre 1694. Voir plus haut, p. 184.
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igo LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
La découverte d'une ville ancienne dans la franche Comté
est nouvelle pour moy, ainsi que toutes les autres choses dont
vous me faites part.
Je vous envoyé cy joint un Extrait des Inventaires de mon
cabinet; je souhaite qu'il vous fasse plaisir.
Je suis avec toute l'estime possible, Monsieur, vostre très
humble et très obéissant serviteur.
Begon.
§ i5.
LETTRE D'HENRI BASNAGE DE BEAUVAL
Henri Bastugt dt Btauval, né à Rouen U 7 août 16 56, mort à La Haye le 2g mars ijio^
publia de i68y à lyog une Histoire dei ouvrages des savans.
La lettre que nous publiom n'est pas signée; mais une allusion à cette Histoire rend certaine l'attri-
bution par Bouhier de cette lettre à « M. Basnage de Bauval ■.
LVI
A Monsieur
Monsieur l'abbé Nicaise, chanoine
de Dijon,
A Paris.
Ce 7 de mars 1698 (i).
Il est vrai, Monsieur, que ie me suis fort appercû du long
intervalle qui s'est passé sans que i'aie reçu de vos nouvel-
(1) Quoique la lecture de cette date soit certaine et que le millésime
1698 soit même souligné, il y a une erreur évidente. Basnage parle cons-
tamment comme le ferait un auteur écrivant en 1689. Tous les livres
dont il donne les titres ont été publiés vers cette époque ; tous les faits
qu'il rappelle ont suivi à bref délai la déclaration de guerre aux Pro-
vinces-Unies, déclaration qui, comme nous l'avons vu, est du 26 no-
vembre 1688. En 1698, Nicaise était de retour à Dijon et c'est dans
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LETTRE DE BASNAGE DE BEAU VAL. I9I
les. Vos lettres sont remplies de si bonnes choses, et si
utiles pour moi qu'il me semble que vous estes obligé de
continuer à me faire Thonneur de m'ecrire, puisque vous
avez une fois commencé. Il ne faut point vous faire con-
noistre, ou vous ne devez plus cesser de donner des mar-
ques de vostre souvenir. Vous pouvez bien iuger que ie
n'ai pas manqué à parler de vous avec M. Galée (i), qui m'a
confirmé dans toute l'idée que ie m'étois faitte de vous. Il
advoUa comme moi que l'on ne peut pas estre ni plus cu-
rieux des bonnes choses, ni plus obligeant que vous Testes.
Si la sévérité de M. l'Abbé de la Trape, que vous ne devez
pas trop écouter, vous fait rentrer dans la Province, du
moins que vostre retraitte ne vous détache pas de ceux qui
vous estiment, et i'attens de vostre honnêteté que vous me
donnerez vostre adresse pour vous aller importuner ius-
qu'à Dijon.
Je n'ai reçu des mains de M. Galée que la lettre du P. Lan-
celot (2), où i'ai trouvé peu de choses nouvelles, excepté la
retractation très nécessaire du P. Mabillon (3) ; l'en ai dit un
cette ville que tous ses correspondants lui adressaient leurs lettres,
tandis que notre lettre est adressée à Paris, où Nicaise se trouvait en 1689.
(i) Galée, représentant de la Hollande à Paris, était l'intermédiaire
entre Nicaise et ses amis habitant la Hollande. Voir plus haut, page 157,
une lettre de Graevius, du 8 décembre 1688. — Ce Galée est-il le même que
Servatius Gallœus, auteur de Dissertationes de SibylUs eorumque oracu-
liSy Amsterdam, 1688, et éditeur des Sibyllina Oracula, Amsterdam, 1689,
que Basnage, dans son Histoire des ouvrages des savans^ novembre 1689,
p. 106, appelait « feu M. Galée ?» Il serait donc mort Tannée même où
cette lettre fut écrite.
(2) Dom Claude Lancelot, né à Paris vers 161 5, mort à Quimperlé le
i5 avril 1695, venait de publier une lettre, se rapportant à sa Dissertation
sur Vhémine de vin et y ajoutant quelques éclaircissements.
(3) La deuxième édition de la Dissertation sur Vhémine de vin et sur
la livre de pain de saint Benoît avait été publiée à Paris en 1688. Parmi
les arguments que Lancelot invoquait en faveur de sa thèse, il y en avait
un qui lui était fourni par le congé du Palais Farnèse. Pour le réfuter,
quelques moines avaient argumenté d'un passage de Mabillon, qui, dans
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192 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
mot dans le mois de janvier. Je voudrois bien avoir le com-
mentaire de ce P. Lancelot sur la règle de S. Benoist(i), car
tout ce qu*il fait est fort bon et fort sçavant. N'est-ce pas lui
qui est relégué quelque part pour (2). Je croi qu'il est
renfermé dans la Basse Bretagne (3).
Je n'ai point oui dire que celui de M. l'Abbé de la Trape
s'imprime en Hollande (4). Ce sera l'austérité mesme, et de
l'humeur dont il est, il voudroit deshumanizer les hommes
pour en faire des Anges.
Je ne (5) M. Graevius vous a envoie 12 exemplaires de
l'Eloge de M. Petit; mais q i'en aye écrit à Utrech, ie
n'ai pu encore le voir (6).
On a achevé de réimprimer dans la mesme ville le Solin
de M. de Saumaize, et l'on y a ioint une p nouvelle qui
est un traitté des herbes de médecine, de Homonymis hyles
iatricœ, dont M" Lantin et de la Mare , con*"* de vostre
Parlement, avoient donné autres fois la Préface (7).
son voyage d'Italie, avançait que Fabretti avait démontré, en son livre
des Aqueducs, que ce congé du Palais Farnèse était une pièce entièrement
supposée. Fabretti n'avait rien dit de pareil (voir plus bas la lettre LX,
adressée de Rome à Nicaise). Mabillon reconnut loyalement qu'il s'était
trompé. Voir Basnage, Histoire des ouvrages des savans, janvier 1689,
p. 539.
(i) Ce commentaire a-t-il été publié? Nous ne l'avons rencontré dans
aucune bibliographie.
(2) Ces points se trouvent dans la lettre de Basnage.
(3) Claude Lancelot avait été relégué à Quimperlé en 1680; mais, en
1698, date apparente de notre lettre, le savant grammairien était mort
depuis longtemps.
(4) V Explication sur la règle de saint Benoit par l'abbé de Rancé fut
publiée à Paris en 1689.
(5) Ces points et ceux des lignes suivantes représentent quelques mots
disparus par l'effet de la rupture d'un cachet.
(6) Basnage rendit compte de cet ouvrage dans son Histoire des ouvra-
ges des savans^ mai 1689, p. 193-203.
(7) Cette nouvelle édition du Polyhistor de Solin (Plinianœ exercita*
tiones) parut à Utrecht^n 1689 ; 2 vol. in-f«.
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LETTRE DE BASNAGE DE BEAUVAL. igS
M. de Saumaize le fils m'a dit que M. de la Mare le fils,
qui a, ie croi, la charge de son père, se dispose à donner
la vie de M. de Saumaize. Il y a long temps qu'il s^en fait
solliciter.
J'espère avoir dans quelques iours le livre du P. Pagi (i),
dont vous parlez si avantageusement, et cela me fera grand
plaisir dans le temps de stérilité.
On ne voit courir ici que manifestes et reflexions politi-
ques. Chacun s'y mesle de défendre et d'accuser la conduite
des Princes selon ses passions ou ses interests, et les parti-
culiers s'echaufTent là dessus et se battent à coups de plume
avec autant de chaleur que les Princes eux mesmes à la teste
des armées. Je voudrois bien qu'une bonne paix nous ras-
semblast tous, et que nos prophéties huguenotes aboutissent
là. Du moins ie n'en attens gueres davantage.
Je ne sçai que veut dire M. de Wit ; ie lui ai écrit pour vous
4 fois sans en pouvoir tirer de réponse. Je l'ai encore pressé
sur son valet, et tout cela inutilement. Peut estre vous en
aura-il écrit directement.
Qu'avez-vous trouvé de la iustification de M. l'Abbé Fay-
dit pour son sermon prononcé le iour de S. Poly carpe (2) ?
Il y a de la lecture et du sçavoir. Mais tout cela est ménagé
d'une manière assez singulière, et il y pousse un peu dure-
ment M" de Valois, du Pin et d'autres habiles gens.
Je ne sçai qui est l'auteur d'un petit traitté de la bien-
sçeance, qui m'a paru fort ioliment écrit (3).
(i) Il s'agit, sans doute, des Critica in Annales Baronii^ dont nous
avons parlé p. i55, note 6. Basnage rendit compte de ce livre dans son
Histoire^ mai 1689, p. 206 à 221.
(2) Le livre, dans lequel l'abbé Faydit fournit les preuves à
l'appui de son sermon sur saint Polycarpe, parut à Maestricht en 1687 ;
une deuxième édition fut publiée à Liège en 1689. Voir le compte-rendu
de ce livre par Basnage dans son Histoire, novembre 1688, p. 3 1 5-325.
(3) Basnage veut-il parler ici de l'une des nombreuses éditions du
Académie de Lyon^ datte des Lettres. l3
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194 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
J'oubliois à vous dire que VAnti'Baillet[\) de M. Ménage
commence à paroistre et qu'il y a de bons morceaux pour
l'histoire de ce siècle. M. Baillet y est un peu battu, mais il
a assez d'esprit pour y trouver de quoi se vanger.
Tout à vous, Monsieur, et à nostre cher ami M. Janis-
son (2).
Je vous prie de dire à M. Janisson, quand vous le verrez^
que i'ai lu l'opéra de Thetis et Pelée qui est reiniprimé ici.
Vous estes d'une Province assez proche du Dâuphiné. Vous
pouriez bien dire ce que c'est qu'une prétendue bergère mira-
culeuse de Cret, et un grand nombre de petits enfans qui
preschent et qui disent des merveilles en ce pays là (3). Vous
m'obligeriez de vous en informer et de me mander ce que
vous en auriez appris.
Nouveau traité de la civilité qui se pratique en France parmi les honnêtes
genSy imprimé pour la première fois à Paris en 1671, dont l'auteur est
Antoine de Courtin, né à Riom en 1622, mort à Paris en i685? Voir,
dans les Mémoires de l'Académie de Caen pour Tannée 1875, de Menues
études de civilisation comparée^ à propos de la civilité puérile et honnête^
par M. A. Joly.
(i) L'i4n/i-Bai7/tf/ parut à La Haye en 1690.
(2) Nous avions cru d'abord que ce M. Janisson était Jean Anisson, le
futur directeur de l'imprimerie royale du Louvre, dont le nom se trouve
si souvent dans les lettres des correspondants de Nicaise. Voir plus haut
p. 86, 89, etc. Mais nous hésitons à proposer cette identification depuis
que nous avons rencontré, dans le Dictionnaire de Bayle, v» Poitiers^
note P, édit. de 1734, p. 716, le nom d'un des correspondants des réfugiés
protestants, Janniçon, avocat au Conseil.
(3) Ces « petits enfants » étaient de jeunes pâtres protestants, qui, sous
l'influence d'un gentilhomme verrier des environs de Dieulefit (Drôme),
tombèrent dans une sorte d'extase religieuse. Ils se répandirent dans le
Dâuphiné et le Vivarais, annonçant à leurs coreligionnaires la délivrance
prochaine d'Israél. On les appelait les petits prophètes. Parmi ces prédi-
cants se fit remarquer Isabeau Vincent, née à Saou, entre Crest et Bour-
deaux ; c'est elle que l'on désigne sous le nom de Bergère de Crest.
Pierre Jurieu lui a consacré un livre ayant pour titre : Reflections upon
the miracle^ which happened in the person ofisabel Vincent, shepherdess
of Dauphine] Londres, 1689, in-40. — L'histoire des petits prophètes
commence en 1686 et finit en 1689 (voir Chaufepié, article Jurieu, p. 70);
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LETTRES DU PERE PAGI. igS
S i6.
LETTRES DU PÈRE PAGI
Antoine Pagi, religieux franciscain, né à Roques (Gard) en 1624, mort à Aix en l6gg, auteur
d'un ouvrage publié en i68g sous ce titre : Critica historico-chroaologica in Annales ecclesiatticoi
Btronii (i).
LVII
A Monsieur
Monsieur VAbbé Nicaise
pis a vis la grande porte des Cordeliers
a rétoile d'or,
A Paris (2).
Monsieur,
J'ay reçu les 2 dernières lettres que vous avez pris la peine
de m' écrire et vous rends mille grâces des marques que vous
m'y donnez de votre amitié. Je n'avois pas encore veu les
vers de M*" de la Monoye qui sont excellens et le tour qu'il a
pris fort ingénieux. Il les faudra mettre devant ou aprez les
Approbations de la manière que vous jugerez mieux, puisque
on ne juge pas a propos ici de les mettre au commencement
du livre. Il faudra seulement mettre a la marge ces paroles
en 1698, date apparente de la lettre de Basnage, personne en Dauphin^
ne s'occupait plus de ces enfants. — Chaufepië cite sur ce sujet une pièce
de Basnage contre Jurieu intitulée : M. Jurieu convaincu de calomnie,
(i) D'autres lettres du P. Antoine Pagi à Tabbé Nicaise se trouvent dans
le volume 9361 des manuscrits français de la Bibliothèque nationale.
Elles sont cotées 49, 5i à 55, 57.
(2) Cette lettre ne nous paraît pas autographe ; le P. Pagi Ta seulement
signée, après Tavoir dictée à un scribe ignorant ou peu attentif. Ainsi
s'expliquent les fautes très-nombreuses qu'on y remarque : Pagi dictait
Haud ita pridem; le copiste écrivait Audita pridem^ etc.
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igÔ LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
OU semblables : Fit allusio ad piscicidum viam balenœ mons»
trantem, de quoy il faudra s'il vous plait parler a mon Li-
braire (i). J'ay écrit a Monseig' Le Cardinal Barberigo et luy
ay témoigné le souvenir et la vénération que vous avez pour
luy. M' Meliabechi (2) m'écrit du 12 de septembre que
M' Carpzovius, sénateur (3), luy a écrit de Lipsic qu'il a
fait reimprimer Eusebe de Demonstratione et Prœparatione
Evangelica en 2 vol. sur l'impression qui en avoit été faite
a Paris et qu'il travaille maintenant a celle des œuvres de
S' Greg. de Naziance selon l'édition de Billius. Il me deplait
fort, M% que ces AUemans fassent reimprimer les Autheurs
anciens sans quelque nouvelles notes ou additions, ou au
moins sans les comparer avec les MSS., puisqu'ils en ont, que
ceux qui les ont déjà imprimez n'avoient pas veu. Il ajoute
que ledit sénateur luy écrit que Morhosius Kironiensis Acca-
demiœ gloria, tnsigfie propositiim urget literariœ historice
cotîdendœ, sub Polystoris titulo, qitam per partes editurus
est, quarum primamjam epulgavit (4). M*" Meliabechi dit aussi
qu'on a imprimé un livre sous ce titre : Epistolœ Samaritanœ
Sichemitarum cum ejusdem (?) latina versione et amiotationi-
bus. Accedit versio latina per similium Literarum Sichemitis
aiidita pridem ad Anglos datarum, Ci\œ, 1688, in 4 (5). On
(i) Les « Versus cximii pc^tse Bernardi Monetae, Divionensis, ad Ani-
madversiones eruditissimi Pagii ad Baronium », ont e'té imprimés à la
suite de la préface des Critica^ sous le titre même que Pagi vient de pro-
poser à Nicaise.
(2) Magliabechi; voir plus haut, p. i3o, note 2.
(3) Frédéric-Benoît Carpzov ; voir plus haut, p. 170, note 3.
(4) Voir plus haut, p. 1 55, notes 2 et 4.
(5) Scaliger, désirant obtenir des renseignements sur la secte des Sama-
ritains, s'était adressé directement à des personnes notables de Naplouse,
l'ancienne Sichem. Les lettres contenant les réponses à ses questions ne
lui furent pas remises, mais elles tombèrent en bonnes mains, puisque
Génébrard, Peiresc et Etienne Morin les possédèrent successivement.
Morin les traduisit et les publia avec la traduction, en 1682, à Londres,
dans son livre sur les Antiquités de TÉglise orientale. Simon les traduisit
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LETTRES DU PERE PAGI. 197
a imprime au même lieu (un livre) intitulé : Christophori Cel-
lari Collectanea historiœ Sàmaritanœ^ quitus prœter resgeo-
graphicas tam politica hujus gentis, quam religio et res
literariœ explicantur (i). On a imprimé en Angleterre un
nouveau catalogue de leurs historiens, dont le titre est :
Rerum Anglicarum Scriptores veteres ^x vetustis MMSS.
nuncprimum editi, Oxonii, j6SS, inf. (2). Il y en avoit deia
un tome, on a maintenant imprimé le second. Joannes Raius
a imprimé le 2^ tome Historiœ plantarum^ i^^f»^ a Londres, la
présente année (3). M"^ Meliabechi m'écrit encore qu'il men-
voyera le Commentaire que M"^ Patin vient de donner au
également. — - Plus tard, des Anglais adressèrent aux Sichemites de nou-
velles questions, suivies de réponses analogues à celles qui avaient été
faites à Scaliger ; ce sont les Litterœ persimiles a Sichemitis haud ita pri^
dem'ad Anglos datce, dont parle le P. Pagi. Nous ne connaissons pas le
livre dont Magliabechi annonce la publication; il ne figure pas dans
rénumération des ouvrages de Cellarius que Ton trouve dans le tome V
de Nicéron, et cependant, dès qu'il s'agit d'un livre relatif aux Samaritains
et imprimé à Zeitz en 1688, il est impossible de ne pas l'attribuer à
Cellarius, alors recteur du gymnase de cette ville. Voir, en ce sens, ce
que dit Grœvius, suprà, p. i55.
(i) Cellarius (voir plus haut, p. i55, note 5), outre les Collectanea His-
toriœ Samdritanœ quotquot inveniri potuerunty Zeitz, 1688, in-40, a publié :
Historia gentis et religionis Samaritancê ex nova Sichemitarum epistola
auctay Halle, 1699, in-4».
(2) Ce deuxième volume, que nous n'avons pas vu, fait-il suite aux
Rerum Anglicarum Scriptores post Bedam prœcipui ex vetustissimis codi»
cibus^fianuscriptis nunc primum in lucem editiy dont l'éditeur est Bernard
Savile (Bninet cite l'édition de Londres, 1 596, in-f», mais l'exemplaire
que nous avons sous les yeux vient de Francfort, 1601, « extypis Weche-
lianis apud Claudium Marnium et heredes Joannis Aubrii ») ; — ou aux
Rerum Anglicarum scriptores, édités par J. Fell à Oxford, en 1684, in-f»?
— Ce ne peut pas être l'un des deux volumes des Historiœ Britannicœ
ScriptoreSy collecti a Th. G^i/e, Oxford, 1687 et 1691, in-f».
(3) Cette Historia Plantarum ne doit pas être confondue avec la Plan»
tarum Historia de Morison, continuée par Bobart, Oxford, 1 680, et 1 699 ;
Voir plus haut, p. 167. Elle a pour auteur John Ray ou Wray, né le
29 novembre 1628 a Black-Notley (Essex), mort le 17 janvier 1706 (La
Biographie générale dit 1704 ; mais on lit sur son tombeau : Ob, jy Jan,
^yo^y Trois volumes de cette Historia ont paru à Londres, en 1686,
1688 et 1704, in-folio.
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198 LETTRES A L*ABDÉ NIC AISE.
public in A?itiquum monumentum Marcellinœ è Grœcia nuper
allât um, Patavii, 1688, in 4. On débite a Rome les 2 tomes
de la continuation des. Annales Ecclésiastiques depuis mil
cinq cent trente cinq jusques a mille cinq cent soixante cinq.
Mais je ne crois pas que ce soit grand'chose. Car on n'avoit
imprimé les dits tomes il y a plus de dix ans et ils se trouvè-
rent si mal faits qu'on n'en permit pas la débite et qu'on les
fit corriger et reimprimer aux dépens de la Propagande.
W Toinard m'écrit souvant, et me marqua dernièrement que
vous étiez sur le point de donner au public vo^/re ouvrage
d'Alexandre et de l'Empereur Adrien, nouvelle qui me fut
très agréable (i).J'ay mieux réglé les voyages d'Hadrien qu'on
n'avoit jusques ici. Si vous jugez que je me sois manqué en
quelque endroit, vous me fairez plaisir de le corriger, afin que
les autres ne sy trompent. Le susdit sénateur écrit à M*" Me-
liabechi qu'on attent à Lipsic mon ouvrage et qu'on s'en
promet beaucoup, mais ils changeront peutêtre de sentiment
quand ils l'auront veu. Je vous prie de saluer M*" l'Abbé
Anthelmi (2) et M*" Rigord (3) et leur faire part des nouvelles
de Florence. Si j'avois les dernières fueilles de mon ouvrage,
j'aurois tôt fait les Additions et les corrections. Cepandant je
vous prie d'être persuadé qu'il n'y a personne au monde qui
soit plus que moy,
Monsieur,
YostTQ, très humble et
très obéissant serviteur,
Fr. Ant. Pagi.
Aix, ce 6 octob. 1688.
(1) Cest la Dissertatto de Nummo Pantheo Hadriani Imperatoris, in
qua peculiaris quœdam instituitur comparatio inter Hadrianum et
Alexandrutn M...... Lyon, 1690, in-4«.
(2) Joseph Antelni, historien, né à Fréjus le 25 juillet 1648, mort
le 21 juin 1697.
(3) Jean- Pierre Rigord, archéologue, né à Marseille le 28 Janvier i656,
mort dans la môme ville le 20 juillet 1727.
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LETTRES DU PERE PAGI. I99
LVIII
A Monsieur
Monsieur IJAhbe Nicaise a Vetoile
d'or pis a vis la porte du grand convent
des Côrdeliers
a Paris (i).
Monsieur,
J'ay receu celle que vous aves eu la bonté de m*ecrire du
22 du mois passé et vous rends mille grâces de tant des mar-
ques que vous m'y donés de votre affection que ie tacheray
de mériter si les occasions s'en présentent. le regarde les
éloges que vous donés a mon ouvrage comme un eflfect de
votre amitié et de votre générosité, sachant bien que tous les
éloges que vous luy donés ne luy sont pas deus (2). Il y a
quelques semaines que i'ay écrit a monseigneur le cardinal
Barbarigo (3) et luy ay marqué que vous eties dans Timpa-
tiance de sçavoir si votre éloge etoit achevé d'être imprimé en
Hollande (4) pour en envoyer une copie a son eminence.
Nous le pourrons bien faire tenir a Ligourne par la voye de
Marseille, mais ie ne scay pas si de la on a facilement des
comodites pour Padoue. l'en ecriray au père Noris et vous
feray sçavoir sa reponce. Il y a asses de temps que ie n'ay
point de ses nouveles et ie souhaiterois bien qu'il dona tost
(i) Cette lettre nous paraît autographe.
(2) Pagi venait de publier le premier volume de ses Critica historico-
chronologica in Annales ecclesiasticos Baronii; Paris, 1689, in-f».
(3) Grégoire Barbarigo, né à Venise le 25 septembre 1625, mort à Pa-
doue le 18 juin 1697. La Bibliothèque nationale possède, dans le vo-
lume 9359 des manuscrits français, treize lettres adressées par ce cardinal
à Tabbé Nicaise; elles sont cotées 1 à 4, 6, 16, 18 à 23, 27.
(4) V Éloge de Pierre Petit, par Nicaise, imprimé à Utrecht en 1689.
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200 LETTRES A L'ABBE NICAISE.
au public ses époques des villes de la Syrie (i). le suis bien
aise qu'on reimprime Sulpice Severe avec des meilleures
notes que celés qui ont pareu iusques icy et que ce soit un
habile homme qui se charge de ce soin. le crois que les deux
livres de l'histoire ecclésiastique de Rufin, qui n'ont pas été
reimprimés dans ce siècle, rendroint son ouvrage beaucoup
utile et ne grossiroint gueres le volume (2). On ne trouve plus
les dits livres et souvent les gens de letres en ont besoin,
car il y a touiours quelque petite chose de particulier. Feu
M' Henry Valois avoit eu dessein d'en faire la reimpression,
mais sa mort priva le public de ce bien. Vous en pourrés
conférer avec M^ du Bois (3). le me reiouis d'apprendre que
M' le Nain done bien tost quelque chose au public (4), étant
persuadé qu'il ne peut rien sortir de luy qui ne soit excellent.
M"^ Rigord (5) feut en cette ville il y a quinze ou vingt iours ;
il se professe fort votre serviteur, et me dit qu'il avoit un
médaillon grec de Néron, dans lequel il y a des characteres
qui marquent l'an 9 de cet empereur et l'an 108. Il adiouta
que M' Ferrin luy a écrit que c'est l'époque a ce qu'il croit
de la ville d'Antioche en Pisidie, que Jules Caesar fit colonie
l'an d'après la bataille de Pharsale, c'est a dire l'an de
Rome 707. Mais il ne me dit pas quel est Tautheur qui a
écrit cela, qui ne peut être a mon avis que Dion ou Stra-
bon (6). On m'a écrit de divers endroits que les faiseurs du
(i) Voir plus haut, p. 18, note i.
(2) Les Histoires ecclésiastiques de Sulpice Sévère et de Rufin ont été
plusieurs fois imprimées et il est difficile de dire quelles sont les éditions
auxquelles Pagi fait allusion.
(3) Girard Dubois, né à Orléans en 1629, mort à Paris en juillet 1696.
(4) Le premier volume de V Histoire des Empereurs de Lenain de Tille-
mont fiit publié à Paris en 1690.
(5) Voir plus haut, p. 198.
(6) Paul, l. 8, § 10, D., De CensibuSj 5o, i5 : « In Pisidia juris italici
est Colonia Antiochensium ». Cf. Strabon, XII, 8, § 14, édit. Didot,
p. 494, 12 etsuiv.
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LETTRES D UNE PERSONNE INCONNUE, 201
Journal ont parlé avec grand mépris de mon ouvrage. Mais
ils sont si peu accrédités que, si cela est, il en augmantera la
débite qu'ils veulent empêcher. Il ne sera pas difficile d'en
avoir raison si ie veux, mais il faut voir auparavant ce qu'ils
ont dit. Cependent ie vous prie d'être persuadé que ie suis
sans aucune fin,
Monsieur,
Aix, ce 21 mars 1689.
Vostre très humble
et très obéissant serviteur,
Fr. Ant. Pagi.
S 17-
« LETTRES D'UNE PERSONNE INCONNUE »
JViotfi reproduisom simplement te titre sous lequel Bouhier avait réuni les quatre lettres qui suivent;
car nous n'avons pas pu, même avec l'assistance de M. Charava/, découvrir le nom de leur auteur.
Nous avons seulement trouvé, dans le tome IV de la correspondance de Nicaise^ deux autres lettres de
la même personne (Fonds français, n» g, 36 2, cotes 28 et 3i), et nous les publions en même temps
que les quatre qui ont appartenu à Bouhier,
Il en résulte que cet inconnu^ Français et probablement d'origine bourguignonne^ était allé â Rome
« pour l'interest de sa santé y pour y vivre plus en repos et, s'il se peut, plus long tans*, mais qu'il
avait conservé une chambre à Paris et qu'il était en relations avec le Président Bignon, du Cange,
Vaillant, Lantin, Toinard, etc.
Rappelons seulement que Nicaise avait à Rome un parent originaire de la FranchC'Comté^ dom
Coquelin, général de l'Ordre de Saint'Bernard.
LIX
A Monsieur
Monsieur PAbé Nicaise
A Paris (i).
A Frascati, 27 mai 1686.
Je trouvai. Monsieur, jeudi quand Jetois sur mon départ
pour venir jouir un peu délia villégiatura la letre que vous
(i) L'original de cette lettre se trouve dans la correspondance générale
de Nicaise (Bibliothèque nationale, fonds français, 9,362, cote 28).
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202 LETTRES A L ABBE NICAISE,
mavez fait la grâce de mecrire que M. de Fermanel (i) mavoit
envoiée. Je donai ordre qu'on rendit a M. de la Foucherie (2)
celé qui etoit pour lui, naiant pu lui porter moimeme corne
jaurois fait sans que jetois obligé de partir. Mais par bonheur
je le rencontrai dans la rue quand je men alois et aiant fait
areter le carosse je lui dis que javois laissé une letre pour lui
et lui donai ladrese de M. de Fermanel pour vous repondre
en cas que vous ne lui ussiez pas marqué dans votre letre. Il
me dit quil auroit soin de votre afere (3), mais qu'il craignoit
que vous nen vinsiés pas a bout sans un procès. Il me dit
pourtant que vous lui avies mandé que votre date etoit devant
la collation, auquel cas il seroit dificile du moins que Ion ne
fut obligé dentrer avec vous en quelqu'acomodement. Vous
savez la faveur du collateur, qui s'il veut soutenir ses droits
trouvera en France qui voudra le servir. Je souhete que vous
aies la satisfaction que vous espères et vous suis très obligé
de vos ofres ; mais quand on est a Rome, on songe peu aux
beautés des pais de France, particulièrement quand on y est
venu pour linterest de sa santé et pour y vivre plus en repos
et sil se peut plus long tans , com'on en a plusieurs exem-
(i) Sur la liste des membres de la Grand'Chambre du Parlement de
Rouen, en 1662, figurait un M. de Fermanel. VoirBasnage, sur Tart. 25o
de la Coutume de Normandie, éd. 1709, I, p. 402, a.
(2) Voir, dans la correspondance de Nicaise, t. IV (n® 9,362, cote 33),
une lettre de M. de la Foucherye, datée de Rome, le 3i août i683, rela-
tive à un confrère de Nicaise, nommé Siredey, qui était persécuté par
le Chapitre : <c Un pauvre chanoine est bien à plaindre quand une fois il
y a quelque cabale contre luy dans le chapitre, qui est bien nommé Mala
Bestia. 9
(3) Est-ce la même affaire que celle qui était pendante devant le Grand
Conseil ? Nicaise, dans son autobiographie, nous dit que, relativement <r à
un bénéfice simple de la province », il était en lutte « avec trois dévolutaires
qui manquaient aux formalités, avec un résignataire simoniaque et avec
un mal et vicieusement pourvu parle patron ». Lui seul avait reçu du Pape
de légitimes provisions Et, malgré la légitimité de son titre, il perdit
son procès !
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 2o3
pies. Je suis très obligé a monsieur le Président Bignon , a
Monsieur de Vilenaux et a tous vos illustres de Ihoneur de
leur souvenir et vous moblîgerez extrêmement de le leur
témoigner a tous respectivement et de leur ofrir mes petits
services en ce pais ci. Monsieur Vaillant ma fait trop de
grâce de faire cas dune chose ou je navois que la moindre
part ; mais il est bon qu'on sache en France qu'on peut boire
agréablement a Rome quoiqu'il ny ait point de vin de Cham-
pagne. Je voudrois quil en ut dit autant à M. Dernier afin
de lengager a venir nous voir come il y a long tans quil en
a envie. Pour M. Vaillant, je ne doute pas qu'on ne larete
a Paris, quoiqu'on nait pas coutume de prier les gens. Javois
oui dire quelque chose de M. Morel, mais on me lavoit
conté diversement. Si jetois un asses bon corespondant pour
vous, je vous demanderois la continuation de vos nouveles,
mais vous saves que je suis un peu ou négligent ou paresseus
et je craindrois que dans la suite vous ne vous plaignîssies
de moi. Il est vrai quil y a si peu de curiosité ici et Ion y
aprend si peu de nouveles que Ion est excusable quand on
ne repond pas a ce que Ion peut écrire de France ou il y a
toujours quelque chose de nouveau aussibien qu'en Angle-
tere dont on est averti tout aussitôt. Il y a u ce matin consis-
toire. Hier la plupart esperoient des cardinaus, mais nous
avons été atentifs pour entendre le canon du château S. Ange
et nous navons rien entendu. En cas qu'il y en ut u, vous
le saures devant que celeci arive et ainsi vous ne bazardes
rien que ie ne vous en dise pas de nouveles certaines. Si vous
écrives a M. Lantin devant que ie lui écrive, obligez moi de
lassurer de mes respects aussi bien que tous ceux qui me
font l'honeur de se souvenir de moi à Dijon. M. l'Abé Bernon
est parti hier pour sen retourner en France dans une flûte
du Roi qui porte de la poussolane a Toulon. Il va voir le
canal et delà s'en retourne au plutôt a Paris ou il vous apren-
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204 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
dra plusieurs choses de ce pais ci. Il a acquis beaucoup des-
time en ce pais ci et il la mérite, quoiquil naît rien fait de ce
pourquoi il y etoit envoie, mais il na pas tenu a lui et soit que
Ton ait eu peur de lui ou pour quelque autre raison on ne lui
a pas donné locasion de faire voir ce qu'il savoit en Geografie.
Vous saves quil etoit venu pour soutenir l'usurpation ou
la possession des Iles de S. Gabriel par les Portugais ou les
Espagnols les ont laissés sans poursuivre leurs prétendus
droits par devant le Pape qui avoît etê choisi pour arbitre.
Je ne vous écris point des nouveles du monde parce que vous
les saves a Paris aussitôt quici ou si Ion en sait quelquefois
quelques unes glutot ici, eles ne sont pas encore venues et
il faut attendre que les Vénitiens aient fait quelque chose. Je
vous suplie de rendre lincluse à M. Vaillant et de me croire
a vous. Monsieur, autant qu'on le peut être
Nous navons point vu ici le factum de M. de Furetière. Je
trouve que les muses bazardent trop, car sil prenoit envie
a ses messieurs dachever leur Dictionere dans un an ou deus,
le R. ny trouveroit pas son conte. Lafaire de Richelet fait
Yoir ce que peut la passion. On nous a parlé ici dun autre
factum en prose quil a lu a quelques uns ou il y a un peu
de satyre contre plusieurs particuliers, que nous n'avons pas
vu non plus ici. Come c'est lui qui les distribue, il naura pas
voulu en envoier ici. S'il men vouloit envoler un par quelque
voie qui ne coûtât rien de port. Je ne laisserois pas de le
faire voir a nos amis (i).
(i) Antoine Furetière, en publiant ses Essais d'un Dictionnaire univer-
sel^ Paris, 1 684, in-4», avait paru faire concurrence à TAcadémie et empié-
ter sur son privilège. Indignée, TAcadémie Tavait expulsé de son sein le
22 janvier i685. Furetière se vengeait en publiant les factums auxquels
notre lettre fait allusion. — Quant à Richelet, bien que son Dictionnaire
eût été imprimé en Suisse et publié à Genève (chez Jean-Hermann Wie-
derhold, 1680, 2 vol. in-4«), il avait éprouvé, bien avant Furetière, les
effets du courroux des Académiciens.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. • 2o5
LX
A Monsieur
Monsieur lAbé Nicaise,
Paris.
Rome, 12 octobre 88.
Jatendois toujours, Monsieur, la réponse de M. Bellori
pour repjondre a la votre du 3o août ; mes voiant quil ne me
lenvoîe point, je ne veus pas retarder davantage et ie me
sers de locasion du R. P. procureur qui vous doit écrire.
Il y a quelque tans que ie ne sors point que quand quel-
qu'ami menvoie un carosse, a cause dun mal qui mest sur-
venu a la cheville d'un pié ou un home me heurta rudement
il y a plusieurs mois. Je nai point receu la letre dont vous
me parles ni M. Fabretti non plus. Si cet par la voie de
M. de Vilermont que vous les aves envolées, on ne me les a
pas rendues. Locasion du P. procureur fera que ie métrai
ici un petit mot pour lui, ne pouvant laler porter chez
M. le C. Je montrai votre lettre à M. Fabretti qui me
dit quil navoit jamés rien dit de semblable au P. Mabillon,
et quil navoit garde de lui en rien dire, parcequil ne les
avoit pas vus, et il me renvoia a ce quil avoit dit dans la
pag. 74 de son treté de Aquaeductibus (i), ou il le supose
(0 J.-B. de Villàlpando (ib52-i6o8), dans ses Explanationes inEi^e^
chielem^ avait essayé de reconstituer le pied romain à Taide d'un congé
appartenant aux Farnèse (Congium Farnesianum), et les conclusions aux-
quelles il était arrivé avaient rencontré beaucoup d'adhérents. Claude
Lancelot, entre autres, les avait adoptées dans sa Dissertation sur l'hé»
mine de vin et sur la livre de pain de S. Benoit^ Paris, 1667 et 1688
(p. I i-i3 de cette dernière édition). Raphaël Fabretti, dans son livre De
Aquis et Aquœductibus veteris Romœ, Rome, 1680, in-4», p. 74, objec-
tait qu'un vase destiné à mesurer les liquides ne paraît guère utilisable
pour la mesure de l'espace (Spatiis dimetiendis applicabilé); mais il n'al-
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206 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
antique (i). Je serai bien aise de voir la lettre du P. Lance-
lot (2). Ces congés, car il y en a plusieurs, sont a présent a
Parme ; ainsi je nai pu les revoir ni les repeser corne jaurois
fort souheté pour vérifier ce que jai fait autrefois quand le les
ai pesés ; mais, a moins que quelque curieus ne passe a Parme,
il n'y a plus rien a espérer. On pouroit écrire a un Jésuite
qui est la, qui fait le journal, de les peser; mais, sil na pas
la proportion du pois de Parme avec celui de Paris ou de
Rome, il y aura encore de lenbaras. Je ne lai pas pris en
passant, mais seulement la mesure du bras, mais il ne seroit
pas impossible de lavoir. On ne ma point envoie la copie
de cete lettre de Bezançon. M. de V. mavoit bien promis de
me lenvoier lordinere suivant la letre ou il men parloit;
mais je ne lai pas receue. Cependant ces 2 Istoires sont des
plus singulières. Depuis que M. de Witt (3) est arivé en
Holande, il na encore écrit a persone dici que ie sache ;
je lui avois repondu a une letre qui mecrivit de Genève et ie
le priois de quelques livres, mais il nous a tous oubliés en-
tièrement, ce qui me surprent fort, ne sachant pas quil ait
a se plaindre de ce pais ci, mais bien plutôt a sen louer,
aiaht été considéré et estimé com'il le meritoit. Je me rejouis
des charges quil a obtenues. Jai cru dabord queles ne lui
lait pas jusqu'à dire, comme le prétendait Mabillon, que le congé Far-
nèse n'était pas antique. Voir plus haut, p. 191, note 3.
(1) L'authenticité du Congium Farnesianum était, en effet, admise par
les archéologues les plus distingués. Peiresc jugeait ce vase si important
pour rétude de la métrologie qu'il en fit faire une copie, pendant son
séjour à Rome. A la fin du XV1I« siècle, cette copie était conservée dans
l'abbaye de Sainte-Geneviève à Paris ; elle a servi de modèle pour le
dessin que Lancelot fit graver et qu'il inséra dans sa Dissertation sur
Vhémine^ 2« édition, p. 12.
(2) Cette lettre du P. Lancelot contenait quelques explications complé-
mentaires de sa Dissertation sur Vhémine^ dont la deuxième édition
venait d'être publiée à Paris.
(3) Jean de Witt, dont nous avons publié deux lettres, suprà, p. 85 et
suiv.
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LETTRES D UNE PERSONNE INCONNUE. 207
lessoient pas le tans décrire, mais il y a trop long tans, nous
nous en consolerons. Je serai bien aise de savoir sil conti-
nuera de vous treter en France de même que nous. Ce se-
roit un livre a avoir que le Glossere de M. du Cange sil netoit
point trop cher (i); mais 2 volumes in fol., a Rome ou
les libreres veulent presque gagner le double, me font peur ;
il ny en a point encore ici. Jai grand envie de voir le Croni-
con Alex, parceque ie mimagine quil y aura quelques notes (2).
Jy ai un peu contribué de ma pêne, aiant confronté sur le
MS. du Vatican plusieurs passages dont il etoit en doute et
copié une lacune qui etoit dans limprimé ; mes îe ne sai
si on le lui aura fait savoir. Vous pouves vous en informer
adroitement quand vous le veres et vous m'obligeres de lui
fere mes très humbles complimens et lui ofrir tout ce qui
dépendra de moi ici. Je verai avec plesir ce que M. Toinard
aura remarqué ; com' il a fort étudié la cronologie, on ne
peut pas douter que ce quil fera ne soit excelent. Je lui ai
repondu sur ce quil ma demandé de cette inscription de
Gruter. Je nai pu en trouver loriginal, ne sachant ce quil est
devenu, mes ie ne croi pas quil manque rien au comence-
ment. Si vous êtes curieus de voir ce que ie lui ai écrit,
vous poures lui demander une copie de ma letre. Je lui en-
voie une bêle inscription que M. Fabretti a et quil donera
dans son ouvrage, ou il y a Xuxafirnaç 8u(i)(3); mais ce sont
des vers et il voudroit trouver quelqu'auteur qui sen fut
servi en prose. Mais, sil y en avoit, M. du Cange ne les
auroit pas ignorés. Vous m'obligeres de continuer a pous-
(i) Du Cange venait de publier son Glossariumad scriptores mediœ et
injîmœ grœcitatis^ Paris, 1688, 2 vol. in-f».
(2) Une nouvelle édition du Chronicon Paschàle sive Alexandrinum,
cum notis, venait de paraître, par les soins de du Cange, à Paris, 1 688,
in-fo.
(3) C'est probablement l'inscription publiée dans le Corpus Inscrip-
tiorum grœcarum de Bœckh, t. 1 1 1, n» 6,238.
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2o8 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
ser ces Peres de S. Geneviève iusqu'a ce quils aient trouvé
les 5 premières sections de M. Spon. Il faut quil y ait autre
chose que de la Paresse, puisque cela ne peut pas se cacher
introuvablement. Je ne sai que M. Fabretti qui travaille
présentement et Mgr Ciampini (i). Si M. Bellori fait quelque
chose, il vous le fera savoir quand il vous écrira. Il y a
long tans quil ne nous est venu de livres nouveaus de
France et encore moins de Holande, ou il faut que les brouil-
leries et la crainte des Algériens les empêchent d'envoier
leur convoi, ce qui est cause que nous nentendons parler
des nouveautés que dans les Journaus. Il y a près dun an
que ie nai point vu la biblioteque universele, qui etoit la
plus exacte. Je ne sai si on la continue. Vous me feres
toujours grand plesir de me fere part des livres nouveaus ;
car,' pour des nouveles du monde, ie ne vous en demande
point, non plus que ie ne vous en écris point, puis qu'on
ne dit très souvent pas un mort de vérité, et vous en pou-
ves juger par ce qui ariva avantier, que M. le G. d*E. étant
a laudience du Pape pour lui fere part de Tlnfant de Portu-
gal, le bruit etoit par tout Rome quil etoit mort, et peut
être que quelque Italien laura écrit a Paris. Obliges moi.
Monsieur, dassurer tous vos Messieurs de mes très humbles
respects et de lofre de nies services. Nous navons point
encore ici les 2 derniers livres de M. Vaillant. A présent
que M. François, qui est a M. Grozier, est a Paris, il
nous fera des paquets de tout ce quil y a de nouveau ; ie
mimagine que vous ne manqueres pas de le voir quelque
part et de vous enquérir de lui de ce pais ci. Si vous avies
quelque bagatele a menvoier, vous pouries le lui doner
quil le mit dans ses balots. Il a fait espérer quil seroit ici
vers Noël. Je suis. Monsieur, T. a V.
(i) Giovanno-Giusto Ciampini, né à Rome le i3 août i633, mort le
12 juillet 1698.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 209
LXI
A Monsieur
(Franc a Lion, 6)
Monsieur lAbé Nicaise
a la Perle sur les fossés
de M. le Prince^
Paris.
Rome, 22 mars 89.
Javois toujours remis, Monsieur, a repondre a vos obli-
geantes letres, que les balots de M. Crozier, que Ion atendoit
de jour a autre, fussent arivés, afin de vous fere savoir la
réception de ce que vous aves u la bonté de fere mètre de-
dans ; mes, outre quils ne sont pas arivés, il y a aparence
quils nariveront pas encore si tôt, parceque M. Crozier me dit
il y a quelques jours quil les avoit contremandés de peur de
quelque rencontre sinistre. Je navois pas besoin de les aten-
dre pour vous remercier, vous étant autant obligé que si ie
les avois déjà receus. Je ne sai pourquoi M. Baudelot ne ma
pas favorisé corne les autres, puisque vous lui en avies doné
lordre, mais cet asses de les avoir trouvés, jay seulement
regret a la peine que cela vous a doné. Je suis bien aise
daprendre que vous aies choisi Tabitation ou vous êtes ; vous
ne pouves pas être en meilleur air et avec de meilleures gens ;
vous leur feres bien, sil vous plait, mes amitiés, tant aus
parens qu'aus enfans. Cependant, si voustrouvies quelque
compagnie pour demeurer dans ma chambre, ne la lesses pas
vacante pour matendre encore; mes vous saves qu'on ne
peut pas repondre de lavenir.
Jai cherché par tout les 2 livres que vous demandes ; mes,
outre que ie ne les ai pas trouvés, on ma presque asuré que
Atadémit dt Lyon, ciasse des Lettru. 14
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210 LETTRES A L'ABBE NIC AISE.
ie ne les trouverois pas. Sils etoîent dans la biblioteque de
M. le C. Slusio(i), ils auront été transportés dans celé de M. le
Trésorier ; car ils ne sont pas parmi les livres qui sont restés.
Pour les figures du sépulcre de Nazoni, si vous les voules,
vous naures qu'a doner ordre a M. Anisson quil fasse tenir
12 ecus a M. Crozier, qui les prendra et les metra dans le
premier balot quil envolera en France; car on nen veut rien
rabatre de 2 ecus Texemplere, a moins que, quand on sera
prêt a en prendre une cantité, on nen tire meilleur marché de
quelques Jules. Vous saves qu'ici on ne parle que decus
romains, qui valent 3 1. 1 1 s. de France, a queque denier
près ; mes M. Anisson ne l'ignore pas. Sil ne faloit point que
cela pasat par les mains de M. Crozier pour vous les envoier,
qui doit avoir comerce avec M. Anisson, ie vous ofrirois de
les prendre sans son moien ; mes ie ne sai pas dautre voie de
vous les faire tenir.
Si tôt que jaurai receu les exempleres, jen porterai un a
M. Fabretti. Jai oublié de lui demander la réponse a votre
letre pour M. Bellori ; ie ne croi pas que vous dévies en aten-
dre ; toutes les fois que ie le rencontre, ie len fai resouvenir
et il me promet de me la porter, mes il n'en fet rien. M. Fa-
bretti achevé son texte dinscriptions nouveles, ou il y aura de
bêles choses. Il trouve tous les jours des inscriptions, parti-
culièrement dans le cimetière de S* Hélène ou de SS. Piere
et Marcellin, a 3 miles dici (2), ou Ion a découvert depuis peu
(i) Jean-Gualter de Sluse; voir, plus haut, page i23, note 2. Ce cardi-
nal, mort le 7 juillet 1687, est constamment cité, avec les plus grands
éloges, dans les dépêches adressées à Louis XIV par ses représentants à
la cour de Rome. Le duc d'Estrées l'appelle « le plus savant prélat », et
exalte sa mode'ration (26 octobfe i683); Servient parle de son insigne
doctrine (7 mai 1682) ; enfin le cardinal d'Estrées, faisant part de sa mort
au Roi (8 juillet 1687), présente cette mort comme très déplorable pour
|a France. Voir Michaud, Louis XIV et Innocent X/, passim^ notamment
f IV, p. i58.
(2) d In via Lavicana ».
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 211
un ordre inférieur qui na point encore été visité, ou il y a
bien des inscriptions, la plupart greques ; mes a beaucoup il
ny a rien a aprendre, ny aiant que le non ou des choses vul-
gaires. En voila une pourtant ou il y a quelque chose de
curieus a cause de NÛ (r).
D M
(Un poiMon) nOnOYAHNIA (Une ancre)
AnEeANHNNÛ
On ne voit pas a qui sadresse ce Nco, qui est au duel. Vous
nous en dires votre sentiment (2). On y trouve tous les jours
de beaux médaillons. On en a déjà trouvé plus de 24, bien
conservés, qui ne peuvent avoir été mis que pour marquer le
tans de la mort, au lieu de mètre les consuls. La plupart
sont des derniers empereurs devant Constantin et ont au
revers les 3 figures avec les balances. Il y a beaucoup de
marques de martirs com'ils les suposent ici. On y a découvert
un polyandrion ou, outre les sépulcres qui sont a lordinere
dans les murailles les uns sur les autres, il y a sur le plancher
une grande cantité dos les uns sur les autres, qui mont paru
en confusion, quoique M. Fabretti y prétendit trouver quel-
qu'ordre dans leur position, dont il et dificile de deviner
lorigine. Il croit que ce sont tous des martirs que Ion a ainsi
mis les uns sur les autres dans quelque persécution, n'aiant
pas u le tans de les ensevelir a part. Quelques uns ont cru
qu'on les a otés des sépulcres voisins, pour y mètre dautres
cors, com'on croit quil et arivé en dautres endrois ou Ion
(i) Bouhier a, propria manu^ écrit dans Tinterligne : « Elle est au
Recueil de M. Fabretti, p. Sgo. » Voir, en effet, Fabretti, VIII, n» CVII,
p. 590.
(2) L'éditeur de cette inscription dans le Corpus Inscriptionum grœ^
carurfij t. IV, n^ 9596, a proposé de lire : Dis manibus, UomvXnvia MOmtv
finvi M4€/*^îw; mais il a prudemment ajouté un point d'interrogation.
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212 LETTRES A L ABBE NICAISE.
trouve ainsi des os jetés en confusion ; mes on peut douter
si les premiers cretiens violoient ainsi les sépulcres de leurs
prédécesseurs, come nous fesons présentement en les metant
dans nos charniers ; car en ce tans la chacun tachoit davoir
son sépulcre a part. On pouroit latribuer ausibien a quel-
que peste qu'a une persécution et peutetre avec plus de fon-
dement, puisqu'on avoit plus de considération pour les
martirs. On vera si en levant ces os on ne rencontrera point
quelque signe qui fasse conetre ce que cet. Il y a dans cete
chambre 2 sépulcres avec leurs tuiles, et a lun M. Fabretti
dit quil y a des marques de martir. Tous les autres sont
ouverts, soit que leurs plaques de marbre ou de tuiles soient
tombées, soit quils naient jamés été fermés, ce que Ton jugera
mieus, quand on aura levé les os, qui ont près de 3 pies de
hauteur. Si cetoient des martirs, come le prétend M. Fabretti,
il y en auroit asses pour tout le monde, et Ion ne devroit pas
avoir tant de pêne a obtenir quelque tête come Ion a a pré-
sent. Jy vis une inscription ou il y a un T qui me paroit
gotique; mes jai oublié si cet un G ou un K; ele et ainsi
AEKENTI. Jai recomandé a M. Fabretti de la prendre; car
on pouroit peut être par la juger de son antiquité. Je nai
pu retrouver lalfabet des Pandectes, pour voir sil y a des T
de cete façon, et je nai pas le livre du P. Mabillon pour le
chercher. Quoique TE soit aussi gotique, il est pourtant
ancien tant en grec quen latin (i).
Je ne vous écris point de nouveles ; car ici tout demeure
en même état, sans espérance de changer de ce coté ci, et
(i) Pour rendre ce passage facikment intelligible, il aurait fallu user de
caractères autres que ceux que nous avons été forcé d'employer. Le T
ou le prétendu T du mot AEKENTI a la forme d'un C, très fermé, surmonté
à gauche d'une ligne courbe ; TE a également la forme d'un C, au milieu
duquel, à droite, s'adapte un trait horizontal ; enfin, l'auteur de notre
lettre dit ne pas se rappeler s'il faut lire AECENTI ou AEKENTI. Voir Mabillon,
de Re diplomatica^ éd. de Naples, t. I, p. SyS.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 2l3
pour les autres nouveles, vous les deves savoir mieus que
nous, puisque la plupart vienent de delà. Nous souheterions
seutement queles nussent pas tant besoin de confirmation et
que les nouveles postérieures ne détruisissent pas les pre-
mières. Car souvent on nous repait de grandes nouveles,
qui dans la suite ou sevanouissent entièrement ou devienent
si peu de chose que ce net rien *, mes cest bien pis quand eles
sont fausses. Voici le tans des graves evenemens et par con-
séquent des grandes nouveles.
Le P. Lubin (i) ma envoie cete letre pour la mètre dans
mon paquet. Vous m'obligeres de fere tenir celé de M. Toi-
nard, ne sachant pas sil et a Paris ou a Orléans. Je salue
avec votre permission M. dErbelot (2). Asures tous les cabi-
nets de mes très humbles respects et me croies. Monsieur,
parfetement a vous.
LXII
A Monsieur
Monsieur Anisson, marchand
libraire de Lion, pour fere tenir
a Monsieur lAbé Nicaise
a Paris,
Lion,
Rome, 27 sept. 89 (3).
Je ne doute pas, Monsieur, que vous ne me blamies, vous
et peutetre mes autres amis, de ce que ie ne vous fai pas
(i) Augustin Lubin, géographe, religieux de Tordre des Augustins, né
à Paris le 29 janvier 1624, mort dans la même ville le 7 mars 1695.
(2) Barthélémy d'Herbelot, orientaliste, né à Paris le 4 décembre 1625,
mort le 8 décembre 1695.
(3) Cette lettre fait partie du Recueil de la correspondance de Nicaise,
déposé par Prunelle, en 1 83 1, à la Bibliothèque nationale. Fonds français,
9362, cote 3i.
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2J4 LETTRES A L*ABBÊ NICAISE.
part de ce qui se passe dans le Conclave, parceque vous
vous imagines quil sy fet tous les jours de grandes choses ;
mes, si vous eties ici, vous en jugeries autrement et, hors deus
fois quil y a u quelque rumeur sur lelection de 2 suiets,
tous les Italiens ausquels on en demande des nouveles
disent quil ne se fet rien(i). En efet, on a atendu nos François,
quoiquil y ut dimanche 8 jours que, le tans étant passé
quils pouvoient être arivés sans qu'on ut seulement nouvele
sils etoient partis, la faction des Zelanti essaia de fere Bar-
barigo, eveque de Padoue (2). Mes leur treté fut éventé et on
le croit dissipé, quoiquil y en a beaucoup qui le voudroient.
Il n'y a rien a dire pour la pieté ni pour la doctrine (3) ;
mes on craint quil nut pour le moins autant de zèle et de
fermeté que l'autre, outre que beaucoup ne voudroient pas
un vénitien. Si cete reson a lieu, Ottobono na rien a espérer,
quoiquil ait été ausi un peu en predicament. Nos Gard, vont
peut être changer les choses (4). Cependant, sil faut atendre
(i) Le correspondant de Nicaise parle du Conclave réuni pour donner
un successeur à Innocent XI, mort le 12 août 1689.
(2) Grégoire Barbarigo, Vénitien, né le 16 septembre 1626, évêque de
Bergame, puis de Padoue, cardinal en 1660, mort le 19 juin 1697.
(3) Dans ses dépêches à Louis XIV, le cardinal d'Estrées, « protecteur des
affaires de France à Rome », disait dès le 16 juillet 1676 : « Si Ton se con-
tentait de la sainteté, ce sujet aurait plus de lieu de prétendre à la papauté
qu'aucun autre ; mais on s'attache ordinairement à d'autres talents et à
d'autres qualités. » Pendant le conclave, le i3 septembre 1689, d'Estrées
disait encore : « Barbarigo serait un pape doux, humble, occupé du bien
de la religion..., éclairé dans les sciences et dans les obligations d'un véri-
table pasteur, et qui s'appliquerait uniquement à la paix et au rétablisse-
ment de notre religion ; mais je ne crois pas que cette vue puisse avoir
aucun effet. » Michaud, Louis XIV et Innocent X/, 1. 1, 1882, p. 173 et
suivantes.
(4) Ce fut précisément l'influence française qui assura l'élection du
cardinal Pierre Ottoboni. Ce prélat, né à Venise le 19 avril 1610, et
cardinal depuis i652, avait alors soixante-dix-neuf ans. Élu le 6 octo-
bre 1689, Ottoboni adopta le nom d'Alexandre VIII. Voir, sur son car-
dinalat, Michaud, Louis XIV et Innocent XI^ t. I, 1882, p. 5o8-532.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 21 5
les Espagnols com'on les a entendus {sic)^ on nentendra
parler de rien de conséquence quapres leur arivee et celé
des autres qui aparement les devanceront. Corne cete anée
et sene, ils sen consoleront plus facilement et se divertiront
afere grande chère et grans regales. Ce matin le G. dEste (i)
en a fait 3, un a chacun de nos 3 Gard, qui entrèrent ier a
23 heures, pressés dun nombre infini de monde qui vouloit
voir le G. de Furst (2). LAbé Morel (3) est un de ses concla-
vistes. On avoit écrit de Paris que lAbé de Groissi en seroit
un, mes il ny et pas entré. Je ne conois point les autres, si
ce net M. de Seste, qui et entré avec le G. de Buillon (4). Il
et venu force Abés, mes la plupart sans abaie, ni en aiant
que 3 qui aient u permission, come vous saures mieux que
(i) Ce cardinal peut être le cardinal d'Estrées; mais ce pourrait être
aussi le cardinal Rinaldo d'Esté, né le 25 avril i655, cardinal en 1686,
duc de Modène en 1694, mort le 26 octobre 1737; ce cardinal, devenu
duc, « remit son chapeau dans le Consistoire du 29 mars 1695, » et se
maria le 18 novembre de la même année.
(2) Guillaume Égon, prince de Furstenberg, évêque de Strasbourg du
8 juin 1682 au 10 avril 1704, cardinal en 1686. Voir, sur ce prélat,
Michaud, Loc. cit., III, p, 152-184.
(3) Cet abbé Morel est peut-être celui qui avait failli succéder, en qua-
lité d'auditeur de Rote, à Louis d'Anglure de Bourlemont ; mais la place
fut donnée à Tabbé Ysoréd'Hervault (Michaud, Louis XI V et Innocent X/,
t. II, p. 282).
(4) Emmanuel-Théodose de la Tour d'Auvergne de Bouillon, né le
24 août 1644, cardinal en 1669, mort à Rome en 171 5. — Les deux au-
tres cardinaux français, en 1689, étaient Tévêque de Grenoble, Etienne
Le Camus, né en i632, cardinal en 1686, mort à Grenoble le 12 sep-
tembre 1707, et Tarchevêque de Narbonne, Pierre de Bonzi, né à Flo-
rence le i5 avril i63i, cardinal en 1672, mort à Montpellier le 11 juil-
let 1703. Voir pour le cardinal de Bouillon, Michaud, Louis XIV et InnO"
cent X/, t. III, p. 147 et suivantes ; pour le cardinal Le Camus, Eod.
Loc.^ t. II, p. 5o2 à 555 ; pour le cardinal Bonzi, Eod, Loc,^ t. III, p. 139
et suivantes. Le Camus n'assista pas au conclave de 1689 ; par conséquent
les trois cardinaux français qui entrèrent à Rome le 26 septembre étaient
les cardinaux Bonzi, de Bouillon et de Furstenberg. La curiosité dont le
dernier fut Tobjet s'explique par le bruit qui s'était fait autour de son nom,
pendant les mois qui précédèrent le conclave, à propos de l'Électorat de
Cologne.
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2l6 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
nous, Croissi (i), Beuron (2) et Noirmoutier (3). M. le duc de
Chaunes (4), qui avoit receu les compliments corne Ambass. , set
déclaré, a ce qu'on dit, quil ne prétend point dautre calité que
celé que le conclave lui voudra doner. Ainsi com'il y a ici un
envoie de lEmpereur,Liextenstein,qui n'en a point pris et qui
se contente daler a la Rote, corne fet aussi lAmb. d'Esp. qui et
toujours incognito, on croit quils souheteront quil fasse de
même et on dit que, sil prenoit quelque calité, que Lieks-
tenstein prendroit la même. Il ira demain ou plutôt jeudi
au Conclave et alors on saura en quele calité. Il a ici tous
ses oficiers et demeure chez M. le C. dEtrées (5), ou il va
tenir sa table. On dit qu'il a 60 personnes avec lui.
Les galères sont toujours a Civita Vecchia au nombre
de 28, dont on dit qu'il y en a 4 dans la darse que Ion y a
lésé entrer parcequeles etoient trop presées. On croit queles
repartiront bientôt, mes cela dépend des ordres de M. le
(i) Charles- Joachim Colbert de Croissy, second fils du ministre Charles
Colbert de Croissy et neveu du grand Colbert, était né en 1668, ce qui ne
l'empêchait pas d'être, depuis 1684, abbé de Froidmont en Beauvoisis. Il
eut une chambre au Conclave et sut se concilier les bonnes grâces du
nouveau pape, Alexandre VIII, qui l'appelait « Vabbate angelo ». Promu
à révêché de Montpellier en novembre 1696, il mourut le 8 avril 1738.
Voir Michaud, Loc. cit.^ t. III, p. 322.
(2) Probablement Odet d'Harcourt, fils de François III, marquis de
Beuvron, né le 26 novembre 16 58, aumônier du Roi, abbé de Monstier
en Champagne, mort au camp de Namur en juillet 1692.
(3) Probablement Joseph-François de la Trémoille, fils de Louis II,
duc de Noirmoutier, né en i658, abbé de Lagni, de Sorese, de Grand-
Selve, de Saint-Amand près Tournai, qui fut plus tard auditeur de Rote,
cardinal (17 mai 1706), abbé de Saint-Étienne de Caen (juillet - 1710),
évêque de Bayeux (février 17 16), archevêque de Cambrai (mai 1718), et
qui mourut à Rome en janvier 1720.
(4) Charles d'Albert d'Ailly, duc de Chaulnes, né en 1625, mort le
4 septembre 1698.
(5) Sur le cardinal César d'Estrées, né à Paris le 5 février 1628, mort
le 18 décembre 17 14, et sur la mission diplomatique dont il fut chargé à
Rome, voir l'ouvrage de M. E. Michaud, Louis XIV et Innocent XI y
quatre volumes in-8<», 1882-1883, et spécialement t. II, p. 167 à 23i.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 217
duc de Ch. Si vous voies M. de Vilermont, demandes lui a
voir sa letre; il y aura peutetre quelque chose de plus que
dans celeci. Mancini ariva avantier; mes, outre la confirma-
tion de la prise de Maience (i), je nai pas su quil porte au-
cune nouvele de conséquence. Nous saurons demain ce que
font les armées, et, quoiquil arive, il faudra tacher de se
consoler et de soufrir patiemment quelques petis insultes,
qu'on comence a nous fere en ce pais ci, quoique lavantage
pour une campagne soit encore peu de chose. M. Fabretti
a receu, come ie vous ai deia écrit, la letre du P... (2) ausi-
bien que moi, dont nous vous somes obligés. Il alésé reposer
son trete dinscriptions, ou il en aioute tous les jours de nou-
veles, pour travailler a lexplication des médaillons du C. Car-
pegna (3). Il y en a 96, dont M. Bellori en a déjà expliqué 23.
Je ne sai si le P. Lubin vous aura écrit quil a découvert
quelque part dans une biblioteque votre Cronique de Sicile.
Ce net peutetre pas ce que vous souhetes, mes a lacheter. Si
ele et ou il croit, on poura voir cependant ce que vous
souheteres et je mofre pour vous y servir. Nous navons point
encore ici les Poliorcetiques que M. Tevenot a publiées (4).
Jai grande impatience de les voir pour savoir sils ont bien
entendu par tout ces auteurs et sils ont bien compris et
desiné leurs figures. Je nai point vu le livre ou M. le Presi-
(i) Mayence, occupée par 10,000 Français, sous les ordres du mar-
quis d'Uxelles, et assiégée par les Impériaux, venait de capituler (8 sep-
tembre 1689), après une héroïque défense.
(2) Le nom de ce Père n'a pas été écrit par Fauteur de la lettre; c'est
peut-être Claude Lancelot. Voir plus haut, p. 206.
(3) Il y a eu deux cardinaux de ce nom : Ulric Carpegna, d'Urbin, né
le 25 mai iSgS, cardinal le 28 novembre 1634, mort le 24 janvier 1679,
et Gaspard Carpegna. Voir, sur ce dernier, dont Moréri a oublié de parler,
Michaud, Louis XIV et Innocent X/, t. I, 1882, p. 181-186. Le protecteur
de Fabretti était Gaspard.
(4) Le Recueil des œuvres des Ingénieurs grecs, que Melchisedech
Thévenot a réunies dans un livre ayant pour titre : Mathematici veteres^
porte la date de 1693, et, par conséquent, n'était pas encore publié.
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2l8 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
dent Cousin et mal treté ni le journal ou il reprent le
P. Hardouin. Sil avoit véritablement manqué , ie ne voi
pas pourcoi mal treter un orne qui le reprent. Jai parcouru
ce quil a fet contre M. Vaillant (i). Il me semble quil y a bien
des choses quil ne prouve pas et qui ne sont que des pensées.
Il y a cependant de bones remarques, mes il faut atendre la
critique de M. Vaillant qui a ces matières plus présentes.
Vous lui feres sil vous plait mes complimens, a tous vos
messieurs des cabinets et a tous nos amis vos voisins et
éloignés. Jai comencé a lire la dissertation de M. le Blanc (2).
Je voi quil a ramassé tout ce que les autres ont dit a notre
avantage et quil a cité quelques pièces nou vêles, mes jai vu
peu de chose sur son principal dessein pris des médailles
monoiées a Rome. Je crains quil ny ait dans le P. Hardouin
de quoi lui repondre, puisquil cite des monoies de nos pre-
miers rois avec Conob, quoiquils naient jamés été mètres de
Constantînople. Les Italiens ne peuvent ils pas dire que,
puisque les papes avoîent fet nos rois et Patrices et Empe-
reurs, ils pouvoient bien graver leurs portraits dans les mo-
noies qu'ils frapoient a Rome pour marquer ces actions a la
postérité ou pour leur fere oneur. Enfin je n'ai pas trouvé
quil ait ases insisté sur ce quil dit quil lui a doné ocasion de
fere ce treté; mes ie ne fai que commencer de le lire. Un
Italien qui la lu ma dit que, quand même ce quil prétend
seroit bien prouvé, ce seroit aux Empereurs qui ont succédé
à lEmpire, et non pas a nous, a prétendre la souvereneté de
Rome, mes que les choses sont changées. Il ne set pas fet
cete dificulté. Si vous parles de cela, ne me cites pas. Je vous
baise très humblement les mains et suis Tout a vous...
(i) Hardouin venait de publier son Antirrheticus de Nummis antiquis
Coloniarum et Municipiorunij ad Johannem Foy Vaillant; Paris, 1689,
in-4».
(2) Voir plus haut, p. i65, notes 2 et 3.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 219
Je ne vous parle point dune infinité de mechans écris faits
contre tous les Cardinaus et même du Pape.
LXIII
A Monsieur
Monsieur lAbé Nicaise sur
les fosses de M. le Prince a la
Perle,
Paris.
Rome, 29 novembre 89.
Je receus, Monsieur, ces iours passés, votre letre dans une
de M. Anisson par la poste long tans après quele etoit arivée,
parcequ'en recevant peu par cete voie la, ie ny envoie pas
ordinerement. Je vous remercie de toutes vos nouveles e
come aujourdui les embaras survenus, dont vous veres quel-
que chose dans la letre de M. de Vilermont, dont je lai prié
de vous fere part, mempechent de vous écrire au long, ce mot
sera pour vous avertir que par bonheur jai trouvé les Notitie
Istoriche de Messana, come ausi le Pelegrini. Je ne metois
point hâté dacheter les tombeaus de Nasone parceque ie ne
voiois pas la comodité pour vous les envoler; mes aiant ier
passé chez M. Baudri, auquel M. Anisson mavoit adressé
pour savoir sil voudroit avancer sur une letre quil mecrivoit
ce quil me marquoit, il me dit quil y avoit ches lui un orne
qui envoioit quelque balot par des Malouins qui sont a Civita
Vecchia et qui partiront dans 12 ou i5 jours, equil sinfor-
meroit sil ne pouroit pas y mètre un petit paquet de livres.
Jirai voir demain sil le poura et ausitot jirai prendre tous vos
livres e les lui porterai. Nous navons u aucune nouvele du
P. Noris ni de vos livres, e, come ien parfois avantier a
Mons«^ Fabretti, il me dit quil ne lui avoit pas écrit depuis
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220 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
quil etoit au poste ou il et. Vous saves quil et secretario de
memoriali (i) e par conséquent en prelature. le lui dis que, sil
lui ecrivoit, il lui demandât des nouveles de ces exempleres,
dont par avance je vous remercie. Je vous manderai au pre-
mier jour le particulier du sépulcre que Ion découvrit ier
dans une vigne ici dans Rome, cet a dire dans Rome mo-
derne, car vous saves que Ion nenteroit point dans Rome
anciene, qui etoit beaucoup plus petite quele n'et a présent,
quoiquen ait écrit M. Vossius (2). Msg*" Fabretti fet graver les
médaillons du C. Carpegna, avec lexplication ; il y aioute les
douze bêles médailles dor du marquis Strozzi. Je suis fâché
que M. Toinard ait suiet de se plaindre de M. Vaillant ; mes,
quand on garde les choses si long tans, cens a qui les mêmes
pensées vienent croient avoir droit de sen fere oneur. Ne
pouries vous pas vérifier si Ion trouve, dans le P. Petau e
ces autres que le P. Lami vous a dit, la pensée de M. Toinard
sur la Paque. Je nai pu voir ces dissertations du P. Lami (3) ;
car il ne nous vient plus rien de France e encore moins de
Holande ; ainsi nous ne savons rien de nouveau. Mes compli-
mens par tout sil vous plait. T. a V,
(i) Le titre de Segretario de' Memoriali venait d'être conféré à Raphaël
Fabretti par Alexandre VIII.
(2) Les observations d'Isaac Vossius sur la grandeur de l'ancienne ville
de Rome se trouvent dans le Variarum Observationum Liber ^ publié à
Londres en 168 5. Vossius prétendait que l'enceinte de Rome était déplus
de cinquante mille pas (74 kilomètres), sans y comprendre les faubourgs,
et, en les comprenant, de soixante-douze mille pas (106 kilomètres), en
ne tenant pas compte de la région trans Tiberim, Quant au nombre des
habitants, à l'aide de calculs basés sur la hauteur des maisons, sur la
proportion existant à Athènes entre le nombre des citoyens et le nombre
des esclaves, etc., etc., Vossius l'évaluait à quatorze millions.
Ces chiffres sont évidemment fort au-dessus de la réalité.
(3) Bernard Lamy, oratorien, né au Mans en juin 1640, mort à Rouen
le 29 janvier 171 5 ; parmi ses œuvres figure un Traité historique de Van-
vienne Pdque des Juifs ; Paris, 1693, in-12. Nous connaissons trois lettres
de ce Père à Tabbé Nicaise ; on les trouvera, à la Bibliothèque nationale,
fonds français, 9359, cote 206 ; 936 1, cotes 21 et 75.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 221
LXIV
A Monsieur
Monsieur lAbé Nicaise
a la Perle sur les fossés de
M. le Prince^
Paris.
Rome, 27 décembre 89.
Je croiois, Monsieur, vous fere savoir des mardi passé que
vos livres etoient partis, mes il me survint une afere qui
men empêcha. Ils sont adressés a M. Anisson e doivent par-
tir par les vesseaus de S. Malo qui sont a Civita Vecchia
mercredi, les capitenes e ceus qui sy doivent embarquer
devant être partis ier. Il y a 6 exempleres du Tombeau de
Nazonius, sur lesquels jai épargné une demipistole qui me
reste, dont vous me feres savoir a quoi vous souhetes que je
lemploie. Gome ie ne savois pas de quele manière on les
metroit dans les caisses ou M. Baudri mavoit dit quil esperoit
les fere mètre, je les lui porté envelopés seulement de pa-
pier et séparés ; mes il se chargea de les acomoder dans de la
toile cirée, come jaurois fait si javois su de quele manière on
les pouvoit acomoder. Je voulois ausi lui rendre ce quil
devoit coûter, du reste qui mavançoit, mes il me dit quil le
manderoit à M. Anisson.
Jai été fâché, en parcourant la Campagna felice, di voir
quelques traces de vers que ie navois pas aperceus en lâche-
tant, laiant cru neuf acause de la reliure et netant pas tombé
en l'ouvrant sur les pages qui sont touchées; mes il a falu
sen contenter, nen aiant pas trouvé dautre et jai cru que vous
laimeries mieux ainsi que de ne le point avoir.
Pour le Raina, ie lai acheté pour vieux parceque je nai pu
non plus trouver que celui la ; mes, en le fesant bien relier.
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le fond, ou il semble que les tarmes ont été, étant bien colé,
ny fera aucun domage. On mauroit rendu largent, parcequ'on
prétend quon ma fet bon marché, ce livre étant rare; mes
netant pas asuré quil y en ut dautres a Messine et peutetre
aîant été beaucoup plus cher, jai cru que ie devois satisfere
votre curiosité au plutôt.
Jatendois de vos nouveles, come M. de Vilermont mavoit
écrit que vous lui avies dit que vous me feries la grâce de
mecrire ; mes voila 2 ordineres qui se passent sans que jaie
rien receu. Cependant, sans vos letres, je naprens gueres de
nouveles de livres, dont nous savons ici peu de choses, ne
conoisant persone ici qui fasse venir les nouveles de la rep.
de§ letres ni la biblioteque universele et ie ne sai pas même
si on les continue.
Depuis que Msg"^ Fabretti et secrétaire des memoriaus, je
croi quil travaille peu a achever ses inscriptions. Cependant
cela lui douera ocasion den aiouter toujours de nouveles,
ou quil découvre ou dont on le regale. Il va doner dans peu
lexplication du reste des médaillons du Card. Carpegna quil
a fet graver avec les 1 2 césars dor du duc Strozzy. Jai été
quelque tans sans le voir. Je croi que dans ses inscriptions
il douera le plan de cete voûte qu'on a découverte depuis
quelque tans dans la vigne du Car. Cavalierî (i), ou il y avoit
une porte de marbre a 2 batans, conforme a la description
que Vitruve en fait dans son livre 4, e une bêle caisse ou
cerceuil de marbre de plus de 8 pies de long ou il y avoit
dedans 4 cors. Cet édifice etoit tout pavé de careaus de
marbre blanc dun demipié antique en caré e entredeus il y
avoit de petites règles de 3 lignes de ce qu'on apele ici laua-
gna qui resemble a notre ardoise ou plutôt qui et la même
(i) Gaspard Cavallieri^ simple clerc de la Chambre, élevé au cardinalat
le 2 septembre 1686, à Tâge de 35 ans, et mort en 1690. Voir Michaud,
Louis XIV et Innocent X/, I, page 187.
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 223
chose, si ce net peutetre quele ne peut pas se fere si déliée
ou plutôt qu'on ne la fet pas, parcequ'on en couvre peu les
édifices et que ceus qu'on en couvre, corne on a fet les 2 égli-
ses a lentrée de la porta del popolo e quelques autres, eles
sont fort épaisses pour la durée, parcequetant mises avec le
ciment, eles ne sont point enlevées par le vent, com' il arive
en nos cartiers. — Pour mètre cete caisse de marbre e can-
tité dautres cors mors qui se sont trouvés dans cet édifice,
on a rompu le pavé, ce qui marque que sa première destina-
tion na pas été un sépulcre, e ce qui me le fet croire davan-
tage, ce sont 2 fenêtres, une a chaque bout, pour y doner
du jour. De plus, il y a un portique tout autour pour le con-
server de Tumidité. Il y avoit plus de i3oo de ces careaus
de marbre. On a trouvé dautres cerceuils de tere cuite, tout
dune pièce, come vous en aures vu ici, e, au dessus de cete
voûte et aus cotés, on y a trouvé une très grande cantité de
cors, la plupart seulement sous deus grans careaux ou 2 gran-
des tuiles, apuiées lune contre lautre ainsi A. Outre des cors
ensevelis on a trouvé ausi des urnes remplies dos e de cen-
dres, et il faut que dans les divers tans qu'on a fet servir ce
lieu de sépulture, on enterat e on brulat; mes il y en a bien
plus denterés que de brûlés. A ceux qui sont enterés, on a
trouvé presque a tous une médaille dans la bouche, dont le
signe etoit quand les dens et les mâchoires etoient vertes de
la rouille des médailles, dont la plupart sont mangées, en
sorte quil y en a beaucoup ou on ne poura rien conoitre, que-
que pêne qu'on prene a les netoier. On en a deja trouvé près
de 5o, la plupart du tans des Antonins ; les plus récentes
que jai pu conoitre et une d'Alexandre Severe e une autre
du jeune Gordien ; il y en a une dAuguste avec Providen-
tia, dautres d'Hadrian , de Vespasian ; mes , come vous
saves, les plus ancienes ne prouvent pas tant que les plus
nouveles, puisque dans un tans moderne on peut se servir
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224 LETTRES A L ABBÉ NICAISE.
de médailles et de tuiles plus ancienes que Ton a déjà. La
plupart des grans careaus ou tavoloni sont du tans de
Domitia Lucilla. On découvrira peutetre plus de particula-
rités et ie mimagine que quelcun en fera la description. On
y a trouvé plusieurs lacrimatoires de vere e sur quelques
cors de grandes urnes percées couvertes d'un careau ou il
y avoit un trou, aparement pour y fere des libations ou pour
y pleurer, et même on a trouvé un conduit de plusieurs tuiaus
de tere encastrés, qui du haut de la surface de la tere aboutis-
soient dans lendroit ou il y avoit un cors. Jai regret que le C.
Cavalieri ruine cet édifice qui meritoit detre conservé, quand
ilnauroit du servir que de grote a mètre du vin; mes il n'y
a pas de remède, ie le croi déjà bien gâté, car on devoit
comencer samedi a lever les pieres. Il est fet d'une solidité
extraordinere, les murailles aiant depesseur 2 ordres de pieres
de peperin de plus de i pié 9 pouces chacun. La voûte avoit
4 ou 5 pies depés e les murailles aloient presque jusqu'à la
hauteur de la voûte, pour plus de force, ce que nous apelons
les reins de la voûte étant rempli de masonerie. Ce lieu
avoit déjà été cave e il y a aparence que, sil y avoit quelque
chose de meilleur que ce qu'on y a trouvé, il a été emporté.
On a trouvé dans tere 2 inscriptions, mes ou il ny a rien a
aprendre que les nons. On a trouvé ausi un morceau de
marbre qu'on apele Castracane, qui et des plus precieus,
dont on peut fere 4 ou 6 petites colones de studiolo ; mes la
dépense en seroit grande acause de sa dureté. Sil se découvre
dautres curiosités, ie vous en ferai part. — Vous mobligeres
de montrer cela a M. de Vilermont, autrement il faudroit
que ie le copiasse, lui aiant promis de lui en fere un peu
de description, que ie pourois avoir fait plus exacte si ie me-
tois trouvé au tans qu'on a fet les découvertes. Mais ie ny ai
été qu'après queles ont été fêtes; car, quoique cete vigne soit
maintenant dans Rome derrière les termes Antonianes, il
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LETTRES d'une PERSONNE INCONNUE. 225
y a trop loin pour y avoir été a pié, tout ce tans passé quil
pleuvoit ou quil avoit plu, sans carosses dont ie ne dispose
pas.
Vous vous souviendres qu'on fait un grand festin aus Car-
dinaus la veille de J^îoel entre les vespres e la messe de mi-
nuit, ou plutôt ici de dix heures, car on la dit des le samedi,
e acause de cela le Cardinal qui la doit dire ne mange ni boit
tout le samedi depuis minuit, devant lequel il peut souper
fort bien. Le Pape fut aus vespres, mes il ne decendit pas
pour la messe, ce qui fut cause que M. lAmb. ne soupa pas
avec les Cardinaus, com' il auroit fet sil ut du servir le Pape
a la messe. Dimanche le Pape bénit lo stocco e lo berrelon,
que Ion croit quil envolera au Doge. Je nen etois point in-
formé et ainsi, naiant point été a la chapele, jai manqué de le
voir. Si je le peus voir, ie vous le décrirai, sil y a quelque
chose de particulier e si la description nen et pas déjà fête
dans la Gorte di Roma.
Je ne vous dis rien de nos aferes [qui ne savancent point et
ie croi que vous en entendres plus parler a Paris que nous
ne fesons ici. Les Italiens croient que le P. voudra devant
que de rien fere qu'on lui done satisfaction sur tout, e Ion
croit que ce sont les propositions qui embarasent le plus.
M. le G. dEtrées part, a ce qu'on dit, au plus tard samedi (i).
Il navoit pas encore ier le paseport quil atend du Gouver-
neur de Milan ; mais il ne doute pas quil ne lait, puisqu'on
en a doné a M. de Laval et a lAbé de Groissi.
Jai écrit a M. de Vilermont lordinere passé ce qui setoit
fet pour lAnnone. Si je ne puis pas lui écrire aujourduî,
il vera ici tout ce que ie sai.
(i) Aussitôt après Télévation d'Ottoboni au trône pontifical, le cardinal
d'Estrées demanda la permission de rentrer en France. Une lettre de
Louis XIV au duc de Chaulnes, datée de Versailles, 25 novembre 1689,
annonce au duc que le congé sollicité par le cardinal lui est accordé. Voir
Michaud, Louis XIV et Innocent XI y t. II, p. 171, 174 et 180.
Acadimit dt Ljrom, cUsse des iMtrtt. l5
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226 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
Je VOUS souhete une nouvele anee ureuse, suivie, com* on
désire ici, de cent autres. Salues, sil vous plait, tous nos amis
pour qui ie fai les mêmes souhets e pour vos hôtes et vos
hôtesses e leurs voisines (i).
T. aV.
(i) Nous avons vu plus haut, page 207, que notre inconnu c a contri-
bué de sa peine » à l'édition donnée par du Gange du Chronicon Paschale
en comparant le manuscrit du Vatican à l'édition de Mathieu Rader et en,
copiant un passage omis dans cette édition. Nous espérions trouver dans
la préface de du Gange le nom de son collaborateur. Vérification faite,
nous avons vu que du Gange, page XXXVII et suivantes, parle de cette colla-
boration et dit qu'elle lui a servi à combler les lacunes de l'édition donnée
par Rader à Munich en 1 6 1 5 ; mais il l'attribue à trois illustres bénédic.
tins, Jean Mabillon, Michel Germain et Glaude Estiennot. Les deux pre-
miers, pour remplir la grande mission, que Louis XIV leur avait donnée,
de visiter les Bibliothèques italiennes, séjournèrent à Rome du 1 5 juin
au i5 octobre i685, et du 4 décembre suivant à mars 1686. Le troisième
était alors procureur général de sa congrégation près la cour de Rome. Nos
lettres n'émanent d'aucun de ces trois savants ; leur origine reste donc
indécise.
Notons, en passant, que Mabillon, Germain et Estiennot étaient en re-
lations avec Nicaise et qu'ils sont tous les trois représentés dans sa volu-
mineuse correspondance. Le 22 janvier 1682 (volume 9361, cote 5^,
Germain offre à Nicaise l'épitaphe qu'il a faite « à la mémoire de feu
M. le comte du Vexin, dont nous avons enterré le corps dans notre
chœur ». — Le i**" septembre 1682 (936 1, 61), Mabillon envoie à Nicaise
les « on-dit delà littérature sévère ». Le 3i janvier 1684 (936 1, 60), il lui
expose les résultats de ses recherches dans les bibliothèques de Ratisbonne
et de Salzbourg, où il a « trouvé beaucoup plus de facilité qu'on n'en trouve
à Giteaux ». Il charge Nicaise de vérifier si un manuscrit De Consuetudi-
nibus Ecclesiarum in Officiis divinis, ad Mauritium^ archiepiscopum Roto-
wagensem^ manuscrit qu'il a vu en 1682 dans la bibliothèque de « M. le
Président Bohier », est de Guilîeîmus Abrincensis , comme il l'a noté, ou
s'il est de Jean d'Avranches, comme le disent les imprimés. Le 4 avril 1684
(9361, 63), il donne à Nicaise des nouvelles de la république des lettres.
Le 29 août 1684 (9361, 62), il parle de son projet de voyage à Rome. —
Estiennot, le 26 octobre 1688 (Fonds français, nouvelles acquisitions,
n» 4218, f«» 44-45), exprime librement à Nicaise son opinion sur les lettres
de saint François de Sales et sur la partialité dont la cour de Rome fait
preuve pour la maison d'Autriche : « La passion et l'ambition font bien
faire des choses dont on se repent, mais il est trop tard. »
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LETTRE DE BAYLE. 227
S 18.
LETTRE DE BAYLE
Pitrrê Bayle, ni à Car U'ie- Comte (AriègeJ{i), le i8 novembre 1647, mort le 28 dicem»
hre 1706, auteur du Dictionnaire historique et critique (a).
LXV
A Monsieur
Monsieur F Abbé
Nicaise,
A Dijon.
A Rotterdam, le lo de mars 1698.
Il n'y a que deux ou 3 jours, Monsieur, que Tai eu la ioie
de recevoir votre lettre du 25 de janvier dernier, avec les
remarques de Monsieur de la Monnpie. Ce paquet a été porté
céans sans que ie sache quelle routé il a tenue. Il ne m'est
point venu par la poste, on n'a rien demandé pour le port.
Quoi qu'il en soit, il a été long tems en chemin, et ce qui
est plus considérable, ce n'est point l'original de M"" de la
Monnoie que i'ai reçu, mais une copie. Ce qui me fait croire
cela est que vous dites. Monsieur, qu'il vous a montré la
lettre qu'il ma écrite, mais non pas les remarques. Or, dans
mon paquet, la lettre n'est point séparée des remarques ; elle
est à la I* et à la 2* page du cahier où elles sont, et l'écriture
(i) Et non pas à Foix, comme nous l'avons dit par erreur, p. 65.
(2) L'abbé Nicaise était depuis longtemps en relations avec Bayle. Voir
le Dictionnaire historique^ V» Pierre Aretin, note G, où Bayle écrit que
« Nicaise est Tun des plus honnêtes hommes de ce siècle, et a des habi-
tudes avec tous les Savans de l'Europe, au nombre desquels il tient une
place très-honorable. » Vingt et une lettres de Bayle à Nicaise se trou-
vent dans le fonds français, n« gSSg, cotes 208 à 229.
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228 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
tant de la lettre que des remarques est d'une autre main que
tout ce que i'ai vu iusqu'ici de M*" de la Monnoie.
Je n'ai iamais été aussi convaincu que ie le suis depuis la
lecture de ce cahier de la grande obligation que ie vous ai
pour m' avoir procuré un commerce de lettres avec cet habile
homme. Je remarque en lui tous les talens de la plus fine
critique, une exactitude achevée, une pénétration et une
sagacité admirable, et une adresse toute particulière à se
servir d'un fait pour en eclaircir ou prouver d'autres. Si vous
y prenez garde. Monsieur, vous demeurerez d'accord qu'un
bon critique doit s'apercevoir des fautes les plus petites,
comme des plus. grandes : il doit corriger, et sur tout dans
les noms propres, la moindre faute d'orthographe. Je vous
remercie du meilleur de mon cœur de ce que vous êtes cause
que i'ai reçu sur la lettre A de si belles et de si utiles obser-
vations (i).
Vous aurez veu par ma dernière, que vous n'aviez pas
encore reçue en m'ecrivant le 25 de janvier, vous aurez vu,
dis-ie, que le paquet de M*" Cuper qui n'est point venu ius-
ques à vous n'a rien de commun avec celui que M"" l'Abbé
du Bos vous a fait tenir. Je suis bien fâché de cette perte et
ie vous suplie. Monsieur, de demander à M*" l'Eveque d'A-
vranches s'il a reçu ce qui lui apartenoit dans ce paquet
égaré (2).
(i) Bayle a utilisé ces observations de de la Monnoye lorsqu'il a publié,
en 1701, la deuxième édition de son Dictionnaire, Voir notamment
les mots AccuRSE, note F; François Accurse, note A; Jean André,
note B, etc..
(2) Le paquet, dont il est ici question, avait été confié aux soins d'un do-
mestique de M. de Harlai, le plénipotentiaire, domestique « qui aloit à
Paris avec M. le comte de Celi, portant le i»' traité de paix. » Ce paquet,
contenant des envois faits à Nicaise, à Pagi, à Huet, à Dubos, était
adressé à Bourdelot. Bourdelot ne le reçut pas; mais l'abbé Dubos fit
savoir à Bayle qu'on lui avait remis sa part, moyennant le paiement de
33 sols, a II s'est fourré là, dit Bayle, dans sa lettre du 20 janvier 1698
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LETTRE DE BAYLE, 229
J*ai recommandé fortement à M*" de Beauval ce que vous
souhaitez de lui à Tegard de Timprimé du P. Pagi qui vous
est dédié, mais ie crains qu'il ne se contente d'en faire men-
tion en peu de mots ; car, comme il a sauté les 4 derniers
mois de Tannée 1697, il se trouve chargé de trop de livres
pour son i*' quartier de 1698. Vous feriez bien de lui écrire
tout de nouveau pour le presser de vous donner le plaisir
que vous souhaittez.
M"" de Spanheim est déjà à Paris ; la chute de M"" d'Ankel-
man (i) n'aura pas Teffet que vous craigniez de retenir à
Berlin ce grand antiquaire.
Nos nouveautez literaires sont si stériles que ie ne puis
vous aprendre sinon que M*" Théodore Gronovius, frère du
professeur de Leide, a fait imprimer avec des notes la base
du Colosse de Tibère qui fut trouvée proche de Naples il y
a 4 ou 5 ans. Il prétend que ce colosse etoit celui que les
villes d'Asie ruinées par un tremblement de terre consacrè-
rent à cet Empereur (2).
Je finis par la protestation sincère que ie suis. Monsieur,
Tout à vous.
(9359, cote 228), beaucoup de friponnerie... Il faut que le domestique de
M. de Harlai ait ouvert le paquet, et qu'il ait voulu se faire paier les
ports. Peut-être aura-t-il envoie à M' d'Avranches sa dépêche, en se
faisant payer une 3o. de sols, et, pour la votre (celle de Nicaise), et celle
du P. Pagi, il les aura perdues, ne pouvant pas s'en faire paier. » Un
second paquet, adressé directement à Tabbé Dubos, était arrivé à bon
port. — Ces menus détails confirment ce qui a été dit maintes fois dans
nos lettres sur les difficultés qui entravaient les correspondances littéraires.
(i) Everard-Christophe-Balthazar Danckelmann, né en 1643, mort
en 1722. Premier ministre de Frédéric, électeur de Brandebourg, depuis
1688, Danckelmann venait d'être complètement disgracié.
(2) La dissertation de Laurent-Théodore Gronovius (voir plus haut,
p. i5o, note 8), publiée à Leyde en 1697, se trouve également dans le
tome VII du Thésaurus Antiquitatum grœcarum du frère de Tauteur,
Jacques Gronovius. Voir plus haut, p. 1 76, note i .
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23o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
S «9-
LETTRE DE JOACHIM KUHN
Profetseur à Strasbourg et iavant htlUniste^ connu surtout pants ^otm in Pollucem, réuniss sn
1706, et par son édition de Pausanias, qui parut à Leipiig en i6g6 (i).
LXVI
Nobilissimo
D*^ Nicaisio.
Vit nobilîssîme,
Salutem tuo nomîne Schmidius noster per literas nuper
mihî redditas dédit, eisdemque sîgnificavît Te ex anîmo fac-
tum velle mîhi meisque studiis, nec amicitiam abnuere. Ego
vero et salutem datam et animum tuum tam prolixum non
modo non aspernor, sed complector etiam et magni aestimare
debeo. Libenter enim agnosco, quod mea imbecillitas non
possit emolirî quod molitur, nisi Te Tuîque similes Viros
nactus sîm parochos adjutoresque. Proinde cum proxeneta
Schmidio offeratur, quod mea sponte occupare volebam, utar
hac occasione, et per syngrapham polliceorTibi, Vir et Amice
unice colende, nîhil me intermissurum, quo amîcitia Tecum
semel contracta quotidie magis convalescere habeat. Ita ad-
missus statim in primo limine molestus sum, rogoque ut
quod in scriniis vel Tuis vel Tuorum asservatur, et Pollucem
reddere emendatiorem queat, haud gravatim mecum commu-
nices. Habebis me hujus benefîcii memorem debitorem,
idque eo magis quo minus hoc tempôris subsidiorum prae ma-
(i) La Bibliothèque nationale possède deux autres lettres de KUhn à
Nicaise; on les trouvera dans le manuscrit français n* 936a, cotes 3y
et 38.
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LETTRE DE JOACHIM KÛHN. 23 1
nîbus est. Nam praeter codîcem manuscriptum chartaceum,
qui olîm A. Schotti (i), nunc Patrum S. J. Antwerpiae est,
nihîl habeo adjumenti, dolendumque in laudato codice testi-
monia veterum Graecorum a Polluce laudata nusquam vel
raro admodum comparere. Quod si etiam conatus meos co-
dice aliquo manuscripto in Pausaniam juvare volueris, dabo
operam ut recte apud me sit, quodcumque mîseris. Est qui-
dam Lipsiae typographus, qui nescio unde obtinuît Codicem
Pausaniae, quo usus olim est Casaubonus, notisque opplevit
margînem ; illum mihi data occasione possessor transmittet.
Majores tamen et vere regias copias e Gallia exspecto, nisi me
fefellerint omnia. Prœcipua spes in Te sita est, quia optime
nostî quîd potissimum scopo meo conducat et ubi lateat
quaBrendumquesit(2). Patere igitur, Virorum Humanissime,
hoc Tibioneris imponi, ut Pausaniam a mendis plurimis vin-
dicatum tuo studio debeant eruditi. Tuae xpoÇevCa omnes gra-
tias agant mecum, qui nominis tui studiosus vivo dum audio.
Argent. A. d. 1689,
XIII cal. Juniî.
JOACHIMUS KÛHNIUS (3).
(i) André Schott, né à Anvers le 12 septembre i552, mort dans la
même ville le 23 janvier 1629.
(2) Dans la préface de son Pausanias, KUhn dit qu'un de ses amis a col-
lationné pour lui divers manuscrits de la Bibliothèque royale, et que ce
travail ne lui a fourni aucune ressource notable pour son édition. L'ami
est sans doute Nicaise. KUhn ajoute que les « Stephani Nigri Dialogi »,
contenant un abrégé de Pausanias et quelques bonnes leçons, lui ont été
communiqués <c a Cl. Nicasio Divionensi, viro ad literas provehendas
maxime strenuo. » — Ces dialogues d'Etienne Lenoir, de Crémone, ont
été dédiés par leur auteur à l'illustre bibliophile lyonnais Jean Grolier.
(3) Les deux autres lettres de KUhn, dont nous avons parlé plus haut,
sont, comme celle qui précède, relatives aux travaux préparatoires des
éditions de Pausanias et de Pollux. En novembre 1691 (cote 38), KUhn
remercie Nicaise de l'envoi de son « Niger » et lui dit quel profit il en a
tiré. Le 20 avril 1692 (cote 37), il adresse sa lettre « Viro nobilissimo
Nicasio, adjuvandis bonis litteris nato. »
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232 LETTRES A l'ABBÉ NICAISE.
S 20.
LETTRE D'AUGUSTIN NICOLAS
Né à Besançon en 1622, mort dans la mfme ville le 25 avril l6g5; clerc de notaire, puis soldat,
plus tard maître des requêtes au Parlement de Besançon^ Augustin Nicolas composa de nombreux om-
vrages, qui, maigri la haute opinion qu'il avait de leur valeur, sont asse^ oubliés aujourd'hui. Son
titre le plus sérieux à l'estime de la postérité^ est d'avoir demandé l'abolition de la torture comme
mode de preuve criminelle.
LXVII
A Monsieur
(Franc)
Monsieur l'Abbé
Nicaise, chanoine de la
S'' Chapelle de Dijon^ sur le
Fossé de Af' le Prince, a la
Perle,
A Paris.
A Besançon, ce 22 mars 1689.
Je receus vos deus obligeantes l<?//res, Monsieur, sur la fin
de la semaine passée, et i'ay vu par un fragment d'une autre
à M' Du May, du 4 du courant, que M"" le Président Bîgnon
veut de nouveau estre informé par M*" Payelle sur le mérite
de mon affaire, dont il a esté si instruit dez si long temps.
M"" le Duc de Montausier m'écrit, de mesme date, qu'il la
luy a forteme;it recommandée, et m'envoie un billet qui con-
tient la mesme chose que vostre lettre, savoir qu'il devoit le
Dimanche suivant, qui fut le 9, voir M"" Payelle, pour avan-
cer et finir nostre affaire. Dieu veule qu'il ait tenu sa parole
tant de fois donnée et iamais tenue. Quelque fois. Dieu en-
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LETTRE D* AUGUSTIN NICOLAS. 233
voie des maladies sans dire pourquoy, et châtie ces irrésolu-
tions qui tiennent au roUet trois hommes de bien qui n'ont
rien démérité de luy, et une pauvre femme qui prie Dieu
pour luy, et qui vous est, Monsieur, très obligée de Thon-
neur que vous luy faites. Pour moy, ie ne voy pas sur quoy
il peut appuyer son hésitation, après les raisons et les exem-
ples que ie lui ay fournis et qu'il a devant luy ; et vous pouvez
iuger de Timpatience ou ie suis d'apprendre le succès d'une
affaire, qui, outre tant de dépenses et de chagrins, me tient ^i
longtemps dans la nécessité de me rendre importun à M*" Du
May et a vous, iusqu'au point de le rebuter de ces horribles
longueurs. Je ne voy pas que M*^ Pellisson ait tenu la parole
qu'il vous avoit donnée de recommander cette affaire à M*" Bi-
gnon ; s'il persiste dans ses premiers sentiments, puisez du
premier Rapporteur avant que l'eusse envoie les iustifications
qu'on m'a demandées, et qui ont pu déterminer M*" Bignon,
il vaut mieux qu'il ne luy en parle pas, si ce n'est qu'il se
veule, comme ami, contenir dans les termes d'une recom-
mandation amiable. J'écris la cy-iointe a M"" Payelle et ie vous
supplie très humblement, Monsieur^ de la luy mettre en main.
Je le tiens persuadé d'un heureux succès, autrement nous
nous ferions tort de l'employer. Du moins il me la ainsi fait
entendre, lors qu'il m'a engagé a relever la lettre de revi-
sion. J'attends au premier iour ce qui peut me tirer d'une
si longue et si mortelle inquiétude^ et me rendre à jamais.
Monsieur,
Vostre très humble
et très obligé serviteur^
NICOLAS.
Je croy que vous ne desagrerez pas que, pour remplir le
blanc qui reste en cette lettre, ie le remplisse d'un double de
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234 LETTRES A L*ABBÉ NIC AISE*.
la dernière que m'écrit le Grand Duc de Toscane (i) sur le
livre dont vous avez un exemp/aire (2).
a Molto 111" Sig",
« V. S. fece torto à se stessa col mendicar da lineamenti
dell'arte la proprîa effigie per lasciarne al mondo un' Idea,
poiche quella del corpo essendo caduca, non puô lunga-
mewte sussisterui, e Taltra dell' anîmo, che deve înspirar ne'
secoli futuri stimoli d'honoré e desio di virtù, non puo esser
più vivamente espressa da V. S, col colore de' suoi nobili
componimenti, la raccolta de' qualî, cosî, in verso, com' in
prosa, publicata con le stampe, e venutami dalla mano cor-
tese di V. S. mi arriva sommamente accetta, e trova in me
tutta quella maggior stima ch' è dovuta ad una penna non
men felice, che pellegrina, alli cui pregi farà sol' ombra
l'oscurità del mio nome, sotto del quale volse dar alla luce
gli eruditi suoi parti, facendo à se stessa pregiudizio per ho-
norarlo : Di che ringraziando V. S. con tuttol'animo, e parzia-
lissima del suo merito, resto augurandole dal cielo fortuna
uguale al medesimo, accompagnata da ogni più desiderabile
prospérité.
Di Firenze, 9 ottobre 1688.
Al piacere di V. S.
Il Gran Duca di Toscana.
(i) Ce grand-duc de Toscane, qui correspondait avec Nicolas, ëtait
Cosme III de Médicis.
(2) Nicolas venait de publier la première partie de son ouvrage inti-
tulé : Raccolta délie Opère galanti in lingua epoesia toscana^ Besançon,
1687, in 40.
On trouvera, à la Bibliothèque nationale, dans le volume 4218 des
nouvelles acquisitions du fonds français, f>* 1 3 à 1 6, deux autres lettres
adressées à Nicaise par Nicholas, qu'il ne faut pas confondre avec Tauteur
de la lettre que nous publions ; elles sont datées de Genève, 24 juil-
let 1684 et 10 août 1684.
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LETTRES DE CUPER. 235
S 21.
LETTRES DE CUPER
Gisbert Cuptr, né à Hemmem (Duché de GutlJres) le 14 septembre 1644, est mort le 22 novem'
bre 1716. — Les lettres fui smvent ne sont pas inédites; elles ont été publiées en lySS^ d'aprls des
copies prises «■ sur les Originaux, qui sont présentement dans la Bibliothèque de M. Bouhier, Prési"
dent à Mortier au Parlement de Dijon ■ (i). Mais ^éditeur ne ^est pas astreint à les reproduire
fidèlement.
LXVIII
Monsieur,
Tespere que vous aurez reçu ma lettre du quatrième No-
vembre de Tannée passée, qui a esté envoiée par M"" Moetjens
a un marchand libraire de Paris, pour vous la faire tenir.
Vos Sirènes ne me sont pas encore rendues ; je n'ayme pas
les monstres ; et je m'en voudrois neantmoins tresvolontier
divertir, toutes periculeuses que l'Antiquité nous les dépeint.
(i) Lettres de critique^ de littérature, d'histoire^ etc.^ écrites à divers
savans de V Europe par feu Monsieur Gisbert Cuper.,,; publiée {sic) sur lês
originaux par Monsieur de B. ; Amsterdam et Leipzig, lySS, pages 43 1 à
446. — Dans une lettre adressée de Nimègue, le 1 1 juin 1745, au prési-
dent Bouhier, lettre que nous avons déposée à la Bibliothèque nationale
au mois de décembre 1882, le Comte Otto-Frédéric de Lynden, faisant
allusion au Recueil, projeté par M. de Beyer, de la correspondance de
Cuper, disait : « Il s'en faut beaucoup que le recueil des lettres de
M. Cuper soit complet; je désespère même qu'il le devienne jamais. Ce
n'est pas que l'Editeur n'ait fait tout ce qui dependoit de lui pour persuader
aux héritiers de M. Cûper de se dessaisir de plusieurs manuscrits et de
grand nombre de lettres du Défunt, qui, jointes à celles qui ont déjà paru,
auroient formé un assez bon ouvrage ; mais ces héritiers n'ont jamais
voulu se prêter aux instances reïteréesde M. de Beyer, que le seul interest
qu'il prenoit à la gloire du savant Cuper, dont il étoit neveu, fesoit agir, v
— On pourrait aujourd'hui grossir notablement le Recueil de 1755 ; nous
avons trouvé, outre les lettres que nous publions, dix-huit lettres de Cuper
à Nicaise ; elles sont conservées, à la Bibliothèque nationale, dans le ma-
nuscrit français n» 9359, cotes 234 à 25 1.
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236 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
le ne sçay si vous avez vu Lactance de la mort des persé-
cuteurs de Tedition d'Utrec ; mes notes y sont mises en assez
grande quantité, et vous me ferez un tres-sensible plaisir, si
vous vouliez avoir la bonté de m'informer, qu'en disent vos
sçavans, qui sont si éclairez dans Thistoire Ecclésiastique,
et dans les Antiquitez. Il y aura sans doute des bevuës,
et j'applique ordinairement a cette sorte des livres ce vers de
lu vénal :
Nam vitiis nemo sine nascitur ; opdmus ille
Qui minimis urgetur (i).
Il y a des libraires icy, qui ont dessein d'imprimer les
lettres de St Ignace, avec tout ce que les sçavans en ont dit
de part et d'autre. Un fort sçavant homme m'a asseuré, qu'il
y en ait une traduction Arabe dans quelque bibliothèque a
Paris; et vous obligerez infinement le public, si vous me
vouliez mander ce qui en est, et si celui, qui a rempli ma
teste de ce thresor, ne se soit pas trompé.
L'on ne peut pas icy deviner la cause, qui a fait supprimer
le livre du père Hardouin de Nummis Herodiadum ; vous
m'en pourriez sans doute esclaircir, et je vous supplie de le
vouloir faire au plustost. l'espere pourtant, qu'il y aura
échappé un exemplaire a cette défaite, et qu'on verra bien
tost icy ce xoXuÔpiîXXYjrov , suivant la copie^ et qu'avec cela
M"" Vaillant et M"" Toinard nous en diront bientost leur senti-
ment. Us feront sans doute plaisir au père Hardouin ; car l'on
m'assure, qu'il ne désire rient autant, qu'un sçavant adver-
saire, pour avoir l'occasion de prouver plus amplement ses
nouvelles pensées, dont il n'apporte pas toutes les raisons
dans le livre susdit. Ouy l'on me prie de me vouloir charger
d'une réponse ; mais je n'ay pas encore vu ce traitté, et de
plus je n'aime pas les scripta contentiosa et j'examine seu-
(i) Cuper attribue à Juvënal deux vers qui appartiennent à Horace.
Voir Satyrarum lib. /, Sat. 3, v. 68-69.
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LETTRES DE CUPER. 23?
lement les sentimens des sçavans, quand Toccasion se pré-
sente, et aliud agens.
Fay trouvé quantité des belles choses entre les papiers de
feu M"" Gruter, qui a esté Recteur du Collège et de T Ecole
Latine a Rotterdam ; il y a des lettres de Saumaise, de Hein-
sius, de Meursius, de Scriverius, de Mery Casaubon, et
d'autres, et une lettre flamande du fils aisné (i) de M*" Sau-
maise, qui contient beaucoup de particuliaritez de la mort de
ce grand homme, dont on ne trouve rien dans la vie, qui est
mise devant ses lettres.
le crains fort que les Antiquitez, qu'on me devroit envoyer
d'Aleppo, soient periës en chemin ; car selon toutes les appa-
rences, on les aura mises dans un vaisseau, qui est venu
d'Alexandrette, et qui s'est brusle par l'inadvertence des
matelots sur les costes de l'isle de Cypre. le plains ma perte,
et j'en suis presque inconsolable. le demeure.
Monsieur,
Vostre treshumble servit.,
CuPER.
A la Haye, le 12 de Mars lôgS.
LXIX
Monsieur,
La lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'envoier, m'a
este rendue, et j'ay fait tenir les encloses a Messieurs Grae-
vius, Beauval, Le Clerq et Bayl.
l'espere que les depesches du Parnasse viendront aussi a
nous ; elles seront assez curieuses, si l'autheur nous donne,
avec les petites guerres des sçavans, les pièces fugitives, qui
(i) Éd. 1755 : « au fils aîné ».
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238 LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
contiennent quelqu'erudition. L'on înprime depuis le com-
mencement de cette année un nouveau iournal des sçavans a
Rotterdam ; Tautheur en est fort exact, et Je crois que ses
soins seront fort bien reculs par le public.
le m'imagine que le père Hardouin trouvera assez d'adver-
saires, car ces paradoxes sont trop evidens et frappent trop
le sens commun, pour n'estre pas réfutez ; mais je n'ay pas
l'inclination a en estre, et, si je l'avois, les affaires publiques
ne me donneroient pas le loisir.
le m'en vay quiter la Haye pour exercer la meilleure
charge de la province d'Overyssel a Deventer ; Ton l'appelle :
Député ordinaire de la province ; il y en a six, qui ont entre
leur mains les finances et les autres choses générales de toute
la province ; mais vous pouvez tousjours envoler vos lettres
a M*" Moetjens ; je reviendray quelque fois a la Haye pour
assister dans l'assemblée de Mess, les Estats Généraux, et
j'ay icy un homme d'affaires qui aura soin de me les envoler.
l'ay enfin reçu les antiquitez de Palmyre ; c'est un itiné-
raire escrit a la main par quelques Anglois, plein d'inscrip-
tions Grecques et bellissimes, dont en voicy une, qui vous
fera juger du reste.
An.T«CTÛJIEnCTÛ.KAIEIIHKOÛBIUANOCZÏÏNOBIOTTOTJaPANOT.TOTMOH^
MOTTOTMAeeAEinMEAHTHCOHAIPE EIC E«KAG (i) imrHGTnOIAPmiUOT
eEOTTONBÛMONEZIAIÛNANEeHKENCTOTCAOTMHNOCXUEPBEPETAIOTK.-.. (2)
le n'en diray pas un mot pour l'expliquer, et je vous laisse
a considérer si mes avances ne soyent pas tout a fait vrais. Si
ces voyageurs n'eussent pas eu peur d'estre volé par les Ara-
bes, ils nous en auroient apporté une prodigieuse quantité,
qui restent encore parmy les ruines de cette grande et an-
(i) Note de Cuper : c Haec videntur maie descripta esse, » On doit lire,
en effet : ^^^JTtifuXuirr.i aip€$uç"EfïiOLi msyrtÇ x. t. JL
(2) Cette inscription, de Tan i63 après J.-C, est reproduite dans le
Corpus Inscriptionum grœcarum de Bœckh, n® 4602, t. III, p. 234
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LETTRES DE CUPER. 289
cienne ville; car ils disent dans leur Itinéraire, qu'ils trou-
voîent a tout moment des inscriptions anciennes. Il est avec
cela a remarquer que le Grec est presque par tout exprimé
par la langue et les caractères du pays, comme Ton les trouve
aussi dans deux inscriptions publiées par M*" Spon au com-
mencement de ses Meslanges. Ce seroit un thresor pour le
cousin de M*" Saumaise, qui a Thonneur d'estre au service
de M*" le Duc de Maine ; car, a ce qu'on m'assure, c'est lui
qui nous pourroit expliquer ces caractères. le feray imprimer
peutestre cet Itinéraire icy, si l'on tarde a le faire en Angle-
terre, et, quoyqu'il soit couché en Anglois, et Flaman, l'on
trouvera bientost quelqu'un icy, qui en fera une traduction
Latine ou Françoise.
M*" Toinard ne m'a pas envoie un exemplaire de son
livre ([); il ne peut pas estre que bon, puisqu'il sort de si
bonnes mains. Irascor bello, parcequ'il est cause que nous ne
recevons pas les bons livres qui s'impriment chez vous ; et
puisqu'les feuilles volantes disparoissent bientost, il seroit a
souhaiter que quelqu'un en fit une collection. Par cette voye
nous pourrions enfin connoîstre ce qu'Eumenius Pacatus,
ce que M*" Toinard, et ce que les autres Antiquaires publient
en peu des pages : j'espère que l'autheur des depesches du
Parnasse y prendra garde, et je vous asseure que je luy en
sera obligé infinément.
le ne vous parleray pas des livres nouveaux, qu'on a im-
primé icy, parcequ'on publie leur noms et leur extraits tous
les mois, le vous diray seulement qu'on fait a Utrec une
bellissime édition de lunius de pictura veterum (2), et qu'on y
adjoute, outre les autres augmentations, les noms et les
(1) Voir plus bas, p. 240, note 2.
(2) Voir, dans une lettre à Nicaise, du 16 février 1696 (9359, 64), les
doléances de Huet sur la suppression des ligatures dans les mots grecs
du Junius.
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240 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
ouvrages des peintres, des sculpteurs et des semblables
ouvriers, qui ont este célèbres dans l'Antiquité (i). le de-
meure,
Vostre tresh. et tresob. servit.,
CUPER.
A la Haye, le i8 mars 1694.
LXX
d'Hollande A Monsieur
iusques a Diion Monsieur l'Abbé Ni-
— 24 — caise,
A Dijon.
Monsieur,
le m'estonne fort que vous n'aiez pas reçu de mes lettres
depuis long temps, a ce que vous me mandez dans vostre der-
nière du 26 luin ; encore une fois, Je m'en étonne, parceque
je me suis donné l'honneur de vous repondre pointuellement,
et de vous escrire verbosas et grandes epistolas, dont la der-
nière est du 18 Mars passé, ou j'avois mis tout ce qui se fait
icy dans la republique des belles lettres. Il y a quelq'un, qui
les retient sans doute, et, si ce Monsieur, dont vous parlez,
en use si mal honneste, il est asseurément inexcusable : Sed
Deus meliora ! Et pourquoy est, qu'il le feroit, luy qui est fort
de vos amis, et qui a aussi quelqu' estime pour moy, comme
vous m'avez mandé il y a quelque temps.
L'on n'a pas encore vu icy la critique, que M"" Toinard a
faite de la version Françoise du Nouveau Testament imprimé
à Mons, et des remarques que le père Bonhours a fait sur
cettes version, ni aussi ce que le dit père y a repondu (2).
(i) Voir plus haut, p. 89, note 2.
(2) Toinard avait publié en 1693, non pas, à proprement parler, une
critique de la version du Nouveau Testament par Antoine Arnauld, ver-
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LETTRES DE CUPER. 24 1
Fespere que M*" Leers, marchand libraire a Rotterdam, qui
est party pour Paris avec permission de Mess, les Estats Gé-
néraux, les nous apportera, comm' aussi les autres raretez,
qui s'y sont imprimées depuis peu.
le suis très aise que le père Noris, ce grand défenseur de
S* Augustin, soit délivré de ses furieux adversaires, et que le
tribunal de l'Inquisition, qui ne pardonne guerre a personne.
Tait déclaré innocent. Ses rares vertus et sa grande érudition
le méritent, et, si le Pape le fait cardinal, il en sera sans
doute loué par tout. l'attend cette nouvelle avec une grandis-
sime impatience et il n'y (a) rien qui est capable de me tant
égarer que de voir que les gens d'un extrême mérite, comme
l'illustre Bibliothécaire du Vatican, soient considérez et es-
timez dans le temps ou nous vivons (i).
La dispute de trois ou quatre Gordiens est assez singulière,
et j'espère que nous la verrons bientost (2), comm' aussi le
deuxième tome du sçavant père Pagi, les secunda Menagiana
et les autres curiositez, dont vous faitez mention.
L'on a r' imprime a Rotterdam en des tresbeaux caractères
lunîus de pictura veterum, une fois au moins plus ample que
l'en estoit la première édition, et l'on y a adjouté un catalo-
gue des grands maistres, tant peintres que graveurs, sclucp-
teurs, et d'autres artisans et ouvriers de l'antiquité (3). Si
sien connue sous le nom de traduction de Mons, mais une Discussion des
remarques du père Bouhours^ jésuite^ sur la langue française. Il n'avait
pas signé son ouvrage, et l'avait présenté au public comme Tœuvre d'un
abbé albigeois. — Le Père Rivière, jésuite à Orléans, lui répondit, avec
beaucoup de vivacité, dans son Apologie de M. Arnauld et du père Bou-
hourSy contre V auteur déguisé sous le nom de F Abbé albigeois, Arnauld
lui-même répondit par un mémoire, qui n'a été imprimé qu'en 1707, sous
le titre de Règles pour discerner les bonnes des mauvaises critiques, etc.,,
(i) Le père Noris, bien que suspect de jansénisme, à cause de ses publi-
cations sur saint Augustin, fut cependant promu au cardinalat le 1 2 dé-
cembre 1695. Voir plus haut, p. 128.
(2) Voir plus haut, p. 11 5, note i.
(3) Voir plus haut, p, 39.
Acûdimù dt Lyon, cloue de» Lettre». i6
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•242 LETTRES A L ABBÉ NICAISE.
les Mathematici veteres, qu'on a depuis peu imprimez a Paris,
avoient alors vu le jour, M' lunius y auroit pu mettre une
douzaine des Ingénieurs ; car c'est ainsi que je m'imagine
qu'on pourroit traduire les Mechanicos, qui sont louez dans
cette collection par Athénée, par Héron, par Biton, parle Roy
Pyrrhe et par Iule l'Africain, et qui ont trouvé des machi-
nes a défendre et a battre des villes (i). Il y a, a la page 365,
une très bonne explication d'un passage de Plinç, ou même
le père Hardouin n'a vu goûte, et, quoyque l'autheur se
tache de déguiser sous les lettres I. P., je m'imagine neant-
moins que c'est Iulius Puchardus (2), dont on voit une belle
explication du mot Baôavtjpaeav a la page 290, et je vous prie
de m'en vouloir eclaircir.
La vie du grand Saumaise sera sans doute bien reçue (3), et
je tascheray d'attrapper une lettre, dans laquelle son fils aine,
qui est mort il y a long temps, met beaucoup de particuliari-
tez de ses derneres heures. Elle est escrite en flamand, la-
quelle langue le dit fils connoissoit parfaitement ; c'est une
pièce curieuse, et qui est digne d'estre publiée.
le m'estonne que les Inscriptions de M*" Fabretti ne soient
pas encore mises au jour. Asseurément ce sçavant homme
nous fait trop longtemps attendre ; quant a moy, ardeo sum-
(i) Plusieurs des Traités contenus dans cette édition des Mathematici
vetereSy due à Melchisedec Thévenot, et publiée à Paris en 1693, in-f»,
ont été traduits par M. de Rochas d'Aiglun. Nous avons collaboré aux
plus anciennes de ces traductions et personnellement traduit la Compi^
lation anonyme sur la défense des places fortes^ Besançon, 1872, in-8».
Voir, dans le Journal des Savants pour 1873, deux articles de M. Miller,
(2) Julien Pouchard, né près de Domfront en i656, membre de l'Aca-
démie des Inscriptions en 1701, professeur au Collège de France en 1704,
mort à Paris le 12 décembre 1705. Cet habile helléniste avait assisté
Thévenot dans la publication des Mathematici veteres,
(3) Cette vie dé Saumaise par Philibert de la Mare est toujours iné-
dite ; le manuscrit se trouve à la Bibliothèque nationale dans le fonds
Bouhier.
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LETTRES DE CUPER. 243
ma cupidîtate eas videndi, et les échantillons, qu^l m'en a en-
volez, me font presque perdre patience (i). Mais vous me
demandrez : ou demeurent les vostres. Monsieur ? Vous avez
raison et je vous pu asseurer qu'elles seroient bientost en
estât d'estre publiées, si les affaires de la republique ne m'en
empechoient pas ; car, vous le sçavez. Monsieur, Non nobis,
sed patriae nati sumus, illiusque salus est omnibus rébus
praeferenda, et les plaisirs doivent en tout temps faire place
aux affaires.
M"" Gronovius a publié, il y a quelque mois, une autre
explication de mon Harpocrate, et il soutient que les quatre
parties de l'an, quatuor anni tempestates, y soient représen-
tez, et, pour en persuader le lecteur, il juge que Thyver est
représenté par le costé droit de cette statue, estant décou-
vert, et l'esté par l'autre costé, parce que les poètes et les
autres autheurs disent, quand ils parlent de l'hyver : Nudos
sine fronde^ sine arbore campos ; et Montent vestitu oleastro^
amicititur frondibus arbos^ etc, quand il nous font la des-
cription de l'esté (2).
le ne sçay ce que vous en jugerez ; mais je vous puis
bien asseurer que ces raisonnement ne seront nullement
capables de me défaire de mon premier sentiment, et que je
soutiendray tousjours que c'est l'Harpocrate ; quoyque je
n'ay pas dessein de combattre l'autre paradoxe, ou de dispu-
ter avec un homme qui n'estime que ce que vient de luy, et
qni est tout a fait SucntoXcç.
M*" Morellus est à la Cour de M*" le Comte de Swartzbourg,
qui a le plus beau cabinet de toute l'Alemagne, et il se met a
publier son grand ouvrage, ce qu'il n'a pu faire en France, a
causes des desastres, qui luy y sont survenus (3).
(1) Les Inscriptions de Fabretti parurent k Rome en 1699.
(2) Jacques Gronovius avait publié à Leyde, en 1693, une dissertation
De Icuncuîa Smetiana^ qua Harpocratem indigitarunt^ in-40.
(3) Voir plus haut, p. 44.
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244 LETTRES A L ABBÉ NIC AISE.
L'on inprime à Leyden la Dactylotheca de Gorlaeus fort
augmentée (i), et, si Ton s'y prènnoit bien, elle pourroit estre
embellie d'avantage. le possède moiméme des pierres fort
bien travaillées, et entr'autres une misi a l'antique en argent,
dont voila Tectype (2), qui représente une déesse, ayant le
casque en teste, appuiée sur un bouclier, armée d'une lance
et d'un parazonium, et il se voit, sur ou dans sa main droitte,
une fleur ou je ne scay qu'elle autre chose.
Monsieur Grevius avance son Ciceron (3) et le Callimaque
de feu son fils (4); et ce sçavant homme est tousjours en car-
rière ; il a une si grande provision d'érudition qu'il pourroit
remplir des boutiques entières, s'il avoit assez de temps, ou
deux corps.
l'attend a tous momens quelques médailles anciennes, et
le dessein des ruines de Palmyra, qui me sont envolées
d'Aleppo par le Consul de Mess, les Estats Généraux, et Je
vous ay mandé dans ma dernière lettre que l'Itinerarium
Palmyrenum rempli des bellissimes Inscriptions est venu a
moy ; c'est asseurément une pièce fort curieuse, et avec cela
anecdote.
le suis.
Monsieur,
Vostre très humble servit.,
A Campen, le 24 luillet 1694.
CUPER.
(1) Gronovius donna, en eflfet, à Leyde, en 1695, une deuxième édition
de la Dactyliotheca publiée à Nuremberg, en 1601, par Abraham Gorlaeus
(né à Anvers en 1 549, mort à Delft en 1 609).
(2) Cuper a mis ici, sur le papier, une empreinte en cire rouge du cachet
qu'il décrit.
(3) Publié à Amsterdam en 1699, 3 Vol. in-S».
(4) Publié à Utrecht en 1697, 2 vol. in-8*.
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LETTRES DE CUPER. 246
LXXI
Monsieur,
Mes affaires ont esté cause que la précédente lettre n'ait
pas esté envolée en son temps; et, pour recompenser vostre
attente, il faut que je vous dise que j'aye reçu d'Aleppo une
quarantaine des médailles, la plupart de bronze, et cinq ou
6 d'argent. Il y en a que méritent la curiosité des Antiquai-
res, et qui, a ce que j'en pu juger, sont très rares. Un Phi-
lippe d'argent vous charmeroit sans doute, tant il est bien
conservé; ce n'est pas pourtant l'Empereur des Romains de
ce nom, ni le père d'Alexandre le Grand, mais un des suc-
cesseurs de Seleucus; car l'on voit d'un costé une teste envi-
ronnée d'un diadème, ou le Roy Philippe ; de l'autre un
lupiter assis, tenant de sa main gauche un sceptre, et de la
droite une Victoire, qui eleve ses mains, chargées de deux
flambeaux ou de quelqu'autre chose, en haut vers le foudre ;
et la légende porte : BA2IAE • ^lAinnOT • Em^ANOYS-
$IAAAEA.
Il y a une autre médaille de l'Empereur Macrinus, qui a
pour revers FABAAEÛN, et une déesse, dont la robe est
ouverte par devant, le pieds et le ventre nuds, deux lions, à
ce qu'il me semble, de deux costez, entre la robe ouverte et
les pieds; une petite figure a demy corps derrière la chaise
ou la déesse est assise, élevant de sa main gauche une crosse
ou pedum pastorale ; et je crois qu'il y ait eu une semblable
figure de l'autre costé de la déesse ; tout de même comm'on
les voit dans une autre médaille du même peuple, publiée
par l'illustre père Noris a la page 253 de ses sçavantes Epo-
ques.
Tay reçu aussi les desseins des ruines de Palmyra, qui sont
si vastes et si belles, que cette ville, a en juger par ses tristes
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246 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE,
masures, doit avoir esté une des plus superbes, magnifiques
et grandes de TOrient.
La lettre dont vous vous plaignez, et que vous croiez estre
interceptée, est sans doute venue a Paris. Vy avois mis une
bellissime Inscription, trouvées parmy les ruines de la dite
ville, qui conservoit la mémoire d'un Dieu inconnu, nomme
IAPIBÛA02, et Mess* Toinard, Renoudot, Pougel et Mont-
faucon ont envoie leur sçavantes explications de cette divi-
nité à M*" Basnage, qui me les a communiquées,
le demeure
Vostre tresh. serviteur,
CUPER.
A Deventer, le -^ d'Aoust 1694.
LXXII
Monsieur,
Fay reçu, il y a quinze Jours, la lettre que vous m'avez fait
l'honneur de m'escrire le 23"' luin passé; et je vous donne-
ray a cette heure des nouvelles de ma santé et de mes occu-
pations littéraires. le ne désire autant que de pouvoir achever
les dissertations et les antiquitez, dont je vous ay parlé plus
qu'une foiz. l'y travaille aussi, quand j'ay du temps de reste;
mais les affaires, qui nous donnent cette longue guerre, y
mettent un grand obstacle, et il m'est impossible de vous
marquer le temps auquel elles pourroient estre achevées.
Minerve a esté mise par les payens parmy les divinitez guer-
rières, mais elle ne s'accorde pas bien pourtant avec Mars
et Bellona, et les Muses ayment le repos, et non pas les tinta-
mars des trompettes.
l'ay esté avec cela incommodé toute Phyver d'une fièvre
maligne ; et cet hoste incommode ne m'a pas voulu permettre
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LETTRES DE CUPER. 247
de m'appliquer a mes livres, comme j'avois dessein de faire,
pour mettre au net mes antiquitez. Elles s'augmentent de jour
en jour, et, quoyque M*" Gronovius en ait publié quelques unes,
et entr'autres le Monumentum Ancyranum augmenté, dans un
petit livre, dont le titre est Memoria Cossonîana, qui con-
tient la vie de M*" Cosson, né à Leyden, marchand et vice-
consul de la part de Mess, les Estats Généraux à Smyrne (i),
j'en possède neantmoins un plus grand nombre que feu
M' Cosson m'avoit envolées ; car, tout marchand qu'il estoit,
il aimoit les belles lettres, et il avoit estudié sous M' Grono-
vius le père.
Mes dernières lettres, que je vous ay envolées ensemble,
sont du 24 lui. et du i8 d'Aoust de Tannée passée; la vostre
du 19 sept, me fust rendue depuis peu, et j'en ay appris que
la mienne, dont les antiquitez Palmyriennes estoient le sujet,
vous ait esté enfin rendue, mais sans enveloppe, et toute
ouverte ; une marque sensible qu'elle ait este entre les mains
de quelque curieux, dont vous aurez appris a cette heure
plus des particuliaritez par la mienne du 24 luil. susdit, si elle
est parvenue a vous. Vous croiez qu'on pourroit mettre
dans l'inscription de Palmyre OTHPEO et EI2 ETXAC, au
lieu d'AIPE0EIC E^KAC ; mais je vous laisse a considérer
si l'on ne suiveroit pas mieux les lettres en y mettant : EIII
TAS nHFAS, curator electus fontium a Deo laribolo; comme
j'ay mande le i3 d'oct. passé à M. Beauval, quand il m'en-
voioit les considérations d'Antoine Pougel, de l'Abbé Renau-
dot, de D. Bernard de Montfaucon et de M*" Toinard sur
(i) Daniel G^sson, né en 1648, mourut assassiné, près 4e Smyrne, en
1688. En 1695, Jacques Gronovius publia, à Leyde, un volume in-40,
intitulé : Memoria Cossoniana, id est^ Danielis Cossonii vita breviter deS'
cripta, cui annexa noya Edith veteris monumenti Ancyrani emendatior
et auctior^ cum notis J. Gronoviij et inscriptionibus nonnuUis ab eodem
Cossonio collectis.
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248 LETTRES A L^ABBÉ NICAISE.
cette belle inscription, qu'ils ont vue, sans doute, devant
qu'elle fust arrivée a vous (i).
l'attend avec une grandissime impatience la dissertation
sur les Gordiens, et je mettray entre les mains de M*" Grevius
la lettre qui contient diverses particuliaritez de la vie du grand
Saumaise, aussi tost que celle qui s'est faite chez vous lui sera
rendue.
Le lulien de M' de Spanheym sera bien tost achevé (2), et
il y a aussi fort long temps que je n'aye pas eu de ses nou-
velles, quoyque j'aye communique a cet illustre et sçavant
Ministre quelques reflexions sur la première médaille des
Observations de M"" Begerus (3), dont M*" de Spanheym dit
aussi son sentiment dans les deux lettres qui y sont jointes
et qui renferment un thresor d'érudition.
le ne sçay si M*" Morel est a Berlin, ou chez le comte de
Swartzburg; mais il est constant qu'on travaille a l'édition
des médailles et des autres antiquitez de son Altesse Electo-
rale de Brandebourg, et Ton me mande que le dit Comte,
qui a un de plus beaux Cabinets d'Allemagne, fournira les
frais a faire imprimer le grand ouvrage de M*" Morel, dont il
fait le dénombrement dans son Spicilegium, publié a Paris.
l'ay fait tenir vos lettres a M*" Grevius, M' Saumaise,
M' Bayl et M*" Perizonius, qui a publié depuis quelque
temps une dissertation sur la durée de l'empire des Babylo-
(i) Bien d'autres conjectures ont été proposées pour expliquer Tinscrip-
tion de Palmyre dont parle Cuper ; les uns ont lu : 'sfOxç wfr/r,ç (source
d'eau thermale) ; d'autres : Upuç mtyrii (fontaine sacrée), etc. Il faut s'en te-
nir à la première lecture; ceux qui ont vu le monument de Palmyre
affirment qu'il porte bien '«fxa« mrjf^i.
(2) Voir plus haut, p. 118.
(3) Laurent Beger, conservateur des collections de l'Électeur Charles-
Louis; ce savant numismate, né à Heidelberg le 19 avril i653, mort à
Berlin le 21 avril 1705, avait publié, en 1691, des Observationes in nu-
mismata quœdam antiqua, in-4^.
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LETTRES DE CUPER. 249
nîens(i) ; on la loue, maïs je ne Tay pas vue encore ; et c'est
pour cela que je ne vous en sçauroîs envoler d'autre nou-
velles. Les Oraisons de Ciceron avec les notes de M' Gre-
vius se vendront bientost, et le Callîmaque de feu son fils va
paroistre aussi (2).
L'on va r'imprimer la dissertation de M' de Spanheym de
Prytanaeis et de Vesta, la moitié augmentée, et on l'insérera
dans le corp des Antiquitez Romaines, qui s'inprime en Hol-
lande en six volumes (3).
le suis, Monsieur,
Vostre treshumble serviteur.
CuPER.
A Dev. le i| lui. 1695.
26
LXXIII
Monsieur,
le n'ay pas reçu l'éloge de M' Lantin dont vous faitez men-
tion dans vostre dernière lettre du 25 sept. L'auteur du lour-
nal des Sçavans perd beaucoup de sa réputation, a mon advis,
parcequ'il n'a pas voulu y insérer l'éloge tout entier d'un si
(i) Nous ne connaissons pas cette dissertation de Perizonius; nous
connaissons seulement ses Origines Babylonicœ et /EgyptiaccPf dont la
première édition fut publiée à Leyde en 171 1, 2 vol. in-S», et qui furent
rééditées à Utrecht en 1736, 2 vol. in-8».
(2) Voir, plus haut, p. 244.
(3) La Diatribaj de Spanheim, de nummo Smyrnœorum seu de Vesta et
Prytanibus Grcecorum, publiée en 1672 comme annexe du Traité des mé-
dailles de Pierre Seguin, fut réimprimée dans le tome V du Thésaurus de
Grœvius. Ce Thésaurus se compose, non pas de six volumes, mais de
douze, sans parler des suppléments de Polenus et de Sallengre.
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25o LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
illustre et si sçavant conseiller; et je vous pu asseurer que
M' Beauval en usera autrement aussi tost qu'il le recevra (i).
Tespere que la vie du grand Saumaise sera bientost entre
les mains de M*" Grevius, et qu'elle sera par conséquent bien-
tost imprimée. Car je Testime infiniment, et je suis d'advis
de M' Wotton, qui s'est déclare pour le modernes contre
M"" Temple (2), qu'il seroit bien difficile de trouver parmy les
anciens des philologues aussi profonds que Saumaise et d'au-
tres, dans qui l'on trouve une vaste érudition, dont il estoit
impossible d'approcher. le crois asseurément qu'il a raison en
ce point, quoyque je ne veuille pas donner la préférence en
(i) Veut-on savoir ce que La Monnoye pensait de « Tillustre et savant
Lantin ?» Voici ce que le caustique Bourguignon écrivait à Nicaise (Fonds
français, n» 9361, cote 109) : a Quelque soin que vous preniez, Monsieur,
de recueillir ce qui peut faire honneur à notre compatriote, j'ai bien peur
que le public ne soit fort indifférent pour la mémoire d'un homme à qui,
comme vous savez, il n'a presque pas d'obligation. Relevez son habileté
tant qu'il vous plaira, parlez de ses grands desseins ; les œuvres ayant
manqué à notre Illustre, la foi manquera de même aux lecteurs de son
Eloge. Pour moi, quand je voulus m'exercer sur ce sujet, je le trouvai si
stérile que je ne pus m'en tirer qu'à la faveur d'un mensonge, que le pri-
vilège seul de la poésie peut excuser. Voici donc. Monsieur, ce qui me
vint en pensée et que j'ai taché d'exprimer en grec, en latin, en italien et
en françois. Je ne vous envoie que le françois seul
« A DIJON 1
« Lantin repose en ce tombeau !
« Toy, qui scus nous donner ce Saumaise nouveau,
a Dijon, révère sa mémoire.
« La plume a du premier faict admirer l'esprit,
« Et le second n'a rien ecript
« De peur que du premier il n'obscurcît la gloire ! •
Nicaise trouva la plaisanterie fort déplacée et se plaignit amèrement.
Dans une lettre, datée de Paris, 16 février 1696, Huet s'eflforce de le cal-
mer (Fonds français, 9359, cote 64) : « Je trouve que c'est un trop grand
raffinement que de vouloir prendre pour une raillerie l'épitaphe de
M. Lantin que vous m'envoyez. Est-ce donc matière de reproche ou de
raillerie à un savant homme que de dire qu'il n'a point écrit ? Était-ce
pour railler Pythagore et Socrate, et récemment M. de Peiresc, qu'on a
dit d'eux qu'ils n'ont rien écrit? »
(2) Voir plus haut, p. 57, note 2.
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LETTRES DE CUPER. 25 1
gênerai au modernes, ny aussy aux anciens; estant a mon
advis des raisons de part et d'autre a certains égards ; et ce
proverbe : Ilîacos intra muros, peut estre appliqué également
aux idolâtres et au bigots de Tantiquité et a ceux qui ne se
plaisent qu'au nouveautez.
M*" Brenner m'a envoyé son Thésaurus nummorum Sueo-
Gothicorum (i), et je suis ravy qu'il sera augmenté d'un grand
commentaire, puisqu'il est constant que les médailles appor-
tent un grand éclaircissement a l'histoire des temps ou elles
sont frappées. M' Rumpf, Résident de Mess, les Estats Géné-
raux a la cour de Suéde, me mande que M' de Sparvonfel-
dîusa dessein de publier les médailles d'Espagne, c'est a dire,
ace que je crois, des Goths, qui y ont régné, et que le même
nous prépare un grand ouvrage pour l'explication de quan-
tité des médailles anciennes (2).
Nous attendons icy avec une grandissime impatience le 2.
et le 3"' volume des observations critiques du Père Pagi sur
Baronius. M' l'Eveque de S*-Asaph (3) m'a envoyé pour lui un
exemplaire du Chronicon de loh. Antiochenus, surnommé
Malela (4) ; je l'ay fait tenir a M'' Beauval, pour l'envoier par
l'ayde de M*" Leers, libraire a Rotterdam, a M*" Toinard, a qui
cet illustre et sçavant Eveque en avoit fait aussi présent. Cette
occasion m'a fait écrire une lettre a M"" Toinard, et l'entrete-
nir sur le Dieu lAPIBÛAOC; mais il n'y a pas encore repondu.
Si j'avois pu sçavoir ou le père Pagi se tient, ou comment
j'aurois pu lui faire tenir ce présent, je m'aurois donné l'hon-
(i) Élie Brenner, archéologue suédois, né en 1647, n^ort 1& 16 jan-
vier 171 7. Son Thésaurus avait été publié à Stockoim en 1691, in-40.
Un supplément posthume parut en 173 1.
(2) Jean-Gabriel Sparwenfeldt, né le 17 juin i635, mort en 1727.
(3) William Lloyd ; voir plus haut, p. 17.
(4) La Chronique de Johannes Malalas fait partie du Corpus scrip^
torum Historiœ By^antince.
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252 LETTRES A l'ABBÉ NICAJSE.
neur de luy offrir mes services^ car j'estime beaucoup son
grand sçavoir,
L'on m'a envoyé le Spécimen de M' Morel, imprimé de-
puis peu a Leipsic; j'y ay remarqué ce qu'il reproche a Eum.
Pacatus ; et il faut que je dise, a cette occasion, qu'il n'y a
rien si extravagant que de s'approprier les pensées et les de-
couvertes d'un autre; que c'est un espèce de larcin public, si
l'on les prend de livres imprimez, et un vol clandestin et une
noire ingratitude, si l'on débite comme son propre ce qu'on a
appris dans la conversations de ses amis. A Dieu ne plaise
que j'en puisse user jamais ainsi, et il me semble que cette
manière d'agir est capable d'imprimere aeternas notas suae
memoriae, a ce que dit quelqu'ancien.
l'ay remarqué dans les Valesiana que M' Châtelain a des-
sein de publier un Onomasticon Hagiographum (i). Le père
de Montfaucon nous promet, dan son histoire de ludith,
l'Histoire des Assyriens, des Medes et des Babyloniens, avec
une dissertation sur les pièces, que nous trouvons dans divers
auteurs, touchant ces Monarchies. Quand est que nous ver-
rons ces sçavantes productions, et ne pouvez vous pas m'en
dire des nouvelles ? Les dissertations de M*" Perizonius De
Originibus Babylonicis, dont je vous ay parlé au 26 luliet,
lui pourroient servir. Ce sçavant professeur tache de dévelop-
per beaucoup des diffîcultez qui se rencontrent dans l'histoire
de ce pays, et soutient que la tour de Babel a esté bâtie
pour servir a un signal, pour ceux qui pecora pascebant per
loca plana et campestria, ne a sese invicem aberrarent inviti ;
et que le mot Hébreu y signifie un cfjjxa, signum, et non
(i) Claude Chastelain, né à Paris vers 1639, mort dans la même ville
le 20 mars 171 2. La Liste des noms de Saints^ qui paraissent éloignés de
leurs origines, et qui s'expriment diversement selon la diversité des lieux^
par M. Tabbé Châtelain, fut insérée dans Tédition de 1694 des Origines
de la Langue française de Ménage.
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LETTRES DE CUPER. 253
un nomen, ce que je laisse a examiner a ceux qui entendent
la langue sainte.
M*" Beauval m'a envoyé une lettre pleine d'érudition du
père de Montfaucon ; il y tache d'expliquer l'Inscription qui
fait mention du Dieu laribolos, et il croit que la fontaine E<f%(x
pourroit bien estre la piscine Aphaca, dans le pays de Pal-
myrene, dont Zozime, liv. I, et plusieurs autres font mention.
Et asseurément, il n'y a pas beaucoup de différence entre
ces mots; et la conjecture en paroit fort vraysemblable. Mais
Aphaca de Zozime n'a pas esté dans le pays de Palmyrene.
Zozime le dit estre X(i)p(ov ixéaov 'HXiouTuiXewç te xai B{6Xou, et Eu-
sebe le met au Mont Liban dans la vie de Constantin (i). Or
il est évident que Palmyre en ait esté éloignée par quelques
journées et qu'il faut beaucoup que leur territoir se soit
étendu si long, estant avec cela séparée de la Syrie par des
vastes solitudes et par des sables. le ne diray pas que Zozime
parle d'une XCiavî;, et non pas d'une fontaine, parcequ'il pour-
roit estre que ce lac devoit son origine a une fontaine. Si la
conjecture du père de Montfaucon est vraye, que les Palmy-
reens estoient accoutume d'élire un prestre de la fontaine ou
du lac Aphaca vel Ephca, ou de la déesse Venus, qui y estoit
adorée, que ce prestre estoit choisi par leur Dieu laribolos,
ou par les sorts qu'on jettoit dans son temple, ou par oracle
ou vive voix, ou par quelqu'autre voye, c'est a dire fourberie
et tromperie des prestres ; que ce prestre ainsi chosy y estoit
envoyé pour servir la déesse, ou qu'il y alloit tous les ans
avec les autres Palmyreens, qui y portoient leur offrandes et
(i) Aphaca, TAphec de la Bible, FAfka d'aujourd'hui, se trouvait, en
effet, dans le Liban, entre Biblos et Heliopolis, sur les bords de l'Adonis.
Voir Eusèbe, Vit. Const.y III, 55 ; Zozime, I, 58. Vénus y était honorée
sous le nom d'Aphakitis. — Sur Afka et les ruines de son temple, le beau
livre, que vient de publier notre éminent collègue, M. Lortet, La Syrie
d'aujourd'hui f 1884, p. 644 et suivantes, donne de précieux renseigne-
ments.
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254 LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
leur presens ; comm' ils estolent accoustumé de faire êv xô -rij^
loprîjç >wc(p(i), a ce que dit le même Zozime. Mais c'est estre
trop long, et il est temps de finir.
A Dieu don, et je demeure, de tout mon cœur,
Vostre tresh. et tresob.
serviteur,
CUPER.
A Deventer, le I Dec. 1695.
LXXIV
Monsieur
Monsieur Nicaise^ Abbé^
A Dijon.
Monsieur,
Pay appris, par vostre lettre du g"' d'Aoust, que la mienne
du 22™' de luin vous a esté rendue, et je suis bien aise que
vous avez pris plaisir a la lire ; mais vous m'avez fait trop
d'honneur de l'avoir communiqué a vos amis, et entr'autres
a M"" le premier président Bignon et au père Pagi, dont le
premier m'est connu par sa grande réputation, par sa vertu,
par son érudition, et par la bienveuillance que ce célèbre Ma-
gistrat porte a tous les sçavans; et l'autre m'est connu,
comm'aussi par tout, ubi est aliquid hominum elegantiorum,
par ses escrits, qui sont, sans le flatter, dans une grande
vénération auprès de moy. le n'ay pas encore vu la disser-
tation sur les 4 Gordiens, ni aussi la réfutation, ni le portrait
de M*" de Court. M' de Saumaise, a qui j'ay rendu vostre
lettre moymeme proche d'icy a Loo, quand sa Majesté Bri-
tannique y estoit, n'en sçavoit aussi rien. C'est la guerre, M%
qui nous prive de ces belles production d'esprit, et il n'y a
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LETTRES DE CUPER. 255
rien a faire que d'attendre la paix, dont on parle beaucoup
par tout, mais qui n'est pas pourtant encore faite.
La traduction de Santolius penitens est, a mon advis,
admirable et M*" Racine nous fait voir par la, comm' aussi
par ses belles pièces de théâtre, qu'il est un poëte admirable ;
j'ay lu cette traduction avec une entière satisfaction, et mes
amis a qui je Tay communiquée, ont fait de même,
le suis fort fâché que vous n'avés pas reçu le Chronicon de
Malela ; j'en ay escrit a M' Leers, mais il ne me repond pas ; je
luy en parleray moyméme, aussitost que je seray a la Haye,
d'où, comme vous le sçavez, Rotterdam n'est pas éloigné
beaucoup.
L'on n'a pas encore icy l'Itinerarium Palmyrenum de l'im-
pression d'Angleterre; je la désire avoir tresardemment,
pour en connoistre si quelque sçavant de cet alter orbis ait
expliqué les Inscriptions Grecques, et principalement le
Dieu laribolos ; j'en ay escrit a M"" l'Eveque de S* Asaph, et
j'espère que ce sçavant prélat me la fera tenir.
l'employé a cette heure le peu de temps qui me reste a
illustrer mes Inscriptions anecdotes ; mais il s'y rencontrent
tant des belles choses, que l'ouvrage ne s'avance pas si viste
comme je m'estois persuadé. Les Asiarques et les Neocores
m'occupent à cette heure. M*" de Spanheym et moy, nous
nous en entretenons par des longues lettres, comme je vien
de luy en envoler une de trois ou quatre feuilles, et nous
soustenons tous deux que ces charges ne soient pas encore
mises tout a fait en son jour, et cet illustre et sçavant per-
sonnage m'a mandé qu'il a dessein d'en publier une disser-
tation et me la dédier, quamvis tali me non digner honore.
l'ay eu dessein de ranger mes considérations par des sim-
ples thèses ou questions, et d'en faire part au père Pagl ;
car il ne se peut ou ce sçavant Augustin l'aura fait des ré-
flexions, qui pourroient élucider cette matière ; mais je n'ay pas
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256 LETTRES A L'aBBÉ NICAISE.
rhonneur de le connoistre, et je ne sçay s'il ose entretenir
commerce des lettres avec un homme qui est d'une autre
religion ; et je m'en suis dispense pour cela, crainte de luy
estre incommode ; mais j'en ay fait part par ce même ordi-
naire à M"" l'Eveque d'Ayranches, a qui je devois une réponse
il y a deux ans.
J'ay enfin reçu les médailles, et entr'autres celle d'Arsaces,
qui est d'argent et tout entier ; l'on y lit ^lAOMATOPOS, et
non *IAOnA , comme je vous avois mandé dans ma lettre
du i4'°' de may (i). C'est une pièce digne d'estre publiée, et
je crois que j'en ferois une dissertation particulière.
L'on a imprimé a Utrec les epistres de feu M*" Gudius,
celles de beaucoup des sçavans du siècle précèdent qu'il avoit
ramassées, et celles de M*" Sarrau augmentées dans un vo-
lume. Et l'on y imprime les notes du même M' Gudius sur
Phèdre, Iules César avec les notes de Denys Vossius, et
M*" Grevius y a joint Iulius Celsus, de la vie de Iules César,
qui est, comme vous le sçavez, fort rare. Callimaque y sera
bientost achevé ; le commentaire de M' de Spanheym, qui
fait un volume entier, est desja imprimé, et Ton attend rien
d'avantage que quelques notes de M' Bentlei, très sçavant
Anglois, sur le fragmens de ce poète. le demeure.
Monsieur,
Vostre tresh. serviteur.
CUPER.
A Deventer, 6 nov.
1696.
(i) Ce passage permet de dater la lettre, que Ton trouve, dans le vo-
lume 9359 du fonds français de la Bibliothèque nationale, sous la cote
2S0. Cuper y parle, en effet, de sa médaille d'Aleppo, représentant « Ar-
saces, roy des Parthes, avec cette bellissime légende : BASIAEQS MEFAAOT
AP2ÂK0T ÂTT0KPAT0P02 (DIAOnATOPOS Ein(DAN0T2 (DUEAAHNOT. »
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LETTRES DE CUPER. 267
LXXV
A Monsieur
Monsieur VAbbé Nicaise,
A Dijon.
Monsieur,
Tay reçu la lettre que vous m'avez écrite le 14 luin, et je
vous en suis fort obligé. Mais la mort du célèbre P. Pagi me
touche sensiblement (i); c'est une perte inestimable pour la
Repub. des Lettres, et je ne connois personne qui se soit
appliqué avec tant d'érudition et avec tant de soin a illustrer
et corriger les Annales de Baronius. Fy perd avec cela un de
mes meilleurs amis, qui m'estimoit, qui approuvoit fort sou-
vent mes pensées, qui les corrigoit avec une douceur et une
complaysance incroiable, et enfin j'y perd non vitae meae,
comme parle Pline le jeune, (marium enim et montium flu-
viorumque divortiis sumus divisi), sed studiorum meorum
testem, rectorem et magistrum ; et qui avec cela ne prennoit
jamais en mauvaise part, si je defendois mon sentiment.
Talium certe hominum ingens penuria est ; mais j'espère
que son neveu suiverases traces, et qu'il achèvera ce qui reste
au remarques de son illustre et sçavant oncle (2). le vous prie
de luy faire sçavoir quel part je prends en cet funeste accident
et que je le luy temoignerois moymeme, si je le connoissois,
»(i) Antoine Pagi était mort à Aix le 5 juin 1699 ; mais on ne peut pas
dire que sa mort fût absolument prématurée; né le 3 1 mars 1624, il était
dans sa soixante-seizième année.
(2) Ce neveu, François Pagi, né à Lambesc en 1654, mort à Orange
en 1721, publia à Genève, en 1705, une édition complète des Critica
d'Antoine ; 4 volumes in-f». — Une autre édition, datée d'Anvers, mais
publiée en réalité à Genève, parut, en 1727, par les soins d'Antoine
Pagi, deuxième du nom, petit-neveu de Tami de Cuper.
AcaJimie de Lyon^ classe des Ltttres, 17
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258 LETTRES A L^ABBE NlCAISK.
au moins si je sçavois comment on lui pourroic addresser des
lettres.
Fay envoie votre lettre sur la mort de notre feu grand amy
à M' Bayle et il la fera sans doute insérer dans l'Histoire des
ouvrages des sçavans faite par M*" Beauval, advocat, et frère
de M"" Basnage, professeur et Ministre à Rotterdam, qui a
publié depuis peu un grand et sçavant livre, dont voicy le
titre : Histoire de TEglise depuis I. C. jusqu'à présent, di-
visée en IV. parties. La I. contient l'histoire du gouver-
nement de l'Eglise dans ses diocèses d'Alexandrie, d'An-
tioche, d'Afrique, des Gaules, de Constantino/?/e et de Rome.
La 2. l'Histoire de ses principaux dogmes, du Canon des
Ecritures, des Traditions, des 8 conciles œcumeniqttw, de la
Justification, de la Grâce et de l'Eucharistie. La 3. contient
celle de l'adoration du Sacrement, du culte des Anges, de
la Vierge, des Saints, de leurs Reliques et de leurs Images,
jusqu'à la naissance des Albigeois. Et la 4. l'Histoire des
Albigeois, et de la succession de l'Eglise jusqu'à présent : par
M' Basnage, A Rotterdam, chez Reinier Leers, 1699, ^^
Folio.
La lettre escrite au suject de la dissertation, ou l'Histoire
de Ptolemec Auletes m'a bien diverti, et je ne vois pas que
M' Baudelot y pourra repondre. l'ay lu aussi l'Histoire
même, et, pour dire le vray, je n'y trouve presque rien de
solide, et les passages, dont se sert ce sçavant auteur pour
prouver son sentiment et les adjustemens des loueurs des
flûtes, exceptez les Phorbeis, sont a mon advis mal expli-
quez (i). le n'avance pas cela légèrement; car je me suis
appliqué a les examiner avec soin, et je ne trouve pas que
les belles pensées de M' Baudelot aient aucun fondement.
Quid multis ? Vélum ou le voile tibicinum, c'est une chose
(i) Voir plus haut, pages 96 et suîv.
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LETTRES DE CUPER. 269
inouïe a TAntiquité ; et j'espère queM"" Baudelot y fera luy-
méme reflexion, et qu'il examinera de rechef l'explication
des divers passages des autheurs, qui se doivent entendre
autrement. Par exemple, il dit, à la p. 28, que les Gouver-
neurs des provinces reculées de la Haute Egypte s'appeloient
Sitientes, au lieu que Pline, 6, 29, nous apprend SinumTro-
glodytices fuisse refertum insulis, exys quae vocantur Mareu,
Mapéou, esse aquosas vel aquas abundare ; et alias, quse vocan-
tur Eralonos insulœ^ esse sitientes, vel aquis, puta fontibus,
rivis, fluviis carere et destitui, comme se rencontrent aussi
sitientes Afri, easque insulas nomina habere a Mareo et Era-
tone, qui fuerunt Praefecti Regum iEgypti (t). Ty pourrois
adjouter des autres exemples ; car j'en ay presque cincquante ;
mais je laisse tout cela a ceux qui ont entrepris de réfuter le
sentiment de M' Baudelot, dont j'estime beaucoup le sçavoir,
les pensées ingénieuses, et la grande application a notre étude,
et a qui je suis fort obligé de ce qu'il me fait l'honneur de me
louer dans son histoire.
Le Thésaurus Antiquitatum Graecarum est achevé; maïs
je ne comprend pas comment l'on y ait pu insérer des choses,
qui n'ont nulle conformité avec ce beau titre, comme sont
les statues ou les buste de tant des Romains, qui remplissent
presque le 3"' tome tout entier et dont on ne dit rien que
l'histoire, et cela fort succinctement. lugez vous, M% (que)
ce sont des Antiquitates et Antiquitates Grœciœ ? Le mot
Antiquitas est fort souvent mis pour l'histoire ancienne ;
mais je ne sçay si l'on l'ait nommée Antiquitates. Ce mot en
plurier, comme vous le sçavez, est pris aujourd'huy dans un
tout autre sens, comm'aussi celuy d!Antiquarius, dont les
anciens se sont servy autrement.
(i) Voici le texte de Pline, Historia naiuralis, VI, 34 : t Sinus insulis
refertus : ex iis quae Mareu (Mopcou vriaot) vocantur, aquos» ; quae Eratonos,
sitientes. Regum ii prœfecti fuere... »
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26o LETTRES A l'aBBÉ NICAISE.
M* Halma, libraire d'Utrec, va demeurer a Amsterdam,
et il y imprimera en compagnie le Corpus Historise Byzan-
tin», qu'il vendra en petit papier pour 60 et en grand pour
.••• livres (i), monnoye d'Hollande, a ceux qui signeront les
conditions et prendront les tomes aussi tost qu'ils sortiront
de dessous la presse. L'on y fait des grands préparatifs, et
l'on y emploiera des très bons correcteurs ; enfin l'on nous
veut faire acroire que cette édition ne cédera en rien a celle
du Louvre, qui est si belle et si rare (2).
le suis. Monsieur, votr. tresh. et tresob. serviteur,
CUPER (3).
A Dev. le i de luillet gg.
(i) Le prix des exemplaires en grand papier n'est pas indiqué dans la
lettre ; Cuper a laissé un blanc à la place qu'il devait occuper.
(2) Nous connaissons trois grandes collections des Historiens Byzantins,
i® Philippe Labbe, qui, dès 1648, avait publié Historiœ By-j^antina!
Scriptoribus publicandis Protrepticoriy Paris, in-f>, commença en 1654 la
publication de la Collection justement fameuse des Historiœ By^antinct
Scriptores ; il eut des collaborateurs et des successeurs, et, en 171 1, trente-
six volumes in-folio avaient paru. — 2° De 1727 à i733, une édition aug-
mentée, mais moins correcte, parut à Venise ; elle se compose de vingt-
trois volumes in-folio. — 3» L'Académie de Berlin, de 1828 à i855, a pu-
blié, en quarante-huit volumes in-octavo, le Corpus scriptorum Historict
Byjantince. — Mais nous ne connaissons pas l'édition dont parle Cuper.
(3) Nous avons reproduit, sans y apporter aucune correction, les lettres
de Cuper. Le savant hollandais, dans ses relations avec Nicaise, s'était
d'abord servi de la langue latine ; ses premières lettres, conservées dans le
volume 9359 du fonds français, sont écrites en latin. Mais, en 1691, Cuper
se décida à écrire en français. Nous lisons dans sa lettre du 14 décembre
1691 (Fr., 9359, 238) : « Je suis trop téméraire, peut estre, de m'oser ser-
vir d'une langue qui vous est naturelle, et dont je n'ay qu'une fort impar-
faite connoissance ; mais j'espère que vous pardonnerez a cette témérité,
quand vous apprendrez la raison qui m'oblige d'en user ainsi avec mes
bons amis. C'est, M', pour me conserver, par cette voye, une langue que
j'ay apprise il y a vingt trois ou vingt quatre ans. » — Nicaise, fidèle à ses
habitudes de courtoisie, s'empressa d'adresser à Cuper des compliments,
un peu exagérés, sur l'habileté avec laquelle il écrivait en notre langue.
Cuper ne se faisait pas d'illusions, et, le 6 mars 1692 (Fr., 9359, 249), il
répondit à Nicaise : a Vous faitez beaucoup d'honneur a mon jargon de
François, en le faisant passer d'égal avec le stile de Balzac et de Voiture, et
vous me permettrez bien que je vous dise avec M"* de Molière : Trêve
au douceurs. »
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LETTRE DE LELIO COLISTA. 26 1
S 22.
LETTRE DE LELIO COLISTA (i).
LXXVI {2).
111.™'» e R."*» Sîg'"'' e Prôn. Col."%
Ecosi cortese VS. III."* nel gradire i suoi ser""*, quale io me
le professe, che si compiace di fare emcomii di quello che in
mè era debito, cioè di haverla servita in questo poco tempo
(i) Deux autres lettres de Lelio Colista à Nicaise sont conservées dans
le volume 9362 du fonds français ; elles sont cotées 48 et 44.
(2) La lecture de l'original de cette lettre offre plusieurs difficultés;
nous n'avons pas voulu les trancher ; le texte que nous publions est donc
une reproduction aussi exacte que possible. Nous nous bornons à pré-
senter au lecteur un essai, de traduction libre :
« Très-illustre et très-révérend Seigneur, très-honorable patron,
« Votre illustrissime Seigneurie est si courtoise, lorsqu'elle agrée les
hommages de ses serviteurs, au nombre desquels je tiens à être compté,
qu'elle se plaît à louer, eomme un acte honorable, ce qui n'était de ma
part que l'acquittement d'une dette; je veux parler des services que j'ai
pu lui rendre pendant le peu de temps durant lequel j'ai eu la bonne for-
tune de recevoir ses ordres à Rome. Aujourd'hui, je regrette beaucoup
de ne pouvoir pas lui être également utile, comme je le voudrais du fond
du cœur, pour mieux lui témoigner en quelle haute estime je tiens sa per*
sonne et quel cas je fais de son patronage.
« J'ai présenté à M. le Cardinal, en la lui recommandant, la requête
des Pères; mais j'ai eu peu de succès. M. le Cardinal m'a dit qu'il ne
s'ingère pas volontiers dans les questions qui intéressent les Religieux,
parce qu'il désire que ces sortes d'affaires suivent leur marche régulière
et directe. Autant que je peux me le figurer, cette réserve est motivée
par la manière d'agir des Religieux, qui souvent cherchent divers moyens
d'arriver au but qu'ils ont en vue, sans se conformer à l'obéissance qu'ils
doivent à leurs supérieurs. Et, comme les hauts dignitaires de l'Église
ont eu maintes occasions de faire l'expérience de ce mode d'action, ils
n'ajoutent pas aisément foi aux exposés que les Religieux leur font pré-
senter. M. le Cardinal m'a dit qu'il verrait s'il y a quelque chose à faire
dans la circonstance présente.
a Telle est la cause du retard que j'ai mis à répondre à votre illustris-
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202 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
che îo hebbe fortuna di ricevere î suoi comandi qui in
Roma, mi dispîace di non poter li essere cosi appresso con
la persona conforme li so no con il cuore, per meglio dimos-
trarle quanto sia la stima grande che fo délia sua persona e
délia sua padronanza.
Présentai al Sig:"" Gard:*' la supplica dei Padri da le racco-
mandatimi ; ma con poca fortuna, perche il Sig:*" Gard:'* mi
disse, che in materia di Religiosi malvolontieri ni s'inge-
risce, perche vuole che camminino le loro cose per le solite
strade dirette, per quanto io mi posso immaginare, perche
molt'alle volte per esimere dairobedienza , cercano diversi
modi per conseguire i loro intenti, e perche i Prencipi su-
periori di quest ne hanno aile volte Tesperienza, indi viene
che non cosî facilm/« si fîdano di quello che gli si espone, no
dimeno mi disse che haverebbe veduto quello si potrebbe
fare, che perciô io ho tardato di rispondere a VS. 111"* con
la speranza che il Sig:*" Gard:*' si risolvesse a fargli la gratia,
ma vedendo che sin a quest'hora non a presso questa risolu-
tione gli ho voluto dar parte di quello che passa. Ma se
questi Padri vogliono conseguire il loro intento, stimarei
meglio che qualche Padre qualificato qui délia loro religîone
sime Seigneurie; j'espérais toujours que M. le Cardinal se déciderait à
faire ce que vous lui demandiez. Mais, voyant que, à Theure actuelle, il
n'a encore pris aucune résolution, j'ai tenu à vous mettre au courant de
la situation.
f Si les Pères veulent donner suite à leur projet, je crois qu'il serait
préférable que l'un d'entre eux, ayant qualité pour parler en leur nom,
s'adressât à M. le Cardinal pour lui faire connaître leurs mérites, leur
zèle, leur piété et les raisons qui les portent à désirer de s'établir à Rome.
M. le Cardinal étant ainsi assuré de leurs bonnes intentions, je crois
bien qu'il leur accordera tout ce qu'ils désirent.
a Pour moi, dont toute l'ambition est d'obtenir les bonnes grâces de
votre Seigneurie et de recevoir ses ordres si précieux, je vous fais mes
très-humbles salutations.
« M. Abbatini, M. Pietro-Paolo et toute l'Académie vous présentent
également leurs hommages. »
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LETTRE DE LELIO COUSTA. 263
parlasse qui al Sîg/ Gard:'** con farglî attestatione délia loro
qualita e buon zelo délia loro devotione per la quale deside-
rano di venire in Roma che essendo il Sig:"" Gard:** accer-
tato délia loro buona intentîone crederei , che fusse per
concedergli quanto desiderano, e io qui tutto desideroso
délia sua buona gratia e de suoi preggiatissimi comandi le
faccio riverenza conforme fà il Sig:' Abbatini (i) e Sîg:' Pietro
Paolo e tutta l'accademia.
Roma, li 14 7*»" 1666.
VS-Ill.'-e R««*
Divotiss.* et Oblig."^ Ser/«
Lelio Colista (2).
(i) Antonio-Maria Abbatini, né vers i6o5, mort en 1675, était Maître
de Chapelle de Sainte-Marie-Majeure, lorsque Nicaise le connut à Rome.
(2) Au milieu des « Lettres xie diverses personnes à M. Tabbé Nicaise »,
le président Bouhier avait intercalé, nous ne savons pour quel motif, une
assez longue lettre latine a de Georges Hickès à Hans Sloane ». Nous
avions d'abord songé à la publier. Mais, après de mûres réflexions, nous
Tavons définitivement écartée. — i» Notre recueil, d'après son titre même,
ne doit contenir que des lettres adressées à Tabbé Nicaise ; les autres
lettres, trouvées dans la Bibliothèque de Lyon et restituées à l'État,
pourront faire l'objet de publications ultérieures ; nous n'avons pas à nous
en occuper actuellement. — 2^ Hickès parle à Sloane d'une inscription
étrusque, relevée sur la jambe gauche (femini crurique sinistro) d'un per-
sonnage qui a fait l'objet d'une dissertation française de Boivin (Disserta-
tio gallice scripta^ in qua D, Boivinus Jagis esse juvenili specie imagi^
nem^ quœ ad te nuper e Lutetia Parisiorum missa est, multis argumentis
contenait) et qui venait d'être présentée à la Société royale de Londres
par Spanheim et Geoffroy. La lettre d' Hickès contient plusieurs alphabets
étrusques, tirés des œuvres de Giambullari, de Fabretti, de Gruter, de
Brogiotti, et il nous eût été très-difficile de trouver les caractères d'im-
primerie nécessaires pour les reproduire fidèlement. — 3« Enfin, M. Mi-
chel Bréal, que nous avons consulté sur l'opportunité de l'impression, a été
d'avis que « la lettre de Hickès peut avoir quelque intérêt pour un étrus-
cologue de profession, qui reconnaîtra peut-être l'inscription malgré les
défectuosités de la copie », mais que a'cette lettre ne mérite pas cependant
l'honneur d'être publiée ». Hickès se montre, en efiet, grand admirateur
d'une explication de la septième table Eugubine, donnée par Adrian van
Scrieck, dans un livre publié k Ypres, en 16 14, sur les origines des peuples
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264 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
de TEurope et en particulier des Néerlandais. Or les tables Eugubines nous
ont conservé des fragments de la langue ombrienne, et Van Scrieck, sans
hésiter, explique Tombrien par le néerlandais et reconnaît dans sa table le
plus ancien monument de la langue belge ! L'admiration de Hickès ne
rendra pas ce mode d'interprétation plus vraisemblable que ne Tétait celui
de Baldo, qui expliquait les tables à l'aide de Bérose et de Caton (Michel
Bréal, les Tables Eugubines, iSyS, p. IV). — Il suffit donc de signaler la
lettre de Hickès aux savants qu'elle peut intéresser et qui seuls en tireront
quelque parti. Notre savant confrère, M. Ariodante Fabretti, correspon-
dant de l'Institut à Turin, a déjà entre les mains la copie que nous avions
préparée pour notre publication.
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APPENDICE
LES CORRESPONDANTS DE NICAISE
Les soixante-seize lettres, que nous venons de publier, ne
sont qu'une fraction très-minime de la correspondance établie
entre l'abbé Claude Nicaise et les érudits de la fin du
XVIP siècle. C'est à peine si elles représentent la quinzième
partie des lettres, qui, à notre connaissance personnelle,
existent encore aujourd'hui. Nous pourrions, en effet, sans
sortir de la Bibliothèque nationale, montrer près de douze
cents lettres, qui toutes, sans exception, ont séjourné dans des
bibliothèques lyonnaises pendant un assez long temps, et
dont le département des manuscrits s'est enrichi successive-
ment, au fur et à mesure que les droits de l'État sur ces pré-
cieux documents ont été révélés à ceux qui en étaient déten-
teurs.
Douze cents lettres ! Nous ne croyons pas qu'une table,
même très-sommaire, de cette énorme correspondance, con-
servée dans cinq volumes de l'ancien fonds français, et dans
trois volumes des nouvelles acquisitions, latines et française s,
ait jamais été dressée.
En consultant le catalogue inédit des manuscrits français,
on trouve bien, il est vrai, sous les numéros gSSg à gSôS,
une énumération de quatre-vingt-dix-huit personnes ayant
adressé des lettres à Nicaise. Mais le rédacteur du catalogue
a négligé d'indiquer le nombre des lettres émanées de chacun
de ces quatre-vingt-dix-huit correspondants. A plus forte
raison s'est-il abstenu de dire quelle place les lettres occupent
dans les divers volumes. Cet inventaire est donc tout à fait
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256 LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
insuffisant, et les tables ajoutées à chaque volume n'offrent
pas le moyen de le compléter.
Que de critiques pourraient d'ailleurs être dirigées contre
cette simple nomenclature !
Les auteurs du Dictionnaire des pièces autographes volées
l'ont déjà fait remarquer, il y a plus de trente ans, les noms
des amis de Nicaise sont défigurés à tel point, qu'il n'est pas
toujours aisé de les reconnaître : Bégon est appelé Béguin,
Bossuet figure sous le nom de Bénigne de Meaux ; la maré-
chale d'Humières devient la maréchale de Luimière ; Male-
teste se transforme en Malesherbe, etc., etc. Les omissions
sont nombreuses ; les copies ne sont pas distinguées des origi-
naux; les pièces annexes sont confondues avec les lettres dont
l'abbé Nicaise fut le vrai destinataire. Une lettre d'Arnauld à
Southwell, secrétaire du Conseil en Angleterre, la réponse
de Southwell, une lettre de Courvoisier à Boisot, une lettre
de Kircher à Peiresc, des lettres adressées à un neveu de
Nicaise, conseiller au Parlement de Besançon, la copie d'un
billet de Mlle de Scudéry, etc., etc., suffisent pour que
Southwell, Courvoisier, Kircher, Saint-Amour, M"' de
Scudéry, etc., soient inscrits sur la liste des correspondants
de Nicaise.
Enfin, cette nomenclature est antérieure aux déplorables
soustractions, dont les Recueils épîstolaires de la Bibliothèque
nationale ont tant souffert, il y a une quarantaine d'années.
On chercherait inutilement aujourd'hui les six lettres de
Leibniz, que M. Cousin a utilisées dans ses Fragments philo-
sophiques et qu'il a extraites de l'un de nos volumes. Les
lettres de Poussin, celles de Charles et d'Henri de Valois,
etc., ont eu probablement le même sort... (i).
(i) Manquent, dans le volume gSSp, les cotes i66, i83, 196, 201,
209 ; dans le volume 9361, les cotes 36, 70, 82, 88, 91, ii3 ; dans le
volume 9362, les cotes i%i à i3o.
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LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. 267
Le temps limité, dont nous disposons chaque année, pour
des recherches dans des collections que les règlements défen-
dent de laisser sortir de la Bibliothèque nationale, ne nous à
pas permis de réunir les éléments d'une table exacte et com-
plète de toutes les lettres adressées à Tabbé Nicaise. Beau-
coup de ces lettres n'ont ni dates ni signatures; d'autres
sont signées d'une façon peu lisible, ou bien portent, au lieu
du nom de famille, quelque désignation équivalente. Pour
déterminer les auteurs de ces pièces anonymes ou quasi-ano-
nymes, il aurait fallu faire de nombreuses comparaisons, et
nous n'avions à notre disposition aucun des documents essen-
tiels à une vérification d'écritures ou à une identification de
personnes.
En prévision de commentaires développés, auxquels plu-
sieurs raisons nous ont forcé de renoncer , nous avions
naguère réuni des indications assez précises pour nous per-
mettre de retrouver aisément, dans chaque volume, les pièces
que nous désirions consulter. Peut-être les hommes laborieux
consacrés à l'étude du XVIP siècle nous sauront-ils gré de
leur donner ici un résumé de ces notes ; nous leur épargne-
rons au moins de longues et fastidieuses recherches.
Albani (Jean-François), cardinal, puis pape sous le nom
deClémentXI(i). — Vol. 9359, i5.
Amy, prêtre de l'Oratoire. — Vol. 9361, 74 (Rome, le
12 juillet 1679).
André de Saint-Nicolas, religieux et provincial carme. —
Vol. 9361,65,66, 68.
(i) Au commencement de Tannée 1701, Nicaise lui écrivait, en le
félicitant sur son élévation au trône pontifical : « Si, comme le dit
Caporali, à la naissance de Mecenas, les Muses, transportées de joie
d'avoir pour patron un si grand personnage, fecero una fuocaccia^ que
ne doivent-elles pas faire à la création d'un Souverain Pontife, qui les
aime de tout son cœur?»
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268 LETTRES A l'aBBÊ NICAISE.
Anisson d'Hauteroche (Jean), directeur de rimprimerîe
royale du Louvre. — Vol. 9362, 142, 143.
Arnauld d'Andilly (Robert). — Vol. 9359, 78 (3 janvier
1674);
Arnauld (Antoine). — Vol. 9363, i85, 186, 187, 188 (i).
Arnauld (Catherine-Agnès de Saint-Paul). — Vol. 9363,
211 à 2i3, 2i5 à 221.
Arnauld (Marie- Angélique de Sainte-Thérèse). — Vol. 9363,
147, 162, i63, 197 à 208, 214, 222 à 227 (2).
D'AuBERivE (l'abbé). — Vol. 9361, 76, 77.
AuzouLT. — N. A. F., 4218, 58-59, 62-67.
Baillet.— Vol. 9361, 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98.
Barbarigo (cardinal). — Vol. 9359, i, 2, 3, 4, 6, 16, 18,
19, 20, 21, 22, 23, 27.
Barberini (cardinal). — Vol. 9359, 5, 17.
Baudot (François). — Vol. 9361, 122, i23, 124, i25, 126.
Bayle (Pierre). — Vol. 9359, 208, 210 à 229.
Bégon. — 9360, 81, 175 à 178, 180 à 190. — Vol. 9361,
48, 1 19. — Vol. 9362, 5o, 60, 61, 144.
Bellori. — Vol. 9362, 3.
Bellori (héritiers de). — Vol. 9362, 42.
Berruyer. — Vol. 9362, 124, 140.
Bignon (Fabbé). — Vol. 9361, 19.
Bignon (le premier président). — Vol. 9361, 20, 22, 23, 24.
Blaisy. — Vol. 9361, 104.
Boccone (Silvio). — Vol. 9362, 26, 27.
Boisot, abbé de Saint- Vincent, à Besançon. — Vol. 9361,
25 à 35, 37 à 42.
(i) Le n^ 189 est une copie d'une lettre d* Arnauld k Southwell, secre'-
taire du Conseil en Angleterre ; le n» 190 est une lettre de Southwell.
(a) Le n9 209 est une copie d'une lettre de la mère Angélique à la
Reine-mère; le n** aïo, une copie d'une lettre de la mère Angélique au
Roi.
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LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. 269
BoiviN, curé de Saint-MartiaL — Vol. 9359, 195.
BoNA (cardinal), — Vol. 9359, 7 à 14, 24, 32. — Vol.
9362, 4.
Bonjour (Guillaume), religieux augustin. — Vol. 9361, 72,
73.
BoNNEUiL. — N. A. F., 4218, 24-25, 28-29.
BOSQUILLON. — Vol. 9362, IIO à 121.
BossuET, évêque de Meaux. — Vol. 9359, 81, 82.
BouHiER. — Vol. 9361, 118.
BouRDELOT. — Vol. 936o, 77 à 80, 82 à loi.
Bretaigne (Charles de). — Vol. 9359, ii3 à ii5, 118, i23.
Camps (François de), coadjuteur de Tévêque de Glandèves,
puis évêque nommé de Pamiers, enfin abbé de Signy. —
Vol. 9359, 49 à 5i. — Vol. 9361, 2, 3, 4, 5, 89. — Vol.
9362, 123, 145.
Chappuys. — Vol. 9362, 9 à i5.
Charnes (Jean-Antoine, abbé de). — Vol. 9360, 68, 71,
io3, 104.
De Chevanes. — Vol. 9361, i32.
Chifflet (Pierre-François). —Vol. 9361, 106, 107.
Chouët (Jean-Antoine). — Vol. 9362, 100 à 102.
Clément XI. — Voir plus haut, s. v. Albani.
CousTA (Lelio). — Vol. 9362, 43,44.
CoQUEUN. — Vol. 9362, 22.
De Court. — Vol. 9360, 60 à 66.
CuPER (Gisbert). — Vol. 9359, 234 à 25i.
Damette. — Vol. 9362, 122.
Dareste. — N. A. F., 4218, 60-61.
David (Louis). — Vol. 9362, 54.
Delalane, abbé de Valcroissant. — Vol. 9361, 78, 78 bis.
Delamonce. — Vol. 9362, 55.
DuGHET. — Vol. 9362, 2, 5.
Durban (frère Antoine). — Vol. 9362, 32.
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270 LETTRES A L ABBE MICAISE.
EsTiENNOT (Dom Claude). — N. A. R, 4^18^ 44-45.
Fabretti (Raphaël). — Vol. 9362, 36, 39, 40, 55.
Falliot. — N, A. F., 4218, 57.
Fatio de Duillers. — N. A. F., 4218, 26-27, 3o-3i.
FÉUBIEN DES AVAUX. — Vol. 9362, 62 à 89.
FiLiPPONi. — Vol. 9362, I.
FlEUTELET. — Vol. 9361, 121.
Fraiser. — Vol. 9362, 141.
Fyot (l'abbé). — Vol. 9361, 87.
Galland. — Vol. 9360, 102. — Vol. 9362, 90 à 99.
Galoche. — N. A. F., 4218, 46-47.
Gavotto. — Vol. 9362, 24.
Germain (Dom Michel). — Vol. 9361, 59.
Gervaise (Dom Armand-François), abbé de la Trappe.
— Vol. 9359, i55. — Vol. 9363, m, ii5, 120, 121, 124.
GoNDi (abbé de). — Vol. 9361, 6 à 18.
GoNDi (Jean-François-Paul de), cardinal de Retz. — Vol.
9359, 26.
GRiEvius. — Vol. 9359, 124 à 154^^. — N. A. F., 4218, 76.
Grandmont (Richard de). — Vol. 9361, 58.
Guyer, religieux minime. — Vol. 9362, 3o.
Huet (Pierre-Daniel), évêque de Soissons, puis d'Avran-
ches. — Vol. 9359, 53, 54, 57, 58, 60 à 72, 74 à 76.
HuMiÈRES (la maréchale d'). — Vol. 9359, 116, 117, 119
à 122.
KùHN (Joachim). — Vol. 9362, 37, 38.
La Baume de Suze (Armand-Anne-Tristan de), archevêque
d'Auch. — Vol. 9359, 52, 56.
La Berchère (abbé Charles-Marié Le Goux de), arche-
vêque d'Aix. — Vol. 9359, 59. — Vol. 9361, 79, 99.
La Chaize (François d'Aix, père de). — Vol. 9359, 207, 23o
à 233 (i), 252 à 254. — Vol. 9361, 85.
(i) Sous le n** 233, on trouve une lettre de Spon au Père de la Chaize.
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LES CORRESPONDANTS DE NICAISE. ^J l
La Cour (Jacques de), abbé de la Trappe. — Vol. 9363,
122, i55 à iSy, iSg, r6o.
De La Foucherye. — Vol. 9362, 33. — N. A. F., 4218,
22-23.
De La Mare. — Vol. 9361, 120.— N. A. F., 4218, 55-56.
La Monnoye (Bernard de). — Vol. 9359, i58à i65, 167 à
178, 178 bis^ 179 à 182 (i), 184 à 192. — Vol. 9361, 109.
Lamy, prêtre de l'Oratoire. — Vol. 9359, 206. — Vol.
9361, 21, 75.
Languet. — Vol. 9361,108.
Lantin. — Vol. 9361, 1 10 à 112, 114 à 117.
Le Camus (le Cardinal). — Vol. 9359, 25.
Le Clerc (Jean). — Vol. 9360, 72 à 76.
Legouz. — Vol. 9361, 100.
Le Roy, abbé de Hautefontaine. — Vol. 9361, 83.
Le Tourneux. — Vol. 9363, 229.
LoNGEPiERRE. — N. A. F., 42 18, 36-37.
LuBiN (Augustin), religieux augustin. — Vol. 9361, 67,
69, 71.
Mabillon (Dom Jean). — Vol. 9361, 60 à 63.
Maisne, religieux trappiste. — Vol. 9363, i36, 139 à 141,
143 à 146, 148, 149, i5i à 154.
Maleteste. — Vol. 9361, loi, 102, io3.
Maumenet. — N. A. F., 4218, 5i-52.
MÉNAGE. — Vol. 9359, ig3, 194, 197 à 200, 202 à 204.
Millotet. — N. A. F., 4218, 38-39.
MoNNiER (Dom Hilarion). — N. A. F., 4218, 32-33.
Morell. — Vol. 9362, i3i à i35.
De Neunhof. — Vol. 9362, 56.
N1CAISE (Louis- Éléonor). — N. A. F., 4218, 74-75.
(1) Ce n® 182 est adressé de Paris, le 22 avril 1722, plus de vingt ans
après la mort de Nicaise, à Soyrot, contrôleur général des finances en
Bourgogne et Bresse.
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272 LETTRES A L ABBE NICAISE.
NiCHOLAs. — N. A. F., 4218, i3-i6.
NoRis. — Vol. 9361,1. — Vol. 9362, 104, 148. — Nouv.
acq. latines, 291 : copies de 33 lettres (i).
OuDiNET. — Vol. 9360, 67, 69, 70.
OUVRARD. — Vol. 9360, I à 59.
Pagi (Antoine). — Vol. 9361, 49, 5i à 55, 57.
Pagi (François). — Vol. 9361, 56.
Patin (Charles). — Vol. 9362, 45 à 49, 5i, 52.
Perizonius. — Vol. 9362, 35, 146.
Petit. — N. A. F., 4218, 1-4.
Pezron (Dom Paul), abbé de la Charmoye. — Vol. 9360,
io5. — Vol. 9361, 43 à 47, 5o.
PiziccHius. — Vol. 9362, 57.
Prinstet. — Vol. 9362, 34.
Quillot. — Vol. 9361,84.
Rangé (Armand-Jean Le Bouthillier de), abbé de la Trappe.
— Vol. 9363, là 41, 41 bis^ 42 à 5o, 54 à 80, 80 bis^ 81 à
110, 112 à 1 14, 116 à 119, 125 à i36. Les numéros 5i à 53
sont des copies.
Regnier-Desmarais. — Vol. 9362, io3.
Rémond (Famille). — N. A. F., 4218,5-6, 53-54.
Retz (cardinal de). — Voir plus haut, s. v. Gondi.
Ricci. — Vol. 9362, 6, 7.
RiCHELET. — Vol. 9359, i56, 157.
Saumaise fils. — Vol. 9359, 2o5. — N. A. F., 4218, 18-19.
Senocq (Barthélémy). — N. A. F., 4218, 20-21.
Sluse (cardinal de). — Vol. 9359, 33 à 40, 40 bis^ 41 à 48,
87.
De Spanheim (Ézéchiel). — Vol. 9359, 83 à 86, 94a 1 12.
(i) Voir notre Rapport sur les manuscrits Bouhier^ Nicaise et Peiresc;
Lyon, 1880, p. 48. Parmi ces trente-trois copies se trouvent les copies
des trois lettres que nous avons publiées, p. 17 et suiv., sur les originaux
retrouvés à Lyon.
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LES CORRESPONDANTS DE NIC AISE. 27 3
Spon. — Vol. 9360, 107 à 174, 179.
SuAREZ (Joseph-Marie), évêque de Vaison. — Vol. 9359, 29,
88à93. — Vol. 9361, 80, 81.
SuAREZ (Louis-Alphonse), évêque de Vaison. — Vol. 9359,
55.
Thomassin-Mazaugues. — Vol. 9362, io5 à 109, 139.
TuRREiTiNi. — Vol. 9362, i36, i37, i38.
Vachiet. — N. A. F., 4218, 72-73.
WiTT (Jean de). — Vol. 9362, 58, 59.
AcAdémit de Lyon, eiatse da Lêliret. 18
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS DES PERSONNES CITéES DANS LES LETTRES A l'aBBÉ NICAISE ET DANS
LES NOTES DE L'ÉDITEUR (l).
Abbatini 26a, 263
Acilius Aviola 21
Adam de Brème 182
Adrien. Voir Hadrien.
iElianus 1 34
iEmocles Aviola 21
iEneas Sylvius 49
Albani 267
Albano (L'Albane) 83
Albericus, Trium Fontium M . 68
Alberti .. i54
Alciat 89, 171
Alexandre le Grand 198
Alexandre Noél 77
Alexandre Sévère 223
Alexandre VIII 216
Alting • 173
Amalthëe i53
Amelot de la Houssaye 72
Amiet 1 27
Ammien Marcellin , . , , 1 79
Amy. 267
Anastase... 124
André de Saint-Nicolas 267
D'Angeau 1 1 5, 120
D'Anglure de Bourlemont... 21 5
Anisson 86, 89, 90, no,
II 3, 117, 180, 194,
210, 219, 221, 268.
Anne d'Autriche 268
Antelmi 198
Antonin Caracalla 23, 119
Antonins (Les) 223
Arétée 176
Aristée 167, 168
Aristote 18
Aristoxène 1 24
Arnauld d'Andilly 268
(i) Cette table va nous fournir l'occasion de corriger plusieurs erreurs
que renferment les notes. Quelques-unes nous sont bien imputables, et
nous aurions dû et pu les éviter ; mais il en est d'autres dont nous rejetons
la responsabilité sur les Dictionnaires biographiques les plus estimés.
C'est pour nous un devoir, et, mieux encore, un vrai plaisir, de déclarer
que la plupart de ces corrections sont dues à M. Tamizey de Larroque.
Notre erudit confrère s'est imposé la tâche ingrate de lire attentivement
nos bonnes feuilles et de nous communiquer les observations critiques
qu'elles lui ont suggérées.
Que M. Tamizev de Larroque veuille bien agréer l'expression de
notre gratitude ! Elfe est d'autant plus vive que nous n'avons pas oublié
ce qu'a disait nasuère, aux lecteurs de la Revue critique d'Histoire et de
Littérature, sur 1 affaiblissement de sa vue.
En relevant avec un soin minutieux les inexactitudes que les plus dili-
gents ne réussissent pas à éviter, M. Tamizey de Larroque rend aux
auteurs le plus grand des services. L'expérience montre que tous ne l'esti-
ment pas à sa juste valeur. Puisse la reconnaissance de ceux qui se sentent
honorés, et non pas amoindris, par les rectifications de notre éminent
confrère, le dédommager de l'injustice des autres 1
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
Arnauld (Antoine). . . 43, 45, 77,
82, 240, 241,
266, 268.
Arnauld (Catherine- Agnès) ... 268
Arnauld (Marie-Angélique) . • 268
Arnold 45
D'Arquien 128
Astell (Miss) Sj
Athénée 242
D*Auberive 268
Auguste 223
Augustin (Saint) 48, 241
Auzoult 268
D'Avaux. 1 56, 1 38, 160, 162, 164.
Aviola (iEmocles) 21
Aymar (i) 3i
Baillet 3i, 38, 100, 106,
i56, 194, 268.
Baldo 264
Baluze 88, 1 22, 1 56, 1 57,
159, 161, i63, i65.
Balzac 260
Barbarigo 1 96, 1 99, 2 1 4, 268
Barberini 1 23, 268.
Barnes 1 66
Baronius i55, 25i, 257.
Bartoli 83
Basnage (Jacques) 258
BasnagedeBeauval. i55, 157, 190a
194, 229, 237,
246, 247, 25o,
25i, 253, 258.
Baudelot (2) 96, 209, 258,
259.
275
Baudot 123, 268
Baudrand 33,35
Baudry 157, 159,219,221.
Bauldry. Voir Baudry.
Baume de Suze (De La) 270
Bayle 65, 147, 182,
186, 187, 194,
227 a 229, 237,
248, 258, 268,
Beauval. Voir Basnage.
Beda 76
Beger 248
Bégon (3) 93, i83ài90,
266, 268.
Bellarmin 38
Bellay 184
De Bellièvre 168
Bellori 82, 83, 84, 86,
124, 2o5, 208,
210, 217, 268.
Bénet 1 80
Benoît (Saint) 1 92
Bentinck 77
Bentley 57, 256
Berchère (Le Goux de La). . . 270
Bérenger 1 76
Bergier 168, 170
Berkel 1 52
Bernard 29, 35, 166,
173, 174, 175.
Bernier 2o3
Bernin 84
Bernon 2o3
Bernouilli 43
(i) M. le Président Alphonse Gilardin a publié, en 1837, un opuscule
ayant pour titre : Un procès à Lyon en 16^2, ou Aymar ^ l'homme à la
baguette, Lyon, Boitel, in 8«, 23 pages (extrait de la Revue du Lyonnais).
(2) Baudelot de Dairval est né le 29 novembre 1648, et non pas, comme
nous l'avons dit p. 96, le 20 novembre.
(3) Nous avons dit, p. i83, que Bégon mourut le 4 mars 1710; cette
date est acceptée par la Biographie générale et par le Dictionnaire histo^
rique de la France. Mais M. Tamizey de Larroque prouve, en s'appuyant
sur Facte d'inhumation, que Bégon est mort le 14 mars 1710. Sur Bégon,
voir Georges Duplessis, Un Curieux du XVII* siècle^ Michel Bégon,
Correspondance et documents inéditSy Paris, 1879.
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276
Bérose 264
Berruyer 268
Berthet 42
De Beyer 235
Bianchi 127, 129
Bignon (abbé) 1 1 1 , 268.
Bignon (premier Président). 201,
2o3, 232, 233, 254, 268.
Bigot 106, i52, i56,
161, i63, i65.
Billius 1 96
Bimbenet 1 64
Biton 242
Bizot i85
Blaeuw 104
Blaisy 268
Blondel 68
Bobart.... 167, 197
Boccone 268
Bochart 39, 1 52
Boeckh 207
Boerhaave 176
Bohorizh 61
Boileau 63,67, 168
Boisot (Jean-Baptiste) 29, 35, 37,
43,55,63,68,
266, 268.
Boisot (Le Président). 46,47, 55,
56,62,63,68,
69, 78,79.
Boivin 263, 269
Boldonius i25
Bona 1 23, 1 24, 269
Boncompagno 128
LETTRES A L ABBE NIC AISE,
Bonjour 65, 69, 80, 94,
loi à 102, 172,
176, 187, 188,
269.
Bonnet (Pierre) 1 14
Bonneuil 269
De Bonzi (Cardinal) 2 1 5
Bormius i32
Bosquillon 269
Bossuet 44, 70, 121,
i3o, 266,269.
Boudoint i58, 160
Bouhier 40,99,175,201,
211, 226, 235,
242, 263, 269.
Bouhours 240, 241
De Bouillon (Cardinal) ... 42, 2 1 5
Boulliau (i) 144
Bourdelot (2) 37, 43, 65,
1 14, 228, 269.
Bourgogne (Duchesse de) ... . 37
De Bourlemont. Voir d'Anglure.
Bouvet 66, 67
Boxhornius 89
Boyle 167
Brandebourg (Électeurs de) . 36,
110, 170.
Bréal (Michel) 263, 264
Brenner 25i
Bretaigne (Charles de) 269
Brogiotti 263
Brosseau 38, 70, 79
Brunswick-Lunebourg 71
Bruti 61
(i) Le nom français de Bulliaîdus est Boulliau, et non Boulliaud,
comme nous l'avons écrit p. 144. Voir Ludovic Lalanne, Dictionnaire
historique^ V<» Bouluau. M. Tamizeyde Larroquea trouvé, à Carpentras,
dans les papiers de Peiresc, une relation curieuse, par Boulliau, du
supplice d Urbain Grandier.
(2) Les dates que nous avons assignées, p. 114, à la naissance et à la
mort de Pierre Bonnet, plus connu sous le nom d'abbé Bourdelot, sont
extraites de la Nouvelle Biographie générale. Mais Moréri dit que l'abbé
Bourdelot mourut en 1709, â^é de 54 ans ; il serait donc né vers i655 ou
1654; Cf. Lalanne, Dictionnaire historique, V» Bourdelot. De quel côté
est la vérité ?
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
277
Brutius 177
Bullifonius 176
Burmann 91, 171, 175
Burnet 66
De C 100
Cabassut 122
Caccia 128
Caffaro 44
Caligula 97
Callimaque 57, 109, ni,
112, 116, 119,
174, 244, 249.
Camdenus 178
Camerarius 41
De Camps 127,269
Du Cange i33, i52, i55,
201, 207, 226
Caporali 267
Carpegna 217, 220, 222
Carpzow* 1 70, 1 96
Casanata 69
Casaubon 231,237
Cassini 61
Catacci 83
Caton 54, 264
Catulle 81, 142
De Caumont (Marquis) 182
De Caumont (Arcisse) 144
Cavalieri 222, 224
Cavallerino 1 28
Cébès i63
DeCéli 228
Cellarius i55, 197
Celsus (J.) 146
César (J.) 146, 175,200
Chabassut. Voir Cabassut. ... 122
Chacon 1 78
Chappuys 269
Chappuzeau(i) 71
Charavay 201
Charlemagne i65
Charles le Simple 76
Chariot 172, 175
De Charnes 269
Charpentier 35
Chastelain 252
Chaufepié 1 94
Chaulnes (Duc de). 216, 217, 225
Cheffontaines (Christophe) ... 47
Du Chesne 68
De Chevanes 1 24, 269
Chifflet 68, 168, 269
Chorier 166, 169
Chouêt 269
Christine de Suède.. 33,37, 148
Christophorus a C. Fontium . 47
Christyn (2) 47
Ciaconius 178
(1) Victor Cousin, dans la note que nous avons reproduite p. 71, a dit
que Chappuzeau était Genevois ; c'est une erreur évidente. Dans un ouvrage
avancement et de son entretien, que Lyon est même sa plus véritable
patrie... Peut-être un jour s'est-il dit Genevois, comme il se disait Lyonnais,
ce qu'il nabitait Lyon depuis quelques années ; mais, en réa-
en i656, parce qu
lité, il était Parisien.
(2) Il y a eu, à Bruxelles, au XVII* siècle, deux jurisconsultes du nom
de Christyn. L'un, Jean-Baptiste Christyn, est né en 1622 et mourut le
28 octobre 1690. L'autre, Liber t- François Christyn, frère du précédent,
est né le 29 juin 1639 et mourut le 10 juin 1717. — Dans sa lettre du 24 sep-
tembre 1690, Leibniz parle de Christyn comme d'un homme vivant; ce
n'est donc pas sur Jean- Baptiste, c'est sur Libert-Francois que sa pensée
s'arrête. — Le nom de Libert- François se rattache à 1 histoire littéraire
de Lyon ; car nous lui sommes redevables de plusieurs éditions du Traité
des lois abrogées^ dont l'auteur est Philibert Bugnyon, Maçonnais d'ori*
gine, établi à Lyon en qualité d'avocat.
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278
LETTRES A L ABBE NICAISE.
Ciampini 208
Cicéron 24, 91, 143, 145,
146, 149, i5o,
244, 249.
Claude 01
Clément VII 122
Cle'ment VIII 122
Clément IX 122
Clément XI 269
Colbert 83, 88, 147
Colbert de Croissy 2 1 5, 22 5
Colista 261 à 263, 269
Colocci 1 24
Colomiés 48, 170
Commire i65
Commode 22, 23
Confucius 81
Constantin Porphyrogénète. 124,
178.
Conti-Majoragius 171
Coquelin 201, 269
De Cordemoy 47? 48
Coronelli 71
De Cortone 84
Cosme III de Médicis 234
Cosson 247
De Court 43, 49, 54, 107,
139, 143, 145, 146,
149, 170,254, 269.
De Courtin 194
Courvoisier 266
Cousin 27,65,109,218,249
Creech 167
Crenius 93
Crescimbene 70
Crozier 208, 209, 210
Crussius. 93
Cuper 39,94,96,115,
142, 172, 173,
182, 184, 228,
235 à 260, 269.
Cuvillers 28
Cyrille 109, 112
Dacier 106, 109, 1 19,
120, 168.
Van Dalen 142
Damette 269
Danckelmann 229
Dangeau. Voir d'Angeau.
Daniel 77
Dareste 269
David 269
Delandine 67
Delalane 269
Delamonce 269
Delisle 3o, 40, 52, 55
Denys 167
Descartes 27, 3 1 , 5o, 5 1 , 60
Deseine loi
Diogène-Laêrce. 1 38, 140, 143, 1 53
Dion 200
Dirois 80
Ditmar 45
Dodart 167
Dodwell 29, t35, 167
Le Doge 225
Domitia Lucilia 224
Donat 157, i59
Doni 123
Dreyss 1 57
Dron 22,23,26
Dubois 200
Dubos 1 1 5, 228, 229
Ducange. Voir Du Cange.
Duchesne. Voir Du Chesne.
Dufresne. Voir Du Fresne.
Dughet 269
Dumay 232, 233
Dupin 35, 193
Dupuy 178, 179
Durban 269
Eggeling 59, 60
Elagable. Voir Héliogabale.
Épictéte i44i H7
Érasme i35, 171
Eratonos 259
Erycius-Putcanus^ 1 78
Ésope . 57
D'Esté (Cardinal). 2 1 5
Estiennot 226, 270
D'Estrées (Cardinal). 80, 208,210,
214, 2i5,2i6, 225.
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
279
Eumenius Pacatus. Voir Hardouin.
Euripide 166, 171
Eusébe 1 96
Faber 24
Fabretti (Âriodante) 264
Fabretti (Raphaël) 24,61, 102, 147,
172, 192, 205,
207, 208, 210,
211, 212, 217,
219, 220, 222,
242, 263, 270.
Fabronus 24
Falconieri i23
Falliot 270
Farnése (i) 127, 2o5
Fatio de Duillers 270
FayditC2) 47, ^9^
Félibien des Avaux 270
Fell 197
Fénélon 70, 74,80, 121, i3o
Ferdinand 1 1 de M édicis. 1 2 5 , 127
De Fermanel (3) 202
Ferrari 128
Ferrin 200
Filipponi 270
Fléchier (4) 188, 189
De Flemming ii3, 114
Fleutelet 270
Flourens 78
Fontanini , 70
De Fontenay 66
Formose (pape) 76
Foucault (5) 94, 93, 96,
97,98, II 5.
Foucher 5i, 64
Fraiser 270
François 208
François de Sales (Saint) 226
Fransz 88, 140, i5i
Frédéric III 1 1 3, 114
Frédéric de Brandebourg. ... 229
Du Fresne 167
Fronton-du-Duc 28
Furetière 204
Furstenberg (Égon de) 2x5
Fyot 270
Gale 1 97
Galée 162,163,191
Gallaeus 1 52, 1 54, 1 56, 1 57,
i58, 159, 160
Galland 95 a 98, m, 11 5,
184, i85, 270
(i) Les Cesari in Oro del Museo Farnese^ dont parle Tabbé de Gondi,
p. 127, ont pour auteur le Père Paolo Pedrusi.
(2) Voir, dans la Revue des questions historiques d'avril 1878, un article
de M. Tamizev de Larroque contenant de nouveaux documents sur les
infortunes de rabbé Faydit.
(3) L'abbé de Fermanel, du séminaire des missions étrangères de Paris,
avait été envoyé à Rome pour régler la question du successeur de
M. d' Héliopolis, et pour trouver les moyens de rétablir la paix dans les
missions de Chine entre les vicaires apostoliques et les jésuites. Michaud,
Louis XIV et Innocent III, T. IV, p. 376.
(4) Nous avons dit, p. i88, que Fléchier est né à Pernes le 10 îuin i632.
Telle est la date indiquée par les Dictionnaires biographiques d Hoefer et
de Lalanne, par Ménard, par Ducreux, et, tout récemment, par M.Tabbé
Fabre, dans son livre sur La jeunesse de Fléchier, Ces autorités, si nom*
breuses qu'elles soient, ne nous ont pas mis à Tabri de Terreur. M. de
Joannis, en s' appuyant sur Tacte de baptême de Fléchier et sur le Livre
de raison du père de Fléchier, vient de prouver que l'illustre orateur est
né, non pas le 10, mais le 18 juin i632. Voir Revue critique d^ histoire et
de littérature, 1882, t. XIV, p. 2C>6.
(5) Foucault est mort le 7 févner 1721, et non pas, comme nous l'avons
dit p. 96, le 1 7 février.
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28o
LETRRES A L ABBE NICAISE.
Gallien ii6, 120
Galliena-Augusta 116, 120
Galoche 270
Gassendi 1 80
Gavotto 270
Géne'brard 1 96
Genest 49
Geoffroy 263
Georges, Prince d'Anhalt. ... 39
Geraldi 170
Gerbillon 66
Germain 226, 270
Germanicus 97, 98
Gervaise 270
Gewœrts 1 04
Giambullari 263
Gibson 167
Giphanius 88
Giraud (Charles) 58
Golius 52, 179
Gond i (Abbé de) .. . 126 à 131,270
Gondi, cardinal de Retz 270
Gordiens ii5, 173,223,
241, 248
Gorlœus 244
Goux de La Berchère (Le)., 270
Goyerus i56
Gradi 1 2 3
Grœvius 24, 39, 40, 47, 57,
85, 89, 91, 92, io3,
104, 109, m, 116,
1 17, 1 19, i32, i35,
137a 177, 191, 192,
197, 237, 244, 248,
249, 25o, 256, 270.
Graevius (Théodore) 119
Grandmont 270
Granvelle 3o, 35
Graverol 1 84, 189
Grégoire VII 76
Grégoire de Naziance 1 96
Grolier 23 1
Gronovius (Jacques). 89,91, 119,
i34, 135,142,
147, i5o, i63,
229, 243, 244,
247, 259.
Gronovius (Théodore).. 175,229
Grotius 39, 144, 146,
148, 149, 178.
Gruter 207, 237, 263.
Gudius 47,91,117,170,
171,172, 174,175,256.
Guerchin 83
Guide 83
Guillaume III... 71,92, 137, 173
Guillaume d'Avranches (i). . . 226
Guimet (Emile) 81
Gustave- Adolphe 148
Guyer 270
Guyon (Madame) 70
Hadrien i58, 198, 223
Halma 260
D'Harcourt 216
Hardouin.. 21, 27, 3o, 36,
37, 69, io5, 106,
108, 109, 1 16, 120,
i35, i36, i52, 161,
i65, 173,183,218,
236,238,239,242,
252.
De Harlay 100, 228, 229
Harpocrate 243
Hartmann 61
Havercamp 44
Héfélé 49
Heinsius 137,140,143,144,
146, i54, 179, 237.
Héliogabale 28
Helmold 45
(1) Le Tractatus de officiis ecclesiasticis, autrement dit Enchiridton
consuetudinarium, maintes fois imprimé (Patrologia Latina^ t. 147), est
toujours attribué à Jean de Bayeux, qui fiit évêque d'Avranches vers 1060
et archevêque de Rouen en 1069. — Son métropolitain, pendant qu'il
était évêque d'Avranches, était Maurillus et non pas, comme le dit
Mabillon, p. 226, Mauritius.
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
281
De Hennin i35, 168
Henninius i35
HenrilV 76
Henschenius 28
D'Herbelot 106, 11 1,21 3
Hérode ' 109, 184
Hérodote, 32
Héron 242
D'Hervault (Ysoré) 21 5
Hessel 1 70
Hesychius io3, i54, i63, 164
Hickès 263, 264
Hinckelmann 52
Hippocrate 98
Hippolyte 161
Hobbes 3 1
Hoffmann 71
Holstenius.... 142, 178
Homère 142
Horace 25, 236
Hottinger 88
Huber(Ulric) i33
Hudson 1 67
Huet 26, 27, 28, 29, 36, 39,
41, 48,49» 5o, 5 1,52,
53, 34, 58, 59, 60, 65,
671 7^» 74» 78, 106,
m,
l52,
160,
169,
239,
D'Humières (Maréchale). 266, 270.
Huss 49
Huygens 40
Hyde 167
Ignace (Saint) 71,236
Inchofer 28
112,
114,
116,
i53,
i57,
159,
161,
i63,
i65,
i83,
228,
229,
25o,
256,
270.
Innocent XI ^5, 52, 214
Innocent XII 24, 25, 128
Irmin 58, 60
Irminsul 58
Ittig 71
Janisson 194
Janniçon 1 94
Jansenius 88
Jean d'Avranches ( i ) 226
Jérôme (Saint) 120
Jobert 44, i85
Joly (A.) 194
Du Jon(2). 39, 86, 87, 90, 154,
164, 1669 169, 239,
241 , 242. Voir Junius.
Josèphe.... 29, 3o, 35, 108, 176
Joubert. Voir Jobert 44
Judas 142
Jules l'Africain 242
Julien 109, m, 112, 116,
118, 120, 248.
Julius Celsus 146
Julliéron 1 57
Junius. Voir du Jon. 239, 241, 242
Jurieu 65, 194
Justel 64
Juvénal 236
Kang-Hi 67
Kircher 124, 142,179,266
Kool 1 70
Koribut (Michel) 122
KUhn 94, 106, i54,
23o à 23 1, ,270.
De La Baume de Suze 270
Labbe 260
De La Berchère 270
De La Chaize 270
De La Charmoye. Voir Pezron.
(i) Voir, plus haut, la note sous Guillaume d'Avranches.
(2) Dans une lettre à Santeul, dont la Bibliothèque nationale possède
une copie (N. Acq. Françaises, 4218, f»» 83 à 89), Nicaise a écrit :
« M. Bayle... a fait mention, dans les premiers volumes de son Diction^
naire critique^ du silence de M. Graeviusà mon égard, touchant le Junius,
De Pictura veterum, dont le public a l'obligation à mes soins, sans qu'il ait
daigné en faire mention dans la préface de cet excellent ouvrage. »
Académie dt Lyon, clatu des Lettres. l8'
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282
LETTRES A L ABBE NICAISE.
De La Cour 271
Lactance. iSy, iSg, 174, 184, 236
De La Fond (i)
De La Foucherye 202, 271
De La Hire 61
De La Houssaye 72
De La Lane 269
Lalanne (Ludovic) 73, 1 57
De La Loubère 72
De La Mare. • 3o, 40, 73, 77, 1 1 7,
118, 124, i38, i39,
140, 144, 145, 146,
149, 168, 172, 186,
192, 193, 242, 271.
La Mire 68
De La Monce 269
De La Monnoye (2).. 19, 20, 137,
i38, 140, i55,
195, 196,227,
228, 271.
Lamy 220, 27 1
Lancelot.. 191, 192,205, 206,217
Languet 7^1 7^, 170» 271
Lantin 3o, 38, 40,43,
64, 84, 99, 100,
i38, 139, 140,
i5i, i52, 1.54,
i56, i58, 161,
168, 172, 176,
192, 201, 203,
249.
De La Toison 140
De La Tremoille 216
De Laval rAbbé) 225
Le Batelier 179, 180
Lebeurier 180
Leblanc i65, 218
Le Camus (Cardinal) ... 215,271
Leclerc. 134, i35, 173, 237, 271
Lecorate 66
Leers 85, 86, 87, 89, 90,
166, 169, 170, 175,
241, 25r, 255, 258.
Le Goux de La Berchére. ... 270
Legouz 271
Leibniz. . . 26 à 82, 108, 127, 266
Le Lorrain.. ...4 ii5
Le Mire 68
Le Moyne i5o
Le Nain (3) 200
Lenoir 23 1
Léonard 34, 46, 54
Le Roy 271
Le Tellier 81
LeTourneux 271
Leutholf 65, 69, 80
Lèvera 42, 1 24
Leydecker 88
Lichfîeld (Évêque de) 182
Liebhard 41
Lichtstenstein 216
Lister 77
Lloyd 17, 182, 25i,255
Lomeier i35
Longepierre 271
Longin 168
(i) A la fin du manuscrit français n» q36i, on trouve plusieurs lettres
adressées par l'intendant De La Fond à M. Nicaise, conseiller au Parlement
de Besançon. Quelquefois rintendant emploie comme intermédiaire son
secrétaire Guéneau. Ainsi, dans une lettre du 23 octobre 1701, Guéneau
exprime au conseiller Nicaise la part que De La Fond prend au chagrin
que doit lui causer la mort de Tabbé Nicaise.
(2) Dans le Spectateur de Dijon ^ du 21 février au i^ mars i856. M. Vital
de Valous a publié, d'après les autographes conservés dans la bibliothèque
de Lyon (Delandine, Catalogue des manuscrits^ 1. 1*',?. 45 1), vingt et une
lettres de Bernard de La Monnoye à son fils, le Père de La Monnoye, cor-
delier à Bar-sur-Aube. Ces lettres vont de nouveau être imprimées, dans
la Revue lyonnaise, par les soins de M. Beaune.
(3) Le nom de l'auteur de VHistoire des Empereurs doit être écrit
Le Nain de Tillemont, et non pas, comme nous l'avons fait, avec la Nou"
velle Biographie générale^ t. XXX, p, 644, Lenain de Tillemont.
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
283
Lortet 253
Lothaire i65
Louis le Pieux 1 63
Louis XIV. 99, MO, 157,226, 268
Louvois 25
Lubin 2i3, 217, 271
Luc (saint) i33
Lucretius 167, 171
Ludolfi 65, 69, 80
Ludovici 73
Ludwig. Voir Ludovici 77
De Lynden 235
Lyster. Voir Lister 'j'j
DeM loi
Mabillon 33, 58, 126, i3o,
i65, 191, 2o5, 206,
212, 226, 271.
Macrinus 245
Maersevenius 1 54
Magalotti 1 29
Magliabechi (i). .. 91, i3o, 181,
196, 197, 198.
Maisne 27 1
Majoragius 171
Malalas (Johannes).. 25 1
Maleteste 266, 27 1
Mallius (Theodorus) 1 69
Man 59
Mancini 217
Manethon 91
Mannus 59
Maracci 52
Maratti 83, 84
Marc-Aurèle 22, 104,181
Mareu 259
Marie-Kasimire 1 28
Marracci. Voir Maracci 52
Marsham 142
Martial 81
Martianay 1 20
Martin d'Alnwick 45
Martin (Henri) 122
Martinus Minorita 45
Marty-Lavaux 73
Mattaire 176
Matthaeus 89
Mattius 89
Maumenet 27 1
Du May (2) 179,232,233
Mecenas 267
Me'dicis i25, 127, 234
Meibomius 29, 58, i53
Meier 53, 60
Ménage 28, 41, 100, 106,
138,141,143, 144,
146, i52, i53, i56,
157, 159, 162, i63,
169,184,185,194,
241,252,271.
Menhier io3
Mercœur (Duc de) 21
Messana 219
Meursius 143, 146, 147, 148,
149, i5o, 178,237
Mezzabarba 24
Michaud.. 210,214,215,222,225
Michel (Claude) (3) 82 à 84
Michon (Pierre) 114
(i) Les dates que nous avons indiquées, p. i3o, pour la naissance et
pour la mort de Magliabechi, sont contestables. Cet érudit est-il né le
28 JMoréri) ou le 29 octobre (Hœfer) ? Est-il mort le 2 juin (Weiss), le
27 juin (Tiraboschi), le 4 juillet (Hœter),le 14 juillet (Niceron et Moréri)?
Son épitaphe, qui fixe sa mort au 4 des nones de juin, fournit un argu-
ment presque cfécisif pour le 2 juin.
(2J Ce n est pas dans une lettre à Peiresc, c'est dans une lettre à Du Puy
de Saint-Sauveur^ oue Saumaise a dit, en passant, sur M. Paul du May,
quelque chose qui fera rire Nicaise {suprà^ p. 179). Cette lettre a été pu-
bliée, en 1882, par M. Tamizey de Larroque, Claude de Saumaise^ p. i63
et suiv. ; voir, p. 164 et i65.
(3) Claude Michel, prieur de Saint- Laurent, diocèse de Besançon, de-
meurait à Rome en ta Strada Pia, près les Minimes de la Trinité du
Mont.
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284
LETTRES A l'aBBÉ NIC AISE.
Miller 242
Millin 1 24
Millotet 27 1
Modaeus 1 56, 1 64, 1 66
Moêtjens 235, 238
Moïse 20, 75, 80
Molière 44, 260
Monfalcon 67, 171
Monnier 271
Montausier (Duc de). 159, 160, 161,
i65,232
Montfaucon.. 246, 247, 252, 253
Montjeu (Philibert de) 49
Morau . . . . , 1 58, 160
Morel(Abbé) 21 5
Morell ([) 20, 22, 25, 44,
46, 5o, 55, 69,
73, 76, 80, 127,
170, 181, 203,
243, 248, 252,
271.
Moréri 71, 1 68
Morhof i55, 196
Morin (2) 196
Morison 1 67, 1 97
Moronus 1 24
Moureau 1 23
Mouwen 141
Van der MUlen 1 54, 164
Munckerus i5i
Munster (Évêque de) 1 65
Néron 21,28,200
De Neunhof 271
Nicaise. 171, 175, 228 et passim,
Nicaise (neveu) (3).. 1 18, 266, 271
Niceron (4) 197
Nicholas 234,272
Nicolas 127, 232 à 234
Nilus 124
Nodot 35
Noél (Alexandre) 77
Nointel 96
Noris (Cardinal). 17 à 26, 33, 37,
41, 42, 48, 77,
80, loi, 109, 112,
126, 128, 129, i3o,
172, 181,187, 199,
219, 245,272.
Norris 56, 57
Odescalchi 25
Omont 179
Ottoboni 214,225
Oudin (Casimir) 36
Oudin (François) 36
Oudinet 26, 272
Ouvrard 42, X23, 272
(i) Sur André Morell, voir, indépendamment de Touvrage cité p. 127,
Fr. Ravaisson, ^rc/riVe5 de la Bastille^ t. IX, p. 142 et 526.
(2) Çest par erreur que nous avons attribué, j). 195, à notre compa-
triote Etienne Morin (né à Caen le i*»' janvier 162 5, mort à Amsterdam
le 5 mai 1700) le livre gui a pour titre : Antiquitates Ecclesiœ Orientalis.,.
enucleatœ^ Londres, 1682. L'auteur est Jean Morin, né à Blois en 1591,
mort à Paris le 28 février 1659. Dans ce volume, publié, après la mort de
Jean Morin, par les soins de Richard Simon, on trouve, p. 1 19 et suiv.,
la lettre des Sichemites sous ce titre : Epistola Syna^ogœ Samaritanorum^
quce est in urbe Sichem, seu NapolouSy ad clarissimum virum Josephum
Scaligerum^ interprète Joanne Morino.,. « Epistolœ illœ nunquam vene-
runt in manus Scaligeri; has misit Perescius ad Morinum. Exemplar
autographum dicitur asservari in Bibliothcca Régis christianissimi. »
(3) C'est à ce neveu, conseiller au Parlement de Besançon, que sont
adressées presque toutes les lettres qui se trouvent dans le manuscrit
français n» 9361, à partir du n» 127. Les signataires de ces lettres sont :
De La Baume-Saint-Amour, De Harouys, Rémond de La Renouillière,
Dubois, De La Fond, Régnier-Desmarais et Guéneau.
(4) Et non pas Nicéron, comme nous Tavons fait imprimer p. 197.
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
285
Pacatus(Eumenius).Voir Hardouin.
Pachymeres i25
Pagi (Antoine I) (i). 76,79, i3o, i55,
180, 182, 187, 193,
195 à 201 (2), 228,
229, 25i, 254, 255,
257, 272.
Pagi (Antoine II) 257
Pagi (François) 79> ^^7, 272
Paolo-Sarpi 66, 72
Pallavicini 66
Papebroch 104
Papillon 4^
Pappus d'Alexandrie 43
Paruta 189
Patin i85, 197, 272
Paul (saint) 25, io5
Pausanias 106, 23 1
Payelle 232, 233
Pedrusi(3) 127, 279
De Peinier 182
Peiresc 73, 77, 9 ^ '77» 178,
179, 180, 182, i85,
196, 206, 25o, 266.
Pellisson 29, 233
Péricaud 3o, 32, 69
Perizonius... i3i à i36, 147, i5o,
248, 252, 272
Perrault i23, 186, 188
Petau 109, 220
Petit i5i, i55, i56, i59,
160, 162, i65, 176,
192, 199, 272.
Pétrequin 35
Pétrone 35
Peutinger 173, 1 78
Pezron 32, 72, 75, 76,
79, 80, 272.
Phalaris 57, 167
Phèdre 47> 9^ i'7> ^7'? H^
Philibert de Montjeu 49
Philippe II 53,66
Philippe Èpiphane 245
Phorbœus 1 54
Photius 108
Picot (Georges) 73
Pietro-Paolo 262, 263
Pighius i33
Pignatelli 25
Pindare 167, 171
Pinelli 1 78
Pinsson (François). 56, 95, 96, 186
Pinssondes Riolles. 56, 95, 96, 186
Pizicchius 272
Placcius 48
Platon 120
(1) Le lieu de naissance du Père Pagi est Rogues, et non pas Roques y
comme on Ta imprimé p. 195.
(2) On a vu plus haut, p. 196, que le P. Pagi, en imprimant quelques
vers de La Monnoye, y ajouta ces mots : « Fit allusio ad pisciculum vtam
balenœ monstrantem. » Le 16 juin 1689, La Monnoye dit à Nicaise ce
qu'il pensait de cette addition : « Je ne suis guère satisfait de Fusage que
votre P. Pagi a fait des vers que vous m'aviez demandez pour lui. Outre
qu'il les a placez dans un endroit où ils ne sont pas trop en vue, et qu'il
n'a pas suivi le dessein que ie lui avois donné, il les a encore gâtez en
voulant les expliquer. Y a-t-ii rien de plus monacal que d'aller prévenir
son lecteur et lui ôter la satisfaction qu il aurait eue d'entendre par lui-
même le sens d'une allégorie, qui, après tout, n'est pas fort obscure? Le
P. Noris apparemment n'en usera pas de la sorte ; tout au moins, s'il
mettoit un argument à mon Epigramme, il le mettroit plus latin »
Fr.,9359, 181.
(3) Le Père Paolo Pedrusi est le jésuite dont parle l'abbé de Gondi,
p. 127; le grand ouvrage, en huit volumes in-folio, qu'il publia à Parme,
a pour titre : / Cesari in Oro raccoUi nel Farnese MuseOy 1694 et suiv.
Le Père Piovene y ajouta deux volumes.
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286
LETTRES A L*ABBÉ NICAISE.
Plaute 21
Pline 53, 164, 173,257,259
Pocock 52
PoUux 94, 100, io3, 106,
i54, i63, 164, 23o,
23l.
Polybe i35
Polycarpe (saint) 71,193
Pompée 22
Pomponius Mêla 180
Pontanus 88
Portiand (Comte de) 77
Portus 167
Possinus 125
Pouchard 242
Pougel 246, 247
Poussin 266
Prelard 159
Prinstet 101,102,272
Proclus 148
Prousteau ^. 154, 163,164
Prunelle 2 1 3
Ptolémée 173
Ptolémée Aule'tès 258
Pufendorf 148, 161, 164
Du Puy 178, 179
Pyrrhus 242
Pythagore 25o
Quillot 272
Racine (i) 255
Rader 226
Raina 221
Rainssant 20
DeRancé 33,43,45, 191,
192,272.
Ranuce II Farnèse 1 27
Raphaél 84
Rapin i38
Ray 197
Rechenberg 161
Régis (2) 67
Régnier-Desmarais 272
Rémond 272
Renaudot.... io5, 106,246,247
René (C del) 26
Renier (Léon) 171
Retz (Cardinal de) 272
Ricci 124, 272
Ricciardi 147
Richelet 204, 272
Rigault 144
Rigord 1 98, 200
Rivière 241
Robert (roi) 76
De Rochas d'Aiglun 242
Rodolphe II , 21
Roraulus 147
Rubens 1 69
Rufîn 200
Rumpf 25 1
Sacchi 83
Sacripante 1 28
Saint- Amand (Tristan de)... 104
Saint-Amour 266
Sales (saint François de) 226
Salisbury (Jean de) 35
Salvator Rosa 84
Santeul (3) 168
Sarpi (Paolo) 66, 72
Sarrau 256
(i) Cui>er,p. 255, attribue à Racine la traduction du Santolius pœnitens^
mais Racine a toujours protesté contre cette attribution, qu'A déclare
très fausse. Dans une lettre, datée de Versailles, 4 avril 1696, et adressée
à Boileau, il écrit aue ceux qui le soupçonnent a d'être l'auteur d'un
pareil ouvrage » méritent d'être réprimandés (Racine, Œuvres complè-
tes^ i838, t. II, p. 436).
(2) Le lieu de naissance de Sylvain Régis est appelé La Sauvetat de
Blanquefori, et non pas La Salvetaty comme nous l'avons dit p. 67.
(3) A la mort de Santeul, La Monnoye s'amusa à composer, en diver-
ses langues, toute une série d'épigrammes, qu'il adressa à Nicaise.
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TABLE DES NOMS
Saumaise (i)...* 3o, 40, 99a loi,
106, 117, 1 38, 140,
143,144,147, i5o,
i5i,i52, i54, i56,
159, 162, 166, 170,
172,176, 178,179,
186, 192,193,237,
239, 242,248,250,
254, 272.
Savile 197
Saxe (Électeur de) 170
Scaliger 196, 197
Scheelstrate 181
Schefer io3
Schiller 58
Schmidt 23o
Schott 23i
Schreuder 1 89
Schwarzburg. . . 44, 170, 243, 248
Van Scrieck 263, 264
Scriverius 88, 237
Scudéry (M"« de) 68, 266
Scylax i35
Segrais (2) 98
Séguier 87, 88
Seguin 249
DE PERSONNES. 287
Selden 178
Sénèque 21
Senocq 272
Septalius 93
Serapis 1 76
Servet 78
Servient 210
De Seste 21 5
Settala 93
Sextus Empiricus 140
Sfondrati 56, 81, 128
Sherlock 56
Siccama 89
Simon 148
Siredey 202
Sirmond 28, 180
Sladius i5i
Sloane 263
De Sluse 42,123,210,272
Smith 175
Sobieski 1 28
Socrate 25o
Solin 192
Somner 167
Southwell 266, 268
Soyrot 271
En voici deux spécimens (9359, i58) :
'Hytoff TOU( àylovçy dcAT o^ fiifoitaxo' HoùA
a Santeuil, qui loua tant les eaux,
a Ne but rien moins que de Teau claire,
a Et fit des cantiques Tort beaux
Pour des Saints au'il n'imita guère. »
(i) La lettre, dont Thomassin de Mazaueues parle p. 170, et dans la-
ÏueUe Saumaise racontait « touts les demesTés qu'il eut en Holande contre
[einsius », était probablement, comme la lettre sur les Tyrses des an-
ciens, une simple copie d'une lettre adressée à Jacques Du Puv. Si cette
conjecture est fondée, cette lettre est la même que celle qui a été publiée
par M. Tamizey de Larroaue, C/aiiie de Saumaise^ 1882, p. 104a 112.
(2) Nous avons identifié le Fontenatum^ dont parle Galland, dans son
épitaphe de Segrais, p. 98, avec Saint-André-de-Fontenay. Ce doit être
une erreur. Il s'agit plutôt de Fontenay-Le-Pesnel, Fontanetum Paga^'
nelli, où Segrais possédait une maison de campagne. — Les « Épitapnes
latins et François a la mémoire de M. de Segrais » conservées dans le ma-
nuscrit français 9362, 96, ne sont pas inédites; nous les avons trouvées
dans une des Revues publiées à Caen vers 1840. La note que nous en
avons prise étant égarée, nous n'osons pas affirmer, mais nous croyons
que cette Revue est la Reyue du Calvados.
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288
LETTRES A L ABBE NIC AISE.
. Spanheim. 22,27,30,36,37,41,43,
45, 5o, 54, 55, 57, 60,
61, 72, 73, io3 à 121,
129, 141, 144, l52,
i56, i57, 160, 161,
162, i63, 170, 173,
174, 229, 248, 249,
255, 256, 263, 272.
Sparwenfeldt 25i
Spelmaaus.. 178
Spinola 128
Spinosa 5 1
Spon 143,144, 145, 146,
149, 171, 175,208,
239, 270, 273.
Stace 104
Stephanus 142, 143, i52
Strabon .' 200
Strozzi 220, 222
Suarez (J.-M.). 121 à 125,148, 273
Suarez (L.-A.) 273
Suidas 1 35
Sulpice Sévère 200
Tachard 66
Tacite 21, 53,54,97, 173
Talon i58, 160
Tamizeyde Larroque. 73, 77, 177,
178, 179, 182.
Tanara 128
Tarugi 1 28
Temple 57, 25o
Térence i52, i53
Teutzel 181
Theodorus Mallius 1 69
Théodose 1 89
Theseus 143
Thévenot 96, 157, 159, 160,
161, 162, i63, i65,
217, 242.
Thietmarus. ..••...•.• 45
Thomassin-Mazaugues. 1 77 à 1 82,
273. I
Thucydide 167, 171
Tibère 97,176,229
Tite-Live 1 55
Toinard 20, 29, 35, 37, 107,
108, 184, 198, 201,
21 3, 220, 236, 239,
240, 246, 247, 25 1.
ToUius 1 34, 168
Tonnulius i53
Trajanus Decius 121
Trebellius PoUio ii6
Tristan de Saint- Amand (i). . 104
Tuiston 59
Turrettini 273
Tycho-Brahé 88
Ubaldini 124
D'Uxelles 217
Vachiet 273
Vaillant. . . 20, 22, 26, 27, 28, 3o,
37, 94, io5, 106,
108,1 12, II 5, 120,
1 52,1 55, 201, 2o3,
204,208,218,220,
236.
Valère Maxime i32
De Vallemont 1 1 5, 1 20
Valois (Charles de) 266
Valois (Henri de).. 100, io3, 144,
i54, i63, 164,
178, 193, 200,
266.
Van Dalen 142
Van der Meulen i54, 164
Van der WerfF 86
Van Dyck 86, 87
Van Scrieck 263, 264.
Vargas 53, 66, 71, 72
Vejelius 39,40
Del Verme 128
L. Verus 181
Verwey 1 54
Vespasien 223
(i) Nous avons dit, p. 104, aue Tristan de Saint- Amand mourut en
i656. Il eût été plus exact de dire qu'il vivait encore en i656, qu'on le
perd alors de vue et que l'on ne peut préciser la date de sa mort.
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TABLE DES NOMS DE PERSONNES.
289
Vettius Valens 41
Vexin (Comte du) 226
De Vilenaux 2o3
De Vilermont .... 2o5, 217, 219,
222, 224, 225.
Villalpando 2o5
Vincent (Isabeau) 1 94
Vino 84
Visdelou 66
Vitringa i5o
Vitruve 1 23
Voiture 260
Vossius (Gérard-Jean). 161, 162, 164
Vossius (Isaac). 88, 142, 146, 148,
161, 220, 256.
Vulcanius 88
Wœsberg i32
De Walcheren 92
Wehler i65
Werff (Van der) 86
Wetstein 94, i32, i53
De Wilde 169,174,175
Wisniowieçki 1 22
Witsen 142
DeWitt(i).. i9,85à94, io5, i32,
i58, 161,162,164,
173, 193, 206,273.
Witz(De Witt?) 19
Woltherus 45
Worm 93
Wotton 78, 25o
Wray 197
Xénophon 167, 171
Ximénès 188
Ysoré d'Hervault 21 5
Zanotti 126
(i) Sur Jean de Witt, deuxième du nom, voir l'ouvrage que M. Antonin
Lefêvre-Pontalis vient de consacrer au premier Jean de Witt, 1884, t. II,
p. 242.
AcaJémit dt Lyon, classe des Lettres.
19
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DES NOMS DE LIEUX OU DE PEUPLES CITÉS DANS LES LETTRES A l'aBBÉ NICAISE
Afka 253
Afrique 35, 258
Agria 21
Aix 177, 198
Alba Regalis 21
Alba Regia 21
Albigeois • 258
Alcala de Hénarès 148
Aleppo 237,244,245
Alexandrette 237
Alexandrie 258
Algériens 208
Allemagne. . . 35, 40, 44, 45, 1 12,
161, 243, 248.
Allemand 59
Amsterdam.,. 94, 'i32, i35, i38,
139, 140, 142, 143,
147, 148, i53, i55,
164, i65, 260.
Ancyre 247
Anglais 196, 197
Angleterre,. 56, 73, 91, Î12, 148,
162, 166, 172, 173,
2o3y 239.
Anhalt 39
Antioche 200, 258
Anvers io3, 148, i63, 23i
Aphaca 253
Arabes 236,238
Armorique 72
Arnstadt 44, 127, 170
Arras i33
Asaph (Saint-).... 182, 25i, 255
Asie 21,39,75, 106,147,
176, 229, 255.
Asie-Mineure 32, i65
Assyriens 252
Athènes 14^) i?^
Atrebatensis 1 33
Attique 147, i5o
Avranches. ... 26, 27, 28, 29, 36,
39, 48, 5o, 52, 53,
54, 58, 60, 67, 72,
74, III, 114, 116,
i83, 228, 256
Babel (Tour de) 252
Babylone 248
Babyloniens 252
Baie 43, 49,52,62, 71, i52
Baléares , 24
Basques 72,75
Bastille 25
Bataves 19, i32, i52, 173
Belgique 171
Berlin.... 61, 104, 107, 170, 248
Besançon 206, 232
Beuvron 216
Biblos 253
Biscayenne (Langue) 75
Blois 184
Bohémiens 49
Bologne 18, 24, 128
Bordeaux 1 89
Bourgogne 146
Brandebourg.... 33, 34, 36, 129,
170, 248
Brème.... 33,34,45,53,59,182
Bretagne (Basse-) 192
Bretagne (Grande-) 172
Bretons 7^> 7^
Brunswick ^4, 79
Bruxelles 104
Byzance 260
Caen 58, 95
Cambrai ... 34, 70, 74,
80, 121, i3o
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TABLE DES NOMS DE LIEUX.
Cambridge i66
Cammin 33,34
Carniole 6i
Caspiennes (Portes-) jS
Castille 35
Caucase •••.... 7^
Celtes 72, 7^ 7^
Cerreto 1 5t6
Ce'sarée 27, 38
Champagne 2o3
Chanaan • 32
Charmoye (Abbaye de la) . 75, 76,
79,80.
Chine 66,67, 80, 81, 141
Chypre 237
Cimmériens 32
Civita-Vecchia 2 1 6, 2 1 9, 22 1
Clermont (Collège de) 68
Complutum 14^
Constantinople 218, 258
Coptes 102
Cos(Ilede) 98
Coutances 4^9 ^3
Crest 194
Crète 122
Croissy 216, 225
Dalmatie • 1 65
Dauphiné 166, 169, 194
Deventer 238, 246, 249,
254, 256, 260.
Dijon.... 40, ii3, 114, i34, 137,
139, 141, 144, 145,
149, 166, 172, 177,
179, i83, 186, 187,
188, 190, 191, 203,
227, 240.
Dordrecht , . 85, 90, io5, i32, 164
Egypte 66, 94, 142, 167,
172,187.
Egypte (Haute-) 259
Éphèse 21
Ephka 253
Erato 259
Erlau • • 21
Espagne ••.. 128,216, 25 1
Espagnols. ..... 53, 66, 204, 2 14
291
Ethiopie 69
Etna 19
Étrurie 1 25
Étrusques 61
Europe 68, 142,146, i55
Évreux 179
Faenza. , 24
Fano 128
Faventia 24
Flamand 239
Florence. 18, 19, 22,26, 127, 128,
129, i3o, 198, 234.
Français 214
France. ... 27, 34, 35, 40,44, 47,
48, 64, 66, 72, 74,
81,83,88,122.128,
i56, 202, 2o3, 207,
208, 210, 220, 23 1»
243.
Francfort ». 62
Franche-Comté 43, 90, 1 90
Franeker î33, i5o
Frascati 201
Frise .• 173
Froidmont 216
Gabala. 22, 23, 245
Galles (Pays de) 75
Gallia 142, 146, 179,258
Gascogne 1 79
Gaule 142, 146, 179, 258
Genève 78, 90,91, 166, 206
Germains. 53, 58, 59
Germania 161
Goths 25 1
Grande-Bretagne 172
Grèce 75, 76, 106, i65,
171, 198
Grecs i5o
Halberstadt 33, 34
Halle 73
Hambourg 36,40
Hanovre 26, 3o, 37, 41, 46 j
5o, 55,62,67,68,
69, 74, 107.
Havelberg 33, 34
Hébreux •••.....• 142
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292
TABLE DES NOMS DE LIEUX.
Héliopolis 253
Helvétiens., ...•. 53
Hermaenner , 59
Herminones 53, 58, 59
Hermins 54, 58
Hermunduri 59
Hildesheim 33, 58
Hollande.. 27, 38,46, Ï2, 71, io3,
104, io5, 106, 107,
109, 1 12, 116, 192,
199, 206, 208, 220,
240, 249.
Hongrie 1 35
Ilargus 53
Hier 53
Illeraha 53
Inde • 141
Ingevons 59
Irlande.... 76, 166, 173
Istevons 59
Italie 19, 146, 147, i65, 170
Italiens 208, 214,218,225
Itius Portus 168
Kampen 244
Kiel i55, 196
Kœnigsberg 61
Lacédémone 148
La Charmoye 75, 76, 79, 80
La Haye 94, i58, 160, 176,
237, 238, 240, 255.
Langres 172, 175
Laodicea 22
De Laval 225
Leipzig 40,43,69,71,109,
170, 196, 198, 23l,
252.
Levant 68
Leyde 88, i36, 142, 229,
244, 247.
Liban 253
•^Lichfield 182
Liège 34, 123
Lithuanie 122
Livourne 199
Londres 57, 161,162, 197
Loo ....» 255
Louvre 260
Lubec 33, 34
Lugdunensis secunda 179
Lyon 114,148,209,213
Macédoine 112
Magdebourg 33, 34
Majoragio 171
Malabar 148
Malo (Saint-) 219
Malouins 219
Mareos 259
Marseille..... 199
Maures 35
Mayence 172
Meaux 70,121,130
Mecklembourg 34
Mèdes 252
Mediolanum 179
Meissen 33, 34
Mersebourg 33,34
Messine 222
Minden 34
Milan i25, 187, 225
Mondruin 25
Mons • 240
Monte-Leone 25
Moustier-en-Champagne . • . . 216
Munster 34, i65
Namur i85
Naples.. 19,24, 25, i23, 176, 229
Narbonne 122
Nasone (Tombeaux de) 210, 219,
221.
Naumbourg 33, 34
Nazoni (voir Nasone) 210
Nîmes 188, 189
Noirmoutier, 216
Normandie 116, 117
Nuremberg 41
Orléans. 1 54, 2 1 3
Osnabruck 34
Over-Yssel 238
Oxford. ., 29, 161, 166, 171, 197
Paderborn 34
Padoue .. 48, i55, 198, 199,214
Palestine ..r 27, 32
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TABLE DES NOMS DE LIEUX.
293
Paimyre. 170, lyS, 176, 238, 244,
245, 247, 253, 255.
Paimyrène 253, 255
Paris 17,38,42,60, 70, 72,
85,86,87,88,90,94,
95, 96, 97î 98, io5,
106, 107, 109, IIO,
III, ii3, 114, 117,
118, 119, 129, i34,
147, 148, i5o, i52,
i53, i56, i57, i58,
159, 160, 162, 166,
171, 174, 186. 190,
195, 199, 201, 203,
204, 2o5, 206, 208,
209, 21 3, 21 5, 219,
221, 225, 229, 232,
235, 241, 246, 248.
Parme 127,206
Pays- Bas 19
Pérouse i25
Pharsale, 200
Phéniciens. • 76
Philippenses i33
Pirée 148
Pise 129
Pisidie 200
Pistoia..... 24
Poitou 97
Pologne 122, 128, i58, 160
Portugais 204
Portugal 208
Portus Itius 168
Pouzzoles 176
Prusse 61
Pyrénées • 76
Ratzebourg 33, 34
Reims 81
Rhin 76
Rochefort. i83, 186, 187, 188, 189
Rome... 19, 22, 24, 25, 32,42,
66,70, 80, 81, 83,88,
loi, 114, 121,122, 124,
128, 147,170,179, 198,
200, 202, 203, 205,206,
207, 208,209,213,218,
219,220, 221, 225,258,
262.
Rotomagi 179
Rotterdam.... 86, i35, 164, 171,
227,237,238,241,
251,255,258
Rouen 97
Saint- Amand 58
Saint-Ange (Château) 2o3
Saint-Asaph 182, 25i, 255
Saint«-Gabriel (Iles de) 204
Saint-Gall 128
Sainte-Geneviève (Pères de). 208
Sainte-Hélène (cimetière) .... 210
Saint-Malo 221
Saint-Marcellin (cimetière).. 210
Saint- Pierre (cimetière) 210
Salem 25
Salisbury 35, 66
Samarie 1 55, 196, 197
Saragosse 188
Sarmatia 122
Saxe 170
Saxe (Basse-) 33
Saxe (Haute-) 33
Saxons 59
Schwarzburg.. 44, 170, 243, 248
Schwerin 33, 34
Scythes .... 32, 75, 76
Sères 14»
Sichem 196
Sicile 19, 189,217
Slavons 61
Smyrne 247
Soissons.. io6,i52, 159, 160, i63
Sparta (?) 144
Strasbourg 58, 23 1
Stuhlweissembourg 21
Suéde... 34,37, 147, 25 1
Sueo-Gothici 25 1
Suèves 53
Suisse 43, 166
Syracuse 19
Syrie... 18,22,32,112,200,253
Syro-Macedones 37
Tarse io5
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294
TABLE DES NOMS DE LIEUX.
Teano 1 2 5
Teutoniques 53, 75, 76
Thermes d'Antonin 224
Tigurum , 88
Tœplitz 76
Toscane 234
Toulon 2o3
Tours 123
Trappe (La) .. . 33, 45,191, 192
Trente 53,66, 71
Trêves 32, 45
Trinacria 19
Troglodytices Sinus 2 59
Troisfontaines 68
Tunbridge 73
Turcs 39
Turini 179
Turquie 122
Ubii 139
Utrecht 34, 88, 91,92, i38,
140, 144, 149, i5o,
i53, i56, 157, 159,
161, i63, i65, 168,
171, 174, 177, 192,
236, 239, 256, 260.
Vatican 33,241
Venise 144, 147
Vénitiens 204, 2 14
Verden 34
Ve'rone 166, 170
Versailles 114
Villey-sur-Tille 46
Visurgis 53
Weser 53
Westphalie 34
Wiseraha 53
Wolfenbuttel 68, 69
Zeitz 196
Zell 71
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TABLE PAR ORDRE CHRONOLOGIQUE
DES SOIXANTE-SEIZE LETTRES ADRESSÉES A l'aBBÉ NICAISE
1666. 14 septembre. Lelio Colista 261
1669. i"août. . . . Jean-Marie Suarez 121
1682. 3o mars. . • . Graevius 187
— 14 novembre, Id 139
i683. i*' décembre . Id 141
1684. i3 octobre . . Id 145
i685. 21 avriL . • • Id 149
1686. 27 mai . . • . X 201
1687. i**" juillet . • . Noris 17
1688. 28 mai . • . . Id 19
— 20 juin . . . • Perizonius i3i
— 6 octobre . . Pagi 195
— 12 id. . . X 2o5
— 24 novembre. Grœvius i5i
— i**" décembre. Id i53
— 8 id. Id i56
— 18 id. Saumaise 99
— 29 id. Graevius i58
1689. 17 janvier . . Id 160
— 2 mars. ... Id 162
— 7 id Basnage de Beauval 190
— i5 id Graevius i63
— 21 id Pagi 199
— 22 id X 209
— 22 id Nicolas . 232
— 2 avril. . . . Spanheim io3
— 19 mai .... Kûhn 23o
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296
1689.
lôgi.
1693.
TABLE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES.
27 septembre. X 2i3
1694.
1695.
1696
1697
29 novembre .
27 décembre .
i3 août. . . .
19 janvier. . .
5 février. . .
12 mars . . •
22 avril. . . .
25 mai . . • .
9 octobre . .
18 mars . . .
24 juillet . . .
18 août. . . .
4 octobre . .
11 id.
12 novembre.
8 décembre .
26 juillet . . .
2 août. . . .
29 id
8 novembre .
!•»• décembre .
16 id.
i3 août. . . .
24 septembre.
Id.. . .
Id.. . .
Norîs .
Leibniz
Bégon .
Cuper .
219
221
. . . , 22
26
i83
235
Spanheim 107
Leibniz 3o
Id 37
Cuper 237
Id 240
Id 245
Graevius 166
Leibniz 41
Abbé de Gondi ^ . 126
Graevius 169
Cuper 246
Bégon 186
Jean de Witt 85
Michel 82
Cuper 249
Abbé de Gondi 128
Thomassin de Mazaugues .... 177
Leibniz 46
— 6 novembre . Cuper 254
1698.
3o février.
21 mai . •
7 juin . .
2 juillet .
14 octobre
18 janvier
18 id.
Leibniz 3o
Bégon ; 187
Leibniz 55
Bégon 188
Graevius 172
Abbé de Gondi 1 29
Bégon 189
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1698. 10 mars
— 3i id.
— 3i îd.
— 5 mai .
— 8 id. .
— 14 id. .
— 24 juin .
— 5 juillet
1699. 2 janvier
— 16 juin .
— i'*" juillet
— 21 id.
— 24 id.
— 16 août.
— 21 novembre
1700. 10 janvier .
TABLE CHRONOLOGIQUE DES LETTRES. 297
Bayle 227
Spanheim iio
Grasvius 174
Spanheim ii3
Jean de Witt 90
Leibniz 62
Id 68
Spanheim 117
Leibniz 69
Id 74
Cuper 267
Bonjour loi
Abbé de Gondi i3o
Leibniz 79
Galland 95
Perizonius i34
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TABLE ALPHABÉTIQUE
DBS CORRESPONDANTS DE l'aBBÉ NICAISE QUI ONT ÉCRIT LES LETTRES
CONTENUES DANS CE VOLUME
Basnage de Beau val (Henri) 190
Bayle (Pierre) 227
Bégon (Michel) i83
Bonjour (Guillaume, père) loi
Colista (Lelio) 261
Cuper (Gisbert) 235
Galland (Antoine) ^ . . . . gS
Gondi (Charles-Antoine, abbé de) 1 26
Graevius (Joannes-Georgius) iSy
Klihn (Joachim) 23o
Leibniz 26
Michel (Claude) 82
Nicolas (Augustin) 282
Noris (Henri, cardinal) 17
Pagi (Antoine, père) 195
Perizonius (Jacobus) i3i
Saumaise, fils de Claude 99
Spanheim (Ézéchiel) io3
Suarez (Joseph-Marie) 121
Thomassin de Mazaugues (Louis de) 177
Witt (Jean H de) 85
X 201
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LETTRES INÉDITES
DU CARDINAL MAZARIN
AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU
ARCHEVÊQUE DE LYON
Les trois lettres de Mazarîn, que nous avons trouvées dans
un recueil de pièces manuscrites appartenant à la Bibliothèque
de Lyon, nous paraissent inédites. La troisième, celle du
21 février 1645, a été seulement anal3'sée par M. Chéruel
d'après une copie conservée à Paris (i); les deux autres ne
sont pas même mentionnées à leurs dates dans le volumi-
neux répertoire de la correspondance du cardinal.
Mazarin ayant été, pendant les dernières années de la vie
d'Armand de Richelieu, le confident de ce grand ministre, qui
le jugeait capable « d'exécuter tous ses projets et de conduire
son œuvre à la perfection », il n'est pas étonnant que des rela-
tions amicales se soient établies entre lui et le frère aîné de
son illustre patron. Plusieurs lettres, déjà connues parce que
M. Chéruel les a analysées, nous montraient combien ces
relations étaient intimes. Alphonse de Richelieu envoyait à
Mazarin de ce bonnes quantités de son vin de la Charité (2) » ;
de son côté, Mazarin témoignait une bienveillance exception-
nelle aux protégés du cardinal de Lyon (3).
(i) Lettres de Majaririy t. II, p. 642.
(2) Lettre de Mazarin du 4 mars 1644 (Chéruel, I, p. 886).
(3) Lettre de Mazarin du 28 janvier 1644 (Chéruel, I, p. 884). Cf.
Lettre du 28 mars 1644 (Chéruel, I, p. 888).
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3oO LETTRES INÉDITES DU CARDINAL MAZARIN
Les nouvelles lettres, en confirmant cette impression, nous
apportent la preuve de la haute estime du ministre d'Anne
d'Autriche pour l'ancien chartreux, qui, parvenu aux plus
hautes dignités de l'Église, regrettait le temps où il était sim-
plement dom Alphonse, et, se tenant à l'écart des intrigues,
consacrait sa vie aux pauvres et aux malades.
De nos trois lettres, deux, la première et la troisième, sont
intéressantes pour l'histoire générale et méritent d'être inté-
gralement publiées. Une simple analyse de la deuxième serait
suflBsante ; mais cette pièce est très courte et nous la repro-
duisons textuellement.
E. Caillemer.
I
A Mgr. le OK de Lion (i).
Monseigneur,
J'ay receu la lettre dont il a plû à V. E. de m'honorer du
23* du passé. Elle m'a tiré d'une grande inquiétude en
m'apprenant son heureuse arriuée à Rome et en bonne santé,
dont je me resjouis infiniment. Les l'res que nous en auions
par l'ordre précèdent portoient l'aduis de son départ de Gennes
il y auoit plus de douze jours et cependant on n'auoit nulles
nouuelles qu'elle eust seulement passé à Ligourne.
V. E. aura trouué a son arriuée les affaires en estât de se
rebrouiller plus que jamais, sur les démolitions des fortiflfica-
tions de Comacchio (2). Mais la Republique ayant enfin con-
(1) Manuscrit 694, f* 200.
(2) Le traité de Ferrare, dont le médiateur, au nom de la France, fut
le cardinal Bichi, venait d'être conclu (3i mars 1644) entre le Pape et
Odoard Farnèse, duc de Parme. Il s'agissait de retendre aux autres
États italiens ligués contre le Pape, notamment à Venise.
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AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU. 3oi
senty, selon les nouuelles que nous auons de Venise, que Ton
passast outre a Texecution de la paix et que ce poinct demeu-
rast indécis, pour estre mesme, en cas de besoing, jugé par le
Roy, à qui elle s'en remet, je ne doubte point que ce party ne
soit embrassé à Rome auec grand plaisir, puisqu'ils obtiennent
présentement ce qu'ils auoient désiré, et ont obligé la Repub.
a se relascher d'une prétention ou elle s'estoit engagée bien
auant. En tout cas, si pour d'au'es fins on faisoit difficulté de
consentir au lieu ou vous estes a un expédient si juste, sa Ma**
entend que ses Ministres employent hautement son nom pour
les y faire condescendre, ne voulant rien obmettre jusqu'au
bout de ce qui pourra dépendre de ses soings pour donner
à l'Italie son ancien repos.
Nous auons eu cette sepmaine deux nouuelles bien impor-
tantes dont je suis asseuré que V. E. aura grande satisfaction.
La prem" la prise du fort S' Phlés (i), qui asseure au Roy
celle de Grauelives, parceque tous les secours de la mer sont
maintenant bouchés et que le bon estât de n*"* circonuallaon
et la foiblesse des ennemys leur ostent le moyen d'y songer du
costé de la terre. Tous les ofi*" qui nous escriuent du camp
concourent que le Roy en sera maistre dans un mois du jour
de l'ouuerture de la tranchée qui est aujourd'huy (2).
La seconde que M. le Mar*^ de Turennes, ayant faict passer
le Rhin a l'impourueu a quelques troupes de son armée (3), a
defaict deux mille chevaulx, ayant combatu et rompu le gene-
(i) Mazarin annonce au cardinal de Lyon la prise du fort Philippe, qui
eut lieu dans la nuit du 12 au 1 3 juin 1644. Voir Chëruel, Histoire de
France pendant la minorité de Louis X/V, t. I, 1879, p. 283. Cf. Lettres
de Ma3[arin, I, p. 755.
(2) Ces prévisions furent assez bien réalisées, car la place de Gravelines
capitula le 28 juillet 1644.
(3) C'est à Hufingen, à peu de distance des sources du Danube, que
Turenne surprit la cavalerie de Mercy. Voir E. Charvériat, Histoire de la
Guerre de Trente ans, 1878, t. II, p. 493.
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302 LETTRES INEDITES DU CARDINAL MAZARIN
ral Mercy qui a eu beaucoup de peine à se sauuer (i). Il a faict
douze cens prisonniers, parmy lesquels il y a nombre d'off'"
principaux et plus" mesmes de ceux qu'ils auoient à nous
depuis l'accident de Tutlinguen (2).
Les remerciemens que V. E. me faict ne sont pas si justes
que les excuses que je luy doibs de la façon dont je m'asseure
qu'elle aura esté seruye dans une maison ou je n'ay point esté
depuis qu'elle est a moi et ou sans doubte tout aura manqué.
Je conjure V. E. d'y compatir par sa bonté et de me croire
cependant avec une passion qui ne peut s'esgaler,
Monseigneur, son
V" très humble et
très obbeissant serviteur,
Le Card^ Mazarini.
A Ruel, le 16 juin 1644.
(i) Dans une lettre de juin 1644 au duc d'Espernon (Lettres de Ma*
s[arin, t. I, p. 786), Mazarin raconte ainsi cette heureuse expédition :
« M. Le Mareschal de Turenne est allé enlever, à trente lieues de
France, delà le Rhin, deux mille chevaux qui faisoient la teste de l'armée
des Bavarois, avec dessein d'aller attaquer de là le quartier où estoit
leur infanterie, sans l'avis qu'il eut des prisonniers, que la cavalerie enne-
mie s'assembloit ce jour-là auprès de l'infanterie, ce qui l'obligea de se
retirer. Il avoit conduit cette entreprise avec un secret et une diligence
incroyables. » — La retraite de Turenne rendit malheureusement inutile
ce beau fait d'armes ; car Mercy put aller aussitôt assiéger Fribourg. Voir
E. Charvériat, La Bataille de Fribourg^ Lyon, i883, p. 6.
(2) Ce que Mazarin appelle un accident fut un véritable désastre. Un
corps d'armée, commandé par Rantzau, isolé dans Tutlingen, dut, en effet,
se rendre à discrétion, le 24 novembre 1643, aux Impériaux dirigés par
Mercy, Hatzfeld et Jean de Werth. Le taux de la rançon des prisonniers
fut fixé à un chiffre très élevé, et Maximilien offrit à ceux qui ne pou-
vaient pas se racheter de servir dans son armée. Tous les Français refu-
sèrent; mais les mercenaires, allemands, italiens et écossais, acceptèrent.
Voir E. Charvériat, Histoire de la Guerre de Trente ans^ 1878, t. II,
p. 480. — Ce sont ces transfuges que Turenne fit à son tour prisonniers.
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AU CARDINAL ALPHONSE DE RICHELIEU. 3o3
II
Monseigneur (i),
Je n'ay pu refuser a des personnes que j*aflFectîonne de
recommander à V. E. le s*" Brulart, dans l'occasion qu'elle aura
de pourueoir a la recepte générale des hospitaulx et maladeries
de France, qu'exerçoit le s*" Morestel (2), lequel est mort depuis
peu de jours (3). Je prens d'autant plus volontiers cette liberté,
qu'on m'asseure que led' Brulart aura moyen de donner plus
de satisfaction a V. E. qu'aucun au'e, ayant acquis toute l'expé-
rience qui y peut estre necess" pendant six ans qu'il a tra-
uaillé a cela mesmes soubz le d' Morestel. Je prendray grande
part, Monseigneur, a l'obligation qu'il aura a V. E., si elle a
agréable de le gratifier dans ce rencontre. Cependant je la
supplie de me croire toujours.
Monseigneur, son
Très humble êtres
obbeissant seruiteur.
Le Card^ Mazarini.
A Paris, le 3* juin 1644.
III
A Monseig^. Le CardK de Lyon (4).
Monseigneur,
Bien qu'il ne se puisse rienaiouster à la satisfaction qu'on a
icy de ce que vous auez fait à Rome pour l'honneur et le ser-
(i) Manuscrit 694, f» 198.
(2) Ce nom peut être lu Morel, Morest, ou Morestel.
(3) Le cardinal Alphonse de Richelieu ëtait grand aumônier de France
depuis le mois de mars i632.
(4) Manuscrit 694, f» 199.
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304 LETTRES INEDITES DU CARDINAL MAZARIN.
uice de la France, cela neantmoîns n'a esté pour moy rien de
nouueau. Je Tay considéré comme une chose qui vous estoit
ordinaire, a quoy vostre Eminence ne pouuait manquer sans
abandonner son naturel. Cela a obligé la Reyne de désirer que
dans l'Assemblée que vous fairez tenir pour députer à la gène- •
ralle du Clergé, vous vous fissiez nommer. Sa Majesté estant
bienaise qu'une telle occasion luy donne moyen de vous tes-
moignerpar elle-mesme l'estime qu'elle fait de vostre personne
et la confiance qu'elle a en vostre zèle et en vostre conduite
pour ce qui regarde le bien du seruice du Roy et les interests
de son Estât (i).
Elle sera aussi bien aise que vous fassiez nommer quelque
Prélat pour vous estre adioint, qui soit animé du mesme esprit,
et je pense que M' l'Euesque de Chaalons sera bien propre
pour cela (2). Cependant j'attendray auec impatience le temps
de vostre arriuée à la Cour, où j'auray l'honneur de vous
renouueller les asseurances de l'ancienne et très véritable
passion auec laquelle je suis et seray tousiours.
Monseigneur,
De V. Em.
Très humble et très
obbeissant serviteur.
Le Card^ Mazarini.
A Paris, ce XXI" fevr. 1645.
(1) L'assemblée générale du clergé tenue à Paris en 1645 fut en effet
présidée par le cardinal Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon.
(2) L'évêque de Chalon-sur-Saône était alors Jacques de Neuchèze.
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NOTE SUR UN POINT RELATIF
A LA
BATAILLE DE LA MONTAGNE BLANCHE
{HOHENLOHE ET HOLLACH)
LUE A L'aCADÉHIE 0£S SCttIfCCS, UÏLLEfr-LETTKU rr A^TS DE LION
m. E. CHARVÉRIAT
L'orthographe des noms propres est une des difficultés de
rhistoîre d'Allemagne, On y rencontre souvent, en effet, le
même personnage désigné sous des noms différents, et on
est quelquefois exposé par là à mettre en scène plusieurs
acteurs au lieu d'un seul. Tant que la diversité ne consiste
que dans le remplacement de certaines consonnes par des
consonnes du même ordre, ou de certaines voyelles par
d'autres, Terreur n*est guère possible. Ainsi, lorsqu'on
trouve les mots : Taubald, Toubaiel, Tubadel^ Toiibaî, Tubal,
Doubatel^ etc,^ comme les mutations de / en rf, d'à en o, â'ou
en H n'ont rien d'inusité, on voit qu'il s'agit d'un même
personnage, c'est-à-dire d'un colonel au service de la Suède,
pont le véritable nom semble avoir été Taupadeî.
Mais les questions d'identité ne sont pas toujours aussi
faciles à résoudre.
Acadimit dt L/w, classe du Lettres. 30
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3o6 NOTE.
On trouve dans divers ouvrages, comme figurant, du côté
des Bohémiens, à la bataille de la Montagne-Blanche du
8 novembre 1620, un maréchal de camp nommé Hohenlohe,
et un général commandant l'aile gauche appelé Hollach.
Hohenlohe et Hollach sont-ils le même personnage ?
D'après trois historiens allemands, Schreiber(i),Muller(2),
du Jarrys, baron de la Roche (3), ce seraient deux person-
nages différents. Ces auteurs les nomment, en efifet, tous les
deux, non-seulement dans le récit de la même bataille, ou
dans une même page, mais dans une même phrase. Ainsi,
du Jarrys écrit (I, p. 53) : « L'armée bohémienne était com-
mandée, sous le prince Christian d'Anhalt, par les comtes
de Hohenlohe^ Thurn, de Solms, de Hollach^ et le jeune
prince d'Anhalt. »
C'est une erreur : Hohenlohe et Hollach désignent le
mêmç personnage et sont le même nom sous deux formes
dififérentes. Hurter (4), Gindely (5), Heilmann (6) et Krebs (7),
le dernier auteur qui se soit occupé de] la bataille de la
Montagne-Blanche, ne parlent que de Hohenlohe. C'est lui
qui est à la fois maréchal de camp et commandant de l'aile
gauche (8).
De plus, les états de troupes donnés par les différentes
relations mentionnent Hohenlohe ou Hollach, sans jamais
(i) ScHREiBER. Maximilian I, MUnchen, 1868, p. 223-228.
(2) MûLLER. F'ùnf Bûcher vom bohmischen Kriege, Dresden und Leipzig,
1841, p. 434-
(3) Carl du Jarrys, Freiherr von La Roche. Der dreissigjahrige
Krieg. Schafïhausen, 1 848-1 852, I, 48, 5i, 53, 56.
(4) Hurter. Geschichte Kaiser Ferdinands IL Schaffhausen, 1857, I,
528, 53o.
(5) Gindely. Geschichte des dreissi g jahrigen Krieges, Prag., 1878,111,
329 s.
(6) Heilmann. Kriegsgeschichte von Bayern^ etc. MUnchen, 1868, II,
76 s.
(7) Krebs. Die Schlacht am weissen Berge bei Prag. Breslau, 1879.
(8) L'aile droite, d'après Schreiber, p. 228.
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NOTE. 307
réunîr ces deux noms, et le nombre ainsi que l'espèce et la
position des troupes que commande Hohenlohe, d'après un
état, sont le plus souvent les mêmes que ceux des troupes
que commande Hollach, d'après un autre état. Le corps de
troupes étant le même, son chef aussi doit être le même ; il
est seulement désigné sous deux noms différents.
George-Frédéric de Hohenlohe était un comte d'Empire
souabe, que les directeurs de Bohême avaient appelé à leur
aide, sur la recommandation de Télccteur palatin, et auquel
ils avaient donné le commandement en second de leur
armée, te prince Christian d'Anhalt étant général en chef (i)>
Il contribua à la défaite des Bohémiens, d^abord en les
empêchant d'attaquer les Austro-Bavarois au passage du
Littowitz (2), et, ensuite, en commandant mal Taile gauche
qu'Anhak lut avait confiée (3). Il fut mis au ban de TEmpire,
le 22 janvier 1621, en même temps que l'électeur palatin et
Anhalt {4),
M. Gindely a publié un grand nombre de relations de la
bataille de la Montagne-Blanche (5). Écrites en diverses lan-
gues : allemand, anglais, tchèque, latin, français, espagnol,
elles donnent au comte de Hohenlohe les noms les plus
variés ; Hohenlohe, Hollach^ Hollac ^ Holloc, Hollachu^
NoUocke^ Olac^ etc., auxquels on peut ajouter, d'après
(i) Krebs. Die Schlacht^ etc., p. 3. — Krebs Christian von Anhalt, etc.
Leipzig, 1872, 56-57.
(2) Krebs. Die Schlacht, p. 92.
(3) Idem^ p. 104.
(4) Gindely. Geschichte etc, I II, 425.
M. Krebs critique très-vivemcat, et, ce semble, avec assez d'injustice ,
rhistoire de la guerre de Trente ans de M, Gindely (v. Die Schlacht,
p. 59, note, et p. 1 59 et s.). Il aurait pu aussi être moins sévère pour Tilîy et
nous donner un meilleur plan de la bataille.
On doit reconnaîlre^ toutefois^ la haute valeur de son ouvrage, et il
serait à désirer que toutes les batailles de la guerre de Trente ans de-
vinssent le sujet de pareils travaux.
(5) Gindely. Die Berichte ûber die Schlacht auf dem weissen Berge.
Wien, 1877.
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3o8 NOTE.
M. Brendel (i), le nom de Hoheloch^ qui servirait de pas-
sage entre les deux formes Hohenlohe et Hollach. Il est
difficile de déterminer à quelle langue appartiennent ces
formes diverses. Peut-être pourrait-on rattacher Hohenlohe
à rallemand et Hollach au tchèque.
En résumé, si ces deux formes d'un même nom n'avaient
pas trompé plusieurs historiens allemands et ne leur avaient
pas fait voir deux personnages là où il n'y en avait qu'un
seul, elles n'offriraient d'autre intérêt que celui qui s'attache
à un simple exemple de permutation de lettres. Mais l'erreur
qu'elles ont causée leur donne une certaine importance (2).
Quoi qu'il en soit, la forme Hohenlohe semble l'avoir
définitivement emporté. La maison de Hohenlohe est au-
jourd'hui représentée en Allemagne par de nombreuses
branches, et aucune d'elles n'a conservé le nom de Hollach.
(i) Brbndkl. Die Schlacht am weissen Berge bei Prag, Halle, 1875.
Le colonel, puis général Henri Holk, qui servit pendant la guerre de
Trente ans le Danemark et Tempereur, se rattacherait-il à la Emilie de
Hohenlohe ?
(2) M. Brendel signale, dans une note, Terreur de Schreiber et de
MUller (Die Schlacht^ etc., p. 87) ; celle de l'historien militaire du Jarrys
de la Roche lui a échappé. Je cite MUller d'après Brendel.
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LES IDÉES NOUVELLES
EN ÉCONOMIE POLITIQUE
J.-C.-Taul %0UGIER
Avocat, Professeur à la Faculté de droit de Lyon.
CHAPITRE PREMIER
DES DIVERGENCES DANS LES DOCTRINES ÉCONOMIQUES
SostiiAimi. « L Causas dec attaques dîrigici contre l'économto polUîqtie, — Elles tlettacnT «i
partjc iui fiauiofi} que louJtvq Le prûbJèmi: Je U ré punition Jet ricKesBeSi
H. Résumé des dactrinet das&iqucs sur « tujeï* — Auaque* dont oUei sont l'ûbjel.-*DMlrlocs
peiïîmi»te». — L« tisy^pliiirfle. ^ Le lûciAlkme aciud-
Ul. ProieiUtioni contraires. — Conclusion» opti misiez de la ConiïnJisioii pftfkniefltajre de I&7S.
— Coînd 11*100 s analogues du livre àc M. P^ t^croy-BeauHeù sur lo répûrtition des ricbesaci.
^- Sei critiques ■cieatlÉquea des doctrines cluiique* sttt U p^ptilïtion, la rente do k terre et k
ftftUire.
IV. Crîtîquci philoiophique* de M. Charles Pcrîn tur î«fl duetrineiévroDOrnique* depuis un liècle.
— Du parti à prendre çntie ce* 'jpiïiicas divergent e»| paKiculièfcmcût en ce qui tuuche la répaiti-
tlon dei rif besÉes,
1
Parmi les sciences dont la civilisation moderne a le plus
favorisé répanouisscment , il n*en est pas qui ait plus
préoccupé, et parfois plus inquiété Topinion publique que
réconomie politique. Il n*en est pas non plus dont on ait dis-
cuté davantage et avec plus d'âpreté rimportance et le
caractère.
Académie de L/on, classe des Lettres, 31
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3 10 LES IDÉES NOUVELLES
Les attaques dirigées contre Téconoinie politique, les diver-
gences qui se sont accusées même parmi ses adeptes s'expli-
quent quand on songe que, née de l'observation et du raison-
nement, elle date en quelque sorte d'hier, et que, d'autre
part, elle touche à ce qui nous est le plus précieux, à nos
moyens d'existence, à la richesse dont elle entend régler
la production , la distribution et l'emploi ; cependant il
est reconnu aujourd'hui, grâce à J.-B. Say, que la science
économique a pour domaine légitime la réponse à ces quatre
questions : D'où vient la richesse ? comment circule-t-elle ?
entre quelles mains se répartit-elle ? quel emploi en est-il
fait? De là cette division classique de la science qui rallie à
peu près tous ses adeptes : Production, Circulation, Répar-
tition, Consommation de la richesse. Mais, parmi ces quatre
termes, il en est deux dont l'importance semble particulière.
On conçoit, en effet, qu'à nos besoins incessants il faut
tout d'abord répondre par la production agricole et indus-
trielle, et que les conditions de son développement soient
l'objet d'une première étude. Mais on ne tarde pas à se
demander quelle part doit être faite à chaque homme sur
l'ensemble des produits. En d'autres termes, comment doit
se répartir la richesse ? Et cette question s'impose d'autant
plus en présence de l'inégalité flagrante des conditions et de
l'âpreté des plaintes qu'elle soulève; qu'importe, en effet,
que l'humanité sache créer des richesses si, par suite d'une
injuste répartition, les moyens de vivre manquent aux uns
et affluent surabondamment aux autres! Sans doute, il faut
étudier par quelle voie la richesse peut aisément circuler,
s'échanger et se mettre à la disposition des consommateurs ;
il n'est pas moins utile de rechercher les principes qui
doivent régler son emploi, afin d'empêcher qu'entre les
mains de ceux qui en jouissent la richesse ne se dissipe en
consommations stériles.
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EN ÉCONOMIE POUTIQUE. 3 I I
Mais rétude de la circulation et de la consommation des
produits, quel que soit son intérêt, s'efiFace devant le pro-
blème de leur équitable répartition, c'est là, en quelque
sorte, le point culminant de l'économie politique, le but final
auquel elle tend. C'est aussi celui qui semble avoir été le
moins étudié.
Parmi les diverses parties de la science économique, quel-
ques-unes, en effet, ont été jusqu'à ce jour Tobjet d'innom-
brables recherches.
Les premiers économistes, Ad. Smith, J,-B. Say et leurs
successeurs ont excellé dans la description des éléments de
la production et du précieux concours que lui apportent les
agents naturels, le capital, la liberté industrielle, la division
du travail, l'emploi des machines, la concurrence, etc.
Des ouvrages plus récents ont fait ressortir, à rencontre
d'attaques tou)ours renaissantes, le rôle du capital en même
temps que la nécessité de l'épargne, Timportance des con-
sommations utiles et les dangers des dépenses stériles. Un
concours ouvert, it y a peu d*années, par l'Académie des
sciences morales et politiques, a eu pour heureux résultat la
publication d'un livre qui^ sous ce titre : Épargne et capital
ou du Meilleur emploi de la richesse^ résume tout ce que»
d'après l'histoire, Tobservatton des faits et les doctrines
diverses, la science économique a formulé sur tes fonctions
du capital et sur la consommation des richesses,
La part qui en revient à TÉtat sous forme de contributions
ou d'emprunts a été aussi scrutée, analysée par d'cminents
publicistes. Les traités sur les impôts et sur le crédit des
États ont créé une science financière dont l'existence avait
été longtemps niée ou combattue par les gouvernements
eux-mêmes, toujours intéressés, les meilleurs comme les
pires, à recourir à des expédiées commodes plutôt qu'aux
voies et moyens réguliers et méthodiques que la doctrine est
parvenue à formuler*
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3 12 LES IDÉES NOUVELLES
La circulation a inspiré aussi des publications minutieuses
sur les lois de l'échange, la valeur, les prix, la liberté com-
merciale, les tarifs de douane, les traités de commerce et les
moyens presque sans limites de transmission de la richesse
par la monnaie et le crédit. On peut croire qu'en ces matières
les théories ont presque dit leur dernier mot. Les moyens
d'application et leur opportunité semblent seuls désormais
en discussion.
Il en est autrement de la répartition de la richesse.
II
Entre ceux qui ne possèdent pas et ceux qui possèdent,
l'abîme reste béant. Tout ce qui a été écrit sur la propriété,
sur la rémunération de la terre, du capital, du travail, et,
enfin, sur le paupérisme, n'empêche pas que la question de
la répartition des richesses ne soit le problème permanent,
toujours posé quand on croit l'avoir résolu, celui où les don-
nées les plus sûres de l'observation et de la science risquent
incessamment d'être méconnues par les intérêts en souf-
france.
La juste répartition des richesses reste donc bien la ques-
tion capitale pour les sociétés , le but auxquels doivent tendre
toujours les efforts des philosophes et des économistes, de
tous ceux qui, à des titres divers, se préoccupent de la
vie des peuples et de la destinée matérielle et morale des
individus.
Malheureusement, depuis quelques années, des divergences
profondes se sont élevées dans la science économique sur la
manière d'envisager et de résoudre le problème.
Les formules de Turgot et de l'école anglaise sur les
éléments du salaire, celles de Ricardo sur la rente de la terre,
celles de Malthus sur la population ont d'abord prédominé
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 3l3
sans trop de contestations. Si on y ajoute les principes vrais
en eux-mêmes de la liberté du travail et de la liberté des
échanges, sans tenir compte toutefois des effets que ces
libertés illimitées pourraient avoir , transitoirement au
moins, sur le sort d'un certain nombre, on a sur la répar-
tition des richesses toute la doctrine économique des premiers
maîtres.
Ni les protestations erronées de Sismondi qui,s*en prenant
à la liberté, croyait devoir la rendre responsable des égare-
ments de rintérêt personnel, et s'éleva contre l'emploi des
machines parce qu'il les considérait à tort comme appelées à
développer la production au-delà des besoins et à réduire
nécessairement la part du travail; ni les critiques, les
alarmes, les aspirations généreuses mais vagues de MM- de
Gcrando, Joseph Droz et de Villeneuvc-Bargemond ne sont
parvenues à amoindrir les doctrines primitives de Turgot,
d'Adam Smith, de Ricardo et de Malthus.
Mais, avec le temps, des attaques plus véhémentes se sont
produites. Si Ton en croit un certain nombre d*économistes,
principalement anglais et allemands, le merveilleux dévelop-
pement de la richesse publique auquel nous assistons depuis
un siècle n'aurait eu pour résultat que d'accroître le luxe et
la jouissance de la classe privilégiée, de celle qui fait tra-
vailler, mais n'aurait rien ajouté au bien-être de ceux qui
travaillent. L'industrie manufacturière agglomérée, l'exces-
sive division, et, par conséquent, l'excessive spécialité du
travail, la concurrence indéfinie au dedans et au dehors, la
puissance de l'association qui ne profiterait guère qu'aux
gros capitalistes, la spéculation qui devient universelle et les
facilités nouvelles qu'elle trouve: toutes ces circonstances
caractéristiques de notre temps n'aboutiraient, sous l'empire
des vieilles lois économiques, qu'à Tinstabilité et à la misère
pour les uns et à Tenrichissement exclusif et souvent immé<
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3 14 LES IDÉES NOUVELLES
rite pour les autres. De telle sorte qu'avec la liberté prônée
par une science fausse ou surannée on arriverait à ce résultat
inévitable qu'on a défini dans la formule suivante : « Les
riches deviennent chaque jour plus riches et les pauvres
chaque jour plus pauvres», ce que le peuple exprime par ce
mot vulgaire mais expressif que, quoi qu'on fasse, « Teau va
toujours à la rivière ».
Pour les pessimistes qui, sciemment ou non, marchent à
la suite des socialistes allemands, rien ne serait plus vrai
que cette formule dans laquelle il faut voir la conséquence
des principes économiques sur les salaires admis par Turgot
et par Técole anglaise ; loi inique, loi d'airain a dit T Allemand
Lassalle, d'après laquelle il doit arriver, et il arrive que le
salaire de l'ouvrier ne peut dépasser ce qui lui est nécessaire
pour se procurer sa subsistance.
La société tournerait ainsi dans un même cercle, courant
à la suite d'un progrès qu'elle n'atteint jamais. Cet effort
impuissant de l'homme qui, par les machines, croit trouver
les moyens d'abréger sa peine, et dont la peine ni la misère
en fin de compte ne sont pas moindres, ce mal de l'industrie
moderne qui n'est autre chose que l'impuissant labeur de
Sysiphe, et qu'on a dès lors appelé « le Sysiphisme>>^ com-
ment y remédier, si ce n'est par un changement radical des
conditions économiques actuelles , c'est-à-dire par le socia-
lisme révolutionnaire, ou, tout au moins, par l'action de
l'État ? Ici les formules abondent, depuis le collectivisme (mot
ingénieux qui déguise la confiscation et le communisme)
jusqu'à l'intervention sous les formes les plus multiples, de
l'État, appelé à devenir détenteur du capital et des machines,
et subventionnant ou commanditant l'industrie ouvrière,
dont le rêve est de s'affranchir du recours à l'entrepreneur
et au capitaliste.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 3l5
III
A cette école pessimiste dont les adeptes vont croissant, se
recrutant aisément dans les masses inconscientes, bien qu'au
point de vue des solutions qu'ils poursuivent ou espèrent, de
nombreuses nuances les distinguent, on peut opposer des
affirmations absolument contraires.
Sans dire qu'il existe en France, à proprement parler, une
école économique optimiste, il faut cependant compter, tout
d'abord, avec les constatations de Tenquête parlementaire de
1872-1875, résumées dans le rapport de M. Ducarre.
Il en résulte que : dans la petite industrie, pour un patron
on rencontre en moyenne moins de deux ouvriers, lesquels
deviennent à leur tour patrons, artisans ou petits industriels;
dans la grande industrie, s'il y a environ six ou huit ou-
vriers par usine ou par patron, beaucoup d'entr'eux devien-
nent contre-maîtres, ou intéressés, ou directeurs, ou associés
dans la moyenne industrie, ou bien dans la grande usine quit-
tent le travail à la journée pour la production aux pièces, à la
tâche, à la façon, dans laquelle se développent leur initiative
industrielle et, en même temps, leur bien-être et leur indépen-
dance*
Suivant la même enquête, les machines, jadis privilège de
ta grande industrie, diminueraient de volume et de prix, se
vulgariseraient, se répandraient dans la moyenne et la petite
industrie. Enfin, même pour les travailleurs qui restent sala-
riés, la situation ne serait plus ce qu'elle était au milieu du
siècle, puisque la statistique accuse, en 20 ans, une moyenne
de 40 7»i soit 2 */û de hausse par année sur les salaires; d*où
la conclusion que la ci question ouvrière «, envisagée scien-
tifiquement, perd de son importance ; si elle apparaît, en fait,
parfois même bruyamment, ce n'est que dans certains grands
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3l6 LES IDÉES NOUVELLES
centres, et encore sous l'influence accidentelle de circons-
tances locales, ou transitoires, ou politiques; dès lors, en
laissant Touvrier sous le régime de la liberté individuelle, on
ne fait tort à personne ^ il y a place au soleil pour tous ceux
qui recourent aux véritables et uniques sources de la ri-
chesse, c'est-à-dire au travail.
Les conclusions du rapport de M. Ducarre ont, à la vérité,
fait surgir bien des protestations, mais voilà qu'un livre
rempli de faits et d'idées, récemment publié sous ce titre :
Essai sur la répartition des richesses et sur la tendance à
une moindre inégalité des conditions^ tient un langage analo-
logue.
Suivant l'auteur, M. Paul Leroy-Beaulieu, que l'on peut
désormais considérer comme le chef en France de ce qu'on
appellerait l'Ecole optimiste, il faut considérer que « nous sor-
tons de la période chaotique de la grande industrie, période
de transformations, d'agitation, de souffrances, de tâtonne-
ments qui ont effrayé, à bon droit, Sismondi, Villermé,
Blanqui l'aîné, et tant d'autres. Ces maux étaient de nature
temporaire; s'ils n'ont pas encore tous disparu, ils sont en
train de disparaître. La société moderne reprend sa marche
vers un état qui sera caractérisé par une beaucoup moins
grande inégalité des conditions. La question sociale, en temps
qu'elle est résoluble, se résoudra d'elle-même, graduellement,
par l'action continue des grandes causes économiques qui
sont depuis quelques années en travail. Toute action révolu-
tionnaire de l'Etat pour hâter ce mouvement ne saurait que
l'entraver et le retarder. »
Nons serions ainsi bien loin des perspectives désolantes et
des solutions autoritaires des économistes allemands. Mais ce
qui rend originale et intéressante au plus haut point l'œuvre
de M. Paul Leroy-Beaulieu, c'est que, s'attaquant avec indé-
pendance à l'économie politique orthodoxe et classique, il
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. Siy
prend à tâche de détruire certains principes de Turgot et de
TEcole anglaise sur la répartition des richesses, jusqu'ici vé-
nérés, et enseignés, sous certains tempéraments, par la plu-
part des économistes français.
Ainsi il ne faudrait pas s'en tenir aveuglément aux théories
de Turgot, de Malthus, de Ricardo et de Stuart Mill, sur la
population, la rente de la terre et le salaire. L'expérience les
a condamnés. A nouveaux faits, nouveaux conseils ; et les
faits nouveaux, il faut bien le reconnaître, sont mis en relief
par M. Leroy-Beaulieu avec une précision et une clarté qui
ne permettent guère de douter de la justesse de son verdict.
IV
Nous aurions donc beaucoup à rabattre de notre admira-
tion pour quelques-uns des fondateurs les plus illustres de
la science économique. Mais là ne se bornerait pas le nau-
frage de nos croyances économiques. Une autre voix se fait
entendre, suivant laquelle ce n'est pas seulement à quelques
principes de la science classique et orthodoxe qu'il faudrait
renoncer, il y aurait à reprendre les affirmations des maîtres,
depuis Adam Smîth, sans en excepter chez nous J.-B* Say^
et à distinguer soigneusement le bon grain de l'ivraie qui
s'y confondent. Entre les vérités de fait auxquelles l'obser-
vation les a très-justement conduits, et les erreurs de doc-
trine qu'une fausse philosophie leur a inspirées, il y aurait
à faire une sélection; et ce devoir est imposé par les erreurs
mêmes dans lesquelles sont tombés les socialistes allemands
et leurs adeptes cosmopolites, dont le nombre s'accroît par-
tout. C'est, en effet, aux doctrines qu'il faut toujours deman-
der compte des souffrances ou des prospérités des sociétés.
Or, si le socialisme, après s'être dérobé quelque temps
au regard sous le coup des défaites qui ont suivi ses succès
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3l8 LES IDÉES NOUVELLES
de 1848, reparaît aujourd'hui, surtout en Allemagne, moins
utopique, plus méthodique et, dès lors, plus formidable,
c'est qu'à côté du mal social, il existe, dans les esprits, un
mal moral auquel les doctrines économiques dites ortho-
doxes ont elles-mêmes contribué par leurs liens étroits avec
les principes de la philosophie sensualiste.
Il faut remonter le courant et ne conserver de l'économie
politique que celles de ses affirmations et de ses déductions
qui, en ramenant l'homme en face de sa destinée morale,
peuvent, sans l'en détourner, le faire arriver à son perfection-
nement matériel qui est l'une des fins légitimes, mais non la
seule, de son existence présente.
Aussi, c'est en se rattachant sinon à toutes les idées de
M. Le Play et à ses projets complets de réorganisation de la
famille, tout au moins à la nécessité d'une réforme morale
et sociale dans laquelle entreraient désormais le respect et
l'observation du Décalogue que M. Charles Périn, professeur
de l'Université de Louvain, a publié à son tour sous le titre :
Les Doctrines économiques depuis un siècle , un examen cri-
tique des théories émises jusqu'à ce jour par les maîtres de
la science.
L'œuvre est consciencieuse et elle émane d'un homme qui
n'est ni un contempteur ni un ennemi systématique de
l'économie politique, dont il veut au contraire la large diffu-
sion sous l'influence du christianisme.
Les divergences, on le voit, sont donc profondes, et l'éco-
nomie politique jusqu'ici déclarée classique et orthodoxe est
battue en brèche de divers côtés par des adversaires dont les
uns veulent sa ruine, d'autres seulement sa réforme par suite
de l'observation de nouveaux faits et l'abandon de quelques
lois surannées ; d'autres, enfin, le redressement dans ses ten-
dances morales et philosophiques.
« On comprendra, — disait récemment, dans la Revue des
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. Sig
Deux Mondes^ un spirituel écrivain , — qu'en présence de
cette anarchie quelqu'un qui n'a point l'honneur d'être éco-
nomiste ne se hasarde pas à donner son opinion. »
C'est là une fin de non-recevoir qui permet à M. d'Haus-
sonville d'échapper à une tâche difficile pour laquelle il au-
rait eu toute compétence, et de se consacrer aux monogra-
phies si intéressantes qu'il publie sur l'indigence à Paris.
Il y a, en effet, parallèlement à la recherche des principes
économiques, des études non moins nécessaires à poursuivre
sur les misères morales et matérielles, et les institutions de
prévoyance ou d'assistance qui peuvent les prévenir ou y
remédier. Ce n'est pas la tâche que nous croyons ici , après
ravoir tentée ailleurs, devoir en ce moment reprendre. C'est
là un des chapitres, et des plus importants, de Téconomie
politique; maïs nous considérons qu'il y a urgence d'étudier
les divergences signalées plus haut sur le fond même de la
science, et à voir si, ayant à tenir compte de faits nouveaux
ou ayant méconnu des vérités d^ordre moral, elle doit revenir
sur ses affirmations et modifier ses conclusions et ses ten-
dances.
Voyons d'abord quels faits ont échappé aux maîtres de la
science et sont déniés par les pessimistes qui ne voient le
salut que dans le socialisme.
Le livre de M. Paul Leroy-Beaulicu va nous servir de base
pour cette première étude.
Les personnes les plus étrangères aux études économiques
n'ont qu'à jeter un regard autour d'elles pour constater que
dans la société actuelle chacun vit du salaire de son travail
ou de la rente de ses immeubles, ou de Vîntérêt de ses
capitaux.
Quelles que soient les complications que puisse offrir la
production de la richesse, tout y revient à une somme géné-
rale de rentes, de salaire ou d'intérêts; on le comprend aisé-
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320 LES IDÉES NOUVELLES
ment quand on considère qu'il n'y a pas d'autres forces
productives que le travail , le capital et la terre, avec les
matières premières et les forces diverses qu'elle nous offre,
et comme chacun de ces agents, en concourant à la produc-
tion, doit en retirer une rémunération, il est tout naturel que
du concours de sa terre à la production le propriétaire
retire une rente comme le capitaliste un intérêt de son
capital , et le travailleur, quel qu'il soit , un salaire de son
travail.
La question est de savoir si la répartition se fait entre eux
équitablement.
Actuellement , l'importance en est déterminée par la libre
concurrence et les mouvements de l'offre et de la demande.
Là où la terre cultivable et où les agents naturels sont rares ;
là où les capitaux sont peu nombreux, les rentes et les inté-
rêts sont élevés ; là où ils abondent , le fermage de la terre
s'abaisse, les intérêts des capitaux diminuent. Il en est de
même pour le travail, en quelque ordre qu'il s'exerce. S'il y
a surabondance de médecins, d'avocats, d'architectes, quelle
concurrence va exister entre eux et combien s'abaissera ou
s'annihilera même pour un certain nombre le profit de leur
profession !
Que ce soit le nombre des ouvriers qui s'étende ou se
restreigne, on assistera à de semblables variations dans les
salaires, suivant la formule bien connue de Richard Cobden :
if Quand deux patrons courent après un ouvrier, le salaire
s'élève; quand deux ouvriers courent après un patron, le
salaire baisse. »
En fait, la production sociale, comprenant l'ensemble des
entreprises particulières, peut être considérée comme une
seule et même entreprise dans laquelle chaque agent (terre,
capital ou travail) vient prendre la part proportionnelle à son
concours.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 33 1
La formule des saint simoniens : « A chacun selon ses
capacités , à chaque capacité selon ses œuvres » ; vieille
comme le monde, existait bien avant eux. Leur prétention
était seulement d'en soustraire l'application à l'action de la
libre concurrence, et d'en faire la dévolution à l'État (repré-
senté pour eux par une sorte de pontife social).
Mais l'action de la libre concurrence amène-t-elle toujours
ce résultat exact de l'attribution à chacun de ce qui lui est
strictement dû ?
Le propriétaire et le capitaliste ne sont-ils pas bien plus en
mesure que le salarié de se réserver, d'attendre et de faire
prévaloir leurs prétentions î n'y a-t-il pas pour eux une
situation privilégiée qui leur permet d'exercer une prédomi-
nance, une tyrannie, si Ton veut, dont le travail est le plus
souvent la victime? S'il en est ainsi, ne faut-il pas soustraire
celui-ci à cette loi décevante de la libre concurrence qui se
retourne contre lui î
Voilà le problème dans les termes où il est communément
posé.
Mais il ne saurait être résolu en quelques mots et en
quelque sorte en bloc.
Il faut voir ses éléments de plus près; distinguer les
situations ; étudier la part actuelle et réelle des propriétaires
fonciers, celle des propriétaires urbains, celle des capitalistes
ou rentiers, celle des entrepreneurs, celle des ouvriers,
celle des fonctionnaires et des professions libérales, et c'est
alors seulement qu'on peut mesurer les prétendues inégalités
sociales et discerner de quel côté sont aujourd'hui les privi-
lèges et à qui profitent les progrès de la civilisation.
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322 LES IDÉES NOUVELLES
CHAPITRE II
LES IDÉES ÉCONOMIQUES NOUVELLES SUR LA PROPRIÉTÉ RURALE
ET LA RENTE FONCIERE
Sommaire. — I. Questions à résoudre sur cette matière. — Origine et légitimité de la propriété
foncière. — Ses adversaires. — Doctrines de M. de Laveleye. — Justification de la propriété indi-
viduelle par MM. P. Leroy-Beaulieu et Batbie, fondée sur son utilité sociale.
II. En quoi cette justification est insuffisante. — De la nécessité de faire remonter l'origine de la
propriété au travail de Thomme.
III. Caractère particulier du revenu foncier. — > Causes de Tobscurité du problème de la rente
foncière. — Théorie de Ricardo : f* cause de rente : supériorité naturelle de certaines terres; —
3* cause : supériorité de situation; 3* cause : infériorité de rendement des capitaux nouvellement
incorporés au sol. — Conséquences : situation privilégiée du propriétaire.
IV. Comment Proudhon fait de cette doctrine le point de départ de son attaque contre le revenu
foncier et le droit de propriété. — Faible réponse de Bastiat ; il croit devoir bien inutilement répu-
dier la théorie de Ricardo. •— Côté plus vulnérable de cette théorie signalé par Carey, de Phila-
delphie, et par Hipp. Passy. — Dans quelle mesure la théorie de Ricardo est admise aujourd'hui
par les économistes, et comment ils considèrent que sa portée pratique disparaît.
V. Faits nouveaux constatés par M. P. Leroy-Beaulieu. — Ce qu'il faut penser de la plus-value
de la rente foncière en Angleterre, en Belgique et en France. — Faits qui démontrent que son
importance réelle est bien inférieure à son augmentation apparente. — Influence des capitaux
énormes consacrés aux améliorations agricoles. — Décroissance du rapport du revenu brut au
revenu réel* •— La quote-part perçue sur les prix de vente des produits va en diminuant pour les
propriétaires, et en augmentant pour les fermiers et les ouvriers agricoles.
VI. Le privilège de la situation comme celui de la fécondité disparaît pour le propriétaire
européen. — Influence du peuplement des contrées neuves et des facilités de communication. —
Loi économique nouvelle : la rente de la terre dans le vieux monde ne peut dépasser le montant
des frais de transport des produits des contrées lointaines. — Importance des frais de l'agriculture
américaine et de Tagriculture européenne.
VII. Comment le propriétaire européen peut réagir contre la concurrence des contrées lointai-
nes. — Le législateur n'a pas à intervenir pour maintenir le niveau des fermages. — Réduction
inévitable du revenu des grands propriétaires. — Modifications qui s'imposent à la culture euro-
péenne. — Préférence à donner à la culture des produits fins et perfectionnés. — Exemples.
VIII. Prévisions sur la répartition et la tenure de la propriété. — Diminution des grands pro-
priétaires. — Faveur probable de la moyenne et de la petite propriété. — Apparition des syndicats
et de la société anonyme ou en commandite dans l'agriculture. — Réunion de l'exploitation et de la
propriété dans les mêmes mains. — Rôle nouveau de la bourgeoisie rurale. — Moindre inégalité de
conditions dans les campagnes.
I
La situation du propriétaire foncier soulève trois ques-
tions principales :
I* Quelle est la légitimité de sbn droit de propriété ?
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 323
2® Quels sont les caractères du revenu foncier ?
3* Quels sont les effets de la concurrence des contrées
nouvelles sur Tessor des propriétaires européens ?
L'origine et la légitimité de la propriété foncière semblent,
au premier coup d'œil , n'avoir besoin chez nous d'aucune
justification.
Les revendications même les plus ardentes de ceux qui
en sont dépourvus ne sauraient guère inquiéter les 12 mil-
lions et demi de propriétaires , grands ou petits , entre les-
quels, suivant le recensement de 1876, se partagent les
53 millions d'hectares qui forment le sol cultivable de la
France. Si l'on considère que, sur ces 12 millions et demi,
il en est 10 millions 620 mille cultivant eux-mêmes leur
terre, qui savent quels labeurs elle leur coûte, on se figure
aisément par quels arguments ils sauraient défendre leur
domaine contre ceux qui seraient tentés de l'appréhender.
Il faut, cependant, au moins à titre d'observations préli-
minaires, avant d'étudier les vicissitudes de leur revenu
foncier, établir que leur droit de propriété est au-dessus des
atteintes du législateur lui-même et de toutes velléités
réformatrices, et qu'il est intimement lié à d'autres droits
tout aussi inviolables.
Si d'ailleurs en France le morcellement, peut-être extrême,
de la propriété foncière lui a créé une armée de défenseurs
contre lesquels il ne serait guère prudent d'élever un dra-
peau où serait inscrite la devise : « La propriété c'est le
vol », il en est autrement dans les pays où Ton voit en sens
inverse le phénomène de la concentration extrême du sol.
Il reste, enfin, à défendre la propriété individuelle contre
les théories des penseurs, qui, comme M. de Laveleye ou
M. Le Play, lui opposent les avantages de la propriété
familiale ou communale.
Aux yeux de M. Emile de Laveleye, chaque homme a
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324 LES IDÉES NOUVELLES
droit à la terre, cette commune nourricière de Thumanité.
La propriété collective fait, en quelque sorte, partie de la
conscience confuse de Thumanité ; elle est le fait primordial,
persistant qui disparaît à peine devant Je fait nouveau rela-
tivement moderne et presque local de la propriété indivi-
duelle.
Avec sa vaste érudition, l'économiste belge fait défiler
devant son lecteur : l'antiquité classique, le moyen-âge, les
coutumes du Portugal et de quelques cantons suisses, les
communautés de village de l'Inde et de Java , le commu-
nisme agraire des Arabes , le régime terrien de l'Egypte et
de la Turquie, le mir russe, pour témoigner de l'universalité
et de la persistance de ce grand fait primordial, la propriété
collective. ^
Ne nous attardons pas devant cet âge d'or de la propriété
collective qui, suivant M. de Laveleye, faisait régner l'abon-
dance chez les Germains et les Gaulois par la répartition
annuelle des terres, mais qui explique si peu les invasions
des barbares, cherchant une existence meilleure vers les
régions où les attirait le prestige de la civilisation basée sur
la propriété privée.
Ne nous laissons pas davantage impressionner par le ta-
bleau qu'a tracé M. Le Play du bonheur des habitants de la
grande steppe de l'Asie centrale. M. Paul Leroy-Beaulieu
n'y voit que des épisodes poétiques destinés à charmer
l'imagination et à reposer le lecteur des fatigues d'une lec-
ture aride. « Des intermèdes, dit-il, ne sont pas des argu-
ments. »
D'ailleurs, la propriété collective, qui n'est pas moins
exclusive et irritante que la propriété privée, serait-elle plus
juste que celle-ci ? L'égalité d'étendue et de fertilité du sol
seraient-elles possibles pour chaque commune propriétaire ?
Comment, en présence d'inégalités inévitables et flagrantes^
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 325
s'opposer aux empiétements que tenteraient les collectivités
pauvres sur les communautés plus riches ?
Il faut donc trouver une base absolue au droit de pro-
priété. Or, ce n'est ni par l'occupation seule, fait souvent
insaisissable variable et éphémère , ni par la volonté si
mobile du législateur, qu'il peut se justifier. C'est, suivant
M. Paul Leroy-Beaulieu, par son utilité sociale.
D'accord en ceci avec M. Batbie, et s' appuyant comme lui
sur l'autorité des faits, il démontre que la propriété foncière,
individuelle, perpétuelle, absolue, le jus utendi et abutendi
est pour le défrichement et le peuplement du sol un instru-
ment infiniment plus actif, plus rapide et plus puissant que
la propriété collective. Le pionner de l'Ohio, de Tlllinois,
de rOregon , du Minnesota , du Manitoba , du Dakota a
rendu à la civilisation un service de premier ordre en s'ap-
propriant privativement la terre sur les peuples chasseurs
qui l'occupaient en commun.
« Si les famines sont supprimées, n'est-ce pas à lui qu'on
le doit ? Si, dans les années 1878 et 1879, l'Europe tout
entière n'a pas été affamée..., quelle en est la cause, quelle
institution en a le mérite? c'est la propriété foncière, indi-
viduelle, perpétuelle, absolue , puisque , sans elle , tous ces
vastes territoires du nouveau monde seraient encore en
friche. »
M. Paul Leroy-Beaulieu conclut donc, à l'encontre de
M. de Laveleye, que partout où se développe la civilisation,
la propriété collective disparaît devant la propriété privée, et
qu'à cette disparition ont contribué deux causes qui sont la
civilisation même : la division du travail et le progrès des
cultures.
La division du travail, ce grand principe économique sur
lequel Adam Smith fait reposer toute la société moderne,
n'a pas seulement créé les métiers industriels et les profes-
Académie de Lyon, classe des Lettres,
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320 LES IDÉES NOUVELLES
sîons commerciales, c'est lui qui a fait sortir de terre les
grandes villes, qui a imposé à une partie de Thumanité
l'abandon de la culture du sol et Ta partagée ainsi en deux
fractions, dont Tune se voue à Tindustrie, au commerce, et a
pour elle la richesse mobilière aujourd'hui presque sans
limite, et l'autre se livre à la culture et a pour elle la pro-
priété foncière.
Comment, enfin, concevoir le progrès des cultures sans la
propriété privée? Les exemples cités en ce sens par M. Paul
. Leroy - Beaulieu complètent en tant que de besoin et d'une
manière définitive les démonstrations naguère si éloquem-
ment données par M. Thiers et par M. Michelet sur la
puissance de l'homme qui crée et fait la terre par son tra-
vail, et dont le travail même n'est efficace qu'en raison de
l'ardeur qu'il puise dans la puissance et la sécurité de la
propriété privée.
II
L'utilité sociale de la propriété privée suffit à M. Leroy-
Beaulieu pour établir sa légitimité. Faut-il se contenter de cette
démonstration ? Qu'y a-t-il de plus contingent, de plus relatif
que l'utilité ? N'est-il pas évident que pour les peuplades per-
dues sur un sol immense la propriété collective avec la culture
extensive est le régime qui s'adapte le mieux à leurs besoins ?
Donc, l'utilité de la propriété individuelle, incontestable dans
l'état actuel de la civilisation, ne la défend pas d'une manière
absolue contre les entreprises d'un législateur qui croirait
qu'un retour au communisme agraire est plus profitable à l'hu-
manité que les inégalités irritantes de la propriété privée. La
justification philosophique du droit de propriété, abstraction
faite de son utilité, devait donc trouver place dans le livre de
M. Leroy-Beaulieu sur la répartition des richesses.
L'auteur n'ignore pas que Locke, Adam Smith, Bastiat et
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 327
bien d'autres, ont donné à la propriété foncière pour base
primordiale le travail. Mais il considère que « la terre produit
souvent plus que la rémunération habituelle du travail » et
que « la propriété des chutes d'eau, des usines, des terrains
d'une exceptionnelle situation ou d'une rare fertilité, rapporte
en général bien au-delà du travail qu'elle a causé », d'où il s'arrête
devant l'objection consistant à dire que « le propriétaire ne
devrait pas avoir droit à la plus-value de la terre louée et
exploitée par un autre ».
Cette objection trouvera sa place dans la discussion des
caractères du revenu foncier et de la célèbre théorie de Ricardo
sur la rente de la terre. Elle ne suffit pas pour faire écarter la
justification de la propriété tant foncière que mobilière par le
travail de l'homme. Il faut même remonter plus haut et consi-
dérer que du devoir que l'homme a de travailler pour assurer
son existence et accomplir sa destintie, et de la responsabilité
qui lui incombe découlent son inviolabilité morale, et avec elle
ses droits les plus imprescriptibles: droit de posséder sa per-
sonne, de disposer de ses organes^ de ses facultés, des fruits
de son travail, droit de les échanger librement et au mieux de
ses intérêts, et sur le marché de son choix.
C'est ce que le bon sens des masses reconnaît bien quand
Tappropriation résulte d'un effort visible et immédiat. Tentez
d'enlever l'engin de pêche ou de chasse à Thomme qui vient
de le façonner, il n'est personne dans le milieu social le plus
primitif qui n'affirme, contre son agresseur, le droit exclusif
de rhomme sur l'outil qu'il a créé. C'est la propricré mobi-
lière naissant de Teffort personnel et créant un lien, un rap-
port direct, rationnel, en quelque sorte visible, entre le
producteur et Tobjet produit* Que Teffort ait été fait par
un seul homme ou par une collectivité d'hommes sur un sol
appréhendé, cultivé par eux, un lien existera entre Thomme
et la terre cultivée. Elle appartient désormais, ainsi que ses
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328 LES IDÉES NOUVELLES
fruits, à celui ou à ceux qui Tont maitrisée et rendue féconde.
La propriété foncière naît donc du fait de Thomme, elle cons-
titue pour lui un droit aussi sacré que la propriété qu'il a
de ses organes et de sa personne.
Ce droit existe donc par lui-même avant toute démonstra-
tion des avantages qui en découleront pour le bien-être de
rhumanité. Ainsi, sans qu'il soit besoin de plus insister, la
propriété foncière ou mobilière a son fondement dans Tordre
moral, avant même que son utilité sociale soit analysée et
décrite. C'est ce que nous aurions aimé à voir affirmer dans
le livre de M. P. Leroy-Beaulieu. Aucune occasion ne doit
être perdue d'étayer les vérités économiques sur les princi-
pes de droit naturel et d'ordre absolu inscrits dans la cons-
cience de tous.
La propriété foncière étant légitimée soit par son origine
dans le travail de l'homme, soit par son utilité sociale, il y
aurait à démontrer qu'elle est transmissible, et que le droit
d'en disposer par voie d'échange et de vente ou par donation
entre vifs ou testamentaire est une faculté naturelle aussi
absolue et aussi supérieure et antérieure à toute loi positive
que le droit même de propriété.
En tous cas, la nécessité sociale de l'hérédité a été si bril-
lamment exposée par M. Thiers dans son livre sur la pro-
priété (liv. P% chap. XII) qu'il serait téméraire d'en refaire,
après lui, à quelque point de vue que ce soit, la démons-
tration.
M. Paul Leroy-Beaulieu a, d'ailleurs, hâte d'arriver à
l'étude des caractères du revenu de la terre. C'est là, en
effet, que vont apparaître les vraies difficultés. C'est là qu'il
s'agit de juger, à la lumière de faits nouveaux, des doctrines
longtemps accréditées, et de voir ce qu'est aujourd'hui, et à
quoi tend à se réduire dans l'avenir, la part du revenu de la
terre que peut revendiquer le propriétaire.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 329
Abordons donc ce fameux problème de la rente foncière
qui a soulevé tant de controverses où beaucoup d'esprits n*ont
vu, à tort, que de pures discussions d'école. Reconnaissons
cependant que les économistes n'y ont pas toujours apporté
la lumière désirable, et que la langue dont ils se servent a
parfois une sécheresse qui nuit à sa clarté. Nous voudrions
être plus heureux et plus clairs même, s'il est possible, que
M. P. Leroy-Beaulieu.
III
Le propriétaire qui cultive lui-même sa terre en perçoit
tout le revenu sans avoir souci des éléments qui la com-
posent.
Il y a lieu, au contraire, de les distinguer lorsque la terre
est cultivée par un fermier.
Dans ce cas, le propriétaire perçoit un fermage ou prix
de location. Quels sont les éléments de ce prix? Que com-
prend-il ? Le plus souvent le propriétaire ni le fermier ne
s'en préoccupent. Ils savent seulement que plus la terre est
bonne, et plus le fermage sera élevé; cela leur suffît. Les
jurisconsultes, interrogés sur le caractère du fermage, leur
répondraient, d'ailleurs, que le fermage est simplement le
loyer ou prix de location du sol cultivable.
Cette réponse n'a pas satisfait les économistes. Ils aiment
à se rendre compte de ce qui entre dans un prix. Ils ont
donc analysé le fermage et y ont vu deux éléments. Le pro-
priétaire s'y fait payer: i* l'intérêt et l'amortissement des
capitaux que lui, ou ses auteurs, ont enfouis dans la terre
pour l'améliorer ; 2"* le droit d'exploiter la fertilité naturelle
du sol.
Cette fertilité naturelle existe en principe, et il faut, dès
lors, en tenir compte ; mais elle est très-variable, il y a de
bonnes terres, il y en a de mauvaises. L'heureux propriétaire
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33o LES IDÉES NOUVELLES
d'une terre fertile en fait payer au fermier la fécondité
exceptionnelle. Cette portion du fermage, perçue indépen-
damment de ce qui peut y représenter Tintérêt et l'amortis-
sement des capitaux incorporés au sol, constitue la <c rente
foncière », c'est le prix payé pour les aptitudes particulières
du sol. Le propriétaire recueille ainsi une redevance qui ne
provient ni de ses efforts, ni de ses capitaux, c'est un privi-
lège que lui rapportent les facultés productives de sa terre.
Elle lui constitue un monopole.
Qu'y a-t-il là d'étonnant et de critiquable ? Le même phé-
nomène n'existe-t-il pas autre part ? Prenez deux artistes,
peintres, sculpteurs ou musiciens, élevés à la même école,
ayant reçu la même culture professionnelle, et comparez
leur sort. L'un retirera de son talent tout juste la rémunéra-
tion de son travail et de ses avances ; l'autre, doué de génie,
riche de dons naturels, percevra bien au-delà de la rému-
nération de ses dépenses et de son travail. Celui-ci a un
monopole; il perçoit une rente exclusivement due à la
supériorité de ses organes et de ses aptitudes. Quelle diffé-
rence y a-t-il entre le privilège de l'homme doté de facultés
supérieures, et celui du propriétaire d'une terre douée d'une
fécondité exceptionnelle ? Le caractère en est le même, il
n'y a pas plus lieu de souffrir et de s'indigner à voir un
chanteur émérite gagner cent mille francs qu'à voir le pro-
priétaire d'un clos célèbre en retirer un revenu princier.
Dans un cas comme dans l'autre, la rente perçue est le
produit des libéralités de la nature, c'est la rémunération
plus large qu'obtient un instrument supérieur vis à vis de
ceux de qualité moindre.
Telle est la vérité que Ricardo a mise en lumière pour
la terre. Avant lui, West, Anderson, Ad. Smith, Malthus
l'avaient aussi formulée, mais il l'a assise sur une théorie
qui a rendu son nom célèbre.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 33 I
Ricardo considère, en effet, qu'à l'origine la terre, com-
mune à tous, s'offre libéralement en quantité illimitée. A ce
moment il y a gratuité complète des agents naturels. Ayant
le choix du sol, l'homme dirige ses efforts sur les terres de
première qualité qui lui paraissent les plus fertiles, les
mieux situées. Si, dans ce choix, il y a des erreurs indivi-
duelles, la masse ne s'y trompe pas ; elle prend les meil-
leures terres. Mais la population augmente, le produit des
terres les plus généreuses devient insuffisant. On attaque
alors les terres de deuxième qualité, puis celles de troisième
et de quatrième ordre ; qu'en résultera-t-il ? C'est que le
privilège des terres de première qualité va s'accroître et se
consolider. Le produit en sera-t-il, en effet, le même pour
toutes ? Évidemment non.
La première terre, plus généreuse, produira, par exemple,
3o hectolitres de blé, la seconde 20, la troisième 10, la qua-
trième 2 ou 3, c'est-à-dire à peine quelque chose de plus
que les frais de culture, et cependant le prix du produit ne
variera pas. Pourquoi ? parce que, sur un même marché, la
qualité étant supposée égale, l'acheteur n'examine ni l'ori-
gine du produit, ni ce qu'il a coûté. Le prix sera uniforme
parce qu'il est réglé par la relation de l'offre et de la demande.
Et quel est le prix qui tend à dominer ? celui du produit
qui a coûté le plus d'efforts et de capitaux. L'offre la plus
élevée sera donc celle du producteur qui a dépensé le plus,
c'est-à-dire du propriétaire de la terre la plus ingrate. Si
son offre est agréée, le prix qu'il retire devient le prix cou-
rant dont bénéficient plus largement les terres les plus fer-
tiles. La terre n*" 4 a dépensé 20 fr. et vendu 20 fr., elle
couvre juste ses frais; la terre n® 3 n'a dépensé que 18 fr.,
elle vend au même prix de 20 fr., elle a donc un excédant
de 2 fr. dû à sa fertilité naturelle, c'est la rente foncière
qu'elle tire de sa supériorité sur la précédente ; la terre n* 2
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332 LES IDÉES NOUVELLES
n'a dépensé que i5 fr., elle obtient une rente ou excé-
dant de 5 fr. ; la terre n"* i n'a dépensé que 12 fr., elle
obtient une rente de 8 fr.
La rente résulte donc pour chaque terre, comme on le voit,
de l'excès ou différence de sa fécondité propre sur les terres
de qualité inférieure. Voilà la première cause de la rente
foncière.
Mais deux autres causes viennent dans le cours de la civi-
lisation en consacrer l'existence et même en élever le niveau.
C'est la supériorité de situation et l'infériorité de rende-
ment des nouveaux capitaux.
La supériorité de situation, qui est le plus souvent acci-
dentelle, a une influence considérable sur la rente. Que
l'on ouvre une route, une voie ferrée qui, avec des débou-
chés nouveaux, supprime, en quelque sorte, la distance
entre les lieux de production et le marché, les terres placées
de manière à bénéficier de ces facilités de circulation peu-
vent voir doubler désormais la vente de leurs produits.
Leur valeur et leur rente s'élèveront en proportion. C'est ce
que les compagnies concessionnaires de chemin de fer savent
bien objecter devant le jury d'expropriation aux propriétaires
ruraux qui se plaignent que la voie ferrée leur enlève quel-
ques parcelles. Elles leur opposent que l'expropriation sera
bientôt compensée par la plus-value subite du surplus. On
sait que d'habiles spéculateurs ont su parfois faire fortune
en achetant des terrains situés dans le rayon d'une expro-
priation.
La supériorité de situation naît encore d'une autre cause :
au fur et à mesure que la population s'accroît, le besoin de
subsistance fait mettre en culture des terres plus éloignées.
Les frais de transport élevant le prix de revient de leur pro-
duit, et s'ajoutant au prix courant sur le marché créent un
profit nouveau pour les terres qui en sont plus rapprochées.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 333
Enfin, devant Textension de la population, il se produit
encore un autre fait. Pour suffire aux besoins croissants on
consacre de nouveaux capitaux à amender la terre, afin
d'accroître sa force de production ; or, il y a un phénomène
certain sur lequel nous aurons à revenir quand nous nous
occuperons du rapport des subsistances avec la population :
Taugmentation de capital sur un même fonds ne donne pas
un accroissement de produits proportionnel. Les agronomes
en ont fourni la démonstration : « Il vient un moment où
Taddition d'un capital nouveau n'ajoute rien au produit
parce que la terre saturée d'avances est arrivée à son maxi-
mum de fécondité. »
Mais, ainsi que le fait observer M. P. Leroy-Beaulieu,
comme le prix des subsistances tend à hausser pour assurer
à ces capitaux nouveaux venus une rémunération équitable,
de cette hausse même du prix des subsistances il résulte pour
les capitaux plus anciennement incorporés à la culture une
source de bénéfices supplémentaires. De là un nouvel accrois-
sement de la rente foncière.
En résumé, donc: trois causes expliquent l'existence et
la progression du revenu de la terre en dehors du travail de
celui qui la possède: i* la supériorité intrinsèque du sol;
2** la supériorité de situation ; 3"* l'infériorité de rendement
des capitaux nouvellement incorporés au sol.
Voilà dans son ensemble la théorie de Ricardo. Elle montre
que le propriétaire bénéficiant légitimement de circonstances
fortuites peut recueillir ce qu'il n'a pas semé, ce qui n'est
pas le fruit de son travail.
Nous laissons de côté des observations précieuses de
Stuart Mill à Tappuî de la théorie de Ricardo sur la progres-
sion de la rente, confirmées à leur tour par la hausse qui
s'est produite depuis le commencement de ce siècle dans le
revenu foncier de TAngleterre, de la Belgique et de !a France*
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334 I-ES IDÉES NOUVELLES
On a donc pu considérer, jusqu'en ces dernières années, k
propriétaire foncier comme un être privilégié et, suivant
Texpression de M. P. Leroy-Beaulieu, comme un favori de
la civilisation, prélevant une sorte de préciput sur le résul-
tat des progrès sociaux. Nous verrons bientôt que ce privi-
lège envié disparaît de plus en plus.
IV
Quoi qu'il en soit, c'est ce privilège justifié par la théorie
de Ricardo qui arma contre l'économie politique Proudhon
en France et Lassalle en Allemagne.
Proudhon en fit le point de départ de son attaque contre
la propriété. Si la fertilité du sol et le privilège de sa situa-
tion donnent au propriétaire un revenu qui ne provient pas
de son travail, c'est un don gratuit de la nature, une libéra-
lité qui doit appartenir à tous et non à quelques-uns. Donc,
la propriété ou la rente de la terre, c'est le voL
Proudhon enseignait d'ailleurs que toute richesse vient
exclusivement du travail, et que la valeur des choses est ce
qu'elle coûte de temps et de dépenses. Et il niait non-seu-
lement la rente foncière et le loyer payé au propriétaire,
mais l'intérêt payé au capitaliste, concluant à la gratuité
absolue des agents naturels et du capital.
C'est alors que Bastiat, pour mieux défendre la propriété,
voyant un danger dans la théorie de Ricardo, crut devoir
nier la rente foncière.
Il admet aussi que les dons de la nature sont essentielle-
ment gratuits et doivent profiter à tout le monde. Que re-
présente alors le fermage ? uniquement l'intérêt des sommes
consacrées aux défrichements, aux clôtures, aux construc-
tions, aux amendements, aux irrigations, etc.; c'est l'intérêt,
en un mot, de tout ce qui a été dépensé en travail et capital
pour étendre la fécondité de la terre.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 335
Oppose-t-on à ce système Texemple du Clos-Vougeot,
dont le revenu est bien, pour son heureux possesseur, une
rente due à la supériorité du sol ? Bastîat réplique que le
Clos-Vougeot peut être assimilé à la découverte fortuite d'un
diamant. Pour un vigneron qui a réussi à mettre la main sur
un sol comme celui-là, il y en a cent qui se sont épuisés en
efforts analogues sans résultats. Le revenu du propriétaire
du Clos-Vougeot représente non-seulement la rémunération
de !a peine que lui et ses prédécesseurs ont prise, mais
encore Vindemnîté pour les risques qu^ils ont courus. Pour-
suivant cette image, on pourrait dire, pour compléter la
pensée de Bastiat, que celui de plusieurs artistes ou méde-
cins, ou avocats, qui, avec une éducation professionnelle égale,
remporte sur ses rivaux, le doit, non à la supériorité natu-
relle de ses aptitudes, mais à une réussite heureuse, fortuite,
et qu'il perçoit, lui aussi, l'indemnité pour les risques
courus*
M. P, Leroy- Beau! ieu déclare le raisonnement de Bastiat
superficie] et insuffisant. Il laisse.^ en effet, subsister cette
vérité que la valeur de la terre et Timportance de son revenu
ne viennent pas exclusivement du travail, mais, comme
nous Tavons vu , de la supériorité de fécondité, de situa-
tion, etc.
Il n^étatt donc pas nécessaire de nier Texîstence de la
rente foncière et d'accuser d'inexactitude la théorie de
Ricardo pour réduire à néant les attaques de Proudhon,
puisque, à côté du travail qui est bien le fondement de la
propriété (que vient justifier encore son utilité sociale), on
ne peut nier relativement à la rente foncière l'influence
delà fécondité naturelle, et celle de Theureuse situation du
sol et de la facilité des débouchés.
Mais ce qu'il y a à critiquer dans la théorie de Ricardo,
c'est, tout au moins, l'ordre historique qu'il attribue à la
culture des terres de différentes qualités.
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336 LES ID^ES NOUVELLES
Cest là le côté vulnérable de la doctrine. Carey, de Phila-
delphie, est Tun des premiers qui Tait signalé. Sa démons-
tration a été complétée par M. Hipp. Passy (i).
Il est acquis aujourd'hui que les populations n'ont pas
nécessairement cultivé les terres de première qualité, puis
les terres inférieures. Outre que leur choix a été souvent
subordonné à des considérations absolument indépendantes
de la culture (besoin de défense, nécessités stratégiques,
crainte d'inondations), elles ont dû, au contraire, cultiver
les terres du rendement le plus faible et qui ne sont pas
toujours les plus fertiles. Ainsi, les terres de vallée où le sol
végétal est gras et profond exigent des travaux de dessèche-
ment, d'assainissement qui supposent une civilisation et
des moyens d'action déjà avancés. D'autres terres, il y a
quelques dizaines d'années, dédaignées encore comme infer-
tiles, sont devenues aujourd'hui fécondes par suite des pro-
grès et des découvertes de l'agriculture.
Qu'en résulte-t-il ? C'est que, quel qu'ait été l'ordre des
cultures, le plus souvent il est impossible de distinguer
entre la fertilité naturelle pure et la fertilité provenant de la
consommation par la terre des capitaux qu'on lui a géné-
reusement livrés.
L'intérêt de la théorie de Ricardo disparaît donc aussi
bien que celui des discussions de Proudhon et de Bastiat.
Le terrain manque aujourd'hui aux adversaires de la pro-
priété individuelle, pour s'écrier avec Proudhon que le pro-
priétaire recueille dans le fermage ce qu'il n'a point semé.
Si, dans le produit net de beaucoup de terres, il y a une
part d'une importance très-variable, qui représente la supé-
riorité naturelle de fertilité ou de situation sur d'autres
terres en culture, il faut reconnaître que l'élévation des fer-
(i) Des systèmes de culture et de leur influence sur V économie sociale.
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EN ÉCONOMIE POUTIQUE. SSj
mages dépend plus de la fertilité due aux capitaux dépensés
par le propriétaire que de la fertilité native, devenue aujour-
d'hui à peine perceptible.
Tel est le sentiment général des économistes, et voilà
comment la théorie de la rente foncière, vraie en elle-même,
sauf en ce qui concerne Tordre successif des cultures, cesse
d'être applicable dans Tétat actuel auquel la civilisation a
amené les terres.
Mais M. Paul Leroy-Beaulieu va plus loin, et les faits
récents qu'il a observés lui permettent de formuler une loi
nouvelle et d'énoncer ce que va être la situation des pro-
priétaires dans notre monde européen.
Au premier coup d'œil on est frappé de raugmentation
du revenu foncier en Angleterre, en Belgique et en France,
D'après les documents réunis par M. Paul Leroy-Beaulieu,
dans l'Angleterre proprement dite, (l'Irlande et TÉcosse
restant en dehors), la rente de la terre était évaluée, en
1800, à 5oo millions de francs; elle s'élèverait à !,5oo mil-
lions en 1875 ; elle aurait ainsi presque triplé en trois quarts
de siècle. Mais, depuis cette époque, sous l'action de diverses
causes, une baisse très-considérable sV produit.
En Belgique, de i83o à 1866, le prix moyen des fermages
a passé de 67 fr. 95 à ro8 fr. par hectare, soit 88 7o d'aug-
mentation en 38 ans.
En France, on voit le revenu foncier rural, qui montait
à 1,200 millions du temps de Lavoisier en X790, s'élever à
i,5oô milHons en i8i5, a 1,900 millions en i85i, à 2 mil-
liards 750 millions en 1874, ce qui fait un accroissement de
i3o 7^ en 84 ans et de 45 7^ en 23 ans.
Résuke-t-il de ces chiffres que le revenu net du proprîé-
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338 LES IDÉES NOUVELLES
taire foncier ait augmenté d'environ 2 7o par année, sans
travail ni dépenses de sa part ? ce serait une erreur de le
croire. L'élévation réelle n'a pas suivi l'élévation apparente,
à raison de trois faits qui viennent réduire la part nette du
propriétaire, savoir :
I** La dépréciation des métaux précieux survenue depuis
l'exploitation des mines de la Californie et de l'Australie.
Son efifet a été de réduire la puissance d'acquisition de tous
les revenus d'environ 25 7© depuis i85o. Le revenu foncier
des propriétaires n'y a pas échappé, son augmentation réelle
est donc beaucoup moindre que l'augmentation apparente
accusée par les statistiques officielles.
2" L'impôt foncier diminue encore, et bien plus qu'on ne
le croit, le revenu net du propriétaire. Si le principal de cet
impôt foncier est resté stationnaire depuis 1821, il n'en est
pas de même de la partie accessoire et toujours mobile de ce
même impôt, à savoir les centimes additionnels départe-
mentaux et communaux. En tenant compte de cette sur-
charge et de la diminution de la puissance d'acquisition par
la dépréciation des métaux précédemment indiquée, M. Paul
Leroy- Beaulieu conclut que l'augmentation du revenu des
terres en France se réduit à une plus-value de 16 à 18 7©-
Est - il besoin de dire que dans les régions atteintes par le
phyloxera, elle a fait place à une pénurie telle que certains
propriétaires ont vu s'évanouir leur revenu entier, et que
quelques-uns abandonnent pour le moment toute récolte à
leur métayer, ou louent leur terre à un fermier sous la seule
condition d'en payer les impositions. Ce n'est là, espérons-
le, qu'un désastre transitoire.
Mais un troisième fait, beaucoup plus caractéristique que
les précédents, afifecte d'une manière générale la rente fon-
cière. La presque totalité de son augmentation représente
uniquement l'intérêt des énormes capitaux consacrés par les
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EN ÉCONOMIE POUTIQUE. iig
propriétaires aux améliorations agricoles depuis un quart de
siècle ou un demi-siècle. C'est ce qui a fait dire à la plupart
des économistes que la rente foncière proprement dite, c'est-
à-dire la part de revenu exclusivement due à la supériorité
native du sol, devient de moins en moins perceptible, et rend
désormais illusoire et sans portée pratique la théorie de
Ricardo.
Mais il s'agissait de déterminer par des chiffres l'impor-
tance et la progression de ce phénomène nouveau; c'est ce
que M. P. Leroy-Beaulieu a merveilleusement établi.
Si, pour l'Angletere, il est presque impossible d'évaluer
les sommes dépensées dans les gigantesques travaux de dé-
frichements, de plantations, d'irrigations, de drainage, de
reboisement, de constructions rurales, de création de che-
mins d'exploitation qui ont précédé ou suivi les nombreux
bills de clôture rendus dans le cours de ce siècle et qui ont
transformé l'aspect du pays, il est plus facile de se rendre
compte de ce qu'ont coûté à la Belgique la conquête faite
sur les flots des riches terrains qu'on appelle les polders^ et
les plantations diverses dans les Flandres. Rien que pour le
drainage, on y a dépensé 5o millions sur 26,000 hectares.
En France, où l'on évalue à 1 2 ou i ,5oo millions de francs
l'épargne annuelle qui vient à la Bourse se fixer en place-
ments mobiliers, on reste bien en dessous de la réalité en
estimant à 5oo millions la somme employée chaque année
dans la propriété foncière en défrichements, plantations,
drainages, clôtures, constructions neuves, chemins d'exploi-
tation, etc.; ce serait ainsi à peine 10 fr. par hectare que les
propriétaires français dépenseraient en améliorations agri-
coles de toute nature. Or, cette affectation annuelle repré-
sente, de i85i à 1874, 11 milliards et demi. «Voilà, dit
M. Paul Leroy-Beaulieu, le minimum des capitaux incorporés
au sol pendant ces vingt-trois ans , » ce qui représente un
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340 LES IDÉES NOUVELLES
intérêt annuel de SyS millîons de francs , d'où , en ana-
lysant le revenu foncier actuel, on voit que les proprié-
taires y retrouvent à grand'peine la représentation des capi-
taux qu'ils ont engagés dans la terre.
Mais notre auteur va plus loin dans ses calculs : s'autori-
sant de la dernière publication, en 1877, de M. Léonce de
Lavergne, sur l'économie rurale de la France, et des tra-
vaux de M. de Laveleye, il énonce comme un fait acquis
que démontrent, d'ailleurs, des exemples tirés de diverses
régions de la France, que si la culture intensive et les
améliorations agricoles augmentent d'une manière absolue
le revenu du propriétaire, elles en diminuent la proportion
avec la valeur de l'ensemble des produits. La rente de la
terre s'est donc notablement moins accrue que l'ensemble
de la production agricole.
Cette décroissance du rapport du revenu net au revenu
brut, à mesure que la civilisation se développe, est une loi
nouvelle prouvée aujourd'hui par l'expérience et qui réduit
singulièrement le privilège du propriétaire foncier afiBrmé
par la théorie de Ricardo.
Les faits soigneusement étudiés démontrent que la quote-
part perçue par leis propriétaires dans le prix de vente des
produits va en diminuant , tandis que la quote-part préle-
vée par les fermiers et celle qui échoit à la main - d'œuvre
vont au contraire en augmentant.
C'est, notamment, quant aux salaires, ce qui résulte en
Belgique d'un examen attentif du rapport publié en 1878
par M. de Laveleye sur l'agriculture belge; c'est ce qui
résulte pour la France des documents recueillis après de
longues recherches par M. de Foville.
Là où le revenu annuel d'une famille rurale était de
180 fr. en 1780, il est aujourd'hui de 800 fr. Les salaires
agricoles sont en moyenne quatre fois plus élevés qu'en
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 341
1788; ils ont augmenté de 3oo 7©; on peut suivre aisé-
ment cette progression pendant les 3o dernières années.
En définitive, si on déduit de l'augmentation du revenu net
des propriétés l'intérêt de toutes les sommes immobilisées
en améliorations, on trouve que la progression des salaires
agricoles est, depuis i852, peut-être décuple de la progres-
sion spontanée du revenu net des propriétés rurales.
Ce qui reste acquis, c'est que le propriétaire rural, bien
loin de voir sa situation relative s'améliorer chaque jour, est
distancé pour le progrès de son bien-être et de sa fortune
par le fermier et l'ouvrier des champs.
La conséquence est que l'École économique anglaise a
singulièrement exagéré le prétendu privilège du propriétaire
rural, qui disparaît, au contraire, de plus en plus devant les
améliorations agricoles, l'abondance des capitaux et la trans-
formation de la terre.
VI
Le privilège de fertilité des terres les premières mises en
culture, relativement à celles qui attendent encore des culti-
vateurs, étant écarté, il reste le privilège de situation, indiqué
comme seconde cause de la rente foncière. Mais celui-ci perd
aussi chaque jour de sa force.
Peut-on le reprocher à Ricardo, « qui vivait dans la sphère
restreinte des vieilles sociétés européennes, alors que la
vapeur n'était pas inventée, ou ne faisait pas pressentir toute
la magie de sa puissance » ? Ce qui lui a manqué, aussi bien
qu'à Malthus, et cela était bien permis dans leur temps,
c'était d'être géographe.
Les faits démontrent que l'agriculteur européen a, chaque
jour, de plus en plus à compter avec la concurrence des pays
neufs. Peut-il s'en plaindre ? « Pourquoi, — dit M. P. Leroy-
Beaulieu, — la vallée du Mississipi et de ses affluents, celle
Académie de Lyon, classe des Lettres. 23
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$42 LES IDÉES NOUVELLES
des Amazones, celles du Niger, du Zambèze, du Congo
seraient-elles moins naturellement fertiles que les vallées du
Rhin, du Rhône, de la Seine, du Pô, de TElbe ? La vrai-
semblance est que l'avantage appartiendra aux premiers,
quand la population sera assez dense dans ces régions, et
quand les arts techniques seront assez avancés, les capitaux
assez abondants pour qu'on se livre à la culture régulière
de ces sols profonds et inépuisables.... Qui sait si, un jour,
il ne faudra pas compter non-seulement avec la concurrence
des bassins du Mississipi, du Saint-Laurent, des Amazones,
du Zambèze, du Congo, mais encore avec celle des rivages
de rObi ou de ITénisséi et du fleuve Amour ?... Il y a aussi
les bassins presque stériles de TEuphrate et du Tigre, où
s'est développée avec tant de puissance la civilisation des
sociétés primitives. »
Le vieux monde ne semble plus protégé aujourd'hui con-
tre la concurrence des pays neufs que par les frais de trans-
port, ce qui permet de formuler en ces termes une loi
nouvelle : « La rente de la terre dans le vieux monde ne
peut dépasser le montant des frais de transport pour amener
sur nos marchés les produits des sociétés naissantes. »
Encore n'est-ce là qu'un maximum, et il ne faut même
pas que les propriétaires européens comptent toujours
l'atteindre. On doit s'attendre avec les progrès de la civilisa-
tion à voir s'abaisser les prix actuels de transport des pro-
duits étrangers. Remarquons, d'ailleurs, combien ces produits
peuvent, sans en être trop grevés, supporter les prix de trans-
port. Les territoires neufs permettent la culture errante et
sans engrais , régime qui réduit singulièrement le prix de
revient. Il n'y a pas non plus de fermage dans les contrées
neuves que l'on met en culture. On peut donc dire que dans
bien des cas les divers avantages des terres vierges ou pres-
que vierges compensent la plus grande partie du coût de
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 343
transport. Est-ce à dire que le producteur européen n'ait
pas, pour sa culture, aussi à supporter des frais de trans-
ports transatlantiques ? N'oublions pas que c'est au loin,
non-seulement dans les montagnes de l'Estramadure, mais
encore aux extrémités du monde, au Pérou, en Bolivie, aux
Indes, que l'agriculteur du nord de l'Europe va demander
des phosphates, du guano, des tourteaux fertilisants. Si le
cultivateur américain supporte les frais de transport sur le
blé ou la viande qu'il importe en Europe, le cultivateur
européen le paie sur ses engrais, c'est-à-dire sur ses matières
premières (i).
Il s'en faut donc de beaucoup que la rente de la terre en
Europe puisse toujours équivaloir à la totalité des prix de
transport qu'ont à payer les produits américains, australiens
ou autres. Qu'on ne parle donc plus de privilège de situa-
tion du propriétaire européen, reconnaissons que la rente
s'évapore presque complètement, et, dans la plupart des cas,
reste même au dessous de l'intérêt de tous les capitaux
accumulés depuis des siècles sur son sol.
La généralité des propriétaires fonciers ne saurait donc
plus être un objet d'envie.
VII
Examinons comment ils peuvent lutter contre cette con-
currence des contrées nouvelles qui leur fait subir sans
indemnité une expropriation partielle de leur fermage. En
tous cas, ce ne peut être par un recours à l'État.
L'État n'a pas plus à intervenir et à édicter en leur faveur
des tarifs ou des mesures quelconques de protection, qu'il
(i) Tandis que le prix du blé ne dépasse pas 5o ou 60 fr. la tonne, de
l'extrémité du bassin du Saint-Laurent au Havre ou à Anvers, le prix de
la tonne de guano s'élève au-dessus de 100 fr.
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344 LES IDÉES NOUVELLES
ne l'a pu lorsque les chemins de fer ont tué l'industrie des
maîtres de poste, et la découverte de l'alizarine artificielle
compromis la fortune des terres qui produisaient la garance.
La propriété foncière n'est pas dans une situation autre
que toutes les entreprises humaines soumises à la loi vitale
de la concurrence et du progrès.
Il faut, d'ailleurs, envisager tous les effets bons ou mau-
vais de la concurrence de la production agricole des pays
étrangers.
Pour les consommateurs européens, on ne peut contester
que ce serait un grand bienfait que l'abaissement du prix du
pain à 12 ou i5 centimes la livre, et à 5o centimes l'abais-
sement du prix de la viande.
Quant aux producteurs européens, ce sont les grands
propriétaires qui pourront éprouver une dépréciation de
leurs revenus par la mise en culture régulière des vastes
territoires étrangers. Et l'on sait qu'en France le nombre
des grands propriétaires est relativement limité.
Les moyens et les petits propriétaires s'en apercevront
d'autant moins qu'ils exploiteront eux-mêmes leurs domaines,
consommant, en grande partie, leurs produits. On peut, dès
à présent, asseoir certaines prévisions sur le mode de tenure
et d'exploitation de la terre à l'avenir, et voir dans quel sens
et sous quelle forme d'exploitation l'agriculture doit se
mouvoir.
Il y a plusieurs aspects à envisager :
En premier lieu, tout en considérant exactement la situa-
tion, il ne faut pas se presser de sonner le glas de l'agricul-
ture européenne. La concurrence américaine ne fera pas
tomber nos terres en friche et ne dépeuplera pas nos cam-
pagnes.
M. P. Leroy-Beaulieu constate la tendance des céréales et
des autres denrées végétales de grande consommation à
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 345
baisser, et celle de la viande et des produits fins à hausser
toujours. Cette double tendance indique la direction que
doit suivre l'agriculture européenne.
Dans l'exploitation des céréales et des denrées de grande
consommation qui formaient autrefois la base de la culture,
les vieilles contrées n*ont aujourd'hui presque rien à gagner,
leur approvisionnement à cet égard tend à être de plus en
plus assuré par l'exploitation des contrées neuves. Elles
doivent donc peu à peu se retourner d'un autre côté, sans se
préoccuper des éventualités de guerre. « Même dans cette
hypothèse extrême, dit notre auteur, un grand peuple euro-
péen serait toujours en état de faire venir du dehors le com-
plément nécessaire de ses subsistances en blé, en riz, etc.
Les craintes à ce sujet sont chimériques. » Même dans les
temps de guerre, il existe toujours dans les ports et dans les
magasins des approvisionnements. Le blocus ne peut être
effectif sur toutes les frontières de mer, et tous les voisins
d'un grand pays ne peuvent guère être à la fois ses ennemis.
Spécialement pour !a France, entourée de six pays, l'An-
gleterre, la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie, l'Espa-
gne, il suffit, en cas de blocus des ports français, qu'elle
restât en communications commerciales avec un seul de ces
pays pour qu'elle pût en tirer des quantités considérables
de blé.
Ajoutons, ainsi que nous l'avons démontré dans notre
ouvrage, sur La liberté commerciale, les douanes et les traités
de commerce (chapitre XI) que, même là où le blocus est
déclaré, il est plus fictif que réel. Le commerce parvient tou-
jours à en éluder les prohibitions. L'Angleterre, de 1808 à 18 14,
sut franchir les barrières que les décrets de Napoléon I**"
avaient élevées entre elle et les puissances continentales.
Or, aujourd'hui quelle guerre européenne, avec les engins
de destruction actuels, serait aussi prolongée que celles du
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346 LES IDÉES NOUVELLES
premier empire, et pourrait plus efficacement que le blocus
qui fut alors décrété paralyser les agissements du commerce
et ses approvisionnements par les moyens de transport si
prompts et si faciles dont il dispose aujourd'hui ?
Les contrées européennes peuvent donc sans crainte
s'adonner à la culture plus rémunératrice des produits fins
et perfectionnés qui caractérisent une agriculture progres-
sive et intensive. Ce sont précisément ces produits qui, à la
fois pour le même espace, exigent le plus de travail et four-
nissent le plus fort revenu net. La consommation de ces
produits (fruits, légumes, volailles, beurre, œufs, fromages,
fleurs même) est presque indéfiniment extensible surtout
avec la rapidité des transports. La vigne est la plus remar-
quable de ces productions agricoles perfectionnées. La
France, après la disparition ou la défaite du phylloxéra, à
laquelle il faut énergiquement travailler, pourrait fournir
i5o à 200 millions d'hectolitres de vin. Il y a, enfin, une
part plus importante à faire aux diverses cultures indus-
trielles.
Les vieilles et riches nations n'ont plus, comme jadis, à
se suffire complètement à elles-mêmes ; leur rôle s'est trans-
formé et agrandi. Il faut voir en elles, vis-à-vis le reste du
monde, comme des capitales ou métropoles ayant presque le
monopole et la concentration des productions qui demandent
de l'art, de la science, des avances de fonds, et comme les
magasins et entrepôts d'où ces produits rayonnent jusque
dans les régions éloignées.
VIII
Il y a enfin à prévoir l'influence que la concurrence des
pays neufs pourra avoir sur le régime de la propriété et le
mode de tenure et d'exploitation de la terre à l'avenir.
On comprend que puisque la rente de la terre due au
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 347
privilège de fertilité naturelle tend progressivement à dispa-
raître dans le monde européen, que chaque défrichement de
terres nouvelles, chaque facilité dans les communications
résultant des progrès de la navigation, de la baisse du prix
du fret, de la réduction des tarifs de chemin de fer et du
coût des transports, en général, amènent un nivellement qui
amoindrit, à son tour, le privilège de situation, les grands
propriétaires auront certainement à souffrir. Mais la propriété
individuelle moyenne et petite avec la culture directe par le
propriétaire n*en sera que plus en faveur.
La haute classe, aristocratie ou bourgeoisie, peu importe
son nom, qui détient encore les immeubles ruraux dont elle
abandonne si aisément la gestion et la culture à des fermiers
ou à des métayers avec lesquels elle n*a que des rapports
fugitifs et parfois difficiles, se dessaisira d'autant plus de
cette richesse immobilière qu'elle en verra la rente s'amoin-
drir et l'exploitation aboutir rationnellement à une véritable
profession industrielle.
Ce mouvement s'accentue déjà sous l'influence de diverses
causes. La difficulté de partager les domaines fonciers par
égales parts entre les enfants, aussi bien que la perspective
du revenu plus large des valeurs mobilières, l'attrait des
spéculations auxquelles elles se prêtent et leur aptitude à
être divisées aisément entre les héritiers, déterminent beau-
coup de propriétaires à céder leurs propriétés foncières qui
se dépréciant entre leurs mains, se relèveront avec les soins
du cultivateur vigilant et actif qui vit sur le sol et le harcèle
par des efforts infatigables.
On doit se demander cependant quel secours est suscepti-
ble d'apporter à l'exploitation de la propriété foncière le
principe de l'association.
On peut en faire des applications multiples. Déjà nous
avons personnellement vu se répandre, dans des pays de
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348 LES IDÉES NOUVELLES
vignobles que le phylloxéra n'a point encore détruits, Tidée
de syndicats entre propriétaires, dans le but d'abord d'assu-
rer le traitement de leurs vignes menacées, puis la surveil-
lance et la vente de leurs produits. Pour d'autres régions on
préconise divers modes d'associations ou d'entente commune
pour l'emploi des machines agricoles et la généralisation de
certains procédés 'de culture. On se heurte alors aux diffi-
cultés et aux questions pratiques qui se rattachent aux
avantages et aux inconvénients de la grande et de la petite
culture.
M. P. Leroy-Beaulieu ne pouvait manquer d'explorer ce
sujet qui offre un si grand intérêt. Après avoir minutieu-
sement pesé et discuté tous les avantages de la petite et de
la grande culture qui sont, on le sait, indépendantes de la
petite et de la grande propriété, il repousse, comme peu
pratiques, les associations coopératives agricoles proprement
dites, malgré tout le bien qu'en ont dit Stuart Mill et M. le
comte de Paris. Il prévoit cependant et admet comme réa-
lisable la constitution de quelques grandes propriétés agri-
coles appartenant à des sociétés anonymes ou confiées, à
l'aide de commandites, à des cultivateurs intelligents, instruits
et actifs ; il conclut surtout que la réunion de l'exploitation
et de la propriété dans les mêmes mains sera chaque jour
davantage le fait dominant. « Les propriétaires ruraux riches
devront se faire agriculteurs, mais agriculteurs sérieux,
pratiques, professionnels, résidant sans absence, prenant
les mœurs de la vie rurale et se pliant à ses nécessités; ou
bien encore, ils se feront les associés, les commanditaires
des paysans, et le métayage renaîtra sous des formes plus
élastiques et plus variées. Quant à la classe des fermiers,
elle ne disparaîtra pas à coup sûr, mais il est bien probable
qu'elle perdra du terrain, à moins que les clauses des baux
ne se modifient à l'avantage des tenanciers.
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 349
« Sous le coup de la baisse de la rente de la terre, la face
des campagnes se renouvellera ; il y aura moins d*inégalité
de fortune, moins de dissemblance d'habitudes, moins d'écart
entre Toisiveté des uns et Topîniâtre travail des autres ; il y
aura aussi plus de capitaux dans les champs, plus d'instruc-
tion dans la population rurale, plus de goût du progrès, et
plus de progrès. »
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350 LES IDÉES NOUVELLES
CHAPITRE III
LES IDÉES NOUVELLES SUR LA PROPRIÉTÉ URBAINE
Sommaire. — I. Pourquoi la propriété bitte semble devoir échapper aux attaques dirigées contre
la propriété foncière. — Pourquoi constitue-t>elle un privilège plus irritant ? — Questions à
étudier. — Cause d'enchérissement des loyers. — Causes de l'accroissement des villes. — Causes
naturelles. — Causes artificielles.
II. Effets de Taccroissement des villes et de la cherté des loyers, i* vis-i-vis des propriétaires;
3* vis-à-vis des locataires. — Le rapport du loyer aux autres dépenses. — Son extension est-elle
compensée par un surcroît de bien-être ? — Elle pèse davantage sur les habitants dont les revenus
sont fixes. — Difficultés des locations pour les ménages pauvres. — Les logements en garni.
III. Remèdes i la cherté des loyers. — De l'achat par l'Etat ou par les villes de la propriété
foncière urbaine. — Ses effets. — Des sociétés civiles immobilières. — Causes de leur insuccès. —
Inefficacité de Tintervention de l'Etat pour restreindre la hausse des loyers. — Insuffisance du
périmètre des villes anciennes. — Nécessité d'augmenter la facilité et le bon marché des transports
urbains et suburbains. — Taxes i supprimer. — De la création des maisons ouvrières. — Docu-
ments à consulter pour la région lyonnaise. — Des asiles de nuit.
Tendance actuelle des loyers. — Avenir probable de la propriété foncière urbaine. — Diminu-
tion du privilège des quartiers du centre par l'extension des villes dans leur banlieue et dans les
campagnes environnantes.
I
Nous avons vu que la propriété mobilière a soulevé moins
d'attaques que la propriété foncière, parce que la part du
travail y est plus apparente. On ne peut sérieusement con-
tester que rhomme ait un droit exclusif sur Tobjet qu'il a
façonné suivant ses besoins. Ce qui est le produit direct de
son travail lui appartient visiblement.
On en a jugé autrement de la propriété des terres, parce
que leur appropriation originaire par le travail semble s'effa-
cer devant le labeur quotidien du fermier comparé à l'oisi-
veté et à l'indifférence apparente du propriétaire actuel.
Il semblerait, dès lors, que la propriété bâtie doit échap-
per aux mêmes attaques. On ne peut dire d'elle, comme on
le dit de la terre, qu'elle soit un don gratuit et commun de
la nature à l'humanité. Celui qui, sur un espace nécessaire-
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. ' 35 1
ment restreint, s'est, de ses propres mains, construit une
demeure, y a bien un droit exclusif; n'en est-il pas de même
s'il Ta fait construire à prix d'argent, avec les ressources
propres qui lui proviennent d'un travail antérieur ? Donc, la
propriété urbaine est plus inattaquable, s'il se peut, que la
propriété foncière.
Elle compte, cependant, d'ardents adversaires et, dans
certains cas, elle constitue un privilège peut-être, plus irri-
tant que celui qui résulte de la propriété foncière. Y a-t-il
situation plus digne d'envie que celle du propriétaire urbain
recevant sans souci ni travail des mains de son régisseur les
loyers de son immeuble , tandis qu'à côté de sa quiétude
existent pour le locataire la servitude et ce qu'on peut
appeler l'angoisse du loyer?
L'inégalité sociale existant entre celui qui, dans une ville,
n'a pas de logement personnel, et le propriétaire maître de
l'expulser et de saisir ses meubles à défaut de paiement, est
donc profonde comme un abîme. Mais viendrait-il à l'esprit
de gens sensés que cet abîme puisse jamais justifier l'expro-
priation de celui qui possède par celui qui ne possède pas ?
On pourrait donc, sans être accusé d'injustice ou d'inhuma-
nité, n'opposer qu'un silence indifférent aux doléances de
ceux qui, dans les villes, souffrent de cet inévitable antago-
nisme.
Il faut cependant mesurer la distance qui sépare le privi-
lège des uns et la détresse des autres, voir si cette distance
tend à se restreindre ou à s'agrandir. Il faut, en un mot,
étudier les causes d'enchérissement des loyers et celles qui
peuvent y remédier, les mesures utopiques ou rationnelles
proposées dans ce but, et pressentir ce que sera dans l'ave-
nir, sous l'action de faits économiques nouveaux, la situa-
tion du propriétaire urbain.
Les causes d'enchérissement des loyers sont nombreuses ;
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352 LES IDÉES NOUVELLES
celles indiquées par M. P. Leroy-Beaulieu peuvent se ré-
duire à cinq :
I® Les loyers ont une tendance à s*ac croître au fur et à
mesure de l'agrandissement des villes ; mais c'est là une
tendance que plusieurs faits peuvent annuler;
2® Le privilège de situation des terrains et des maisons
du centre semble aller croissant avec l'extension des villes,
et cette tendance s'accentue avec les habitudes qui portent
la population à s'agglomérer en certains quartiers où se
trouvent les lieux habituels de réunion, de distraction ou
d'affaires ;
3® Le taux des loyers a un rapport certain avec les facili-
tés de transports dans l'intérieur ou la banlieue : que l'on
puisse se rendre aisément vers le rayon extérieur, aussitôt les
loyers du quartier du centre tendent à diminuer ou à rester
stationnaires;
4"* Le taux des loyers est encore augmenté par les taxes
directes de voirie urbaine et les tarifs d'octroi sur les maté-
riaux de construction ;
5® Tout ce qui renchérit la main - d'œuvre (octrois ou
impôts sur les objets de consommation) élève avec le salaire
le coût des transactions nouvelles et les loyers des maisons
neuves et des maisons anciennes.
Ce sont, on le voit, des causes qui ne dépendent pas de
la volonté des propriétaires, mais dont ils bénéficient fortui-
tement, ou dont l'avantage peut disparaître de même.
La première, l'extension des villes, attirera plus particu-
lièrement notre attention.
Les agglomérations humaines ont plusieurs causes : les
unes naturelles, les autres artificielles.
Parmi les premières, il faut ranger :
I** La prospérité générale d'un pays et le perfectionne-
ment de ses voies de communication. Arec le développe-
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 353
ment de l'activité générale et les facilités de transport , elles
deviennent, en effet, les lieux de concentration et de dépôt,
et les déversoirs des mille produits de Tindustrie.
2* Elles appellent à elles le siège des administrations
diverses, soit de TÉtat et des provinces, soit des grandes
sociétés commerciales et industrielles : chemins de fer, ban-
ques, assurances, etc.
3"* Elles deviennent le berceau d*industries spéciales,
grandes ou petites, à raison de leur situation topographique,
ou de leur climat.
Elles ont alors leur physionomie, leur réputation propre
qui leur attire de nouveaux éléments de prospérité et d'ac-
croissement.
4® Leur mouvement, leur activité sont un attrait qui les
font rechercher par la classe des oisifs ou des personnes qui
se sont enrichies ailleurs dans des centres plus restreints.
Ce sont là des phénomènes économiques naturels dont il n'y
a lieu que de s'applaudir.
Les causes artificielles ont un caractère fortuit dont les
effets sont très-variables. Il y a les faits politiques qui
peuvent soudain accroître ou diminuer la fortune et la
population des cités.
Les unes perdent leur rang de capitale (Versailles, Turin,
Florence), tandis que les autres prennent parfois, à leur dé-
triment moral, une importance politique nouvelle.
Les unes voient leur prospérité dépendre de la présence
d'une garnison, d'autres ont dû leur extension à de certains
privilèges fiscaux; nous avons signalé, ailleurs, les effets
qu'eurent pour Marseille, Bayonne et Dunkerque les édits
par lesquels Colbert les déclarait ports francs^ exonérés des
droits de douane qui frappaient sur le littoral les marchan-
dises venant de l'étranger.
Il existe encore de notre temps des privilèges locaux, tels
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354 ^^S IDÉES NOUVELLES
que les facultés d'entrepôt (soit réel, soit fictif) et les abon-
nements que la Régie accorde pour le paiement des droits à
certains marchandises dont la concentration et le dépôt sont
ainsi facilités dans certaines villes. M. P. Leroy-Beaulieu
signale, après l'économiste anglais Cliffe-Leslie, l'influence
de ces mesures sur l'accroissement des villes.
Enfin, le développement des grands travaux publics de
luxe hâte encore leur développement. Les ouvriers en bâti-
ment qui y arrivent y sont tout aussitôt suivis par une nuée
de petits commerçants qui les logent et les nourrissent, et,
définitivement, accroissent avec eux la population flottante
de la cité.
Il va de soi que les diverses causes naturelles, politiques
ou artificielles n'agissent pas toutes à la fois sur le dévelop-
pement des villes.
Une conférence de notre confrère M. Lançon, à la Société
d'Économie politique de Lyon, sur VApenir des contrées de
Vextrêtne Orient^ nous a montré, ainsi que l'établit à son
tour M. P. Leroy-Beaulieu , que l'extension subite de cer-
taines villes nées d'hier, comme Melbourne, Saint-Louis,
Chicago, etc., est due à ce qu'elles y ont le rôle d'entrepôts
et d'appareils de distribution des produits.
Ailleurs, sur le continent européen, Tensemble des causes
économiques et artificielles sus - indiquées explique l'ac-
croissement de certaines grandes villes. Ainsi, Paris, qui
comptait 600,000 habitants en 18 10, en réunit aujourd'hui
1,988,000, par suite, il est vrai, de l'annexion des com-
munes qui formaient sa banlieue, mais qui faisaient bien
partie de la cité, puisqu'aucune interruption dans les cons-
tructions ne les en séparait.
De même, Lyon, qui ne comptait que 189,000 âmes en
1789, en réunit aujourd'hui près de 35o,ooo, sous l'action
de plusieurs des faits économiques signalés plus haut, et
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 355
par suite de Tannexion nécessaire des communes subur-
baines de Vaise, la Croix-Rousse et la Guillotière.
M. P. Leroy-Beaulieu signale comme le plus merveilleux
exemple d'augmentation de population urbaine, en France,
celle de Saint-Étienne, qui, de 9,000 âmes en 1789, atteint
126,000 en 1876, ce qui s'explique par sa transformation en
grande cité manufacturière. Marseille, Bordeaux, Lille,
Toulouse, Nantes ont eu aussi une extension digne de
remarque, quoique proportionnellement moindre. Nantes et
Rouen doivent être considérées comme relativement sta-
tionnaires ; Caen serait en décroissance. Ces deux dernières
villes sont de celles où, suivant M. P. Leroy-Beaulieu, on
voit la vieille « prudence normande » s'appliquera détermi-
ner le nombre des enfants et aboutir, au bout de quelques
générations, à l'extinction d'un grand nombre de familles.
Quoi qu'il en soit des causes politiques ou économiques,
ou morales qui, en France ou ailleurs, amènent la décrois-
sance des villes, le fait à retenir, c'est que la baisse des
loyers qui en est la conséquence naturelle ne profite qu'à
un petit nombre de personnes, tandis qu'à l'inverse la
hausse nuit presque à tout le monde.
II
La hausse des loyers, suite inévitable de l'extension des
villes, a un double effet : elle augmente considérablement la
fortune et les revenus des propriétaires urbains, mais elle
accroît les charges des rentiers ou des ouvriers pour leur
logement ; de là un écart plus considérable et un antago-
nisme plus accusé entre la situation des uns et des autres.
La fortune croissante des propriétaires n'a en elle-même, au
point de vue moral et économique, rien de critiquable : ils
bénéficient de circonstances extérieures qui, là, comme en
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356 LES IDÉES NOUVELLES
toute autre matière, agissent sur ce qu'on appelle la valeur.
Mais le caractère absolument irréprochable de la fortune
du propriétaire urbain ne dispense pas les économistes d'étu-
dier dans quelle mesure s'aggrave et comment peut s'atténuer
la charge du loyer pour ceux qui ne sont pas propriétaires.
Pour connaître l'aggravation de la charge du loyer, il fau-
drait savoir dans quelle proportion la location figure, à diffé-
rentes époques, dans le montant des dépenses annuelles de
chaque habitant.
C'était, paraît-il, un axiome de la sagesse de nos pères que
le loyer ne doit pas dépasser le dixième du revenu. Aujour-
d'hui toutes les classes de la population, sauf des exceptions
toutes particulières, mettent à leur logement une proportion
notablement plus forte. Ce fait universel est attesté pour
Berlin, Londres et Vienne aussi bien que pour Paris par les
chiffres que cite M. P. Leroy-Beaulieu, ensuite de nombreux
documents.
L'importance relative du loyer ne doit pas, d'ailleurs, être
considérée comme un mal. Plus un peuple est civilisé, ins-
truit, délicat, plus le loyer tient de place dans les dépenses
de la famille. Le goût du logement sain, aéré, propce et
confortable est le signe le plus sûr du développement des
habitudes d'ordre, d'activité et du sentiment de la dignité
personnelle. La proportion de la dépense du loyer aux
salaires n'est nulle part plus forte qu'aux États-Unis, si nous
en croyons les rapports des consuls anglais sur la situation
des classes ouvrières à l'étranger. Ils nous montrent la plu-
part des ouvriers habiles possédant, dans les grandes villes
américaines, des logements de plusieurs chambres avec
jardin auxquels ils consacrent le quart ou le cinquième de
leur rémunération habituelle. Quelle différence avec ces
logements d'ouvriers que nous connaissons, où s'accumule
une seule famille dans la même pièce, grâce à l'usage très-
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EN ÉCONOMIE POLITIQUF. 35 J
lyonnais de ces faux planchers appelés sous-pentes qui
divisent, sur un point, le logement en deux étages, et eH
augmentent ainsi la surface habitable sans accroître le volume
d'air qu'on y respire. Ce qui, dans les villes neuves des
États-Unis, rend accessible à l'ouvrier l'habitation décente
et commode, c'est un double fait dont plus loin nous verrons,
pour nous, les conséquences pratiques : l'étendue de surface
des villes et la facilité et le bon marché des transports
urbains et suburbains.
L'élévation du coût du logement, proportionnellement
aux autres dépenses, n'est donc pas, en elle-même, un fait
regrettable. Malheureusement, dans nos villes resserrées sur
des emplacements trop étroits et qu'il leur est même plus
ou moins facile de franchir, le logement, pour être plus
cher, n'en est pas plus commode.
Le loyer est donc généralement d'un poids plus lourd
pour le locataire, sans être compensé par un surcroît de
bien-être.
La population à qui le fardeau croissant du loyer est le
plus onéreux est celle dont les revenus fixes^ ou peu suscep-
tibles de progression, ont perdu de leur puissance d'acqui-
sition par suite de la dépréciation, précédemment constatée,
des métaux précieux.
Ainsi, les rentiers non propriétaires, les pensionnés ou
retraités, les employés et les ouvriers sont plus particuliè-
rement frappés, on le comprend, par la cherté du logement.
Parmi eux il faut, dans les grandes villes, distinguer,
d'abord, la population sédentaire qui ne peut lutter contre
le poids du loyer qu'en se logeant dans les quartiers excen-
triques et les banlieues, ou en s'élevant progressivement
dans ces étages supérieurs, mansardés ou non, qui se voient
à Paris, mais dont nos maisons lyonnaises sont surtout
couronnées. Parmi tant d'habitants sédentaires^ c'est-à-dire
Académie de Lyon, classe des Lettres, 34
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358 LES IDÉES NOUVELLES
possédant un mobilier et pour qui le paiement régulier d'un
loyer est un problème difficile, il y a des nuances à Tinfini
qu'il est superflu d'analyser. On sait ce que sont ces loge-
ments d'ouvrier où le terme à payer apparaît sans cesse
comme une menace d'expulsion et de saisie, et dans lesquels
le locataire est trop heureux quand il peut, simplement
congédié, enlever sains et saufs ses meubles et ses bardes
et les transporter dans quelqu'autre gîte dont le propriétaire
se contente d'une modique avance à titre d'arrhes, ou à-
compte sur le terme à échoir.
Il y aurait à faire pour notre population lyonnaise un tra-
vail de statistique analogue à l'étude très-instructive qu'a
publiée M. Toussaint, sous-chef du bureau de statistique,
sur les rues et les maisons de Paris et qui lui a permis de
déterminer le nombre moyen des logements par chaque
maison, le nombre moyen d'habitants par local, la valeur
locative de logements divisés en diverses catégories, le nom-
bre des logements de chacune. Nous en retenons seulement
que près des 4/5 de l'ensemble des locaux destinés à l'habi-
tation des Parisiens comprennent les petits logements de
3oo à 5oo fr. Aux documents divers (recensements quin-
quennaux, rôles de l'impôt mobilier, enregistrement des
baux) que M. P. Leroy-Beaulieu cite dans l'étude qu'il fait
à son tour des petits logements à Paris, il ajoute, comme
source à consulter, les rapports ou mémoires de l'assistance
publique qui, dit-il, étend ses secours sur environ 40,000 mé-
nages.
Nous ne mentionnons ce détail, et surtout ce chiffre, que
parce qu'il fait naître dans notre esprit un douloureux éton-
nement. La détresse serait-elle proportionnellement pire à
Lyon qu'à Paris, puisque dans notre ville, dont la population
est par rapport à celle de Paris dans la proportion de
35o,ooo à 2,000,000, nous voyons, d'après un rapport de
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 359
M. le docteur Gailleton, publié dans le Lyon Médical
d*avril 1878, que l'assistance publique, c'est-à-dire le Bureau
de bienfaisance, étend ses subsides à 3o,ooo indigents lyon-
nais ?
Quoi qu'il en soit, il faut, en outre, et dans toutes les
grandes villes, tenir compte de la partie nomade de la popu-
lation qui n'a d'autres logements que les garnis. Un recen-
sement de 1876, cité par M. P. Leroy-Beaulieu, fixe à
II 5,000 le nombre des habitants des garnis parisiens. Les
registres des logeurs permettraient à la municipalité lyon-
naise de se rendre un compte à peu près exact du nombre des
habitants nomades, hôtes ordinaires des garnis.
Cette question des garnis est capitale dans les grandes
villes, ce n'est pas le lieu de parler ici des jvorkouses et de
constater qu'à Londres et à Berlin les maux résultant de
l'accumulation des hôtes des garnis sont pires qu'à Paris.
La salubrité, l'immoralité, la sécurité publique, c'est-à-dire
des intérêts de premier ordre, sont engagées dans l'enquête à
faire sur ces sortes de logements.
III
Ce qu'il est le plus urgent d'étudier, ce sont les moyens
de remédier à la cherté des loyers.
Les questions qui se posent sont les suivantes :
Comment, dans les villes, rendre possible pour le plus
grand nombre un logement sain et salubre ? Quelle est la
tendance actuelle des loyers ? Quel est l'avenir probable de
la propriété foncière urbaine ?
Pour remédier aux inégalités sociales que fait naître la
propriété urbaine individuelle, certains esprits ont imaginé
d'y substituer l'État ou les communes.
Proudhon, on s'en souvient, voulait, en 1848, la suppres-
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360 LES IDÉES NOUVELLES
sion du loyer, tout comme la suppression de Tîntérêt du
capital. Aujourd'hui M. Wagner, professeur à l'Université
de Berlin, conseille le rachat de la propriété urbaine par
rÉtat ou par les municipalités. Il admet cependant que cette
expropriation motivée par l'intérêt public ne devrait pas se
faire sans une juste indemnité.
Si ce projet, si monstrueux qu'il paraisse, était motivé par
des avantages réels et décisifs, il n'y aurait pas à l'écarter
par la question préalable de l'énormité du prix que l'État
ou les municipalités auraient à payer. Mais, au fond, quels
seraient les effets d'une telle concentration de la propriété
urbaine ?
Les maisons d'habitation appartenant à l'État ou aux
communes par suite d'un rachat, ou parce que les construc-
tions nouvelles seraient élevées à l'aide des fonds publics,
n'en seraient pas moins louéçs aux particuliers. Or, qu'arri-
verait-il ? L,e loyer des petits logements serait abaissé dans
l'intérêt des classes peu aisées, celui des grands appartements
serait maintenu ou même progressivement élevé en raison
de la fortune présumée des locataires. On en viendrait pour
les premiers à des exceptions de loyer arbitraires. La ma-
jeure partie de la population, si prompte à se faire illusion,
verrait bientôt dans le loyer, non plus la rémunération d'un
service rendu, mais l'acquittement d'un impôt abusif et exa-
géré dont, par tous les moyens, on tenterait de s'affranchir.
Comment, d'ailleurs, serait administrée la propriété
urbainç concentrée aux mains de l'État ou des municipa-
litca ? La gestion en serait fort défectueuse. M. P. Leroy-
Bcaulieu signale la mollesse et les capitulations de la
municipalité parisienne, qui, pour les grands travaux qu'elle
fait ej^écuter depuis trente années, établit périodiquement
des tarifs de salaires qu'on appelle « la série des prix de la
ville de Paris » sur lesquels, dans les cas de grève, elle fait
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 36 1
ensuite des concessions regrettables qui compromettent les
conditions de Tindustrie privée. <c II n'est pas bien, dit-il,
qu'un État ou qu'une municipalité soit le grand régulateur
des salaires. »
Les sociétés civiles immobilières, soit propriétaires, soit
gérantes d'immeubles urbains, n'apportent pas davantage à
leur gestion la vigilance du propriétaire individuel ou du
régisseur de profession. Des exemples nombreux à Paris,
dans certaines grandes villes de France et à l'étranger, en
Allemagne, en Autriche en ont fourni la preuve. La propriété
collective d'immeubles urbains ne se conçoit dans des con-
ditions de prospérité que pour certaines constructions ayant
un caractère spécial, telles que certains hôtels gigantesques
ou les placements en maison dans lesquels les Compagnies
d'assurances trouvent un placement avantageux pour leurs
capitaux.
Donc aucun mode de propriété dans les villes n'est préfé-
rable à la propriété individuelle.
Mais alors, comment remédier à l'antagonisme profond
qui existe entre l'intérêt du propriétaire et l'intérêt général?
Ne mentionnons que pour en rappeler l'inefficacité les
ordonnances rendues dans le cours du XVII* siècle (1622,
i633^ 1649) contre la hausse des loyers, en présence de
l'accroissement de la population de Paris.
Ce qu'il faut demander à l'État et aux municipalités, c'est
de s'abstenir des agissements irréfléchis qui contribuent à
la croissance anormale et subite des grandes villes et à la
hausse des loyers. La municipalité parisienne a fourni
depuis 3o ans trop d'exemples de ces mesures qui ne font
qu'augmenter l'inégalité des richesses et l'instabilité du tra-
vail : M. P. Leroy-Beaulieu condamne absolument ces travaux
publics entrepris hâtivement, avec exagération, à l'aide d'im-
pôts excessifs ou niai assis qui, pour le plus grand profit des
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362 LES IDÉES NOUVELLES
entrepreneurs, des capitalistes et des banquiers, font d'une
ville un vaste chantier où la population en quête de domicile
s'accroît des ouvriers convoqués en grande masse et des
habitants délogés par la démolition soudaine des vieux
quartiers.
Ce qu'il faut encore demander aux municipalités, c'est de
ne pas accroître leur dette dont le service d'intérêt, ajouté
aux charges ordinaires, exige le maintien et souvent l'éléva-
tion des droits d'octroi qui ont pour résultat de rendre la
vie plus difficile et plus coûteuse et de renchérir le prix des
constructions par la hausse même des salaires.
M. P. Leroy-Beaulieu voudrait donc voir disparaître
moins encore les taxes sur les spiritueux que celles sur les
matériaux de construction, les fourrages, les entreprises de
transports urbains.
Nous touchons là à la solution la plus efficace des diffi-
cultés que fait naître la question du logement. Ce qui, nous
l'avons vu, dans les villes neuves des États-Unis, rend pos-
sible à l'ouvrier un domicile commode et salubre, c'est
l'espace sur lequel les cités ont pu se développer et la faci-
lité des transports urbains et suburbains.
.Dans nos vieilles villes d'Europe, plus l'emplacement est
exigu, plus le terrain à bâtir est cher, plus chères aussi sont
les constructions. En même temps la demande de logements
supérieure à l'offre élève le loyer et augmente encore d'autant
l'insuffisance et l'incommodité des demeures, surtout pour
l'ouvrier.
Les habitations de toutes les classes sont, d'ailleurs, affec-
tées, au point de vue de la salubrité et du confortable, par
l'exiguïté de l'emplacement des villes. La génération actuelle
commence à perdre le souvenir de ce qu'étaient les habita-
tions du centre de Lyon resserré depuis des siècles entre nos
deux rivières, et dont la principale et presque Tunique
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EN ÉCONOMIE POLITIQUE. 363
artère était la rue Mercière, avant l'ouverture des rues Cen-
trale, Impériale et de THôtel-de- Ville, et Télargissement des
voies transversales (i).
Il ne suffit pas de régénérer les vieilles cités par rétablis-
sement de voies nouvelles dans les quartiers trop resserrés
et la création de maisons neuves dans les régions suburbaines,
il faut surtout multiplier les moyens de transport dans Tin-
térieur et dans les banlieues, réduire, supprimer même les
taxes sur les passages, les voitures, les droits de stationne-
ment, tout ce qui peut enchérir la locomotion; alors seule-
ment la population des grandes villes pourra se loger dans
les banlieues plus confortablement et à moins de frais (2).
M. P. Leroy- Beaulieu recommande encore les œuvres et
associations privées tendant à la création de maisons ou-
vrières. L'Alsace en a donné l'exemple à Mulhouse, à
Colmar, à Guebwiller, à Thann. Paris a vu se fonder la
Société des habitations économiques et la Société de Passy-
Auteuil pour la construction de maisons ouvrières. L'étude
de ces institutions, d'initiative privée, celle de l'ouvrage de
(i) Voyez, en ce qui concerne l'hygiène et la salubrité des habitations
lyonnaises, les vœux exprimés par MM. les docteurs Rougier et Glénard
dans leur ouvrage intitulé : Hygiène de Lyon, i vol. in-8« de 576 pages.
Lyon, A. Vingtrinier, imprimeur, 1860.
Une grande partie du plan de régénération de Lyon, tracé par M. le
docteur Rougier dans cet ouvrage, p. 38 et suivantes, reste encore à
réaliser.
(2) On peut se rendre compte de tous les progrès qui restent à réaliser
en étudiant Texcellent ouvrage couronné par l'Académie des sciences
morales et politiques : La transformation des moyens de transport et les
conséquences économiques et sociales^ par M. de Foville, ancien élève de
rÉcole polytechnique, professeur à l'École des sciences politiques, i vol.
in-80. Guillaumin et C>«, Paris, 1881.
On consultera aussi avec profit dans le numéro du mois d'août 1881,
du Bulletin de statistique et de législation comparée du Ministère des tra-
vaux publics^ les documents résumés par M. P. Leroy-Beaulieu dans un
article de V Économiste français du i»»* octobre suivant, sous ce titre:
De V industrie des tramways et de sa productivité.
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364 LES IDÉES NOUVELLES
MM. MuUer et Cacheux sur les Habitations économiques^
auxquelles il faut ajouter pour notre région les essais faits à
Montchat, ceux de la Cité-Rambaud, les documents réunis par
M. le docteur Penot, directeur de notre École de commerce,
ancien directeur de TÉcole de commerce de Mulhouse ; les
idées émises après enquête par le Comité général des Prési-
dents de Sociétés de secours mutuels de la ville de Lyon, et
les communications qui y ont été recueillies sur les acqui-
sitions partielles d'étages dans certaines maisons de la
Croix-Rousse : voilà la base d'un travail d'ensemble à faire
sur la multiplication possible des petits logemens à l'inté-
rieur ou autour de l'agglomération lyonnaise. Cette matière
est d'ailleurs fort délicate à traiter, car il y a à compter avec
les goûts et les convenances qui font que la fixité définitive
du logement dans un quartier ne sourit pas toujours à
l'ouvrier.
Parmi les institutions qui peuvent encore rendre des ser-
vices, M. P. Leroy-Beaulieu cite les asiles de nuit destinés
à fournir un abri passager aux personnes momentanément
sans gîte. Mais il fait des vœux pour que leur création reste
l'œuvre de la charité privée, qui, mieux que l'État ou les
communes, est apte à empêcher que ces asiles augmentent
la population nomade et le vagabondage.
Reste à examiner la tendance actuelle des loyers et l'ave-
nir probable de la propriété foncière urbaine.
L'auteur, dont nous croyons si utile de faire connaître et
de vulgariser les idées, estime que l'accroissement des
grandes villes ne peut continuer avec la rapidité et l'inten-
sité qu'on a constatées pendant la dernière période de 40
ou 5o ans. Le développement de la valeur des propriétés
urbaines et la hausse des loyers , si on examine attentive-
ment les causes qui en ont été signalées plus haut, parais-
sent se rattacher à des circonstances économiques d'un
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EN ÉCONOMIE POUTIQUE. 365
caractère passager. La plus-value des maisons situées dans
le centre des villes diminuera successivement avec la ten-
dance des populations à se répandre dans les quartiers
excentriques. La vie de famille ne peut que gagner à cette
extension des diverses classes d'habitants dans la périphérie
des grandes villes.
L'insuffisance des moyens de communication a certaine-
ment augmenté le privilège de situation des immeubles
immédiatement situés autour des centres de réunion, d'af-
faires, de plaisir. En déplaçant ces centres, en créant de
nouveaux quartiers sur les confins des anciens, en les reliant
par un réseau plus complet de moyens de transports com-
modes et à bon marché, on arrivera à réaliser un certain
nivellement dans le chiffre des loyers, surtout pour les loca-
tions inférieures, qui intéressent la plus forte partie de la
population.
En résumé , on peut croire que de même que le privilège
de la propriété foncière s'est amoindri et disparaîtra de plus
en plus devant la concurrence des pays nouvellement mis
en culture, de même, avec le temps, celui de la propriété
urbaine s'atténuera devant la concurrence que sont appelées
à faire aux anciens quartiers la banlieue des villes et même
les campagnes environnantes.
Académie de Lyon, ctaue de$ Lettres. 25
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FLORUS ET MODUIN
ÉPISODE DE L'HISTOIRE DE LYON AU IX« SIÈCLE (i)
PAR
E. CAILLEMER
Doyen de la Ftcnlté de droit.
La bibliothèque du couvent de Saint- Marien d'Auxerre
possédait autrefois un manuscrit contenant quelques extraits
de canons et de constitutions impériales faits par le diacre
Florus. Ces extraits, publiés dans le Spicilegium de l'illustre
bénédictin dom Jean-Luc d'Achery (2), ont pour rubrique :
(c Haec a domno Floro, viro prudenti, collecta sunt ex lege
et canone. » C'est la connaissance de cet opuscule qui a
permis aux savants auteurs de YHistoire littéraire de la
France (3) d'écrire que Florus était très-versé dans l'étude
des canons et des lois civiles.
Parmi les extraits figurent des fragments des première,
(i) M. Frédéric Maassen, professeur de droit romain et de droit cano-
nique à r Université de Vienne, a publié dans les Sitiungsberichte der
kaiserlichen Akademie der Wissenschaften de Vienne (t. XCII, p. 3oi-
324), un savant mémoire ayant pour titre : Ein Commentar des Florus
von Lyon f w einigen der sogenannten Sirmond'schen Constitutionen,
Nous nous faisons un devoir de reconnaître que nous avons beaucoup
emprunté à cette remarquable dissertation.
(2) Tome XII, p. 48-53; cf. 2« édition, 1723, in-folio, t. I, p. 597
et suiv.
(3) Tome V, p. 225 et 237.
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368 FLORUS ET MODUIN.
troisième, sixième et onzième constitutions dites de Sirmond,
un résumé de la quinzième, un fragment et une courte
amplification de la vingtième. Tous ces textes, sauf le der-
nier, sont relatifs à la juridiction ecclésiastique et se trouvent
dans un précieux manuscrit du VIII* siècle, c'est-à-dire
antérieur au célèbre diacre lyonnais ; manuscrit faisant au-
jourd'hui partie de la riche bibliothèque de Cheltenham,
mais qui était autrefois à Lyon, et que Sirmond a décrit et
analysé sous le nom de Codex Lugdunensis (i). On pourrait,
sans trop d'invraisemblance, soutenir que c'est de ce ma-
nuscrit que Florus a tiré ses extraits.
Dans un autre manuscrit, du X* siècle, appartenant à la
Bibliothèque ambrosienne de Milan , on trouve également,
mais sans nom d'auteur, la même série d'extraits.
Les variantes existant entre les deux textes ont une assez
grande importance, et prouvent que ces textes sont d'origines
diverses; chacun d'eux contient quelques passages qu'on ne
trouve pas dans l'autre. La différence la plus notable entre le
manuscrit d'Auxerre et le manuscrit de Milan, c'est que,
dans celui de Milan, chacun des extraits est accompagné
d'un court commentaire.
Mais , précisément , le commentaire de la vingtième
constitution. est formé, en majeure partie, de la petite ampli-
fication que nous avons déjà signalée dans le manuscrit
d'Auxerre.
Le commentaire doit, comme les extraits eux-mêmes, être
l'œuvre du diacre Florus; nous allons essayer de l'établir.
Il convient tout d'abord de mettre en parallèle, sous les
yeux du lecteur, nos deux textes.
(i) Voir nos Notices et Extraits de manuscrits de la Bibliothèque de
Lyotty 1881, p. 28-3o.
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FLORUS ET MODUIN.
369
TEXTE D'AUXERRE
d'après d'achery
IVetV
CONSTANTINUS, AD FELICEM, PILEFEC-
TUM PRiETORIO.
Sanxîmus namquc^ sicut edicti
nostri forma déclarât, sentendas
episcoporum, quolibet génère illa-
tas^ sine aliqua tetatis discretione
in viola tas semper incorrupiasque
servari ; scilîcet pro sanctis semper
ac venerabilibus habcatur quidquid
cpiscoporum fuerit sententia ter-
mlnaium, sive utiquclnter minores,
sive inter majores ab episcopts fucrit
judïcatum apudvos, qui judidorum
summam tenelis, et apud c^eteros
omnes judices ad exequutionem
volumus pertinere ...,,,
TEXTE DE MILAN
d'après m. maassen (i)
I
IMPERATOR CONSTANTINUS
AUGUSTUS (2).
Pro sanctis semper
ac venerabilîbus habeatur quicquid
episcoporum fuerit sententia ter-
mînatum« * - •
Multa eoim quae in judicio cap-
tiosEe prœscriptionis vincula pro mi
non patiuntur, investigat et promit
sacrosanctœ religionis aucioritas.
Omnes utique causœ, quse vel pnt-
torio jure vel civili tractaniur,
episcoporum sententiis termtnatm,
perpetuo siabilitatis jure firmantur,
nec liccat ulierius rétracta ri nego-
tium, quod episcoporum sententia
deciderit.
Testimonium etiam, ab uno licet
episcopoperhi bit unQf omnes judkes
, , , Quicumque itaque litem
habens, sive possessor sive petitor
erit, inter initia litis vel decursis
temporum curriculîs^ sive cura
negotium pérora Cur, sive cum jam
ceperit promi sententia, judicium
eligit sacrosanctae legis antistitls)
illico sinealii^uadubitatione, etiamsi
alla pars refragatur, ad cpiscopum
cum sermone litigantium dirigatur.
Omnesque causas, quae vel pr^etorio
jure vel civili tractaniur, episcopo^
mm scntentiis terminata*, perpetuo
stabiîitads jure firmentur, nec liceat
ulterius retractari negotium^ quod
episcoporum sententia décident.
(i) Le commentaire est imprimé en caractères italiques.
(2) Corutituttones Sirmondi^ I, édition Hcnel, p. 445 et suiv.
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SyO FLORUS ET MODUIN.
iadubitanter accipiant, nec alius
audîatur, cum testimonium épis-
copi a qualibet parte fuerit repro-
missum. Illud est enim veritatis
auctoritate firmatum, illud incor- •
ruptum, quod a sacrosancto homine
conscientia mentis illibato protule-
rit. Hoc quod nos edicto salubri
aliquando censuimus, hac perpétua
lege firmamus.
Christiantssimus iste imperator
in publico liti gantes^ etiam si judi-
cialis jam sententia proferatur^ si
una pars ad episcopum proclama-
verit, continuo etiam nolente alia
sœculares ad ecclesiasticum judi-
cium dirigit. Noster vero prœto-
rialis episcopus ecclesiasticos ad
seculare examen ire compellit.
Apparet^ quantum status ecclesiœ
dilapsus sity quando venerabilius
sentit de honore ecclesiœ imperator
nuper ex pagano conversus quam
episcopus ab infantia ecclesiœ lacté
nutritus,
IX II
IMPERATORES VALENTINIANUS, THEO- IMPERATORES VALENTINIANUS, THEO-
DOSIUS ET ARCADIUS. DOSIUS ET ARCADIUS (l).
Continua lege sanximus nomen
episcoporum vel eorum qui ecclesiae
necessltatibus serviunt, ne ad judicia
sive ordinariorum sive extraordina-
riorum judicum pertrahantur. Ha-
bentilli judices suos, necquidquam
hispublicis commune cum legibus.
Continua lege sancimus, ut nullus
episcoporum vel eorum, qui ecclesiœ
necessitatibus serviunt, ad judicia
sive ordinatoriorum, sive exordi-
natoriorum (judicum) pertrahantur.
Habent illi judices suos, nec quic-
quam his publicis commune cum
legibus
Si omnes ecclesiastici habent uti^
que in ecclesia judices suos, cur ad
alienos judices impellantur}
(I) Eod, Loc.f III, p. 453 et suiv.
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FLORUS ET MODUIN.
371
X et XI III
IMPERATOR THEODOSIUS ET VALENTI- IMPERATOR THEODOSIUS ET VALENTl-
NIANUS CiESAR. NIANUS CiESAR (l).
Privilégia ecclesiarum vel cleri- Privilégia ecclesiarum vel cleri-
corum omnium. i, proaa devo- coru m omnium, quîE siecuIo aostro
tionc revûcamuSj scilicet ut quid- tirannus inviderat, prona devoîione
quid a divis principibus sïnguli revocamus, Scilicet m, quicquid a
quiquc anîisiîtcs impetrarunt, jugi divis principibus singuU quique an-
soliditatc serve tur, nec cujusquam tlstites iiDpetrarunt, jugi solidîdate
audeat titillare pra^sumptio, ia que servetur nec cuiquam audeat titil-
nos nobis magis prœstituin coafi- lare praïsumptio» in quo nobis ma-
temur, gis pr:e^titum confitemur.
Clericos Igîtur omnes quos indis- Clericos igitur omnes» quos in-
crete et ad sasculares judices debere discreum ad ssecularcs judices de-
deduci, infaustus prECSumptor edi- bere deduci înfaustus praesumptor
xerat, episcopali audicntiae reser* edixerat, episcopali audientise re-
vamus servamus, his manentlbus quae cîrca
eos sanxtt antiquiias.
. . - . -, Quid clarius^ quid religwsîtts dtci
. * . potuii?
Fas enim non est ut divtni muneris Fas enim non est ui divinî mu-
mi nis tri lÊmporaltum potcstatum ne ris ministri temporalium potes-
su bdaotur arbitrio, tatum subdantur arbiirio.
Si tirannus invidens et infaus~
tus prœsumptor ecctesiasticos deho'
n^sUvit^ yideat episcopus si mi Hier
ûgens ne simiîiter cognominari me-
reatur.
m
IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS
AUGUSTUS.
YaCÊiit ecclesia: soUs quibus bene
conscia? sunt divinae pnedicationis
officiis. Cuncti in orationibus cele-
brandis horarum omnium momenta
consumant. Gaudeant nostra in per-
petuum liberalicate munit^, qua-
rum nos erga cul tu m pie ta te et
aeterna devotione gaudemus.
ÏV
IMPERATOR WONOflJUS ET THEOI>OSIUS
AUGUSTUS (3).
Vacent ecclesiœ solis , quibus
beoe conscientiae sunt, divine P^^'
dtcationis offidis, cuncta in oratio-
nibus celé brandis horarum omnium
momenta consument-Gaudeant nos-
tra (in) perpetuum liberalitate mu-
niiaCj quarum nos crga cultum pic^
tatis acterna devotione gaudemus.
(I) Eod, Loc., VI, H«iel, p. 456 et sulv.
(9) Eod. Loc,, XI, Hcnel, p. 464.
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372
FLORUS ET MODUIN.
Hanc vacationem prcedicationum
et orationum perturbât episcopuSy
qui et ceteros ad sœcularia jurgia
pertrahit et ipse contempta quiète
ac verecundia ecclesiastica contenu
tionibus insanis et spectaculis gla--
diatoris prcesidet.
XIII
IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS.
Episcopos vel presbytères, dia-
conos et quoscumque inferioris locl
christianae legis ministros, ab epis-
copis solum, non ab alio oportet
accusatos audiri.
IMPERATOR HONORIUS ET THEODOSIUS
AUGUSTUS (l).
Episcopos, presbyteros, diaconos
et quoscumque inferioris loci Chris-
tianae legis ministros ab episcopis
solum, non ab alio, oportet accu-
satos audiri.
Luce clarior sententia^ quam in
his regionibus etiam a laicis hacte^
nus observatam nunc per episco-
pum metuimus subruendam. Qui
cum boni nihil statuât^ miror^ cur
bene statuta convellit?
(1) Eo4, Loe,, XV, Haenel, p. 47i-
(3) Eod, Loe., XVII, H«nel, p. 475.
IMPERATOR
VI
CONSTANTINUS
TUS (2).
AUGUS •
Judex pro sua soUicitudine obser-
vare debebit, ut , si a se ad episco-
pos provocetur, silentium accomo-
det. Et si quis ad legem Christianam
negotium transferre voluerit et illud
judicium observare, audiatur, etiam
si negotium apud judicem sit in-
choatum, et pro sanctis habeatur,
quicquid ab his fuerit judicatum.
Hoc apertius et absolutius hac
lege precipitur^ quod in alio prag-
mate superiiis paulo obscurius fue-
rat promulgatum.
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FLORUS ET MODUIN.
373
XIV ET XV
THXODOSIUS ET VALBNTINIANUS
AUGUSTUS.
Audemus quidem sermonem fa-
cere sollicite, plus timoré capti de
sanctis venerabilibus sacerdotibus,
et secundis sacerdotibus , vel etiam
levitis, et eos cum omni timoré
nominare, quibus terra caput incli-
nât.
Et post pauca ; quod in sacerdoti-
bus ecclesîa constaL
De obnùxiis vero inqutuni : SI
qui ambulaveriÈ cum episcopo , vel
cum presbytero, vel etiam cum dia*
cono, sive in platea, sive in agro,
sive in quolibet loco, nuUo pacto
eos rétine ri vel obstringi jubemus.
Quoniam in sacerdotibus ecclesia
constat,
K. Reges isti christianissimit qui
tanta revcrentia de ecclesia loquun-
tur, non frustra audterunt: Et mtnc
reges inteîtigiie^ trudimïni qui ju-
dicatis terrant ; serviie Domino in
timoré^ et exuîtate et in tremore.
Mira autem et vera sententia, quod
ecclesia non tam in lapidfbus quam
in sacerdotibus constat. Et ideo
juste nu ne et religiose sancitur, ut
reverentia, quœ altari et templo
exhibetur, eadem sacerdotibus exhi*
beatur ; et sicut hoc est, ut juxia
templum vel al tare ibi nemo reum et
crimini vel etiam morti obnoxium
contingat, iia nequc a latere epis-
copi, presbyte ri et diaconi quolibet
loco abriperc vel contingere au-
deat...
VII
THEODOSIUS ET VALBNTINIANUS
AUGUSTUS (l).
Audemus quidem sermonem fa-
cere sollicite plus timoré capti de
sanctis ac venerabilibus sacerdoti-
bus et secundis sacerdotibus vel
etiam levitis et eos cum omni
timoré venerari, quibus terra caput
inclinât.,.
Et rosT pauca:
De obûoxiis vero inquiunt: Si
qui ambulaverint cum episcopo vel
cum presbytero (vel) etiam cum
diacono , sive in platea , sive in
agro, sive in quolibet loco, nullo
pacto eos rétine ri vel obstringi vo-
lumus, quoniam in sacerdotibus
ecclesia consistât,
Reges isti Christîûnissimi, qui
ianta reverentia de ecdesia locun*
tur, non frustra audierant : Et nunc
reges^ intellîgite , erudimini , qui
judicatis ierram^ servi te Domino
in timoré et exuUate ei in tremore^
Mira autem et vera sententia^ quod
ecclesia non tam in lapidibus quam
in sacerdotibus constat. Et ideo
juste nunc ei religiose sancitur^ ut
reverentia^ qui^ altari et templo
exhibetur^ eadem sacerdotibus exhi'
beatur. Et sicut ibi nemo reum et
crimini vel etiam morti obnoxium
contingiî, ita neque a latere epis^
copi, presbyteri et diaconi quolibet
loco ahriperç vel contingere au~
deant. Sed quomodo per eos alii
protegentur, qttns a stculari violen~
tia non evangelica, non apostolica^
non canonicij ^ non romana jura
prœmuniunt? Viderit hujus auctor
inquietudinis ^ quid conetur^ nam
spicua ratione his omnibus con»
traire convincitur.
(1) £oi. iof., XX| H«ii«l, Corjmt hgitm, p. Mi<
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374 FLORUS ET MODUIN.
Le commentaire est un acte d'accusation d'une violence
extrême contre un évêque qui se montre plus dévoué aux
tribunaux séculiers qu'aux tribunaux ecclésiastiques.
Cet évêque, que l'auteur appelle par dérision un prœto^
rialis episcopus^ oblige les clercs à porter leurs procès devant
les tribunaux séculiers : c< Ecclesiasticos ad seculare examen
ire compellit... Ad secularia jurgia pertrahit. » Il faut que
l'Église soit bien déchue de son ancienne grandeur, pour
qu'un évêque, nourri dès son enfance du lait de l'Église,
ait moins de déférence pour cette Église que n'en avait
Constantin, à peine sorti du paganisme : « Apparet quantum
status Ecclesiae di lapsus sit, quando venerabilius sentit de
honore Ecclesiae Imperator nuper ex pagano conversus, quam
episcopus ab infantia Ecclesiae lacté nutritus. » Théodose et
Valentinien qualifient de tyran envieux, de sinistre usurpa-
teur, l'empereur Jean (423-425), qui a dépouillé les églises
et Jes clercs de quelques-uns de leurs privilèges. Voyez
si les mêmes qualifications ne vous conviennent pas, à vous,
évêque, qui marchez sur les traces de Jean ? <c Si tirannus
invidens et infaustus praesumptor ecclesiasticos dehonesta-
vit, videat episcopus, similiter agens, ne similiter cognomi-
nari mereatur ! »
Non-seulement vous attirez devant des juges, qui ne sont
pas faits pour eux, les clercs, naturellement justiciables de
leurs propres juges, les juges ecclésiastiques ; mais encore,
au mépris des convenances, au mépris du recueillement
qu'impose TÉglise, vous présidez les débats insensés des
cours séculières, ces débats qui rappellent les luttes des
gladiateurs : <c Omnes ecclesiastici habent utique in Ecclesia
judices suos; cur ad alios judices impellantur?... Episco-
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FLORUS-ET MODUIN. SyS
pus, contempta quiète ac'verecundia ecclesîastica, contentio-
nibus insanis et spectaculis gladiatoris prœsidet. »
Jusqu'à ce jour, les clercs ont vécu paisibles, se consacrant
tout entiers à l'instruction des fidèles et à la prière, comme
le voulaient Honorius et Théodose. C'est un évêque qui
vient les troubler dans l'accomplissement de leurs devoirs !
« Hanc vacationem praedicationum et orationum perturbât
episcopus ! »
Une règle, admise sans difficulté, dans toute la région, par
les laïques eux-mêmes, cette règle que les évêques, les
prêtres, les diacres et même les ministres inférieurs de la loi
du Christ ne doivent être jugés que par les évêques, nous
avons tout lieu de craindre qu'un évêque ne la détruise!
ce Luce clarior sententia^ quam in hîs regionibus etiam a lai-
cis hactcnus observatam, nunc per episcopum metuimus
subruendam. »
Ni le droit évangélîque, ni le droit apostolique, ni le droit
canonique, ni le droit romain ne protègent plus les clercs
contre les violences séculières* Comment pourront*ils main-
tenant exercer le droit d'asile personnel que Théodose et
Valentinien leur ont accordé ? Les Empereurs veulent qu'un
accusé, même poursuivi pour un crime capital, ne puisse
pas être saisi, en quelque lieu que ce soit, dès qu'il est aux
côtés d'un évêque, d'un prêtre ou d'un diacre. Voici aujour-
d'hui un évêque qui permet aux autorités séculières de saisir
le prêtre lui-même! « Quomodo per sacerdotes alii prote-
gentur, quos à seculari violcntîa non evangelica, non apos-
tolica, non canonica, non romana jura pra^muniunt ? »
Que cet évêque ne fasse rien de bien, soit! Maisi au moins,
qu'il laisse subsister le bien fait par ses prédécesseurs: « Qui
cum boni nîhil statuât, mîror cur bene statuta convelHt î *>
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376 FLORUS ET MODUIN.
Cet évêque néfaste, dont le commentateur ne prononce pas
une seule fois le nom, est facile à reconnaître. C'est évidem-
ment Moduin, évêque d'Autun. — Dans le recueil des
poésies latines de Florus, nous avons un poème dans lequel
le diacre de TÉglise de Lyon formule, en termes plus décla-
matoires, les mêmes accusations (i). Dans ce poème, l'ac-
cusateur et l'accusé sont nominativement désignés. C'est
Florus qui se plaint des injustices commises par Moduin
contre l'Église de Lyon. Les griefs sont identiques ; leur
expression seule varie et encore y a-t-il des similitudes éton-
nantes.
<c Que t'a donc fait cette Église de Lyon, ta nourrice et
notre mère, pour justifier le traitement que tu lui infliges ?
Tu déchires les lois, tu détruis le droit sacré des canons en
broyant les entrailles de ta mère. Oh I mon fils Moduin, te
dit-elle, toi qui es mon enfant, toi que j'ai réchauffé dans
mon sein, pourquoi viens-tu troubler le repos dans lequel,
depuis si longtemps, vivent mes autres enfants ? Pourquoi
les obliges-tu à sortir de leurs tranquilles demeures ? Jus-
qu'ici les clercs avaient leurs juges particuliers, les laïques
avaient les leurs ; une haie, un mur de clôture séparaient les
deux ordres. Pourquoi veux-tu abattre cette haie, renverser
ce mur ? Pourquoi veux-tu effacer les vieilles limites de mon
domaine et permettre à tous d'y entrer librement? — Arrête-
toi I suspends ton œuvre ! tu ne parviendras pas à me dé-
pouiller de mon privilège, appuyée que je suis sur le bras
de Dieu. J'ai pour moi l'Évangile, les apôtres, les canons ;
j'ai même pour moi les constitutions de Constantin., de
(i) «Ad Moduinum, Augustodunensem episcopum , de injusta vexatione
Ecclesise Lugdunensis», dans Migne^ Patrologia latina^ t. CXIX,p. a53-256.
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FLORUS ET MODUIN. Syy
Théodose, d'Arcadius et d'Honorius (i). Si tu ne connais
pas les règles édictées par ces hommes pieux, étudie à loisir
un petit livre dans lequel elles sont brièvement résumées. —
Tu ne crois pas que les clercs aient droit à une juridiction
particulière; tu veux que tous soient justiciables du même
tribunal. A part les abbesses et les prélats, tous les membres
du clergé ne sont que poussière à tes yeux. Oublies-tu que
tu es le père du clergé ? Si tu es son père, ne le méprise pas
et ne t'élève pas en dignité pour mieux l'opprimer (2). »
Avions-nous tort de dire que les ressemblances sont frap-
pantes ? Le poète , comme le commentateur, reproche à
Tévêque de ne pas respecter TÉglise , qui Ta nourri de son
lait lorsqu'il était enfant; de troubler le pieux repos dans
lequel vivent les clercs et de les jeter dans le tourbillon des
luttes séculières; de ne pas tenir compte des limites qui
(i) « Post evangeJicos cl)rpcos, post tela corusca
Oris apostolicî, post pia jura Dei,
Me Constantinus reverendo munit ab ore,
Me quoque Theodosius protegit ore pio ;
Arcadio dulch perdulcis Honorius hœrens
Me duld eloquio laudat^ honorar, amar. *
(2) Cette longue épître, dont nous n'avons cité que les passages les plus
saillants, est sévèrement qualifiée par les Bénédictins : « La muse du
poète, disent-ils, était de bien mauvaise humeur; elle ti'use d'aucun
ménagement pour son adversaire ; elle le traite avec dureté, a Florus a
beau protester de son amour pour Moduin^ tout juge impartial dira qu'il
dépasse les bornes dans lesquelles une pole'mique courtoise doit se ren-
fermer, lorsqu'il écrit :
n Tunde tgitur tetrum rostri damnabilis uncuni
Et fuge germana vivere carne ferox ! k
Ou bien encore :
ff Nec m étuis démens cakes illidere Christo.*.
Et bos
Cornipeta in Dominum turgtda colla vibras. *
Tel n'est pas, cependant, l'avis de M. Tabbé Reure, qui trouve que,
dans cette épttre , u Florus ménage un peu Modoin , son Tjeux frère
d'armes, » et que « ses reproches ont encore quelque chose d^une mélan*
colie caressant c.^ *» Un CoÛège à Lyon au IX*" sièch^ 1881, p 40,
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378 FLORUS ET MODUIN.
séparent les deux ordres, limites que les laïques eux-mêmes
n'essaient pas de franchir; de méconnaître le droit évangé-
lique, le droit apostolique, le droit canon, le droit romain,
et, par droit romain, le poète entend les constitutions de
Constantin, de Théodose, d'Honorius et d'Arcadius, c'est-à-
dire précisément les constitutions qui figurent dans les
extraits de Florus.
Et lorsque le poète dit à Tévêque :
Si veterum nescis pia jura piorum,
Desine quod nescis dilaniare bonum,
Et cape tranquillus brevibus quod pagina verbis
Altéra pacifico suggerit en studio,
ne le renvoie-t-il pas précisément au Recueil dans lequel, lui,
Florus, a réuni et commenté les pia jura veterum piorum?
Les deux adversaires sont bien connus et ont, Tun et
l'autre, une place dans l'histoire littéraire de la France.
Moduin, que l'on appelle aussi Modoin ou Mautwin, avait
été élevé dans l'Église de Lyon, et, avant d'occuper le siège
épiscopal d'Autun, il fut abbé de Saint-Georges. Nous igno-
rons la date précise de son élévation à l'épiscopat et celle de
sa mort; nous savons seulement, par une charte de Louis-
le-Pîeux ou Débonnaire, qu'il était évêque en 81 5; un autre
document, daté de l'année 843, nous montre son successeur
Altée, dans l'exercice de ses fonctions.
Pendant cette longue période, Moduin jouit toujours d'une
grande influence auprès de l'Empereur, qui reconnaissait en
lui l'un de ses serviteurs les plus dévoués, et surtout les plus
fidèles ; jamais l'évêque d'Autun ne s'associa aux évêques,
qui, comme l'archevêque de Lyon Agobard, prenaient le parti
des factieux contre l'Empereur.
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FLORUS ET MODUIN. 879
Son crédit est attesté par plusieurs témoignages. Lorsque
Théodulfe, évêque d'Orléans, accusé d'avoir trempé dans la
révolte de Bernard, fut chassé de son diocèse et enfermé dans
le monastère d'Angers, ce fut à Moduin qu'il s'adressa pour
fléchir la colère de l'Empereur. Moduin lui répondit en
vers élégiaques, qui nous ont été conservés, et, dans cette
pièce, unique témoignage des aptitudes poétiques de l'évêque
d'Autun, nous lisons que Moduin ne cesse d'intervenir en
faveur de son malheureux collègue ; mais il est convaincu que
le seul moyen pour Théodulfe d'apaiser Louis est d'avouer
simplement son crime. L'Empereur lui a promis de se mon-
trer favorable dès que la faute aura été confessée.
Le même poème nous montre Moduin en relations suivies
avec le favori de l'Empereur, le puissant comte Matfrid.
Walafrid Strabi compare l'évêque d'Autun au matelot qui
observe les écueils et les signale au pilote ; c'est lui qui, dans
l'Empire, joue le rôle de vigie, de proreta^ au milieu des
tempêtes qui menacent de tout briser.
Florus, lui-même, dans une autre de ses oeuvres, vante les
services éclatants rendus par Moduin.
Lorsque Ebbon , évêque de Reims , fut accusé d'avoir
adhéré à la révolte de Lothaire, Moduin fut l'un des trois
juges choisis par l'inculpé.
Lupus rapporte, enfin, que, quand Pépin fut chassé de
l'Aquitaine, Charles-le-Chauve partagea ce royaume en trois
gouvernements, ayant pour sièges Clermont, Limoges et
Angoulème; le gouvernement de Clermont fut divisé entre
Moduin et Au tbert, comte d'Avallon.
L'évêque d'Autun n^était pas tendre pour les clercs de son
temps. Dans sa lettre à Théodulfe, il écrit : « C'est la faute
des prêtres, si le clergé est méprisé, si aucun prctre ne
paraît digne de confiance. Les clercs ne s'inquiètent pas des
misères de leurs frères; ils ne pensent qu'aux gains de ce
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380 FLORUS ET MODUIN.
monde et ne reculent devant nul effort pour acquérir les
biens périssables. »
Les Bénédictins pensent que les reproches, trop vifs et
trop aigres, de Florus, furent motivés par la conduite de
Moduin pendant Texil d'Agobard, de 835 à SSy. « En qualité
de premier suffragant de la province, Tévêque d'Autun se
trouva alors chargé de veiller sur T Église de Lyon. Peut-
être y voulut-il s'arroger des droits défendus par les canons,
et même y faire quelques vexations (i). »
Il est notable, sans doute, que, dans les doléances de
Florus, le nom de Tarchevêque ne soit pas prononcé. Le
prélat aurait souffert, plus que tous les autres membres de
son Église, des prétendues violences de Moduin. Agobard
n'était pas plus indulgent que Moduin pour les abus qui
régnaient alors dans le clergé; mais ce fécond écrivain ne
serait pas resté indifférent devant des attaques dirigées
contre ses prêtres. On peut donc admettre, avec les Béné-
dictins, que les griefs de l'Église de Lyon, dont Florus se fit
l'interprète , coïncident avec l'absence du chef de cette
Église.
Mais nous ne croyons pas que Moduin fût à Lyon comme
vicaire ou suppléant d' Agobard. C'est plutôt comme missus
dominicus de l'Empereur qu'il vint dans notre ville pour
rendre la justice. C'est en cette qualité de missus dominicus
qu'il pouvait présider les tribunaux séculiers et obliger les
clercs à se soumettre aux juridictions laïques.
La vie de Florus eut moins d'éclat extérieur que celle de
Moduin (2). Simple diacre pendant la plus grande partie de
son existence, maître Florus, magister Florus^ comme l'ap-
pelaient ses contemporains, fut élevé si tard au sacerdoce
que le titre de prêtre ne lui fut presque jamais donné. Il se
. (1) Histoire littéraire^ t. IV, p. 548.
(2) Voir V Histoire littéraire de la France^ t. V, pages 21 3 à 240.
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FLORUS ET MODUIN. 38 1
consacra principalement à l'étude , à renseignement et à la
composition d'ouvrages très-variés. On vante son ardeur,
son assiduité au travail, sa piété, son exactitude, son ortho-
doxie ; on parle de son empressement à réunir des livres
choisis et corrects, de son obligeance à les communiquer;
mais c'est surtout comme auteur qu'il est connu. Ses œuvres
sont nombreuses et plusieurs, comme celle qui nous occupe,
sont des œuvres de polémique. Amalaire, qui donnait de
certaines parties de la liturgie des explications allégoriques,
eut, plus encore que Moduin, le don d'irriter Florus ; celui-ci
l'attaqua, sans aucun ménagement, dans les assemblées de
Thionville et de Quierzy-sur-Oise, et, à force d'instances,
obtint qu'il fût censuré. Le fameux sophiste Jean Scot
Érigène excita également la verve querelleuse de Florus par
ses doctrines sur la prédestination. Il est vraisemblable que
notre diacre ne fut pas étranger à la rédaction du Traité tou-
chant les trois lettres d'Hincmar, de Pardule et de Raban,
traité qui parut vers 853 sous le nom de l'Église de Lyon, et
dans lequel on retrouve la dureté d'expressions qu'offrent ses
autres opuscules.
Une œuvre, moins ardente, est le conimentaire des Épîtres
de saint Paul, tiré des Œuvres de saint Augustin, compila-
tion dont la Bibliothèque de Lyon possède peut-être un
exemplaire original (i).
(i) Telle est du moins la conjecture de M. Lëopold Delisle. Dans
l'étude qu'il a consacrée à notre manuscrit n^SS (414 du Catalogue Delan-
dine), Tëminent Directeur de la Bibliothèque nationale s'exprime ainsi :
« L'exécution de ce volume doit être rapportée au IX« siècle. Il est très-
possible que ce soit un exemplaire original de la compilation de Florus ;
l'auteur, qui a été l'une des lumières de l'Église de Lyon dans la pre-
mière moitié du IX« siècle, l'aurait donné ou légué au clergé de la
cathédrale de Lyon » (Notices et Extraits des Manuscrits de la Biblio^
thèque nationale^ t. XXIX, 2« partie, p. 402).
Académie de Lyon, classe des Lettres. 36
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382 FLORUS ET MODUIN.
Le grief principal de Florus contre Moduin, c'est que
Moduin attire les clercs devant les tribunaux séculiers, tandis
que les clercs ont pour tous les cas des juges naturels, qu'il
s'agisse de procès civils, ou de procès criminels. Ces juges
sont les juges d'Église. « Omnes ecclesiastici habent utique
in ecclesia judices suos. » Il empiète donc sur les droits de
l'Église en attribuant compétence aux tribunaux laïques.
Il méconnaît les constitutions des Empereurs de Rome,
qui, toutes, proclament le privilège pour les évêques, les
prêtres , les diacres , même pour les simples clercs, d'être
jugés par les évêques, à l'exclusion de tous autres juges:
« Episcopos, presbyteros, diaconos et quoscunque inferioris
loci Christianse legis ministros ab episcopis solum, non ab
alio, oportet accusatos audiri. »
Il rend vaines les faveurs accordées par Théodose et
Valentinien à la personne des clercs. Ces Empereurs, pleins
de respect pour le christianisme, ont étendu le droit d'asile
des églises aux membres du clergé : « Ecclesia non tam in
lapidibus quam in sacerdotibus constat. Et ideo reverentia
qufle altari et templo exhibetur , eadem sacerdotibus exhi-
beatur. » Lorsqu'un accusé, même poursuivi pour un crime
capital, s'attachera à la personne d'un évêque, d'un prêtre
ou d'un diacre, la juridiction séculière ne pourra pas le sai-
sir, lors même qu'il serait rencontré sur une place publique
ou dans la campagne. — Que devient, avec Moduin, ce pri-
vilège des clercs ? Comment leur personne restera-t-elle
assimilée. à un asile, si eux-mêmes deviennent justiciables
des tribunaux séculiers et peuvent être saisis par les officiers
des pouvoirs laïques ?
Nous devinons aisément quelle était la réponse de Moduin
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FLORUS ET MODUIN. 383
à rargumentation de Florus. Vous me reprochez, pouvait-il
dire, de ne pas appliquer les constitutions impériales ; mais
ces constitutions ne sont pas ma règle. Le droit que j'observe,
c'est le droit de l'Empire franc. Or, d'après ce droit, en
matière civile, lors même que le procès intéresse des clercs,
la juridiction appartient toujours aux tribunaux séculiers (i).
Il est vrai que, si le défendeur est un membre du clergé, on
devra fournir k Tévêque le moyen de tenter la conciliation
des parties. Les plaideurs se rendront devant lui, soit direc-
tement, soit sur Tordre du juge. Mais,, si la tentative de
conciliation n'aboutit pas, le procès suivra son cours (2),
(i) Les juges les plus autorisés sont d*accord pour recoanaître que
M. Sohm a victorieusement réfuté, dans la Zeitschrîft fi'tr Kîrchettrecht^
u IX, p. 199 et suiv.^ Topinion de ceux qui croient que, dans l'Empire
franc, les tribunaux ecclésiastiques avaient seuls compétence pour juger
les procès civils entre deux clercs, et que, pour les contestations entre un
laïque et un clerc, la compétence appartenait à un tribunal mixte. La
thèse de M, Sohm se résume en ces mois : a Im frcenkischen Reich, dcr
Kirche eine Gerichtsbarkett in Civilsachen nicht zustand. » CL Lœning,
Geschichte des deutschen Kirchenrechis^ L II, 1878, p, 5o8 ; Maassen,
Sitjungsbenchte der Akademie der Wissenscha/ten^VÏQnne^ XCIl, p, 3i i
eî suiv., etc.
{2) Le I 4 de Tédit de Glotaire H, du 18 octobre 614; (t Ut nullus
judicum de quolibet ordine clericos de civilibus causls, prêter criminalia
negotia, per se distringere aut damnare pra^sumat », ne doit pas être
séparé du 6* canon du Concile de Paris de 6j4, qui en indique nettement
la signification: « Ut nullus judicum neque prcsbytcrum neque diaconem
aut clericum uîlum aut juniores ecclesiœ, sine scientia ponîifcis, per se
distringat aut condemnare prœsumat. n Œ le g 17 du Capitulaire général
de Charlemagne de 769 ; « Ut nullus judex neque presbyîerum, neque
diaconum aut cl e rie u m aut junior em eccleîîi^ie ûJrtra conscîeniiam ponîi'*
ficis per se distringat aut condemnare praesumat.n II faut que Tév^que soit
averti, afin qu^ii essaie de concilier les parties; une procédure officieuse
devant Tévèque doit précéder Tinstance devant le juge séculier. Mais, si
le procès n'est pas terminé en présence de l'évèque* f si negotium cleri-
corum in episcopi prœsentia non tiniatur » , on ira devant le juge
laïque, sans avoir même à solliciter lautorisation de Tévéque, « Durch
daa Edict von G 14. wurde das gerichtlicbe Verfahren gegen Geistliche
nicht an die Erlauhniss des Bischofls geknUpft, wie die frllheren Conci-
lîen es verlangt halten , sondern nur daran dass dcm Bischoff vorher
MittheiluDg gemacht worden sei» i [Lœning, toc. ctL^ p. 5i3^ note i J
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384 FLORUS ET MODUIN.
L'évêque devra même veiller à ce que le clerc comparaisse
devant le tribunal séculier. Les clercs devront se présen-
ter personnellement devant les tribunaux laïques. Il n'y a
d'exception que pour les évêques, les abbés et les abbesses,
qui pourront se faire suppléer par leurs procureurs.
Les deux opuscules de Florus nous prouvent que Moduin
observait scrupuleusement toutes les prescriptions légales.
Il reconnaissait la compétence des tribunaux séculiers pour
juger tous les procès civils des clercs ; il obligeait ceux-ci à
paraître en justice : « Ecclesiasticos ad seculare examen ire
compellit », en respectant toutefois le privilège des évêques,
des abbés et des abbesses.
Nam nisi cœnobium mater muliebre gubernans
Et sacer antistes, cetera pulvis erunt (i).
On ne pouvait donc sérieusement faire un grief à Moduin
de ce qu'il se conformait au droit en vigueur et jugeait,
comme juge séculier, les contestations pendantes entre les
clercs.
Avait-il également compétence pour juger, en la même
qualité, les délita des clercs ? Les auteurs contemporains sont
très-divisés sur le point de savoir à qui appartenait le juge-
ment des affaires criminelles, lorsque l'accusé était un clerc.
La majorité se prononce en faveur d'un tribunal mixte. Dove
pense que, en pareil cas, l'Église seule pouvait juger le
clerc. Sohm distingue entre l'instruction et le jugement;
l'instruction était du domaine des juges séculiers; l'applica-
tion de la peine était réservée aux juges ecclésiastiques. Pour
(i) M. Maassen, Loc. cit.^ p. 3 12, remarque que le texte de Florus,
pris à la lettre, pourrait même recevoir cette interprétation : Moduin ne
limitait pas le privilège des évêques, des abbés et des abbesses, au droit
de se faire représenter en justice ; il retendait jusqu'à Texemption de
toute juridiction séculière. Nous croyons que, en faisant la part d'une
certaine licence poétique, on ne trouvera pas de contradiction véritable
entre le droit en vigueur et la pratique attribuée par Florus à Moduin.
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FLORUS ET MODUIN. 385
Lœning, après comme avant Tédit de Clotaîre, les clercs
accusés de délits furent justiciables des tribunaux laïques ;
seulement, depuis Tédit de 614, le clerc condamné par le
juge séculier devait être renvoyé au juge ecclésiastique pour
que sa faute fût jugée disciplinairement et pour qu'on lui
appliquât les peines canoniques (i).
Cette variété d'opinions prouve que les textes manquaient
de précision. Moduin était sans doute partisan de l'opinion
la plus favorable au pouvoir laïque , et faisait juger par les
juges ordinaires les procès criminels des clercs (2).
En somme, pour les procès civils , la conduite de Moduin
était irréprochable. Pour les procès criminels, elle pouvait
peut-être donner prise à des objections ; mais elle n'autori-
sait pas les violences de langage du diacre Florus.
(i) Nous serions enclin à croire, avec M. Lœning, que les tribunaux sé-
culiers étaient compétents pour juger et punir les membres du clergé.
Un précieux document, que Ton rapporte habituellement au IX« siècle,
la Lex Romana Curiensis ou Utinensis, que M. Hœnel a publié, sous le
nom d'Epitome de Saint-Gall, dit nettement : « Si criminales causas clerici
commiserint, ante provinciales judices finiantur. » A l'autre extrémité de
la France, la charte 202 du Cartulaire de l'Abbaye de Saint-Sauveur de
Redon nous montre, sous la date du 24 février 858, un clerc, nommé
Anauan, condamné à perdre la main droite, comme punition d'une ten-
tative d'homicide sur un prêtre nommé Anauhoiarn; Anauan avait donc
été jugé et condamné par un tribunal séculier, et la peine lui eût été
appliquée s'il ne l'eût rachetée par l'abandon d'une vigne qu'il possédait
à Tréal (Morbihan). — Nous devons toutefois faire une réserve pour le
premier de ces témoignages. M. Schupfer a récemment publié dans les
mémoires de la Real Accademia dei Linceiy anno CCLXVIIIy une disser-
tation dans laquelle il cherche à établir que la Lex Romana Utinensis ou
Curiensis a été faite pour la Haute-Italie et non pas pour la Suisse. Voir
le Centralblatt fur Rechtswissenschaft^ décembre 1881, p. 92. Si on
admet l'opinion de M. Schupfer, la Lex Curiensis ne peut pas fournir un
argument pour la France orientale.
(2) M. Maassen, Loc. cit,^ p. 3 14, ne croit pas qu'il résulte nécessai-
rement du texte de Florus que Moduin admit la compétence des tri-
bunaux séculiers pour punir les délits des clercs. « Wessen Florus den
Modoinus beschuldigt, das kann ebensowohl von Zwangsmassregeln, die
zur Einleitung des Verfahrens dienen, als von eigentlichen Strafen vers-
tanden werden. »
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386 FLORUS ET MODUIN.
En composant son recueil d'extraits, Florus a-t-il agi avec
une entière bonne foi? Il est permis d*en douter.
Les Bénédictins ont déjà remarqué que, dans son opuscule
sur rélection des évêques, le diacre lyonnais n'a pas exacte-
ment exposé la vérité, lorsqu'il paraît supposer « que l'élec-
tion et la consécration de l'évêque de Rome se faisaient et
s'étaient toujours faites sans l'avis de l'Empereur » (i).
Nous allons constater plusieurs fautes non moins graves (2).
Florus invoque d'abord une constitution du 5 mai 33 1,
dans laquelle Constantin recommande aux préfets du Pré-
toire et à tous les juges laïques de faire exécuter scrupuleu-
sement les sentences des évêques (3). L'Empereur ajoute :
(i) Histoire littéraire^ V y p. 218.
(2) On peut s'étonner, à première vue , de ce que Florus ait invoqué, à
Tappui de sa thèse, les constitutions des Empereurs romains , alors qu'il
trouvait, dans les Capitulaires, des arguments que beaucoup de nos con-
temporains ont jugés décisifs. Sans parler du § 4 de Tédit de Clotaire, du
18 octobre 6 14, sur lequel nous reviendrons bientôt, on pourrait citer : i« le
§ 18 d'un Capitulaire de Pépin, daté de Vernon, 14 juillet 755 : « Ut nul-
lus clericus ad judiciorum laicorum publica non conveniat sine jussione
episcopi sui vel abbatis * ; — 2« le § 38 du Capitulaire ecclésiastique de
789 : « Ut clerici et ecelesiastici ordines, si culpam incurrerint, apud
ecclesiasticos judicentur, non apud saeculares » ; — 3» le | 3o du Capi-
tulaire de Francfort de 794 ; a De clericis ad invicem altercantibus aut
contra episcopum suum agentibus, sicut canones docent ita omnimodis
peragant. Et si forte inter clericum et laicum fuerit orta altercatio, epis-
copus et comes simul conveniant, et unanimiter inter eos causam diffi-
niant secundum rectitudinem » ; — 4<* le § 3 des Statuta Rhispacensia et
Frisingensia du 20 août 799 : « Statuerunt ut nullus inter ecclaesiasticos
ordines pro qualibet causa absque judicio episcopi sui vel etiam métro-
politani consensu ad judicia secularia minime audeat accedere, etc. » —
Florus pensa sans doute que ces textes , contenant simplement des pré-
ceptes de conduite pour les clercs, mais sans grande autorité pour les
juges séculiers, n'arrêteraient pas Moduin. Il aima mieux recourir à des
textes moins connus.
(3) D'éminents historiens traitent d'apocryphe la constitution de Tan-
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FLORUS ET MODUIN. 38j
« Tout plaideur, défendeur ou demandeur, pourra, quelle
que soit la hauteur de la procédure, se soumettre au juge-
ment de révêque. Le juge laïque devra immédiatement se
dessaisir, malgré toutes les résistances de la partie adverse, et
déférer le procès à la juridiction épiscopale.» — Florus établit
aussitôt entre TEmpereur et Moduin un parallèle qui n'a rien
de flatteur pour Tévêque d'Autun. — Mais il se garde bien de
dire que d'autres constitutions, notamment une constitution
qui, comme la précédente, se trouve dans les dix-huit consti-
tutions du Codex Lugdunensis édité par Jacques Sirmond, ont
abrogé la règle formulée par Constantin. Le i3 décembre4o8,
Arcadius, Honorius et Théodose limitèrent le droit pour les
évêques d'Occident de juger les procès des laïques au cas où
les parties étaient d'accord pour se soumettre à la juridiction
épiscopale: « Episcopale judicium ratum sit omnibus, qui
se audiri a sacerdotibus acquieverint, » L'évêque a donc cessé,
dès l'année 408, d'être un juge privilégié; ce n'est plus qu'un
arbitre choisi par les plaideurs (i).
née 33 1 De confirmando judicio episcoporum ; telle est encore aujourd*hu
l'opinion de M. Duruy : « On fabrique des lois telles que la trop fameuse
constitution De confirmando (Séances et travaux de l'Académie des
sciences morales, 1882, I, p. 186). » — Mais les juges les plus compé-
tents se prononcent, en Allemagne, dans le sens de Tauthenticité : la
conclusion d'Hasnel : a Hanc constitutionem non suppositam, sed Cons-
tantin! legem censeo » (Novellœ Constitutiones^ 1844, p. 439) est généra-
lement enseignée par les professeurs des Universités allemandes. Voir
notam ment Lœnmg, Gcsch ich ie d es de u isch û n Klrch en r ech ts , i B 78 ,
t. I, p- 290 et suiv\, et Schulte, Geschichie der Quel f en und Literaîur des
canonischen Rechts, IIU i, t88o, p. 573.
(i) Constiîutioties SirmoaJ. XVI IIp Heenel, p, 476; cf, L» 8, Codejusti-
nien, De episcopMî audientia^ I, 4. — Cette constitution du i3 dé-
cembre 408 Étend à î* Empire d'Occident la règle édictée, dix ans plus tôt,
pour l'Empire d'Orient, par une constitution du 37 juiUet 3^8 (L, 7, Code
Justinien, De episcopati audîeniia, 1,4); constitution que tous les édi-
teurs datent de Milan, mais qui doit être certainement datée de Mni^us
(Galatiel , puisque c'est de cette ville de Mnizus que sont datées quatre
autres constitutions du même jour (Hmntl^ Indejc Legum^ p, 62), —
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388 FLORUS ET MODUIN.
La constitution de Valentinien, Théodose et Arcadius, du
4 février 884, loin d'être favorable à la thèse soutenue par
Florus, la condamne expressément. Elle limite, en effet, la
compétence des juges ecclésiastiques aux causes ecclésias-
tiques : « Continua lege sancimus nomen episcoporum vel
eorum qui ecclesiae necessitatibus serviunt, ne ad judicia
sive ordinariorum sive extraordinariorum judicum pertraha-
tur. Habent illi judices suos nec quicquam his publicis com-
mune cum legibus : quantum ad causas tamen ecclesiasticas
pertinet, quas decet episcopali auctoritate decidi. Quibus-
cunque igitur mota fuerit qusestio, quse ad Christianam per-
tineat sanctitatem, eos decebit sub eo judice litigare, qui
prœsul est in suis partibus omnium sacerdotum, id est per
-Egyptidiœcesim... »(i). — Mais Florus a grand soin de ne pas
transcrire intégralement le texte ; il se borne à reproduire le
principe et laisse complètement dans l'ombre l'addition par
laquelle les Empereurs déterminent la sphère d'application
de ce principe. A en juger par le texte de Florus, les tribu-
naux séculiers ne pourraient jamais statuer sur les procès
des clercs; les clercs auraient des juges spéciaux pour toutes
les affaires qui les intéressent, tandis qu'en réalité la compé-
tence de droit commun appartient aux tribunaux séculiers.
Le tribunal ecclésiastique n'a qualité que « quantum ad
causas ecclesiasticas pertinet, et si quœstio mota ad Christia-
M. Lœning, qui enseigne que la juridiction fut accordée aux ëvêques par
Constantin, pour mettre les hauts dignitaires de l'Église catholique sur
un pied d'égalité avec les patriarches juifs déjà dotés de la juridiction, fait
remarquer très- justement que ces patriarches furent dépouillés en même
temps que les évêques d'Orient du privilège dont ils jouissaient. La loi 10,
Code théodosien, de Jurisdictione^ 2, i, est du 3 février 898 (Geschichte
des deutschen KirchenrechtSj t. I, 1878, p. 298). — Vers la fin du
IV« siècle, la juridiction avait donc cessé d'appartenir aux dignitaires
ecclésiastiques, et, comme elle ne leur fut jamais restituée, la constitution
de 33 1 ne pouvait justifier le grief de Florus contre Moduin.
(i) Hœnel, p. 452 et s.
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FLORUS ET MODUIN. SSq
nam pertîneat sanctitatem.» — L'omission est grave et ne
peut pas être involontaire.
L'interprétation donnée par Florus à la constitution du
9 Juillet 425, œuvre de Théodose et de Valentinien, en exa-
gère la portée. L'Empereur Jean, pendant son règne éphé-
mère, avait enlevé aux clercs le privilège dont ils jouissaient,
d'être seulement justiciables des tribunaux ecclésiastiques
pour les affaires ecclésiastiques. Grâce à cette innovation, les
clercs devaient toujours sans exception aller devant les juges
séculiers : « Clericos... indiscretim ad seculares judices
debere deduci infaustus prœsumptor edixerat», tandis que,
précédemment, les juges séculiers n'avaient compétence que
pour les procès civils et les procès criminels. — Théodose et
Valentinien révoquent une mesure qui leur paraît contraire
à la dévotion due à l'Église: ils rétablissent les prérogatives
dont les clercs jouissaient avant l'apparition de Jean : « Privi-
légia ecclesiarum vel clericorum omnium, quse saeculo nostro
tirannus inviderat, prona devotione revocamus.» A l'avenir,
les clercs seront jugés devant le tribunal de l'évêque, sans
que , toutefois , rien soit changé aux anciens règlements :
« Clericos autem omnes episcopali audientiae reservamus, his
manentibus quœ circa eos sanxit antiquitas. » La compé-
tence reconnue aux évêques par Théodose et Valentinien est
limitée aux questions qui touchent à l'organisation chré-
tienne, aux causes dites ecclésiastiques. Florus ne pouvait
donc pas se servir de cette constitution pour démontrer que
jamais les clercs ne doivent être justiciables des tribunaux
séculiers.
L'argument tiré de la constitution du 18 décembre 43o est
moins probant encore. Voici le texte exact du passage invo-
qué par Florus : « Impp. Theodosius et Valentinianus A A.
ad Albinum,PO... Deobnoxiis vero,si quiambulaverint cum
episcopo, vel cum presbytero, vel etiam diacono, sivein platca,
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j
SgO FLORUS ET MODUIN.
sive in agro, sive in quolibet loco, nullo pacto eos retineri vel
adducî jubemus, quoniam in sacerdotibus ecclesia constat.
Dat. XV Kal. Jan. Ravenna,Theodosio XIII et Valentiniano III
AA. Coss. (i). » — Cette constitution tomba presque immédia-
tement en désuétude (2). Ni dans les historiens , ni dans les
textes du droit, on n'en trouve d'application; aucune allu-
sion n'est faite à cet asile personnel. Toujours le droit
d'asile paraît limité à l'enceinte des Églises. Dès le 23 mars
43 1, Théodose et Valentinien renouvellent la défense de
porter des mains sacrilèges sur les fugitifs ; mais ils ne
parlent que des confugientes que protège le voisinage du
lieu saint (3). — La Lex Romana Wisigothorum reproduit
textuellement cette constitution de43i, avec cette Interpre-
tatio : (c Ecclesiœ ac loca Deo dicatareos, qui ibidem compulsi
timoré confugerint, ita tueantur, ut nulli locis sanctis ad
direptionem reorum vim ac manus afferre présumant ; sed
quicquid spatii vel in porticibus, vel in atriis, vel in domi-
bus, vel in areis ad ecclesiam adjacentibus pertinet, velut
interiora templi prsecipimus custodiri , ut reos timoris né-
cessitas non constringat circa altaria manere et loca vene-
ratione digna polluere (4) ». — La Lex Romana Burgundionum
suppose toujours que celui qui veut se soustraire aux pour-
suites de l'autorité séculière a ad ecclesiam confugit^ intra
ecclesiam setueritentavit(5).)) — Mêmes dispositions dans la
Lex Alamannorum^ qui ne protège que celui qui « infra januas
(i) Haenel, Corpus Legunty p. 241.
(2) Lœning, Geschichte des deutschen Kirchenrechts, I, p. 32 1, dit à
propos de la constitution de 480 : « Doch verlor dièse Vorschrift jeden-
jalls schon 438 ihre Geltung. »
(3) L. 4 , Code théodosien. De his qui ad ecclesias con/ugiunt^ 9, 45 ;
L. 3, Code Justinien, De his qui ad ecclesiam^ 1,12.
(4) Lex Romana Wisigothorum^ L. i, C. Th., IX, 35, édition Hœnel,
p. 210.
(5) Lex Romana Burgundionum^ titre II, c. 3 et 6 ; titre IV, c. 2.
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FLORUS ET MODUIN. Sq I
ecclesîae confugit (i) », et dans la Decretio Childeberti régis
du 29 février 596 : « Si ad ecclesiam confugium fecerit... (2)»
— Le privilège personnel des clercs n'existait plus ; Moduîn
n'avait pas à s'en inquiéter ni à examiner si ce privilège se-
rait compromis par la jurisprudence dont il était l'organe.
Les autres extraits de Florus pourraient donner lieu à
des observations analogues. Il suffit de les comparer aux
constitutions originales pour voir quelles différences existent
entre leur valeur réelle et la valeur que leur attribue le
diacre lyonnais.
Ce procédé d'argumentation aurait-il aujourd'hui des par-
tisans? Il faudrait être très-convaincu qu'une bonne fin jus-
tifie l'emploi des moyens les plus répréhensibles pour se
décider à l'approuver.
Mais, au IX" siècle, on était moins scrupuleux qu'on ne
l'est aujourd'hui ; les contemporains de Florus ne croyaient
pas être coupables en altérant des textes. Le célèbre arche-
vêque de Reims, Hincmar (806-882), le montra bien, le jour
où il invoqua près du Souverain-Pontife une lettre du pape
Benoît III, qu'il avait altérée et tronquée en plusieurs en-
droits. Nicolas i" lui reprocha sa maladresse plus encore
que la falsification elle-même : « Vous savez que, selon une
ancienne coutume de l'Église romaine, nous conservons
dans des registres la copie des actes expédiés par le
Saint-Siège. Comment pouvez-vous donc vous fonder sur
un titre, dont les mutilations et les falsifications apparais-
sent, dès que nous le comparons à l'acte émané de nos pré-
décesseurs ? (3) » — Hincmar n'était pas le seul coupable ; la
(i) Pertz, Monumenta^ Leges^ III, p. 47.
(2) Decretio, § 4, dans Pertz, Monumenta^ Leges, I, p. 9.
(3) Nicolai Papa I Epistola CVIII: <r Cum nobis, quos nosti utique
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392 FLORUS ET MODUIN.
correspondance du plus grand Pape du IX* siècle, Nicolas P""
(858-867), "^"s montre combien les falsifications de textes
étaient nombreuses , et combien elles préoccupaient ce
Souverain-Pontife (i). A l'archevêque de Mayence il écrit:
« Votre bonne foi a été surprise ; la lettre que Tabbé Grimold
vous a présentée n'émane pas de notre chancellerie ; c'est
l'œuvre d'un faussaire et d'un menteur (2). » Il informe
l'archevêque de Vienne que la lettre pontificale dont un
clerc, nommé Alvicus, s'est prévalu, pour demander à con-
tracter mariage, est supposée, et il l'invite à faire une enquête
pour découvrir le coupable (3). Il se plaint de ce que deux
archevêques, Theutgaud et Gonthaire, chargés de lui porter
les décisions du synode réuni à Metz pour juger la reine
Theutberge, femme de Lothaire, ont altéré le texte authen-
tique, en grattant, à l'aide d'un canif, quelques mots et en
les remplaçant par un texte de fantaisie (4).
prisco Ecclesiae romanae more in regestis exemplaria scriptorum, quse a
sede dantur apostolica reservare, et quos conjicere potuisti, cum tempore
decessoris mei darentur, ea etiam praesentialiter intuitos esse, sic mutila-
tum et depravatum idem institutum mittere non formidaveris, quam
depravatum et defraudatum nullam hujus experientiam habentibus ad
subversionem vim patientium forsitan exhibuisti. » (Migne, Patrologia^
t. CXIX, p. 1106.)
(i) Voir Rocquain, La Papauté au moyen-âge^ 1881, pages 17-20; cf.
p. i27-i3o.
(2) Nicolai Papœ I Epistola XXVI: « Epistola, quam vobis quasi a
nobis missam Grimoldus obtulit abbas , nunquam nostro est scrinio
scripta, neque a nobis édita, neque a nostra sede directa , sed omnimodis
falsitatis argumento plena, et mendacii constructa demonstratur tenore.»
(Migne, Patrologia^ CXIX, p. 809.)
(3) Epistola LIX: Alvico nunquam «uxoremducendilicentiamdedimus.
Nam exemplar epistolae quod misistis neque recognovimus, sed nec illius
stylum a nobis directum fuisse meminimus. Quo circa vestra fraternitas
sollicita investigatione perquirat, ut quis auctor illius epistolse fuerit valeat
inveniri... » (Eod. loc.^ p. 870.)
(4) Epistola CLV: « Theutgualdus et Guntharius, arrepto cultello ,
omne quod antistes providus ad deliberationem nostram servandum esse
descripserat , raserunt, nomine solo episcopi relicto, caetera sicut ipsi
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FLORUS ET MODUIN. SgS
Il y a donc pour Florus des circonstances qui atténuent
la trop grande liberté dont il use avec les textes dans son
argumentation contre Moduin.
N'oublions pas, d'ailleurs, que les populations, effrayées
par les guerres incessantes qui désolaient l'Empire, et redou-
tant les vengeances politiques des juges séculiers, n'étaient
pas hostiles au développement de l'autorité épiscopale. Sans
aller aussi loin qu'Ozanam, qui ne voit que de simples
supercheries, parfaitement naturelles, dans les tentatives
faites pour placer les empiétements du pouvoir ecclésias-
tique sous la protection des monuments de l'antiquité (i),
au moins faut-il reconnaître que l'heure devait paraître
propice aux membres les plus distingués du clergé pour se
mettre au-dessus du pouvoir séculier.
Louis-le-Pieux passait des heures entières à prier et à
pleurer, le front sur le pavé des églises ; ses conseillers inti-
mes devaient parfois lutter contre lui pour l'empêcher de des-
cendre du trône et d'aller s'ensevelir au fond d'un monastère.
Il se soumettait spontanément à des pénitences publiques,
à des pratiques rigoureuses, que les rudes guerriers d'Aus-
trasie qualifiaient sévèrement, mais qui étaient la preuve de
rinfluence toujours croissante des membres du clergé sur
l'esprit de l'Empereur,
Pourquoi les clercs n'auraient - ils pas profité de cette
influence pour obtenir de grands privilèges ?
Déjà Florus avait composé sur l'élection des évêques un
traité dans lequel il essayait d'établir, contrairement à la
pratique de Charlemagne, que les évêques pouvaient être
voluerunt temere perscribentes. » (Eod, loc.^ p. 1170). — Cf. Epistola
XCVIII: Nicolas parle d'une lettre qu'il a écrite à T Empereur de Cons-
tantinople, a epistola falsata per Rhadoaldum et Zachariam episcopos »
(Eod. loc,^ p. 102 1).
(i) Ozanam, Études germaniques^ 3« édition, t. II, p. 289.
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$94 FLORUS ET MODUIN.
élus sans que l'Empereur eût été consulté. Le Capîtulaire
d'Attignî, en 822, avait consacré la thèse soutenue par le
diacre de Lyon (i).
Le succès dut l'encourager à poursuivre son oeuvre en
s'efForçant de soustraire les clercs à la juridiction des tribu-
naux séculiers. Il espérait par là, avec beaucoup de raison,
secouer le joug que Charlemagne avait fait peser sur le
clergé.
Il n'était pas seul à méditer ce dessein. En lisant les
opuscules de Florus, on songe naturellement à deux autres
œuvres du IX' siècle, les fausses décrétales et les faux capi-
tulaires.
Il y eut toutefois entre Florus, d'une part, et, d'autre part,
Benedictus Levita et le Pseudo - Isidore, une dififérence
curieuse.
Florus essaya de justifier sa thèse au moyen de constitu-
tions impériales, inexactement reproduites ou mal inter-
prétées, mais parfaitement authentiques. Pour découvrir
l'erreur, il suffisait de se reporter aux textes originaux, de
les lire attentivement et de préciser leurs solutions.
Les autres furent plus habiles. L'un démontra sa thèse à
l'aide de prétendus capitulaires des rois francs ; l'autre
l'appuya sur de pures élucubrations auxquelles il donna le
titre respectable de décrétales des Souverains - Pontifes.
Habilement mêlées à des pièces authentiques, les pièces
apocryphes furent acceptées de confiance, et, malgré quel-
ques protestations isolées, tenues pour sincères. Le succès
fut même très-rapide; car les pseudo -décrétales ont été
rédigées dans la province de Reims, de 847 à 853, proba-
blement vers 85 1 ou 852, et, avant la fin du IX' siècle, sous
(i) Les auteurs de V Histoire littéraire^ t. V, p. 218, pensent que le Capi-
tulaire d'Attigni a précédé Técrit de Florus ; mais de graves objections
peuvent leur être adressées.
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FLORUS ET MODUIN. Sgb
le pontificat de Jean VIII (872-882), elles sont incontesta-
blement admises à Rome. D'excellents auteurs croient même
que leur marche fut plus prompte et reconnaissent leur
influence dans les actes de Nicolas P*" (858-867) ^t d'Adrien II
(867-872).
Le but que Florus avait en vue dans sa lutte contre
Moduin était maintenant atteint. Lorsqu'il mourut vers
860, la règle que les clercs ne sont pas justiciables des juges
séculiers commençait à prévaloir. Bien que la victoire fût
due à d'autres armes que les siennes, le vieux diacre lyon-
nais dut assister avec joie au triomphe de la cause pour la-
quelle il avait combattu. Il pouvait enfin dire avec vérité :
« Et gallîna pios pennarum tegmine fétus
Mystica mundanis texit ab insidiis. »
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TABLE DES MATIÈRES
PAR NOMS D'AUTEURS
DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXI*
CAILLEMER. — L*abbé Nicaise et sa correspon-
dance I
— Lettres inédites du cardinal Mazarin au cardinal
Alphonse de Richelieu, archevêque de Lyon. . . . 299
— Florus et Moduin. (Épisode de l'histoire de Lyon
au IX* siècle) 367
CHARVÉRIAT. — Note sur un point relatif à la
bataille de la Montagne Blanche 3o5
ROUGIER. — Les idées nouvelles en économie poli-
tique 309
FIN DE LA TABLE PAR NOMS d' AUTEURS
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TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME XXI*
État de r Académie au i'"" janvier i885
Prix décernés par l'Académie
L'abbé Nicaise et sa correspondance, par M. E. Cail-
LEMER I
Lettres inédites du cardinal Mazarin au cardinal Al-
phonse de Richelieu, archevêque de Lyon, par
M. E. Caillemer 299
Note sur un point relatif à la bataille de la Montagne
Blanche, par M. Charvériat 3o5
Les idées nouvelles en économie politique, par M. Paul
RouGiER 309
Florus et Moduin (Épisode de l'histoire de Lyon au
IX* siècle, par M. E. Caillemer 367
Lyon, Astoc. typ., rue de la Barre, 12. — F. Plan, directeur.
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